30. Last bullet

NDA en fin de chapitre.

- Comment ça se passe avec Woosik ? demanda Taehyung.

Jungkook posa la canette de bière qu'il tenait à la main et s'enfonça dans le canapé. Il posa ses pieds sur la table basse avec décontraction.

Durant les mois qui s'étaient écoulés, beaucoup de choses avaient changé, notamment la relation qu'il entretenait avec Jungkook.

Le deuil commun qu'ils avaient du traverser les avait soudés plus que jamais. De garde du corps, il était devenu un de ses plus proches amis.

Jungkook avait eu beaucoup de mal à se remettre de la mort de Jimin, tout comme lui.

Il était parti passer plusieurs jours chez ses parents avant de l'informer qu'il se retirait en Alaska pendant quelques temps.

Taehyung l'y avait encouragé. Il avait mesuré lors des jours qui avaient précédé l'enterrement à quel point le jeune homme avait été affecté.

Jungkook avait perdu l'homme qu'il aimait, mais plus que tout, il avait dû faire face à la trahison et au mensonge.

- Tu veux dire avec Monsieur Woosik, le président-directeur général ? Il est d'un chiant ! Je préférais travailler pour toi.

Taehyung eut un sourire. Il connaissait son meilleur ami sur le bout des doigts et savait qu'il pouvait être d'une rigidité frisant l'obsession dans son travail.

Il lui avait donné les rênes du groupe SPEAR avec un immense soulagement lorsque les investigations avaient été terminées.

Il ne se voyait plus diriger l'entreprise familiale à cause des scandales qui l'avaient entaché.

Il avait été enlevé, il avait failli mourir et son frère avait rendu son dernier souffle alors qu'il lui tenait la main. La nuit, dans ses cauchemars, il entendait encore le bruit de la détonation et se réveillait en sueurs avec l'impression qu'il se noyait dans son sang.

Il avait vu son présent s'écrouler quand son passé n'était que mensonges.

Un matin, il s'était présenté dans le bureau de Woosik. Il portait un jean et un t-shirt, bien loin de complet Armani qu'il avait l'habitude d'arborer pour se rendre au travail.

Son meilleur ami l'avait écouté sans un mot alors qu'il lui listait les décisions qu'il avait prises, la première étant de se retirer des affaires.

Taehyung lui avait proposé son poste, ce qu'il avait accepté.

Woosik n'avait depuis de cesse de redorer le blason ternie de la société.

Taehyung lui s'en fichait, il ne voulait plus avoir affaire avec SPEAR de près ou de loin. Il n'avait plus jamais franchi les portes du building depuis ce jour et traitait ses affaires personnelles depuis la maison qu'il venait d'acheter dans le Connecticut et dont il occupait actuellement le salon.

L'appartement de Wall Street avait été vendu en même temps que celui de Jimin qu'il avait été incapable de vider. Il avait dû faire appel à une société spécialisée qui avait rassemblé les effets de son frère et les avait déposés dans le garage de sa nouvelle demeure.

Les cartons semblaient l'appeler quand il se trouvait dans la pièce, cependant pour l'instant, il n'en avait pas la force.

Peut-être un jour...

Il n'avait toutefois pu se résoudre à se débarrasser du domaine familial et avait décidé de le transformer en centre d'accueil pour jeunes drogués.

Woosik avait failli faire un arrêt cardiaque quand il avait vu le montant de la subvention que Taehyung lui demandait au titre de la société. Il avait pourtant signé le chèque en sachant que c'était ce qu'il devait être fait.

Taehyung avait l'impression de racheter les méfaits de son frère ainsi, même si c'était illusoire.

Il avait décidé de répandre ses cendres au pied du grand chêne qui avait abrité leurs jeux d'enfants. Il se refusait à le laisser reposer dans le mausolée familial où l'homme qui lui avait fait tant de mal était enterré, comme s'il cherchait à le protéger par-delà la mort.

Le nom de Jimin n'était pas apparu dans les journaux, car l'enquête était toujours en cours.

Le cartel était tel une toile d'araignées avec de nombreuses ramifications, son patron décédé, rien ne servait, d'après la police, d'étaler son nom à la Une. Cela n'aurait fait qu'exacerber l'excitation des autres organisations à l'idée de faire main basse sur un marché fragilisé par la perte de son dirigeant.

Égoïstement, le discours l'avait soulagé. Il devait faire son deuil et ne voulait pas être confronté à la presse qui lui avait déjà pourri la vie à son retour et lors de sa démission.

Ses sentiments restaient contradictoires.

Il pleurait la perte de celui qu'il avait toujours admiré et bouillonnait à la fois de colère contre lui pour tout ce qu'il avait fait, mais pas seulement. Il s'en voulait également de n'avoir rien vu de ce qui se passait sous son propre toit, quand son frère souffrait alors que lui était traité comme un prince.

Tout cela l'avait changé, profondément, mais ce qui l'avait réellement transformé était cet homme qui avait volé son cœur avant de disparaitre.

De Yoongi, il n'avait plus jamais entendu parler comme si son nom avait été rayé de la surface de la terre.

Il l'avait fait chercher et chaque porte qu'il avait poussé s'était refermée sur lui avec fracas. La police, Interpol, personne ne pouvait donner des informations sur une affaire en cours de cette importance.

Il avait alors essayé de trouver Song Joongki, on lui avait juste répondu qu'il ne travaillait plus pour le consulat.

Il avait attendu Yoongi pendant des mois sans savoir s'il était mort ou si son discours n'avait été que belles paroles, pourtant l'espoir subsistait dans son cœur et il se détestait pour cela.

Il aurait dû tourner la page, mais s'en sentait incapable. Il se nourrissait alors de souvenirs et de fantasmes sur ce qui aurait pu être.

- Taehyung ?

La voix de Jungkook le sortit de ses pensées. Il attrapa son verre de whisky et reprit la conversation là où il l'avait laissé en espérant que son trouble passe inaperçu.

- Woosik a des tendances psychorigides, dit-il avec un sourire.

Son ami l'observait avec attention et il sut qu'il n'était pas dupe.

Taehyung se leva mal à l'aise pour jeter une bûche dans la cheminée. Nous approchions de Noël et les premières chutes de neige avaient recouvert les montagnes des alentours.

Ils avaient d'ailleurs décidé d'aller skier dans une station de ski proche de sa nouvelle demeure. Ils avaient pris l'habitude de s'y retrouver le weekend. Ils faisaient des randonnées ou allaient pêcher en fonction de la saison avec pour seul but d'oublier ce qu'ils avaient traversé et de profiter du calme de cette petite ville d'à peine deux mille habitants qui était devenue un refuge pour Taehyung.

Jungkook allait lui demander ce qui n'allait pas quand la porte s'ouvrit sur Woosik. Il avait enroulé son écharpe autour de sa tête et on ne voyait de lui que son nez rouge et ses yeux larmoyants.

La parka qu'il portait sur son complet veston, qu'il n'avait pas pris le temps d'enlever avant de venir, était recouverte de fins flocons de neige.

- Allume la télé, vite, dit-il en enlevant son attirail.

- Bien le bonjour à toi aussi, répondit Taehyung.

Woosik eut un soupir contrarié et prit la télécommande sur la table basse pour allumer le grand écran qui recouvrait un mur.

- On peut savoir ce qu'il t'arrive ? demanda Jungkook.

- Chut, écoute.

Taehyung et Jungkook tournèrent la tête vers l'écran. Il s'agissait d'une chaine d'informations qui relatait l'arrestation de gros bonnets de la drogue au Brésil.

Taehyung se laissa tomber sur le fauteuil à côté de lui alors qu'un frisson lui parcourait le dos.

Les images défilaient.

On y voyait deux hommes menottés que les journalistes identifièrent comme Kim Seokjin et Kim Namjoon. Il put enfin mettre un visage sur ces deux hommes qui l'avaient fait enlever au nom de son frère et qui auraient dû le tuer si Yoongi ne l'avait pas protégé.

Le reporter expliquait qu'une opération d'envergure menée conjointement par les services secrets américains et d'anciens repentis avait permis le démantèlement du cartel du Cardo.

La majorité de ses dirigeants et hommes de mains avaient pu être arrêtés, cependant l'opération avait fait de nombreuses victimes dans chaque camp.

La télévision montrait les restes d'un bâtiment que l'on aurait cru avoir été bombardé tant il y avait des impacts de balles sur les murs.

Taehyung porta la main à sa bouche en un cri silencieux et Jungkook s'empara aussitôt de la télécommande pour éteindre l'écran.

Il se leva et alla s'agenouiller devant lui.

- Ça ne veut rien dire, Tae. Je suis sûr qu'il est vivant.

Ils savaient dorénavant tout de son histoire avec Yoongi. Il leur en avait parlé un soir après avoir bu plus de coutume pour oublier la douleur qui lui lasserait les entrailles à chaque fois qu'il pensait à lui.

Woosik s'approcha et posa une main sur son épaule.

- Je suis désolé, mais il fallait que tu le saches.

Taehyung hocha la tête et se leva pour quitter la pièce sous le regard désolé de ses amis.

Il avait besoin d'air. Il étouffait.

Il se dirigea vers la cuisine et emprunta la porte qui donnait à l'extérieur.

Le jardin était recouvert d'une fine couche de neige qui crissa sous ses pieds. L'air glacial lui fouetta le visage, mais il n'en avait cure.

Il leva le visage et laissa les flocons glisser sur sa peau comme si leur froideur pouvait éteindre le feu de la douleur qui vivait en lui.

Mais rien n'y fit, il se laissa tomber à genoux et hurla.

Cela faisait maintenant dix jours que l'information concernant le cartel du Cardo avait été divulguée. Taehyung n'avait plus allumé la télévision.

Il était tétanisé à l'idée d'apprendre que Yoongi avait pu périr lors de l'arrestation, car s'il ne savait pas où il était depuis tous ces mois, il était persuadé qu'il avait participé à l'opération.

Jungkook et Woosik étaient repartis vers New York en le suppliant de venir avec eux tant ils s'inquiétaient pour lui, mais il n'avait rien voulu savoir.

Quoiqu'il ait pu se passer là-bas, lui était ici et il devait continuer de vivre même si parfois quand son regard se posait sur le lac qui bordait la propriété, il s'imaginait se laisser couler à pic dans ses profondeurs pour tout oublier.

Il fut réveillé dans la nuit par l'alarme silencieuse de la maison.

Il avait fait installer ce système quand il avait acheté la propriété sur les conseils de la police.

Il s'agissait d'une lumière qui s'allumait et s'éteignait à intervalles réguliers pour signaler une intrusion. Le voleur n'avait alors pas conscience d'avoir été démasqué et la police, qui était prévenue à distance, pouvait procéder à son interpellation.

Cette installation était dernier cri, cependant elle avait la fâcheuse tendance de se déclencher au moindre mouvement.

Il vivait en bordure de forêt aussi, il n'était pas rare qu'un animal sauvage passe le périmètre de sécurité.

Taehyung se leva et prit l'arme qu'il avait toujours près de lui avec un soupir.

Il n'avait pas peur, il n'avait plus peur.

Il avait appris le tir et les sports de combat sous l'impulsion de Jungkook qui l'y avait forcé, mais plus que cela, il s'était blindé pour ne plus ressentir la terreur qui avait été la sienne lors de l'enlèvement, comme si plus rien ne pouvait le toucher.

Il enfila un pull à capuche par-dessus le t-shirt et le bas de jogging qu'il portait pour dormir et glissa le Beretta dans la poche ventrale.

Il se dirigea vers les écrans de surveillance, mais ne put rien identifier de suspect.

Il désactiva l'alarme et l'appel aux forces de l'ordre avant de descendre au rez-de-chaussée.

Son ami l'aurait traité d'inconscient, ce qu'il était peut-être devenu, à moins qu'il ne cherche tout simplement à mourir.

La cuisine était plongée dans la pénombre. Seul le timer du four jetait des reflets bleutés dans la pièce.

Il s'approcha de la porte-fenêtre et jeta un coup d'œil à l'extérieur avant de prendre une lampe torche dans le tiroir.

Le froid de la nuit le cueillit quand il ouvrit la porte.

Il frissonna dans ses vêtements trop fins. La température extérieure devait avoisiner le zéro degré. Il jeta un coup d'œil à droite et au moment où il allait tourner la tête, il vit une ombre noire fondre sur lui.

Il se retrouva plaqué contre le mur, une main autour de sa gorge.
La torche roula sur le sol projetant des raies de lumière sur la neige.

Il ne chercha même pas à récupérer l'arme qu'il avait dans la poche.

De l'homme qui lui faisait face dans les faibles rayons de la lune, il ne distinguait rien, pourtant il sut.

Son corps l'avait reconnu, il se mit à trembler alors que les souvenirs affluaient.

- N'apprendras-tu jamais à faire preuve de prudence, lionceau ?

Taehyung ferma les yeux et l'étreinte autour de son cou se desserra doucement.

Puis l'homme se rapprocha jusqu'à se couler contre lui. Il pouvait sentir son désir contre son bassin.

Il ouvrit enfin les yeux et leva une main hésitante pour ôter l'écharpe noire qui lui ceignait le visage.

Il rencontra enfin son regard d'ébène tandis que son odeur s'enroulait autour de lui.

Il sentit ses jambes fléchir et se serait effondré si l'autre n'avait pas passé le bras autour de sa taille.

Les larmes perlèrent.

- Je te croyais mort.

- Je t'avais dit que je reviendrai vers toi et que je resterai à tes côtés, murmura Yoongi.

Il leva sa main et essuya la larme solitaire qui coulait sur la joue de Taehyung.

- Si tu veux encore de moi... précisa-t-il.

Taehyung se jeta dans ses bras.

Yoongi l'accueillit avec un soupir de bonheur et prit ses lèvres avec rage.

Le corps de Taehyung épousait parfaitement le sien et si un semblant de raison ne l'avait pas effleuré, il l'aurait pris contre le mur, dans le froid glacial à la vue des étoiles tant son manque de lui était douloureux.

Il finit par s'éloigner à bout de souffle et posa son front contre le sien.

- Je ne suis plus rien, dit-il, la respiration courte. Min Yoongi est officiellement mort, je n'ai rien à t'offrir à part ce que je ressens pour toi.

Taehyung posa la main sur sa joue glacée.

- Je n'ai que faire de l'argent, d'un nom ou d'une réputation. Je ne veux que toi, répondit-il avant de lui prendre la main et de l'entrainer à l'intérieur.

Il le mena jusqu'à salon qu'une faible lampe éclairait d'un voile doré.

Yoongi se perdit dans la contemplation de ses traits qu'il lui avait tant manqués.

Il redessina son visage du bout des doigts et finit par reprendre ses lèvres comme un affamé.

Taehyung lui retira son manteau qui tomba au sol dans un bruit mat et l'attira vers le canapé.

Ils s'y laissèrent tomber avec un rire de bonheur, celui qu'ils n'avaient pu éprouver jusqu'à maintenant.

Ils étaient enfin seuls, il n'y avait plus de jungle, plus de danger, plus de guérilla, plus de trahison. Ils n'étaient plus que deux hommes qui s'aimaient et qui s'étaient attendus, même s'ils avaient parfois voulu mourir du manque de l'autre.

Ils se déshabillèrent dans l'urgence, ils apprendraient plus tard à faire l'amour avec douceur.

Ils s'étaient connus dans un monde de guerre qui ne les avait pas laissés s'aimer à leur guise.

Leur étreinte reflétait l'attente, la souffrance et la violence de ce qu'ils ressentaient.

Yoongi stoppa ses caresses. Il était allongé sur Taehyung, sa chaleur l'entourait, le berçait.

Il posa ses bras de chaque côté de son visage et observa son regard qui lui parlait d'amour.

- Viens, murmura Taehyung.

Yoongi se glissa en lui et posa les lèvres sur les siennes.

Plus rien dorénavant n'avait d'importance à part lui.

Plus tard, ils prendraient le temps de parler.

Yoongi lui raconterait ce qu'il s'était passé pendant ses longs mois d'absence, la traque, la recherche de preuves et enfin l'assaut final qui avait vu de nombreuses vies être fauchées dont celle de Hoseok de sa propre main.

Il lui parlerait de l'accord qu'il avait passé avec les services secrets, celui de disparaitre et de changer de nom et de ne plus jamais remettre les pieds au Brésil. Il lui dirait combien Joongki l'avait aidé même quand il avait voulu se rendre auprès de ses parents pour les voir de loin alors qu'on leur annonçait le décès de leur deuxième enfant.

Taehyung lui raconterait ses souvenirs de Jimin avant qu'il ne devienne son propre ennemi, ses cauchemars, ses pleurs.

Il pleurerait avec lui, ces êtres qui leur avaient été arrachés, ce manque qu'ils laisseraient dans leurs cœurs.

Ils parleraient de culpabilité, de choix, mais aussi d'espoir.

Le chemin qu'ils traceraient ensemble ne serait pas celui de la facilité. Leurs mondes respectifs se heurteraient, leurs sentiments aussi, mais ils ne laisseraient plus rien dorénavant les séparer.

Ils s'aimeraient.

FIN

Voilà ainsi s'achève Hostage.
Je sais que certains m'en veulent un peu des pertes que nous avons subi au cours de l'histoire. Il ne pouvait en être autrement au vu du sujet traité et je vous promets que je me rattraperai très bientôt.
Dans cette ff, j'aborde le courage mais aussi la résilience qui est, je crois, mon sujet de prédilection.
Je veux croire que malgré les épreuves de la vie, quelque chose de bon peut en sortir.
J'espère que vous avez aimé vivre cette aventure à mes côtés, moi j'ai adoré la partager avec vous.
Un grand merci à mes lecteurs fidèles qui m'accompagnent à chaque pas, vous êtes mon moteur.

Et si vous n'êtes que de passage, merci d'avoir pris le temps de vous arrêter dans mon univers.

À très bientôt
XoXo

LINA



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