³⁸ | ⌫
³⁸ | 𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚃𝚛𝚎𝚗𝚝𝚎-𝙷𝚞𝚒𝚝
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⁰⁵ ¹² ²⁰²⁴
²⁰²⁴
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⁵⁰⁷⁵ ᵐᵒᵗˢ
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|• 𝓑𝓸𝓷𝓷𝓮 𝓛𝓮𝓬𝓽𝓾𝓻𝓮 •|
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LEE JENO
30 Avril
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— Mais c'est moi qui veut dormir avec lui !
C'EST PEUT ÊTRE LA PREMIÈRE FOIS de la soirée où Jaemin s'est mis à parler assez fort pour que les autres puissent l'entendre. Les bras croisés sur son torse, agacé pour pas grand-chose, Chenle derrière qui s'amusait à le prendre en photo.
Donghyuk, désintéressé, est partie dans une chambre, un plaid entre ses bras et Jisung à ses trousses.
Pendant ce temps, Taeyong baisse les yeux, un regard qu'il me lance pour savoir si j'étais d'accord. D'accord avec l'idée de passer la nuit avec Jaemin. Je me demande à quel moment il a pu croire que j'étais contre. Je me contente de faire "oui" de la tête, un sourire aux lèvres.
Jaemin qui regardait chacune de mes réactions depuis lors s'agace de mon manque de combativité en venant me pincer les lèvres entre deux de ses doigts. Et pour être honnête, y'a vraiment aucune réaction qui ne peut se lire via mon corps, ça fait presque deux heures qu'il s'amuse à tripoter mon visage comme s'il était un enfant.
Par contre, Mark, d'une manière ou d'une autre ça le prend de cours et c'est avec incrédulité qu'il essaye de se persuader que je n'étais pas fou :
— T'es vraiment sûr de toi là ?
Il ricane, moqueur, l'idée d'un Jaemin insupportable quand il est alcoolisé qui traîne dans un coin de sa tête.
J'attrape ses doigts avec ma main, les éloigne de mon visage pour pouvoir parler sans qu'il ne m'en empêche.
— Oui, oui. De toute manière, c'est pas toi qui va vouloir dormir avec lui.
Mark ricane pour me montrer que j'ai raison. Il me souhaite bon courage avant de quitter le couloir pour rejoindre son meilleur ami.
Jaehyun m'emmène jusqu'à une chambre, je ferme la porte à clé en rentrant, en essayant de le faire assez silencieusement pour que les autres ne l'entende pas.
C'est une chambre d'amis, comme la majorité des chambres d'ici. Y'a toujours cette même structure, les draps parfaitement faits, les rideaux transparents et blancs fermés. Une lampe qui traîne sur une commode et pas une seule décoration.
Je suis déjà venu ici, avec Jaemin y'a peut-être un mois. La salle était à l'identique, similaire jusqu'à la tâche de peinture de l'interrupteur.
Et aujourd'hui aussi, comme la dernière fois, y'a Jaemin et y'a moi. Bon, peut être qu'il n'était pas dans le même état qu'aujourd'hui mais ça ne change rien au fait qu'il soit quand même là.
Sa silhouette, immobile à côté de moi, il se met à chouiner tout contre mon bras. Ses doigts qu'il essaye d'introduire sous ma manche, le tissu qu'il essaye de remonter et ma peau qu'il essaye maladroitement de déshabiller. Et ça me fait rire quand je me rends compte qu'il n'y arrive pas, mon haut étant trop serré et ça, ça l'agace encore plus.
Il donne de légères tapes contre mon torse en se collant à moi, aguicheur. Ses yeux vitreux autant par l'alcool qui peine à disparaître que par un désir qu'il a quelques difficulté à cacher.
— J'ai encore envie de toi.
Il tape des pieds, mon avant bras qu'il sert fort contre lui. Je me moque gentiment de cette image de lui, peut être que le sentiment était partagé mais je pense surtout que, peut être, maintenant c'était pas le bon moment.
Même si je pense qu'il n'y a jamais de réel bon moment, aujourd'hui je sais que ça n'en était pas un.
— Moi aussi Jaemin, mais tu vas surtout décuver et on va parler.
Ma voix n'était pas forte ni même blessante mais il l'a pris comme une attaque. Ses yeux froncés sous ses sourcils et ses lèvres pincées entre elles. Le fait qu'il se recule de moi, ses pas imperceptiblement chancelants. L'étincelle de peur, d'hantise qui traverse son regard qui ne me passe pas inaperçu. Y'a rien qui passe inaperçu quand je le regarde. Même quand ses traits se tendent faiblement quand Hye-sun est pas trop loin.
— Pourquoi, tu veux partir ?
Je ne lui laisse pas le temps de tergiverser, de trop y penser.
— Dis pas de connerie, pourquoi je voudrais partir.
Je le prends par le bras, avant que ses yeux ne commencent à devenir larmoyant, je l'emmène jusqu'au lit où je le dépose et me place à côté. Un léger baiser abandonné sur sa tempe et son visage reprend automatiquement des couleurs. Comme si, une seconde plus tôt, il n'allait pas se mettre à pleurer.
Au moins, aujourd'hui, j'ai appris quelque chose, Jaemin alcoolisé, il a toute sa tête qui tourne en boucle dans des pensées inarrêtable. Il passe d'avoir envie de verser des larmes à être là personne la plus collante possible.
D'un coup, il me pousse jusqu'à la tête du lit, mon dos qu'il y appuie. Il s'installe contre mon épaule l'un de mes bras qu'il place autour des siennes. Un sourire satisfait et il s'y cale mieux, son téléphone qu'il extirpe de sa poche.
J'ai pas vraiment le temps de trop réfléchir quand il agit comme ça. J'essaye de me caler à son rythme, de ne pas me laisser emporter par les battements irréguliers de mon cœur.
Il le met en face de nous, ouvre YouTube et fouille dans l'interface. Puis, il s'arrête un instant, l'air de réfléchir. Je le regarde en biais, un léger sourire aux lèvres. Il tourne son visage dans ma direction, son nez qui frôle le mien, il paraît stupidement satisfait quand sa bouche s'est posée sur la mienne innocemment et qu'il est retourné à fouiller quelque chose dans son portable.
Il lance une playlist, des sons qu'il a déjà aimés et qu'il a l'air d'écouter en temps normal.
Il laisse passer quelques secondes, une bonne vingtaine avant de se tourner vers moi, un sourire timide sur le bout de ses lèvres.
— T'aimes ?
J'acquiesce pour toute réponse, ça le ravie et il se tourne de nouveau vers l'écran avant de changer de son et de m'en faire écouter un second, puis un troisième et caetera.
C'est au bout du cinquième où le son se coupe une micro-seconde, une notification qui apparaît en haut de son portable. En italique, de brèves lettres dansent un instant sous ses yeux et les miens. Il y a écrit "Maman" en toutes lettres, une image de profil aussi qui disparaît aussitôt le message envolé.
Jaemin s'est figé dans mes bras, le regard que je lui lance me confirme qu'il est tétanisé. Ses yeux immobile, braqués sur la notification même une fois disparus. Et il y a ces larmes, ces satanés larmes qui menacent une énième fois d'échapper à ses yeux.
Sans réfléchir, je lui prend son portable,
— Je peux ?
Jaemin acquiesce, les lèvres pincées et les yeux larmoyant.
J'abaisse le menu déroulant, le message de sa mère qui s'y affiche en grand. Un message de quelques lignes, de quelques phrases. Je le sens trembler quand il lit par-dessus mon épaule et que je le fais aussi.
Dans les grandes lignes, elle dit qu'elle est déçue de lui. Que son père l'a mise au courant, une photo du tiroir de Jaemin qu'elle s'est gardée d'envoyer mais qu'elle a tout de même mentionnée dans son message. Elle lui dit qu'elle l'aime, a la toute fin, mais, je pense que ce que Jaemin va le plus retenir c'est : qu'elle lui en veut.
Ça ne prend pas très longtemps pour qu'il finisse par fondre en larme, et c'est ça qui me brise le plus. Son visage défiguré par des reniflements, par ses lèvres qu'il tord pour ne pas pleurer. Je m'empresse d'éteindre son portable, de le délaisser sur la commode et de me placer convenablement face à lui.
Son visage que je prend en coupe, des larmes qui coulent sans faire de bruit.
Mes lèvres sur les siennes, c'est un mélange de réconfort et d'une brise affreuse et salée.
— Tout va bien se passer, (je fais une pause, son regard blessé qu'il implante en moi ) On va dormir, demain on va se réveiller tous les deux et on trouvera une solution.
Jaemin acquiesce malgré son faciès inondé, ses joues toujours coincées délicatement entre mes mains.
Je me lève du lit, un flashback d'il y a des jours dans la même maison, Jaemin qui me regarde peureux, fragile. Effrayé à l'idée que je puisse quitter cette pièce.
Quand la lumière est éteinte, je le bloque contre mon torse et entre mes bras, couchés sur les draps frais du lit.
Je me demande si Jaemin a réellement dormi. Ou si, comme moi, il pensait plus qu'il n'y parvenait.
Je me demande ce qu'il se serait passé, si Jaemin n'avait jamais quitté son ancienne ville, s'il n'était jamais venu à Séoul avec son père. Est ce que je serais aussi ici, la veille d'une rentrée à m'inquiéter pour quelqu'un que je ne connais que depuis moins d'une année. J'ai réussi, malgré tout, à éprouver des sentiments pour lui, à ne plus réussir à me passer de sa présence. Pourtant, y'a rien, strictement rien, qui me dit que s'il était resté là bas, j'aurais ressenti la même chose pour une quelconque personne.
Peut être que si je n'avais rien ressenti en exagéré, en fois mille, ça aurait été plus simple.
Si je restais avec Hye-sun, que je me mariais à elle sans faire d'histoire quand ses études et les miennes seront fini.
Je sais que ça ne m'aurait pas dérangé, si y'avait pas eu Jaemin. J'aurais pas fait d'histoire, jamais. Pas d'histoire enfantine qui puisse pénaliser mes parents, leur entreprise où je ne sais trop quoi.
Pas d'histoire tout court, si y'avait pas eu Jaemin.
Mais il est là, alors, je me demande juste.
Je me suis réveillé avant lui, c'est rare mais c'est le cas. Il est entre mes bras, totalement endormi. Mes doigts qui dansent dans ses cheveux, dans les quelques mèches rebelles de ses cheveux. Je sais qu'en temps normal, ça l'aurait pas réveillé s'il avait eu un sommeil plus profond. Mais Jaemin n'a pas bien dormi, il a bougé, toute la nuit, d'un côté à l'autre sans essayer de faire trop de bruit. Il sanglotait, parfois aussi, entre deux mouvements.
Si moi je ne faisais qu'y penser d'un point de vue plus ou moins extérieur, lui, il en était directement affecté.
Il émerge petit à petit. Sa tête posée sur mon avant bras, le poids de son visage qui m'endors un peu les muscles.
Ses paupières qui papillonnent, et ses lèvres qui s'entrouvrent joliment pour laisser échapper un bâillement. Il n'a jamais eu les contours des yeux aussi ternes et enflammés que ce matin.
— Ça va ?
Je dépose un baiser sur son nez. La lumière qui filtre à travers les rideaux transparents, un camailleux de blanc qui s'écrase timidement sur nos corps couvert par les draps. Voyeur.
— Humm.
Il place ses mains sur sa tête, couvre ses yeux de son bras, un mal de tête qui l'agresse à peine ces derniers entrouverts.
Je ne parle pas plus pour ne pas le brusquer, il s'étale sur son dos, mon avant bras qu'il sort de sous sa tête pour le caler, en remplacement au sien pour cacher son regard d'un, même infime, rayon lumineux.
Il y a un silence qui s'installe, reposant.
La salle de bain s'est agitée au rez-de -chaussée, un filet d'eau qui ruisselle dans les tuyaux. Taeyong s'est réveillé avant nous, je le sais car au petit matin, il y a quelqu'un qui a essayé de faire tourner la poignée de la porte, sans succès. Et je sais, surtout, que ça ne peut être que lui.
J'aurais rien à lui expliquer, il ne demandera pas, ça aussi, je le sais.
Je baisse finalement mon faciès vers Jaemin, mon bras désormais délaissé sur son torse, il était déjà en train de me regarder en contre-plongée. Gêné quand je le surprends.
— Tu te souviens d'hier ?
Jaemin baille, il baisse la tête ensuite.
— Ouais.
Sa voix pâteuse du matin le fait grimacer.
Ça fait presque une heure que je suis réveillé, j'ai eu le temps de cogiter, de me poser des questions sur ce qu'il s'est passé.
Peut être que je le prend de cours, que je le réveille trop brutalement.
Après quelques instants de silence, il vient se déposer contre ma poitrine, j'en profite pour attraper sa main gauche, ses doigts que je lie aux miens. Son regard que j'essaye d'imbriquer, sur le côté, dans le mien.
— Tu peux me dire ce qu'il s'est passé ?
Jaemin acquiesce. Il soupire aussi de paire, il sait de quoi je parle, il se racle la gorge, sa voix qu'il essaye maladroitement de lisser.
— Il a dû trouver l'endroit où je cachais mes cigarettes, il a défoncé le tiroir et il les a toutes brûlées.
Je l'écoute, sans le couper. Lui qui joue distraitement avec mes doigts, ses yeux qu'il laisse s'y perdre.
— S'il me voit... Il va tellement me défoncer... Et hier, j'sais même pas comment il a fait pour se retenir en me voyant rentrer....
Il me regarde. L'intensité m'écrase, ma face impassible qui doit le perturbé mais je ne sais pas comment me comporter autrement dans cette situation.
— En plus ma mère... Maintenant ma mère le sait aussi... Il a fait exprès d'attendre que je rentre pour tout lui raconter... Je sais même pas si c'est mieux ou si c'est pire... J'aurais pu lui en parler en face... Là... Là elle va juste me trouver ingrat et con.
— Tu crois qu'il lui a seulement dit que tu fumais ?
Ses sourcils se froncent, il ne me le dit pas mais ça l'agace que je ne sois pas plus direct d'une certaine manière.
— Ouais, il doit garder le fait que je sois gay pour plus tard, quand il voudra vraiment retourner ma mère contre moi.
Il pouffe, faussement. Un ricanement amer qui agite ses cordes vocales dans des notes négatives. Je sers ses doigts, pour la première fois, ça attire son attention dans ma direction.
— Je te préviens immédiatement, tu vas pas rentrer chez lui ce soir.
Jaemin roule des yeux, une seconde fois amèrement. Pourtant je n'ai jamais été aussi sérieux : si son père était capable de fouiller entièrement sa chambre pour trouver des choses compromettantes sur son fils, il est sans aucun doute capable de pire.
Il s'est redressé, son dos droit, partiellement énervé, il cachait plus derrière ses mots de la panique que de l'énervement.
— Et tu veux que je vive où ? Il est hors de question que je vienne chez toi.
Bonne question.
Il n'aurait pas pu venir chez moi, ça je le sais.
— Alors on va trouver quelqu'un d'autre.
Sa voix est partie plus haute, à la hâte, il m'a presque coupé avec ses mots sans le vouloir. Agacé contre lui-même plus que contre moi.
— Je connais ni la famille de Mark, ni celle de Donghyuk, ni celle de Jisung et encore moins celle de Chenle ! J'ai pas envie de déranger Taeyong et Jaehyun déjà que je dois drôlement les avoir fait chier hier !
J'essaye de calmer le jeu en parlant d'une note plus basse, le dos de sa main que je caresse du bout de mon pouce. On dirait un animal apeuré qu'à besoin d'être calmé pour redevenir la bestiole adorable qu'il était l'instant d'avant.
— Tu connais personne d'autre en dehors du lycée ?
Et je crois que ça marche, il déplie son dos, ses épaules qu'il décontracte. Son regard figé dans le mien, un air scrutateur, réticent à l'idée qu'il allait évoquer.
— Si, mais je pense ça va pas trop te plaire.
— Dis toujours.
— Y'a Lucas.
— C'est qui ?
Stressé, ses doigts s'agitent dans les miens, pourtant il fait tout pour ne pas briser le fil qui danse de ses prunelles aux miennes.
— Rassures toi, il est en couple aujourd'hui. (Il fait une pause, attends une réaction de ma part qui ne vient pas ) Mais comment dire que c'est lui qui me donnait des cigarettes quand on... On... Fin bref t'as compris.
Peut être que ce qu'il dit ça compresse momentanément mon estomac mais je fais tout pour me concentrer sur autre chose. Sur ses joues rouges, ses iris noirs qui me noient. Les mots que je dis s'arrache d'entre mes lèvres, je les pense pas, ces trois premier mots, mais si ça peut l'aider.
— C'est pas grave. Il accepterait de t'héberger ?
Cette fois-ci, quand il se redresse, c'est poussé par un mélange d'excitation et de surprise. Il s'attendait pas à une réaction aussi calme et il faut dire que moi même ça me surprend, un peu, légèrement.
— Oui, c'est sûr même ! Il sait ce qu'il se passe avec mon père et il l'a même raconté à Jungwoo.
En ce qui concerne Jungwoo, il le dit plus doucement, moins emballé.
— m Alors demande lui.
Il est surpris. Il ne parvient pas vraiment à cacher sa moue agacé :
— Ça me déçoit presque !
Et moi, ça me fait rire.
— De quoi encore ?
— Que tu réagisses comme ça, genre tu dis rien alors que normalement tu te serais vexé !
Je renchéri, vexé par ses mots même si c'est pour des bêtises.
— C'est faux.
Il lâche ma main, les écrase sur mon torse, accusateur.
— C'est entièrement vrai tu veux dire !
C'est peut être ça qui me donne le sourire quand je suis avec lui, cette légèreté et ce soupçon de fragilité qui nous touche tous les deux.
— Envoie lui un message, on verra après.
•
J'ai laissé Jaemin seul dans la chambre, enseveli sous des couvertures qu'il a trouvé dans l'armoire. Il s'est caché de la lumière avant de se rendormir comme si on ne venait pas de parler pendant une bonne trentaine de minutes.
Quand j'arrive au niveau du salon, ils sont tous posés autour de la grande table à manger pour prendre le petit déjeuner.
Je me suis calé en bord de table, sur une chaise vacante, en face de Jisung qui dévorait une viennoiserie. Donghyuk discutait avec Jaehyun, la tête dans le cul, à peine réveillé qui devait déjà supporter les complaintes de l'autre.
Mark ruminait sur son bol de lait, il faisait tournoyer sa cuillère dans le liquide sans jamais l'emmener jusqu'à sa bouche.
Taeyong, lui, quand il m'a vu descendre il s'est immédiatement tourné vers moi. Ça n'a pris que quelques secondes d'observation pour qu'il finisse par me regarder d'un air interrogatif. C'était pas compliqué de comprendre le sous-entendu. Alors lorsqu'il vient se poser à côté de moi, une tasse de café brûlante entre ses mains et les jambes croisées sur un tabouret vacant, je lui répond en souriant gentiment :
— Il dort encore.
Ses lèvres s'entrouvrent légèrement, un étonnement amusé. On voit tout de ses expressions et quand il parle, les intonations qu'il y met, c'est tout pareil.
— Il va mieux ?
J'ai jamais été très proche de Taeyong, et encore moins pour finir par parler de Jaemin avec lui. Pourtant c'est ce qu'il est en train de se passer, entre deux gorgés de son café et deux bouché d'un gâteau que j'ai récupéré au hasard sur un présentoir au milieu de la table.
— Humm... Je sais pas s'il veut que j'en parle à sa place, désolé.
Je ne sais pas si je l'étais réellement, désolé, mais je voulais réellement que si Jaemin souhaitait en parler, il le ferait de lui même.
— Il m'a rien dit à moi, tu sais ?
Il ricane, pas du tout blessé par le fait évoqué. Je n'ai pas su quoi répondre. À la place, j'ai été reconnaissant envers Jisung qui s'est penché vers moi, attentif à notre échange et une mine inquiète.
— Il va rentrer chez lui ?
Sans oser demander plus, il m'a juste regardé attendant une réponse. Ça me fait bizarre de me rendre compte que ça ne les surprends pas trop, à aucun d'entre eux, que c'est moi qui sait le plus de chose sur Jaemin.
— Non.
C'est la seule chose que je pouvais dire avec conviction. Que ce soit après ou avant notre discussion, il est et a toujours été hors de question qu'il rentre chez son père maintenant. De plus, ça n'a pas l'air de déranger son père qu'il ne soit pas là alors tant mieux.
— Markou, t'as le DM de maths pour jeudi ?
On se tourne tous à l'unisson en direction de Donghyuk puis de Mark. Sa cuillère en chemin jusqu'à ses lèvres sans s'y être encore déposé.
Jisung se désintéresse alors de moi et Taeyong pour essayer de suivre la nouvelle conversation entre Mark et Donghyuk.
J'essaye de m'y coller aussi, mais ça ne m'intéresse pas plus que ça.
Jaemin est descendu un peu plus tard dans la mâtiné, avec la tête explosée et les plies des draps sur son visage. Mais, le plus important, c'est qu'il avait l'air plus reposé et entier que le jour précédent. Ils l'ont tous regardé descendre, un petit air de compassion malgré tout, ce bout de peine qui s'accroche pour quelqu'un à qui on tient.
Il s'est légèrement penché pour nous saluer tous d'un geste commun. À peine arrivé que Taeyong lui avait déjà tendu un bol de nourriture et un verre d'eau où un Doliprane y était dissous.
Ça a fait sourire, gêné, Jaemin tout en acceptant gentiment, s'installant à son tour à côté de Jisung qui le regardait avec des yeux pétillants. Il lui tend une tartine qu'il a préparée quelques minutes plus tôt en écoutant les autres parler.
Ça aussi, ça aussi ça a fait sourire Jaemin, il a pris les joues de Jisung entre ses doigts, les aplatissant comme on fait à un nourrisson.
Je me rends compte que j'observe peut être un peu trop Jaemin quand je remarque le subtil détail de son expression qui change. Ses yeux qui se sont légèrement ouverts en dévisageant son portable.
Cette mimique qu'il a quand il se lève de sa place après m'avoir jeté un regard discret.
Il prétexte devoir se lever pour remplir son verre d'eau à la cuisine, mais en passant à côté de moi, il me tend son portable allumé que j'intercepte immédiatement sans que personne ne puisse réellement le voir.
Quand j'y jette un coup d'œil, sa messagerie est ouverte, sur sa conversation avec Lucas. Un message tout juste lu qui scintille sur le côté. Il dit d'accord sans même poser de question.
J'ai souri au message même si, pour être honnête, je n'aime pas trop Lucas sans même le connaître.
Je mets son portable en veille, le pose sur le bord de la table à côté du mien. Quand il revient vers la table, mis à part ce regard en biais qu'il me jette pour voir si j'ai bien lu, il ne vient pas récupérer son portable.
On est devant chez Jaemin, il m'a donné sa clé que j'insère dans la serrure de sa porte d'entrée. Jaemin attend derrière le portail, sur le bord d'un muret, mon téléphone entre ses doigts à fouiller, comme si de rien n'était, mes affaires parce-qu'il me l'a demandé gentiment.
Et moi, je fais coulisser la porte vers l'intérieur. Le silence et le noir totale. Les lumières sont éteintes, il y a une fenêtre au niveau de la cuisine dont les volets sont fermés, il n'y a que des fentes fines qui tailladent le bois usé de ces volets qui laisse filtrer de la lumière en faible quantité.
Je ne m'attarde pas trop ici, je connais le chemin jusqu'à sa chambre. J'y suis déjà allé pas mal de fois à vrai dire. La porte de la salle de bain est ouverte, le carrelage mate aspire mon regard en contraste avec tous les meubles et les murs globalement blanc. Le miroir, posé comme on pose une fleur, accroché à l'armoire d'une commode.
Tout a l'air arrêté, éteint.
Je tourne mon visage en direction de la porte de sa chambre, le bois usé qui tient fort sur ses charnières. La poignée grisâtre qui se tord quand je la plie.
Il m'a prévenu, mais ça semble irréel.
J'ouvre la porte en grand, le bois que je rabats sur le bord. Ça cogne contre un meuble, mais quand je pousse pour mieux l'ouvrir, je me rends compte que c'est seulement une paire de chaussures.
Je me bouche le nez par automatisme, ça sent les nuages blanchâtre de fumée, ceux tout juste fumant qu'on se reçoit en plein visage quand on marche, parfois, dans la rue.
Y'a bien le tas de cendre que Jaemin a évoqué, les bouts de mégots complètement incendiés qui reposent sur la surface du bois terni. L'un des tiroirs a été arraché, jeté dans un coin de la chambre, entre le lit de Jaemin et son tapis en poil de fourrure.
Je passe à côté, sans faire attention au bout d'agenda qui, avant, était accroché au dos de sa porte, et qui, maintenant, est tombé au bas de cette dernière.
Je me dirige vers la fenêtre, d'un geste rapide je l'ouvre et la fait coulisser sur le côté. Tant pis s'il y fait froid, c'est toujours mieux que d'être asphyxié ici.
Je récupère quelques-uns de ses vêtements, de ses sous-vêtements. Je prends ses cours qu'il n'avait pas pris pour ses vacances et range le tout, peut-être un peu en désordre, dans un sac que je trouve dans un placard. Je récupère son ordinateur, aussi, caché sous des livres sur son bureau.
Quand je pense avoir fait le tour de sa chambre, je descends rapidement les marches de sa maison, cette odeur qui s'accroche à mes vêtements même si j'ai fait vite. Le salon et la cuisine toujours éteint, Jaemin a dit que son père travaillait aujourd'hui, qu'il n'allait rentrer qu'aux alentours de seize heures.
Je ferme la porte derrière moi quand je quitte sa maison, les clés qui peinent à rentrer dans l'embrasure, je les fais tourner deux fois pour que son père sache que Jaemin est passé.
Juste pour qu'il sache même s'il ne fera rien de l'information.
Je traverse le petit jardin, les cailloux et les dalles en béton.
Le portail qui grince, la peinture qui craquelle quand je le referme.
Jaemin a relevé sa tête quand il m'a entendu, son visage silencieux. Il a ses deux sacs qu'il a emmené chez sa mère posés à ses pieds. Il range mon portable dans la poche de sa veste et récupère le sac que je lui tends alors que je prends les deux autres.
— On peut y aller.
Il m'adresse un sourire, et même si le Jaemin alcoolisé en manque d'attention me manque un peu, le voir sourire malgré tout ça me fait quelque chose au cœur.
— Il habite loin du lycée, Lucas ?
Il me jette un regard puis semble réfléchir.
Jaemin habite à une bonne dizaine de minutes du lycée, je pourrais demander à mes parents d'aller le chercher tous les matins en même temps qu'ils m'emmènent moi, mais je pense que ça les dérangerait.
— Je crois pas, de l'autre côté de chez toi mais du bon côté par rapport au lycée...
— Tant mieux.
Jaemin ne renchérit rien de plus, et c'est dans le silence qu'il nous dirige tous les deux jusqu'à Lucas. Et, en effet, on était bien passé devant le lycée pour y parvenir. Il habite dans les genre de rues qui mènent jusqu'à celle principale. Au milieu d'un pâté d'immeuble avec quelques appartements empilés les uns sur les autres. Quand on est rentré dans le hall après que Jaemin ait contacté Lucas par la boîte à l'extérieur. Ça a fait un bip mécanique et la porte s'est entrouverte. Je l'ai poussé vers l'intérieur, la porte que j'ai tenu pour que Jaemin puisse rentrer. L'hall de l'immeuble n'avait rien de trop rustique ou de trop vieillot. Y'avait des boîtes aux lettres, entassés sur le côté et une cage d'ascenseur au bout de la salle.
Arrivé à son étage, Jaemin a fait cogner sa main droite sur le bois, la porte qui s'est aussitôt ouverte sur le chinois. Il s'est calé sur le côté, une main sur sa taille et adossé à son mur, un sourire accueillant mais dérangeant ( surtout dérangeant ).
— Allez-y, vous pouvez rentrer.
On ne s'est pas fait prier, mes yeux qui dessinaient chaque détail de son petit appartement. Il y a des plantes vertes un peu partout, un fauteuil gris et une télé à écran plat adossée à une étagère. Jaemin m'a dit que Lucas travaillait pour payer ses études et son appartement dans une grande surface. Ses parents l'aident, en grande partie.
— Jeno j'imagine ?
J'ai acquiescé, Jaemin était partie dans une pièce à côté, certainement sa chambre. Il a pris ses deux sacs de mes mains en me remerciant tout en chuchotant. Pas que c'était gênant de me retrouver seul avec son ex plan cul mais ça l'était quand même.
Lucas s'est tourné vers une cafetière, il l'a montré d'un mouvement de tête me demandant sans le dire si je voulais boire quelque chose. J'ai fait non de la tête et avec mes mains. Une scène comique entre deux muets.
Jaemin est arrivé immédiatement après, il s'est posé à côté de moi, une main calée entre mon avant bras. Lucas n'y a pas jeté un seul regard.
— Jungwoo sera là vers quatorze heures, si tu veux rester jusque là ?
Je dépose mes yeux sur Jaemin, ses deux billes noires qu'il avait déjà sur moi attendant ma réponse à la question de son aîné.
Je ne pouvais pas vraiment resté en réalité, mes parents rentraient tôt aujourd'hui et déjà qu'ils étaient pas très content que je sorte hier, ils allaient pas me laisser rester ici la veille de la rentrée.
— Je vais me faire disputer par mes parents si je reste trop longtemps.
Je le dis avec amusement peut être pour d'éteindre l'atmosphère. Ça a plutôt fait que les deux se moquent de moi d'un rire commun.
— On se voit demain ?
Je lui ai répondu par un sourire, ses lèvres qui me faisaient de l'œil plus que n'importe quelle décoration dans cette maison.
Il n'a pas eu à se mettre sur la pointe des pieds pour venir déposer ses lèvres sur les miennes.
Il m'a embrassé, devant Lucas, comme si de rien n'était.
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