5. Fifth bullet
Des bruits étouffés le sortirent de l'état semi-comateux dans lequel il se trouvait. Il crut percevoir des voix au loin, cependant la douleur lancinante, qui vrillait ses tempes, occultait toutes ses capacités de concentration.
Il ouvrit les yeux difficilement pour ne rencontrer que l'obscurité.
Dans un élan de panique, il voulut se redresser, mais son corps ne lui obéissait pas. Ses mains et ses pieds étaient entravés, réduisant ses efforts pour bouger à néant.
Il se débattit, incapable de contrôler la terreur qui se distillait dans ses veines et sentit sa chair se déchirer sous la pression des liens qui se resserraient à chacun de ses mouvements.
Après quelques instants, il se laissa retomber lourdement sur le côté sans avoir réussi à se relever, le corps en sueur.
Des larmes dévalaient ses joues et se perdaient dans le bâillon qui recouvrait sa bouche, accentuant le sentiment d'asphyxie qu'il ressentait.
Il essaya d'endiguer ses pleurs, horrifié à l'idée de s'étouffer et se força à respirer lentement, soulagé de sentir le bâillon laissait passer un peu d'air.
Ses repères avaient éclaté en mille morceaux et la panique ne demandait qu'à prendre possession de lui, pourtant il devait se reprendre et réfléchir.
Il avait été enlevé pour une raison qu'il ignorait, parce que c'est de cela dont il s'agissait, un enlèvement.
Il ne savait pas ce que ces gens attendaient de lui, cependant il devait tout faire pour s'en sortir.
Une fois les battements désordonnés de son cœur un peu calmés, il se concentra sur ce qu'il devinait de son environnement.
Il sentit les vibrations et les bruits sourds d'un moteur sous son corps. Une odeur puissante d'essence flottait jusqu'à lui, mélangé à l'âpreté de la poussière.
Une voiture ou peut-être une camionnette... quoi qu'il en soit, il se trouvait dans un véhicule, qui, d'après les soubresauts qu'il ressentait, roulait à vive allure sur une piste défoncée.
Il plissa les yeux pour essayer de voir à travers les fibres lâches du tissu dont on avait recouvert sa tête.
Il distingua une lueur entrecoupée de zones d'ombres et supposa qu'ils étaient toujours dans la jungle.
Avec un soupir, il se laissa aller contre la surface de métal sur laquelle il était allongé, épuisé.
Son corps était courbaturé à cause de sa posture et sa tête le lançait. Son esprit était incapable de visualiser les événements avec précision. Il avait l'impression qu'il devait se souvenir de quelque chose, mais rien ne vint et il se laissa glisser à nouveau dans les ténèbres.
Il dut somnoler plusieurs heures, car quand il ouvrit les yeux, plus aucune lueur ne perçait à travers le tissu.
Ils roulaient toujours, mais à petite vitesse.
Sa tête le faisait moins souffrir. Il essaya de déglutir, mais sa gorge était si sèche qu'elle en était douloureuse.
De vagues fragments de souvenirs caressaient son esprit, cependant son état d'épuisement émotionnel l'empêchait de restituer la totalité de la scène.
Il avait l'impression d'essayer d'attraper des papillons à mains nues, puis enfin, il se souvint... Un choc brutal, des coups de feu... Woosik, Jungkook, Jimin. Tout se mélangeait dans sa tête...
Il étouffa un sanglot en pensant qu'ils étaient peut-être morts et que lui ne tardera certainement pas à l'être.
Il devait se reprendre, il devait sortir de là, pensa-t-il en secouant la tête, réveillant sa douleur.
Il tenta de bouger en se traînant.
Chaque centimètre gagné était une souffrance, pourtant il lui fallait essayer de faire quelque chose. Il ne voulait pas attendre la mort qu'il sentait rôder autour de lui comme un vautour prêt à fondre sur sa proie.
Il rampa comme il put jusqu'à ce que son corps rencontre une surface horizontale.
Il se tourna difficilement de telle façon que ses mains entravées puissent toucher cet obstacle.
Il sentit sous ses doigts, le sang qui coulait de ses plaies aux poignets et qui commençait à sécher.
À tâtons, il toucha la surface et sentit qu'elle était en métal. Ses doigts rencontrèrent enfin une aspérité particulièrement tranchante. Il se tortilla pour se positionner de telle manière qu'il puisse couper ses liens.
Il les frotta contre la lame improvisée. Chaque mouvement était une épreuve. Ses épaules tremblaient sous l'effort et la sueur dégoulinait dans son dos.
Ses mains étaient si moites de transpiration que parfois, elles glissaient et la chair rencontrait la morsure du métal acéré, creusant de nouvelles plaies sur sa peau.
Il réussit enfin à trancher le lien qui le maintenait prisonnier. Il se redressa aussitôt en prenant appui sur ses bras ankylosés. Chaque fibre de son corps, trop longtemps contraint, était douloureuse.
Il retira le morceau de tissu qu'il avait sur la tête et enleva son bâillon. Il prit une grande inspiration qui fut si douloureuse qu'il étouffa sa toux dans sa main, priant pour que le vrombissement du moteur ait couvert le bruit qu'il venait de faire.
Maintenant que son regard était délivré de toute entrave, il put distinguer les contours de l'habitacle de la camionnette dans laquelle il se trouvait à la faveur d'un rayon de Lune qui passait par la fenêtre du hayon arrière.
Il venait de détacher ses chevilles quand le véhicule commença à ralentir jusqu'à s'arrêter dans un soubresaut.
Dans un élan de panique, il se mit à chercher à tâtons quelque chose qui pourrait lui servir d'arme. Ses doigts rencontrèrent le métal froid de ce qu'il identifia comme une clé à cliquet.
Il la prit en main et la serra contre lui en se mettant accroupi, prêt à forcer le passage dès que le hayon s'ouvrirait.
Il ne savait pas combien étaient ses ravisseurs, mais il avait réussi à identifier trois voix distinctes qui parlaient en portugais.
Il n'était pas assez stupide pour croire qu'il pouvait se mesurer à trois hommes, surtout dans son état de faiblesse, pourtant s'il réussissait à s'enfoncer dans la jungle, il pourrait se cacher ou essayer de trouver de l'aide.
Il était conscient que ses chances de réussite étaient proches de zéro cependant il n'avait jamais été homme à abandonner tout espoir.
Ses muscles se tendirent quand il entendit des portières s'ouvrir et claquer. Deux voix entrecoupées de rires gras s'estompèrent et se perdirent dans la nuit, alors que les bruits de pas d'un troisième gars s'approchaient.
Toute son attention était focalisée sur ce qu'il se passait à l'extérieur.
En fermant les yeux, il aurait pu suivre la progression de l'homme qui se dirigeait vers l'arrière du véhicule.
Il distinguait clairement le son des semelles qui raclaient la terre et qui s'arrêtèrent à quelques pas de lui, puis celui de la pierre d'un briquet que l'on actionnait.
L'odeur de tabac, qui s'infiltra à travers les interstices, vint frôler ses narines.
Le type se trouvait juste de l'autre côté de la porte. De l'endroit où il était tapi, il pouvait distinguer son ombre qui se mouvait lentement.
Au bout de quelques minutes, l'homme bougea et il entendit une clé tourner dans le verrou.
Il retint sa respiration, prêt à passer à l'attaque.
Il se redressa au moment où le barillet cédait, la porte s'ouvrit et il se précipita en avant en assénant un coup de clé sur le crâne du ravisseur qui se prit la tête entre les mains.
Il l'entendit hurler de douleur et commença à courir dès que ses pieds touchèrent le sol.
Il devait profiter de l'effet de surprise qui s'estompait déjà comme en témoignaient les cris d'appel que lâcha le type.
Il bifurqua sur la gauche et s'enfonça dans la végétation. Ses pieds s'enfonçaient dans la boue avec un bruit de succion, mais il ne ralentit pas. L'alerte avait été donnée, il distingua les hurlements des hommes qui s'étaient lancés à sa poursuite.
Il ne réfléchissait pas, seule l'adrénaline guidait ses pas.
Il ne ressentait pas la douleur qui irradiait dans ses genoux à chaque fois qu'il tombait, ni même les déchirures de sa peau que lacéraient les branches entravant sa progression.
Il courait pour sa vie, il avançait dans la pénombre sans savoir où le portaient ses pas.
Ses pieds se prirent dans une racine qui l'envoya voltiger plusieurs mètres plus loin, la souffrance lui coupa le souffle.
Son corps n'était que douleur, il se redressa difficilement sur ses coudes et essaya de se remettre debout, mais ses jambes lâchèrent sous son poids.
Les mains enfoncées dans la boue, il traîna son corps sur plusieurs mètres.
Il ne voulait pas abandonner, il pensa à son frère, à son meilleur ami, ils devaient les retrouver.
Il continua de ramper en serrant les dents, son visage était inondé de sueur et de sang.
Les pas se rapprochaient. Il distinguait la lueur de lampes torche qui perçait la végétation.
Il essaya de se redresser à nouveau et fit difficilement quelques enjambées avant de s'écrouler à nouveau. Son corps le trahissait alors que son esprit criait à l'injustice de le voir lui désobéir.
Le désespoir se disputait à la colère. Lui, Kim Taehyung, l'un des hommes les puissants de la planète, incapable d'avancer et de gagner sa liberté.
Les jeux étaient faits.
Il savait qu'ils ne leur échapperaient pas cette fois-ci, pourtant il refusait de s'incliner devant eux.
Il s'agrippa au tronc d'un arbre et se releva lentement pour prendre appui dessus.
Son corps se résumait à une plaie géante, mais son esprit était aussi affûté que la lame d'un couteau. La volonté coulait dans son sang.
Il devait plier maintenant pour réussir plus tard.
Il regarda la lueur de lampe approcher avec une détermination nouvelle dans le regard. La végétation s'écarta et l'un de ses ravisseurs pointa la torche vers lui, les yeux écarquillés de surprise.
Taehyung le regarda sans baisser le regard, un sourire narquois sur les lèvres, malgré son visage tuméfié et le sang mélangé à la boue qui collait ses vêtements à son corps.
L'homme s'approcha et il put distinguer la plaie infligée par son coup qui suintait sur son visage. Le gars l'attrapa par le col de sa chemise pour planter son regard dans le sien. Une rage sourde y régnait, mais Taehyung s'en fichait, il lui cracha au visage avec dédain.
- Filho da puta, cria son ravisseur avant de lever la main et d'abattre la crosse de son arme sur sa tempe.
Taehyung se sentit glisser dans l'inconscience, cependant son sourire ne quitta pas son visage.
Il ne courberait l'échine devant personne.
Il n'avait plus peur.
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