²│♠︎ 𝕆𝕤𝕒𝕊𝕦𝕟𝕒 | 𝚂𝚞𝚗𝚊 𝚁𝚒𝚗𝚝𝚊𝚛𝚘̄
²| 𝙳𝚎𝚞𝚡𝚒𝚎̀𝚖𝚎
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²⁹ ⁰⁸ ²⁰²³
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³ ⁰⁹ ²⁰²⁴
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²⁴⁰⁹ ᵐᵒᵗˢ
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|• 𝓑𝓸𝓷𝓷𝓮 𝓛𝓮𝓬𝓽𝓾𝓻𝓮 •|
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CETTE VILLE, DE NUIT, AVAIT UN ASPECT D'ABANDON. Il y avait quelques personnes qui traînaient sur les trottoirs ou dans certaines terrasses de restaurant ou de bar. Une poignée d'entre elles devaient être à moitié éteinte par l'alcool et, l'autre moitié, devait être pressée d'écourter cette nuit qui pointait le bout de son nez.
Tout le monde y était bruyant, des musiques s'envolaient parfois des bâtiments mais surtout, il y avait cette légère brise dans l'air qui se promenait depuis la plage, un vent de fraîcheur et, certainement, un arrière goût de salé.
— Y'aura personne ce soir avec moi. Juste toi et moi, Osamu chérie. Si j'vois une seule personne intéressante, j'te traînerait derrière moi pour l'aborder. ( Elle a fait une pause, ses yeux noisettes passaient de l'un de mes grains de beauté à un autre ) Notre mission d'aujourd'hui, c'est d'se faire des potes !
J'ai légèrement ri à sa remarque. Elle débordait d'énergie et s'amusait à me le montrer en s'appuyant avec désinvolture sur moi.
Kyoko se tenait à mon avant-bras, quand je la regardais de profil, je voyais de légères tâches de maquillage : ses yeux étaient légèrement peints et sa peau paraissait beaucoup plus lisse avec la flaque de fond de teint qu'elle y avait mise. Et pourtant, sur elle, ça n'avait pas l'air si lourd que ça.
Son attention était portée en direction d'un pâté de maisons, des maisons grises faites pour la majorité grâce au temps. Elles étaient plus toutes neuves et se faisaient lentement bouffer par la mer, par le sable et l'air salé de la mer.
J'avais la sensation de retrouver ici un tableau en constante évolution.
Même si la plage est à plusieurs kilomètres, il y a énormément de grains de sable qui trainent dans les rues de la ville. Les buissons en sont envahis alors que la plupart des parterres sont couverts d'une légère couche de neige. Même les lampadaires dorment avec l'odeur du sable, et la lumière apparaît plus tamisée qu'à d'autre endroit du pays.
Ça donne un aspect enseveli, vieilli. Comme une cité enfermée sous de l'eau.
En vérité, je suis persuadé que le sable n'est qu'un large drap qui couvre les meubles lors d'un déménagement ou d'une absence. Comme dans les films.
Les boîtes aux lettres ne sont plus vertes et les portails sont, pour la plupart, plus rouillés qu'accueillants.
C'est pas comme si personne ne vivait ici.
— On est arrivé mon p'tit Osamu !
Au milieu de toutes ces maisons, il y avait une enseigne en néon. Rose et bleu, peut-être qu'il y avait un peu de vert. L'endroit était accessible après avoir grimpé quatre minuscules marches, il y avait des bordures tout autour d'une assez petite terrasse en bois. Personne n'était dehors mais il y avait quelques machines où l'on insère une pièce pour gagner un cadeau aléatoire.
Kyoko ne s'est pas arrêtée là, elle a poussé avec confiance les portes en bois du bâtiment.
Immédiatement, une légère musique s'est infiltrée dans mes oreilles alors que des voix plus bruyantes encore qu'à l'extérieur comblait le silence.
Je l'ai suivi, plus discrètement, j'avais l'impression d'être un intrus dans ce monde-là, alors que ma cousine s'installe directement à l'une des places de l'enseigne sans même regarder autour de nous.
Moi, j'avais un air perdu au visage, j'admirais chaque millimètres carré de l'endroit. Il y a tellement de lumière et pourtant, le seul ton que je remarquais était celui du noir.
Il y avait des tables en ardoises de partout, encerclées par des fauteuils matelassés gris en forme de U.
Kyoko m'a tiré vers le comptoir où déjà quelques silhouettes étaient installées sur plusieurs mètres. Personne n'était vraiment à côté mais en s'asseyant sur l'un des tabourets de l'endroit, je me suis rendu compte que c'était tout comme.
J'entendais les conversions de types à ma gauche alors que j'étais perdu dans celle qu'Kyoko essayait d'avoir avec le barman à ma droite.
Le serveur avait l'air enjoué de part son sourire, c'est d'une rapidité déroutante qu'il s'est tourné vers l'arrière où il a parlé avec une tierce personne puis qu'il est revenu vers nous, deux boissons à la main.
Je n'avais strictement aucune idée de quel genre de boisson il s'agissait quand Kyoko a fait glisser d'un geste rapide le verre courbé en ma direction.
— Tu vas voir ça a un goût sucré, c'est pour ça que j'te l'ai pris, si t'aimes pas tu le dis et t'évites de tout recracher.
Ses lèvres à elle étaient déjà déposées dans le liquide, j'avais les miennes tordues dans un léger rire.
— Tu m'prends trop pour un gamin !
Le verre a légèrement tapé sur le bois sombre du comptoir.
— Mais, t'es un gamin Osamu...
Peut être que je voulais prouver quelque chose, mais je me suis bêtement lancé sur la boisson, j'y ai bu une large gorgée.
Le goût n'était pas affreux, il était légèrement sucré mais avait un arrière goût alcoolisé.
C'était pas mauvais.
Mais j'avais la tête tout ailleurs et, soudainement, une toux sèche s'est incrustée dans mes poumons, j'essayais maladroitement de reprendre ma respiration.
Mes yeux étaient perdus et les couleurs du bâtiment étaient devenues moins nettes.
Mes yeux étaient bloqués sur quelque chose, dans un coin de la pièce.
Kyoko s'est rapidement mise à rire bruyamment, ses mains jouaient d'elles même un applaudissements alors que des larmes étaient à la limite de quitter ses yeux.
Je ne faisais même pas attention à son rire de phoque. J'avais juste l'impression d'avoir une hallucination.
Une étrange et dérangeante hallucination.
C'était un mirage, là, non ?
J'avais la gorge sèche alors que mes yeux ne quittaient plus l'une des silhouettes du bâtiment.
En réalité, il y en avait deux. Même que les deux silhouettes n'étaient pas dans une position très amicale, elle était plus subjective qu'autre chose même.
Je devais avoir un visage exagérément choqué en vue de la réaction d'Kyoko.
Son rire s'est rapidement stoppé comme un disque rayé et son regard s'est lancé en direction d'où je regardais.
Il y avait deux garçons, deux garçons qui se dévoraient littéralement la langue.
— C'est qui ? Tu les connais ?
Ses yeux étaient pétillants à elle, son visage et son dos étaient dressés, elle n'a jamais eu l'air autant enthousiaste qu'à ce moment même.
Moi, je ne savais même pas quoi répondre.
J'avais juste l'affreuse impression de devenir fou.
Mes mots sont sortis peu confiant, c'était juste incroyable, dans le vrai sens du terme.
— Quelqu'un de mon lycée.
Et pas n'importe qui.
Suna Rintarō.
Ses cheveux étaient collés sur son front alors que ses mains traînaient sur le corps, sur la taille, sur le visage, sur la nuque d'un autre garçon.
Ses lèvres étaient sans arrêt collées à celles de son vis-à-vis et mes yeux devenaient fous.
Suna Rintarō est hétérosexuel.
Suna Rintarō est en couple avec une fille depuis plusieurs longues années.
Suna Rintarō ne peut pas être là, ici, à embrasser un... Un inconnu ?
Kyoko s'est agitée sur sa chaise, le robe évasée qu'elle revêtait s'est pliée à plusieurs reprises alors qu'elle venait de se lever de son tabouret.
J'ai senti ses mains empoigner mon avant bras alors que mon cœur devenait, lui aussi, fou.
— Sérieux ??? Trop bien !
J'ai senti ses ongles, froids, frotter avec maladresse contre ma peau alors qu'elle me tirait vers Suna Rintarō.
Vers Suna Rintarō.
Mes mains à moi étaient devenues moites, mon visage et moi étions devenus rouges.
Roses. Écarlates. Pourpres.
J'avais l'étrange impression que je ne devrais pas être là. Que je n'aurais pas dû voir Suna Rintarō embrasser un autre garçon.
Gênant. Embarrassant. Bizarre.
Rintarō a relevé son visage, l'autre homme s'est décalé de lui, il avait ses sourcils froncés alors qu'il se collait nonchalamment à la banquette arrière de leur fauteuil.
Nos yeux se sont croisés, à Rintarō et moi, j'ai vu dans ces même yeux une étincelle de surprise, de peur, de terreur.
D'un peu tout à la fois.
Ses lèvres ont légèrement bougé, peut-être qu'il allait parler mais il ne l'a pas fait. Ses yeux, paniqués, divaguaient de Kyoko à moi, de moi à Kyoko.
Je crois qu'il m'a reconnu.
Et qu'il a autant eu envie de mourir que moi, j'allais finir par mourir embarrassé.
Mes mots restaient bloqués dans ma gorge. Peut être qu'il fallait que je m'excuse ? Que je lui demande pardon pour être arrivé là, en face de lui, pour avoir pénétré son espace privé.
Pour l'avoir vu, surtout.
— Enchanté, Kyoko, cousine de Osamu, tu dois être...
Ses yeux maquillés se posent sur moi, elle m'adresse un regard entendu, attendant que je lui fournisse une réponse.
Mes mains s'agitent sur mon jeans, le bout de mes doigts défroissant frénétiquement les plies inexistants de mon vêtement.
Je n'arrive qu'à une chose, lui rendre son regard, paniqué et sans aucune stupide réponse.
— Rintarō. Suna Rintarō.
Elle est surprise de l'entendre parler autant que je le suis.
Suna Rintarō revêt désormais un air nonchalant, il n'y a plus aucune surprise dans son regard et ses yeux ne sont plus fuyant.
Il y a un air de "je m'en fous", un air faux.
J'ai rapidement dressé mon regard vers lui. Il avait l'air agacé, ses traits sont tirés et il n'y a pas une seule trace de joie sur ce visage. Alors que, un instant plus tôt, il avait toutes les raisons de l'être.
Je me sentais tellement petit. Si petit.
Gêné. Aussi, surtout.
Qu'est-ce qu'on foutait là ? Qu'est-ce-que je foutais là ?
Je déteste Kyoko pour ça, parce qu'elle est trop impulsive.
— Et toi ?
Elle adresse un sourire sympathique, à l'autre adolescent. Je devine qu'il s'agit d'un adolescent car sa peau est parsemée par endroit de quelques traits abîmés.
Lui, il n'avait pas l'air si agacé que ça mais il n'avait juste aucune envie d'être là.
— Haruto.
Il souffle son prénom, rapidement, il le jette juste.
Rintarō n'a eu aucune réaction. Mais comme s'il n'était pas assez éloigné de lui, il s'est légèrement décalé en essayant d'être discret.
Comme si on n'allait pas le voir. Comme si, idiotement, il était possible qu'on ne comprenne pas.
— On peut tous devenir amis nan ?
Ma tête tourne dramatiquement vers Kyoko alors que son sourire prend les trois-quarts de son visage.
Mes joues deviennent rouges en un claquement de doigts et la chaleur qui s'immisce mesquinement en moi dû à l'embarras s'imprègne dangereusement de tout mon corps.
Il faut pas être un génie pour comprendre que le gars n'était pas là pour ça.
Que, Suna Rintarō n'était pas là, non plus, pour ça.
Pour faire ami-ami.
L'autre garçon prend justement un léger temps pour replacer convenablement les tissus de sa veste, ses mains agrippent un portable posé sur la table en ardoise, avant qu'il ne se lève.
Soudainement mais si doucement.
— J'vais y aller moi hein...
On entend ses pas claquer sur le sol alors qu'il n'adresse même pas en détour un regard à son ancien, supposé, amant.
Il y a un moment de blanc vite évaporé par Kyoko.
— Pas très sympa ton p'tit ami.
Au froncement de sourcil de Rintarō, mon cœur fait un mouvement étrange.
Je sais que ça ne peut pas être plus embarrassant que sur le moment mais chaque mots qu'elle prononce rajoute un instant de flottement autour de la table.
Je bouscule maladroitement son épaule alors que j'essaye de dire d'une manière détachée :
— C'est pas... C'est pas son...
Rintarō me dévisage.
Mes articulations se bloquent.
— C'est pas mon mec.
Il le dit plus sèchement.
Il le dit beaucoup plus sèchement.
Ça ne pouvait pas être son copain, Rintarō est en couple avec Shuhua, une terminale du lycée. Ils se connaissent depuis des décennies et sont réputés pour leur couple qui dure et qui tient malgré la popularité de chacun.
Justement, grâce à la popularité de chacun.
Kyoko se penche exagérément vers mon oreille, elle y murmure :
— Ils sont bizarres entre amis ici.
Mes yeux se posent d'eux même en direction de Rintarō avec l'espoir qu'il n'ai pas entendu ce qu'elle venait de dire.
Bien sûr qu'il avait entendu.
La situation est déjà assez ridicule pour qu'elle ne le soit pas plus.
Pourtant, Rintarō n'y fait pas attention, ses billes verdâtres s'adressent à moi de temps à autre mais il regarde surtout vers l'extérieur.
Il essaye de fuir mon regard qui l'a pris, quelques instants plus tôt, en foutu flagrant délit.
Ma cousine reprend, une mèche qu'elle entortille autour de son doigt :
— Haha...nous voilà dans une situation très cocasse.
Rintarō ne répond rien. J'ai la sensation de mourir sur le moment. Si lui ne l'a plus, c'est qu'il l'a juste très bien enfoui à l'intérieur de lui.
— Mais du coup... On peut quand même être ami toi et nous ?
Blanc.
J'ai l'immense envie de me taper très fort la tête contre la table.
Rintarō regarde une énième fois autour de nous. Dans un instant de flottement, il dépose une œillade à la table. Il y a deux verres à moitié vide.
À moitié plein.
Son visage se dresse enfin vers nous.
Il nous englobe tous les deux dans un rapide sourire, hypocrite.
Je crois.
Un sourire qu'il ne pense que très peu.
— Je dois vous laisser.
Son buste souvent penché par le poids du monde se dresse, son t-shirt évasé est rapidement tendu vers ses hanches et son jean large s'écrase sur ses bottines.
Rintarō ne nous adresse pas un regard quand il nous contourne par l'autre côté du fauteuil en U, il passe par le comptoir où il laisse glisser quelques billets entre les mains du barman.
Kyoko avait cette mimique mi étonnée mi amusée sur son visage.
— Super ton lycée hein...
Je crois que, de Suna Rintarō et moi, j'étais le moins "super" des deux.
Je me sentais mal de l'avoir surpris, ici, comme ça.
Je l'ai toujours trouvé trop gentil. Trop gentil pour la place qu'il occupait. Il n'a jamais rien eu d'hypocrite, il a juste un visage souriant qu'il adresse à tout le monde.
Mais cette facette là, celle qu'il avait ce soir-ci, j'avais l'impression qu'elle était différente de celle du lycée.
Peut être car j'aimais trop m'intéresser à lui et que j'aimais voir que tout n'était pas impossible et inatteignable dans la vie.
On avait laissé nos boissons sur le comptoir mais je n'avais plus très soif.
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Blue Summer - ATEEZ
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