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⁴¹ | 𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚀𝚞𝚊𝚛𝚊𝚗𝚝𝚎-𝙴𝚝-𝚄𝚗

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⁵⁶⁶⁵ ᵐᵒᵗˢ
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|• 𝓑𝓸𝓷𝓷𝓮 𝓛𝓮𝓬𝓽𝓾𝓻𝓮 •|











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NA JAEMIN

24 Mai














JE SAIS QU'IL VA OUVRIR LA PORTE dans une ou deux minutes.

Ce qui est marrant dans cette maison, c'est qu'il est facile d'écouter les conversations alentour quand on se colle suffisamment au mur des pièces. Et, qu'il n'y a, surtout, plus un seul bruit.

Alors, collé au mur qui lie ma chambre au salon, je sais ce que Lucas est en train de demander à Jungwoo.

Puis, j'ai entendu la porte d'entrée se fermer, la télé retrouvé de son son et des pas feutrés s'inviter dans le minuscule couloir.

Je me suis reculé du mur, rapidement, pour paraître moins suspect. Il y a eu quelques secondes de battement, moi stupidement figé au milieu de la pièce, le regard braqué sur la porte.
Jungwoo, de l'autre sens, son poing au-dessus du bois qu'il s'apprêtait à faire cogner.

Il y a eu trois coups. De légers coups.

Je n'ai pas bougé sans trop savoir si j'étais pétrifié ou attentif.

La porte s'est ouverte lentement, un coulissement interminable, presque insupportable.

            —         Je peux rentrer ?

Sa voix pâle, calme. Cette intonation agréable qu'il a quand il parle que ce soit à moi ou à Lucas.

Je ne dis rien, il prend ça pour un oui.

Il fait d'abord passer son visage : un sourire plus que poli aux lèvres. Puis il fait passer son corps, sa tenue de travail déjà enfilé, prêt à partir, je sais qu'il s'occupe du bar en début d'après-midi les jours de semaines.

            —       On peut parler ?

J'ai rien contre lui. Je sais qu'en réalité, je n'ai jamais rien eu contre lui. Juste peut-être un soupçon de jalousie mais jamais plus.

            —        Si tu veux.

Je me décale du milieu, me déplace jusqu'à mon lit, je me pose au sol, sur un tapis, sans faire attention à son regard surpris. Il s'approche à son tour, lentement pour ne pas effrayer l'animal sauvage. Jungwoo s'installe sur le lit, ses jambes qui dépassent presque collé à moi assis sur le sol.

Son sourire perd un peu de son épaisseur, il revêt un air sérieux, je me croirais sur la table du salon, face à mon père ou parfois à ma mère qui veulent me demander pourquoi mon bulletin est si mauvais.

Mais je sais que c'est pas pour ça, que Jungwoo s'en fou de mes notes.

               —        Tu ne veux plus aller en cours ?

Qui, de parfaitement sain, veux aller en cours ? J'hausse les épaules pour toute réponse. Ça ne me dérange pas d'y aller, ce qui me dérange sont ceux qui s'y rendent aussi. Je sais que si j'y vais, ils vont tous me regarder et je déteste être observé. Je ne vais pas au lycée pour être au zoo.

Puis y'a Jeno.

                —          Il s'est passé quelque chose ?

Putain, j'ai tellement envie de le revoir.

Mais je sais que c'est mauvais, ça va juste me conforter dans l'idée que c'était rien pour lui.

Et ça, ça me donne envie de pleurer.

             —        C'est ton père ?

             —        Non !

Pour une fois que c'était pas lui, j'allais pas lui donner le plaisir d'être responsable d'une de mes peines.

En tout cas, ses yeux se sont ouverts, surpris par mon intonation.

             —         Alors c'est des gens du lycée ?

Quand il voit que je ne suis pas trop réceptif, il reprend. Mais sa voix hésite,  comme s'il avait peur de me brusquer:
 
               —        Tu sais, y'avait un garçon au lycée qui ne m'aimait pas trop parce que j'aimais pas les trucs de mec. Ils passaient leur journée à jouer au foot pendant que je les passais avec un groupe de filles. J'suis sûr que c'est parce qu'il sait que je trainais avec plus de meuf qu'il n'aurait jamais de copine qu'il me détestait.

Ça me fait ricaner.
          
              —       Et bien ce type il a arrêté de me faire chier quand il s'est rendu compte que je faisais pas attention à lui.

Il croit que je me fais harceler, que ça me gêne de l'avouer.  S'il savait que ça n'a aucun réel rapport.

Ici, c'est plus compliqué. Y'a trop de gens qui m'en veulent même s'ils n'ont aucun rapport avec l'histoire principale. Il y a beaucoup trop de personnes qui se sentent concernés sans l'être. Ils ont l'air de vivre ma vie sans s'y convier.

               —          Ça te coûte rien d'essayer. Tu mets tellement d'effort dans ton année que ce serait dommage de la laisser s'envoler comme ça. On t'a vu travailler avec Jeno, tellement de fois, ne te laisses pas déranger par des abrutis.

Jeno. C'est le seul nom qu'il n'aurait pas dû dire. Ça m'arrache une grimace et lui-même le remarque. Ça fait remonter quelque chose d'acerbe dans ma gorge, un arrière goût de fumé sur lequel je ne dois surtout pas me concentrer.

             —      Pourquoi tu m'aides ? Tu sais que j'ai couché avec Lucas ?

Ses traits qui s'affaissent, une milliseconde, certes, mais ses traits joviaux qui disparaissent quand même.

Pourtant, son sourire quand il revient, il revient en bien plus grand.

             —      Oui je sais et ce qui appartient à hier appartient au passé. J'ai rencontré Lucas de la même manière que toi, j'ai pas mon mot à dire la dessus.

Ça, ça me surprend plus que ça ne le devrait.

Jungwoo, ça se voit qu'il a toujours été une meilleure personne que moi.

              —         OK.

Ses lèvres s'entrouvrent mais à la place, il se lève plus souriant encore que l'instant d'avant. Debout face à moi, il me tend un bout de papier plié.

             —        Si ça se passe mal au lycée, tu m'appelles immédiatement et je viens te chercher.

Je ne sais pas pourquoi j'y suis retourné. En plein milieu de journée, juste après la pause repas. J'avais aucun cours en commun du matin et de l'après-midi donc aucun professeur ne pouvait savoir que j'étais absent.

Je ne sais pas ce qu'il m'a pris d'y aller comme ça. Je pense que si j'avais attendu le lendemain, j'aurais cogité toute l'après-midi sans Jungwoo ou Lucas à l'appartement et je n'y serais pas retourné.

À l'entrée du lycée, il y avait bien quelques têtes qui m'ont jeté des coups d'œil, le surveillant qui attendait que la pause soit finie pour fermer le portail. Il m'a regardé comme s'il était encore plus surpris que moi que je mette les pieds dans l'enceinte du lycée. Pourtant, ce type je ne le connais même pas.

En traversant la cour, j'ai repéré dans un coin une table pleine. Celle où on s'assied habituellement. Ils étaient cinq pas une seule trace de Jeno. Peut être pour le mieux.

Même si réticent, je me suis approché de leur position.

Ils étaient tous affalés sur la table, leur portable en main en train de se distraire. Y'avait juste Donghyuk qui était installé sur Mark, sa tête penchée en arrière sur son épaule. Ses yeux grand ouverts, il devait se les brûler à regarder le ciel bleu au-dessus de nos têtes.

C'est sûrement mon ombre ou le bruit de mes pas qui a relevé leur visage en ma direction. Ce sourire gêné malgré tout qui gravissait lentement mes lèvres.

Donghyuk s'est redressé d'un coup, son buste brutalement droit qui fait grimacer Mark sous le mouvement. Il a grogné aussi, une main contre ses hanches pour qu'il arrête de bouger.

Jisung, lui, ce sont ses lèvres qui se sont décollées. Une mimique rayonnante, étourdissante.
          
             —       Mais non un revenant !

C'est Chenle qui dit ça alors qu'à côté de lui, Renjun me fait un sourire copié à celui de Jisung.

Je déteste cette sensation d'être épié. Je suis persuadé que toutes les personnes autour de nous se sont tournées elles aussi pour nous regarder.

             —      T'étais malade ?

Mark me demande, même s'il ne voulait pas le montrer, il y avait cette pointe d'inquiétude qui se lisait dans son timbre de voix.

             —      Ouais.

Les sourcils de Donghyuk qui se froncent, septique. C'est rare de le voir les sourcils froncés, de le voir autrement que moqueur ou rieur. Peut-être que j'ai perdu ma qualité de bon menteur.

                 —         Je croyais que tu venais pas à cause des autres abrutis qui se mêlent de ce qui ne les regardent pas.

C'est encore Chenle. C'est toujours Chenle quand il s'agit de dire ce qu'il pense, ce que les autres pensent aussi mais qu'ils n'osent pas dire. Lui, il n'a pas peur d'être blessant. Il n'est pas comme Mark qui n'ose pas dire ou Jisung qui, normalement intimidé, se tait juste.
 
             —       De toute manière j'espère que tu sais que ce sont tes histoires et qu'on s'en fout, tu restes le Jaemin chiant qu'on connaît.

Donghyuk acquiesce vivement pour appuyer les propos de son copain.

En réalité, peut être que Mark c'est pas qu'il n'ose pas. C'est plus qu'il n'a pas assez confiance en ce qu'il veut dire pour le dire sans filtre.

Ils savent que c'est vrai. Ils ne le disent pas mais ils savent que c'est vrai.

             —      Et Jeno ?

Je me sens faible en prononçant ces petits mots. Je les écoutais, je les regardais mais je le cherchais lui.

Je me déteste de le chercher lui quand ils sont là à sa place pour me dire d'une certaine manière que tout va bien.
         
             —       Jeno quoi ?

C'est là que Chenle se désintéresse de la conversation, Jisung lui, son regard ne me quitte pas mais il ne parle pas. Donghyuk, lui, suit les lèvres de Mark, son visage exagérément tourné vers lui.

             —      Pourquoi il traîne plus avec vous ?

             —       Je sais pas, je crois qu'il s'est fait disputer par sa meuf parce qu'il passait pas assez de temps avec elle. Donc... Il reste plus avec elle.

C'est bien ce que je me disais.

             —        Ah bah, en parlant du loup !

C'est Donghyuk qui l'a vu, qui les a vu. Tourné vers Mark, il y avait ce petit groupe jeté en plein milieu de sa vision.

Peut être que je me précipite trop quand je me tourne vers où il regarde. Il y a bien Jeno, oui, un peu en retrait à l'arrière du petit tas de bêtes. Pour la plupart, ils portent la tenue de sport de l'établissement, des vestes entrouvertes ou accrochées à leur taille.

Jeno ne regarde pas vers nous. Pas une seule fois.

Et au lieu de croiser son regard à lui comme je l'aurais souhaité, c'est celui d'un des types que je croise. C'est le même que la dernière fois, celui qui s'est permis de déposer ses pattes sur mon visage. Il me regarde avec un sourire, un sourire tout sauf gentil. C'est pas le seul qui m'a regardé mais c'est celui qui l'a fait avec le plus d'intensité.

Y'a un frisson qui s'infiltre par mon échine, une sueur froide qui perle le long de mon dos.

Quand on s'est tous rendu dans nos salle de classe respective, Chenle s'était empressé de libérer la place à côté de son bureau. Il a rapidement rangé quelques feuilles qui traînaient et avec amusement, il a même nettoyé ma chaise de sa main.

              —         J'ai gardé ta place au chaud !

Et même si ça me fait rire, toutes mes expressions s'envolent dès lors que Jeno rentre dans la classe. Il est tellement beau. Il a coupé ses cheveux, sa nuque est dégagée et les traits de son visage éclaircis. Ses yeux sont à peine cachés sous sa frange. Il porte le même t-shirt que les autres abrutis, un haut blanc qui colle à son torse, ça met en relief l'aspect fin de sa taille.

Pourtant, ça m'arrache un frisson de dégoût.

L'image de Hye-sun accolée à son corps, sa main qu'elle serre autour de son biceps, sa veste à lui qui couvre ses épaules à elle.

Et c'est cette image, sans doute, qui au-delà de me donner la nausée, me comprime l'estomac. Il se serre, se serre tellement qu'il me fait atrocement mal au ventre.

Quand elle le libère pour aller elle même à sa place, je me trouve stupide à les lorgner tous deux du regard. Je suis ses mouvements, à Jeno, je le suis de mon regard jusqu'à ce qu'il prenne place sur sa chaise et que son visage se tourne vers le tableau comme un automate.

Y'a un drap, un drap qui couvre finement mon corps. Son regard ne me traverse même pas, il me survole.

Mes doigts se serrent, mes ongles qui tranchent finement ma peau. Et c'est comme ça, exactement comme ça que je me rends compte qu'il y a tellement de moyen de se faire mal pour ne pas avoir mal.
































J'ai compris, pourquoi, ou plutôt, le sens de ce regard que ce gars m'avait lancé. Ce sourire qu'il y avait ajouté. J'ai compris quand en sortant du lycée, bien que je voulais me persuader du contraire, j'ai remarqué qu'ils me suivaient.

Pas que lui mais que eux aussi.

Les mêmes qu'avec Hye-sun mais sans Hye-sun.

On n'était pas dans la même classe, ils étaient restés à attendre patiemment à la sortie du lycée. En troupeau, parce qu'ils se promènent toujours en troupeau. J'ai su qu'ils m'attendaient moi, quand tous, sans exception, ont déposé leur paires d'yeux sur ma silhouette.

Et c'est à cet instant là que je me suis rendu compte qu'avant, je n'avais jamais réellement été cette proie apeurée et observée. On me regardait, oui, mais pas comme eux l'ont fait.

Ces chasseurs, cachés dans un buisson qui attendent patiemment et un verre dans le nez que le petit animal soit distrait pour laisser partir la balle.

Alors, en marchant, j'ai entendu leurs pas qui me suivaient. Ces pas qui m'écrasent, ces ricannements qui m'affaiblissent. Ils ne savaient pas être discrets ou ils ne voulaient pas l'être.

J'essaye d'accélérer le pas, mais derrière, ce sont leurs voix qui ne sont plus couvertes. J'entends des bruissements de paroles, des mots vulgaires, des mots blessants. Ils parlent entre eux mais de moi.

Avant toute cette histoire, ils n'avaient aucune raison de m'intimider. Ils ont toujours détesté mon comportement, mon caractère mais ils le camouflaient. Maintenant, c'était comme une libération, ils avaient trouvé une raison. Et le fait que maintenant ils en avaient une, rendait le tout plus légitime de leur point de vue. J'ai blessé leur ami, j'ai eu un comportement odieux envers elle en sachant très bien qu'elle était avec Jeno. Sûrement que je mérite tout ça. Pourtant je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est rien d'autre que de l'homophobie mal cachée.

Mon épaule se fait accrocher, l'un d'eux me colle contre un mur en brique. Ça fait vibrer mon dos, ça alourdit mon poids, rend fébrile mes jambes.

Il n'y a pas grand monde autour, voir même personne. Il y a des voitures qui passent mais pas de passants. On est au même endroit que la dernière fois, peut-être un peu plus loin mais un peu plus proche de chez Lucas. Je prie tous les dieux, si tant est qu'ils existent pour faire en sorte qu'un voisin de palier ne sorte de l'immeuble et qu'il me reconnaisse. Je sais que c'est impossible, il n'y a que des jeunes qui bossent ou des vieux qui ne sortent plus.

             —       T'avais peur de venir en cours ?

J'ai peur, là tout de suite, j'ai toujours eu peur en réalité. Quand il s'énervait contre ma mère ou que Jeno me disait qu'il m'aimait. Je savais qu'on ne parle que de mots et qu’il n'y a jamais eu de preuve à des mots. On peut dire des choses qu'on ne pense pas, il n'y a rien au monde qui ne puisse être prouvé vrai.

Je savais que ça allait finir comme ça, dans tous les livres, dans tous les films, dans toutes les séries, ça finit toujours comme ça. Dans toutes les histoires réelles, celles qui ne disent pas à la fin qu'ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

             —      Ça nous a fait plaisir, ce matin, de te voir regarder vers nous. J'suis même déçu que t'avais pas ce jolie sourire que t'adresse à Jeno habituellement.

Ce joli sourire. Y'a jamais eu rien de joli chez moi. Fallait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte.

             —       Tu t'attendais à ce qu'il vienne te voir ? Tu te rends compte que vous êtes tous les deux des mecs.

Ça y est, on y était. Il s'amuse à jeter au sol des insinuations qu'il piétine impunément. Il a l'air de savoir ce qu'il se passe dans la tête de Jeno, moi je ne sais pas.

             —        Je sais que lui... C'était juste parce qu'il était perdu. Mais toi, toi ça fait longtemps ! Ça fait un petit moment que tu lorgnais sur des mecs du lycée, hein ?

Quand j'étais gosse, j'avais toujours pris l'habitude de me cacher sous une couette quand le bruit de l'orage frappait trop fort contre les fenêtres. Ça me rappelait sans arrêt la voix de mon père, le bruit d'objets qu'il cassait quand il était énervé. Ça me rappelait toujours sa voix. Le temps de silence, de répit entre deux coups de tonnerre.

             —      Tu m'écoutes !?

Je bloquais mes oreilles de toute intrusion, je ne voulais plus rien entendre. Ne jamais rien entendre.
          
             —       Tu sais ce que j'aimerais le plus, c'est que tu te rendes compte que ce que t'as fais c'est mal.

J'ai arrêté de le faire quand j'ai grandi. C'est pas que je n'avais plus peur mais que tout ça, ça m'était paru inutile. Même si je n'entendais plus rien, le fait est qu'il y avait toujours ces bruits tout autour de moi.

Peut être que si ma tête ne pouvait plus y prêter attention, tous ces sons, ils s'attaquent violemment à mon cœur. En protégeant ma tête, je crois que j'avais trop habitué mon cœur à souffrir.

             —        T'as fait souffrir Hye-sun pour des envies contre-nature et je trouve que toi, tu souffres pas assez.

Je n'ai jamais assez souffert pourtant quand on naît, tout le monde a déjà trop souffert.

Et, Hye-sun, elle n'est pas là.

Je pense qu'elle aurait détesté être là.

Et pourtant, je sais qu'elle me déteste bien plus qu'eux.

Sa main qui jusqu'à lors reposait simplement, menaçante sur mon épaule. Je l'ai senti d'un coup, d'un unique coup, ses doigts qu'il sert, qu'il compresse contre moi de toute sa force. De pair, il affaisse avec puissance mon corps que je perds un instant sous le déséquilibre sans tomber pour autant. Il me relâche, ma respiration qui repart, je ne savais même pas que je l'avais arrêté.

             —      Je me demande comment tu t'es pas dit que c'était une mauvaise idée.

Mes yeux blanc, livide, dans les siens.

Je l'ai toujours su que ça l'était.

Je ne réponds rien, toujours rien. Ma gorge me brûle, je me retiens de pleurer, de trembler, de tomber. Je me retiens d'avoir l'air faible, le seul lien qui me relie à la réalité étant ce bout de langue que je serre férocement entre deux de mes dents.

Il se recule puis s'approche une seconde fois, les autres le regardent faire des sourires désagréables aux lèvres.

             —       En plus tu contamines Donghyuk, Mark je peux comprendre il traînait déjà avec Taeyong mais Donghyuk ?!

Le silence qu'il m'arrache, un gémissement grave quand son poing tombe dans mes côtes. Un acout, une toux brute qui essaye de s'échapper mais que je garde bloquée.

Ça me fait vaciller, juste un instant. Mes pieds qui se rendent compte de mon poids, ma tête qui tourne, le besoin soudain de calories qui s'agitent dans mes veines. Je dois avoir le teint pâle, ça fait quelque jours que je n'ai mangé que quelques bouts quand personne n'était à l'appartement.

La folie qui se lit dans ses yeux, la colère qui stagne sous sa peau, ses plies qui se tendent. Ses lèvres qui le démangent, ses poings qui le demandent.

L'orage.

Tout revient toujours à ce foutu orage.

Il ricane, cette lueur de moquerie, carnassier qui ne quitte pas ses yeux. Il jette un rapide regard à ses amis puis se retourne vers moi quand il semble satisfait. D'un ricanement fou, il dit :

             —        C'est bon, tu peux partir.

Il le dit d'une voix calme, d'une voix claire.

"C'est bon, tu peux partir."

Ça sonne faux. Sa voix sonne fausse. Son attitude, son visage, ses traits, chacun de ses foutus traits sonnent faux.
          
             —       Pars putain !

Son ton s'accélère, agacé, il crie fort pour m'intimider.

Mon coeur à moi, il s'accélère. Mon pouls pulse dans ma tête, ma tête.

Je fais un pas, tremblotant, en direction de chez Lucas. Mais je trébuche sur son pied, ma cheville qui se tord légèrement et mon poids qui vacille vers devant. Je me rattrape de justesse avec mes mains qui tape sur le trottoir, mes genoux qui cogne sur le béton. Ça me donne un choc électrique, mes lèvres qui s'entrouvrent. J'ai même pas le temps de gémir de douleur que le goût du sang qui coule à l'intérieur de ma bouche me donne la nausée.

               —        Jaemin ? Jaemin ! Mais qu'est-ce-que vous foutez !?

La voix de Jungwoo, plus surprise qu'ensuite énervée, se rapproche de nous. Il les fixe, son regard dur, mais eux se contentent de ricaner avant de s’éloigner. J'ai mal à la tête, le bruit de leur pas qui se disperse de l'autre sens résonne sur chacune de mes parois crâniennes. Je sens ses mains se poser autour de ma taille, mon poids qu'il tire vers le haut. Quand il me replace sur mes pieds, je me libère violemment de son touché. Sa main tombe dans le vide et je dirige les miennes jusqu'à mon visage, sonné.

Tout tournait à mille à l'heure autour de moi.

S'il n'était pas intervenu, ils se seraient acharnés sur moi.

Je n'ai pas attendu de monter un étage pour finir par régurgiter les quelques aliments que j'avais mangé ces derniers jours.

J'étais endormi sur mon lit.

Ma tête était posée sur un coussin, une couverture étalée sur mon corps, jusqu'à mon visage. Ma tête était en plein incendie, les alarmes des pompiers, les cris des gens, les larmes des gosses. Tout concentré dans une case, une minuscule case qui ne savait même pas filtrer le bruit. Ma tête allait exploser, je le sentais.

Je cligne des yeux à plusieurs reprises, ma gorge sèche j'avais encore cette légère sensation rugueuse d'avoir vomi sans avoir mangé.

J'étais changé aussi, je ne portais plus mon uniforme scolaire mais un survêt.

J'attrape mon portable posé sur la table de chevet, il a des fissures qui le balafrent de haut en bas. Une douleur rapide peut aussi se lire sur mon visage au contact de ma main et du téléphone. J'y jette un regard et remarque que le plat de mains est pensé. Je me doute qu'en dessous de ces pansements, il doit y avoir de légères égratignures. Des cailloux qui s'y sont logés quand je suis tombé.

Mais bon, je ne regrette pas d'avoir allumé mon portable pour y voir un message de Jisung qui malgré tout laisse un léger sourire gravir mes lèvres. Il me dit sans filtre que je lui avais manqué. Je lui ai laissé un cœur, un message niais que je lui laisse par derrière car Jisung sera toujours ma source de bonne humeur.

Quand je me lève de mon lit, la pression que je sens au niveau de mes côtes et de mon épaule m'arrache une grimace.

Cet enfoiré fait du rugby, pas étonnant qu'il soit capable de me broyer les côtes en un seul coup.

Il n'y a pas de bruit dans l'appartement quand je traverse le minuscule couloir jusqu'à la salle de bain.

Je me pose devant le miroir, la porte grande ouverte derrière moi. Il y a un soupir d'abord qui traverse mes lèvres avant de me rendre compte que mon visage n'a rien.

J'échancre mon haut au niveau de l'épaule. Il y a ma peau blanche qui s'affiche sur le miroir, un peu plus loin, c'est une tâche opaque et bleu qui prend place. Sans trop savoir pourquoi, ça me fait paniquer. Je déteste cette couleur, je la déteste tellement.

Ensuite, je soulève mon t-shirt, simplement pour voir que ça avait la même couleur ici, au niveau de mon ventre. Quelqu'un y a déjà appliqué de la pommade, c'est humide et frais. Mais rien que de l'effleurer ça me fait frissonner de dégoût.

Pour dire la vérité, c'était la première fois que j'étais blessé sans qu'il ne soit question de mon père.

Et c'est cette phrase, prononcée à voix basse dans ma tête, qui me fait encore plus paniquer.

Je sens d'un coup, cette douleur acerbe à la gorge. Ça me brûle. Ça me brûle. L'envie de sentir ce conduit s'incendier qui se mélange paradoxalement à cette autre envie. Celle exquise qui veut que je vomisse depuis que l'odeur de cigarettes me rappelle ce nuage de fumée noire.

Puis y'a Jeno. Cette image de lui qui rentre dans ma maison quand personne d'autre n'y est. Le premier à y rentrer, le premier à y voir tout. Je lui ai tout dit, absolument tout.

Mes yeux s'humidifient. Mon reflet agite mon visage, ces yeux larmoyants, ces yeux piteux.

Jeno, Jeno qui me dit qu'il m'aime. Cette main qu'il tient, ce regard qu'il me jette.

L'odeur de cendre qui m'attire, subitement, abruptement.

Jeno. Jeno qui ne me parle plus, Jeno qui sert Hye-sun dans ses bras, Jeno qui parle de moi quand je ne suis pas là. Il lui a tout raconté, absolument tout raconté.

J'avais plus de secret, plus un seul.

Mais j'avais cette envie, cette envie grisante de fumer. De me brûler.

Oui, je voulais me brûler. J'avais besoin de brûler l'intérieur de moi. J'avais besoin d'oublier.

Je quitte la salle de bain sans un dernier regard en direction du miroir. Je traverse le couloir, la tête ailleurs quand j'arrive au salon, Lucas y est installé des lunettes sur le bout de son nez. Sur la table basse, des dizaines de papiers.

Furibond, je me jette à ses pieds. En face de la télé, un mal de tête infernal et une seule idée en tête.

Y'a des larmes. Des centaines de larmes qui perlent sous mes yeux, la douleur vive de les sentir couler sans réussir à les arrêter.

Cette voix piteuse, poisseuse. Ces reniflement crus qui coupent ma prise de parole.

             —      Donne... D-donnes moi des cigarettes... S'il te plaît...

Je pleure de plus belle, j'ai tellement mal à la gorge. J'ai tellement mal à la tête. J'ai tellement mal au cœur.

Lucas se lève immédiatement du canapé, pris de panique ses yeux s'ouvrent en grand et, la douleur que je ressens se reflète sur son visage. Il se baisse immédiatement à mon niveau, ses bras qu'il enroule autour de mes épaules sans trop savoir comment faire.

             —       Tout va bien se passer, Jaemin.

Mensonge. Mensonge. Mensonge.

Ça tourne en boucle dans ma tête. Tout le monde ment, tout le temps.

Pourtant, je me laisse tomber contre son épaule, mes bras tordus, ballants au milieu de nos deux corps.

             —      Je savais que j'aurais pas dû y aller...!

Je crie, énervé, tout proche de ses oreilles. Il me sert juste plus fort, un peu plus fort.

On reste un instant comme ça. Tout me semble apaisant sur le moment. Une bulle qui m'entoure que personne ne peut réellement briser.

Puis une clé se fait entendre dans la serrure, le tintement des métaux qui s'entrechoquent.

J'efface mes larmes, impulsivement, en me libérant de Lucas le plus vite possible.

Jungwoo a eu le temps de nous voir, il nous jette d'abord un regard, un instant de battement dans ses yeux. Puis il s'avance en fermant derrière lui. Il pose un sac de nourriture chaude sur la table, rayonnant sans faire attention à mes larmes, il dit :

             —        J'ai acheté Thaï, j'espère que vous aimez tous les deux le Thaï ?

Lucas a ricané en le regardant. J'ai frotté une dernière fois le contour de mes yeux même si je sais pertinemment que tout sur mon visage était déjà rouge vif. Il m'a poussé jusqu'à la table où je me suis assis docilement, sans faire d'histoire.

Je ne pensais plus aux cigarettes. Je pensais à tout sauf aux cigarettes.

On s'est installé tous les trois autour de la table. Les différents bols de nourriture sont étalés sur la surface en bois. Ça se voyait que rien n'allait parfaitement bien mais je n'ai jamais autant aimé une atmosphère que celle ci. Il n'y a pas une personne qui sait et l'autre qui ne sait pas. Non, ici, tout le monde sait et c'est tout.

De but en blanc, alors qu'il place un aliment entre ses lèvres, Lucas me demande sans pour autant me regarder, presque désintéressé :

             —          Jungwoo ma dit que c'était un groupe de garçons qui s'en sont pris à toi en bas de l'immeuble. Ils voulaient quoi ?

Il le dit d'une manière froide à en faire pâlir un mort.

             —           ...

Je touille ma nourriture, l'appétit qui disparaît momentanément.

             —        Ils en ont contre toi ?

Il renchérit, cette fois-ci son regard dans le mien.  Quand c'est Jungwoo qui se met à parler, mon visage pivote de l'un à l'autre.

             —        Tu peux nous le dire Jaemin, il s'est passé quelque chose ?
          
             —        ...

Quand il faut faire parler quelqu'un, lancez-le sur quelque chose à quoi il tient, qui l'intéresse.

             —        Et Jeno ?

C'est exactement ce qu'ils ont fait, et bien que ça m'a énervé, ça m'a belle et bien fait parler. Peut-être d'une manière un peu impulsive, grimaçante mais le résultat était le même.

             —      C'est à cause de lui ! Il m'a pas parlé, pas envoyé de messages ni rien !

Je n'avais jamais dit ce que je pensais à voix haute. Je n'ai jamais parlé de Jeno à voix haute. Et c'est en le faisant que je me rends compte qu'il prend trop de place dans ma tête.

             —     Peut-être qu'il a peur Jaemin, laisses lui du temps.

Je serre mes couverts, énervé.

             —      Et moi j'ai pas peur peut-être ?!?

Silence. Jungwoo regrette immédiatement ce qu'il a dit. Il le regrette infiniment, mais il a évidemment toujours quelque chose à ajouter par derrière.

             —       Si. Tous les deux, vous avez peur. Pas pour les mêmes raisons, sûrement, mais vous avez tous les deux peur.

Et je sais qu'il a raison. Mais ça m'agace d'essayer de le comprendre.

             —      Me dis pas que c'est Jeno qui leur a dit de te faire du mal !?

Lucas, lui, il est plus impulsif, il s'excite pour pas grand chose en parlant d'une voix plus forte pour se faire entendre. C'est drôle parce-que je tiens ça de lui même s'il n'est pas mon père.

             —      Qu'est-ce-que j'en sais moi ?! Je sais juste qu'il y a sa copine qui s'est rendu compte que y'avait quelque chose entre Jeno et moi.

Et c'est peut être en se servant de cette impulsivité commune qu'il réussit à me faire parler.

             —      Il était en couple ?

Je lui jette un regard sans répondre à sa question. Comme s'il ne pouvait pas le comprendre tout seul.

             —      Elle est allée raconter à tout le lycée que j'avais poussé quelqu'un à tromper sa meuf avec moi.

             —      Oh.

Ils répondent en cœur.

             —      Personne sait et personne ne saura jamais que c'est Jeno et Hye-sun. Tout retombe sur moi.

Je le dis calmement mais ça bat dans tous les sens à l'intérieur de moi. Les mots sont faux mais tout a l'air plus réel avec des mots posés dessus.
          
             —       Et ces garçons ils ont un rapport avec ça ?

Je sais que Jungwoo fait référence à ceux qu'il a surpris en bas de chez Lucas.

             —       Ce sont ses potes, à tous les deux ou juste à elle je sais pas.

Ça m'agace de les ranger dans la même boîte que Jeno alors que je sais qu'il n'est pas comme eux. Et c'est ça qui m'horripile encore plus, que malgré le fait qu'il m'ignore, j'arrive à le défendre.

              —       Je peux aller les voir, moi, s'tu veux.

Ça me fait rire, et ce bruit là, il les fait sourire. Ces types font deux mètres et même si Lucas est sportif je ne vois pas ce qu'il pourrait leur faire. En plus, ils sont sans doute tous fils d'une riche famille alors que Lucas paye encore maladroitement son appartement à l'aide de ses parents et de son travail. S'ils finissent par je ne sais quel moyen à porter plainte, ça se finira pas simplement en dispute de gamins.

              —       Non. Ils sont plus grands que toi, Lucas.

Il roule des yeux, offusqué que j'ose les comparer. 

              —       Pas grave.

Cette fois-ci, c'est Jungwoo qui se tourne vers lui, paniqué.

              —       Si c'est grave !

Je les regarde se disputer avec légèreté, une bouché de nourriture coincée entre mes lèvres. J'aimerais tellement avoir une relation officielle, comme eux.

               —        J'irais le jour de l'examen, et c'est tout.

Leur attention m'est revenue, ils ont directement compris que je parlais des cours. Et si Lucas m'a regardé, un pouce en l'air pour me montrer qu'il était d'accord avec moi, Jungwoo lui, il a manqué de faire tomber ses couverts.

              —       Ok.

              —       Comment ça "Ok" ?

Il s'est tourné vers lui, complètement opposé à l'idée.

              —       Bah il va pas y aller si y'a des cons qui l'embêtent.

J'acquiesce, complètement d'accord avec lui. De toute manière, c'est plus pour Jeno que je n'ai plus envie d'y aller.

              —       Et comment il va faire avec les cours ?

Il suffit que j'ai mon examen. C'est tout.

Après, après je verrais.

              —       Bah je sais pas moi. Tu vas te démerder, hein, Jaemin ?

Je me reconcentre sur ce qu'ils étaient en train de dire.

                —       Hmmm...

Je lui réponds, la bouche à moitié pleine.







Chenle



Je ne vais pas retourner au lycée pour l'instant |
Est ce que ça te dérange de m'envoyer tes cours ?|



| Non



Non tu veux pas ou non ça te dérange pas |



| Ça me dérange mais je vais quand même te les envoyer
| Pcq je suis un chic type



Merci |
Vraiment |





Ça a toujours été comme ça ma relation avec Chenle. Elle n'a jamais eu de sens mais c'est celle qui marchait le mieux.










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J'aime pas trop ce Chapitre rip

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