18. Eighteenth bullet

Jungkook entendit des éclats de voix au moment où il sortait de la douche.

Il enfila un short et un t-shirt et se précipita à l'extérieur de sa chambre.

Un long couloir desservait la partie nuit de la demeure dans laquelle ils avaient tous élu domicile depuis quelques jours.

Cela faisait plusieurs semaines qu'ils étaient arrivés au Brésil et que Taehyung avait été enlevé.

Jimin avait décidé de quitter l'hôtel dans lequel ils avaient séjourné pour louer une villa plus proche du centre-ville.

Il s'agissait d'une grande maison coloniale entourée d'un jardin tropical. Une équipe de gardes armés avait été embauchée pour assurer leur protection.

Certains étaient en faction dans le parc alors que d'autres occupaient les communs qui se trouvaient au rez-de-chaussée avec les salles de réception.

L'étage avait été privatisé pour leur laisser un minimum d'intimité.

Il parcourut le couloir pour se diriger vers l'immense escalier qui desservait le rez-de-chaussée et manqua de rentrer en collision avec Woosik qui montait les marches trois par trois.

Il allait lui demander ce qu'il se passait, mais il ne lui en laissa pas l'occasion.

Il passa devant lui, la mine fermée en lui donnant un coup d'épaule.

Le garde du corps retint une grimace de douleur. On lui avait enlevé ses bandages, cependant sa blessure restait douloureuse.

Il observa le secrétaire de Taehyung remonter le couloir et entrer dans sa chambre en claquant la porte.

Il ne put s'empêcher de pousser un soupir.

L'ambiance dans la maison était à couteaux tirés depuis des jours et les esclandres entre le meilleur ami de Taehyung et son ancien amant, monnaie courante.

Jimin et Woosik ne cessaient de se hurler dessus.

Le secrétaire ne comprenait pas l'immobilisme du frère de Taehyung alors qu'il avait les moyens financiers d'intervenir, même si c'était en pure perte.

Jimin ne s'était plus approché de lui. Il se contentait de le saluer d'un signe de tête quand il le croisait comme il l'aurait fait avec un étranger.

Lui n'avait pas cherché non plus à renouer le dialogue, préférant laisser son ancien amant réfléchir le temps que cette histoire soit réglée avec l'espoir secret que les choses rentreraient dans l'ordre.

Il avait mis son temps à profit pour repenser cette relation passionnelle qu'ils entretenaient, faisant face à une réalité qui avait trop souvent refusé de voir.

Concernant Taehyung, rien n'avait changé, il était quelque part dans la jungle sans que l'on sache s'il était encore vivant et aucune demande de rançon ne leur était parvenue.

Jungkook ne cessait de s'interroger et ne comprenait pas qu'ils passent leurs journées à attendre des nouvelles.

Il savait qu'il passait à côté de quelque chose sans réussir à mettre le doigt dessus.

Il avait donc entamé des recherches de son côté grâce à ses connexions sur le Dark Web et attendait des réponses.

Cependant, personne n'avait d'informations pour l'instant sur ce qu'il était advenu de son patron.

C'est un bruit de verre brisé qui le tira de ses sombres pensées.

Il dévala les escaliers et se dirigea vers le grand salon avant de stopper net devant la double porte qui était restée ouverte.

Le plateau en verre de la table basse gisait en mille morceaux au sol, comme si elle avait explosé sous un impact.

Il releva la tête et vit que la porte-fenêtre, qui donnait sur le balcon, était grande ouverte.

Jimin était appuyé contre la rambarde. Il était torse nu.

De lui, il ne distinguait que son dos musclé et ses tatouages qui ressortaient sur sa peau blanche.

Il avait enroulé son t-shirt autour de sa main blessée comme le laissait présager l'auréole rouge qui s'étendait à vue d'œil sur le tissu.

Son premier réflexe fut de se précipiter vers lui, pourtant, c'est d'un pas calme qu'il traversa le salon et se rendit sur le balcon pour s'accouder à la balustrade à ses côtés.

Son amant fumait une cigarette, le regard perdu vers l'horizon et même s'il avait remarqué sa présence, il ne tourna pas la tête dans sa direction.

- Besoin d'aide ? demanda le garde du corps en désignant la blessure du regard.

- Casse-toi Jungkook, ce n'est pas le moment, répondit Jimin sans même le regarder.

Il finit sa cigarette et la lança au loin.

- Que s'est-il passé avec Woosik ?

Jimin posa enfin les yeux sur lui. Il sentit la brûlure de son regard sur son profil alors qu'il observait les gardes du corps qui faisaient une ronde dans le jardin en contrebas.

- Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans dégage ?

À une autre époque, Jungkook aurait tremblé sous son ton agressif et aurait certainement fait demi-tour pour regagner ses appartements, mais cette époque était révolue.

Il avait eu du temps pour réfléchir.

Les choses avaient changé, il était toujours amoureux de lui et le serait sûrement toujours, mais il avait ouvert les yeux sur son amant.

Il ne reconnaissait plus l'homme dont il était amoureux depuis l'enlèvement de Taehyung. Mais l'avait-il seulement connu ?

Ils n'avaient partagé qu'une relation charnelle alors que lui avait toujours désiré plus.

Mais pouvait-on vraiment construire un château sur des sables mouvants ?

Car c'était exactement ce que Jimin représentait à ses yeux, une étendue de cristaux qui brillaient dans le soleil. Une surface douce en apparence qui invitait à la caresse, cependant ses profondeurs cachaient un piège mortel qui vous enlisait sans même que l'on s'en rende compte.

Elle engloutissait vos espoirs et vos rêves dans une étreinte étouffante.

C'est ce qu'il avait ressenti tout le long de sa relation avec lui, l'impression de se noyer lentement, irrémédiablement.

Et ce n'est pas ce qu'il voulait...

Il se recula de la rambarde et se tourna pour s'y appuyer.

- T'en prendre à Woosik ne fera pas avancer les choses.

Jimin poussa un soupir et se planta devant lui.

- Woosik est un abruti qui ne comprend rien aux affaires.

Jungkook eut un rictus.

- Alors c'est ça le problème, les affaires ? Ta chère entreprise ?

- Je ne te permets pas...

- Quoi, de te mettre face à tes propres contradictions ? Tu dis t'inquiéter pour ton frère, mais à ce jour, tu n'as rien fait pour le retrouver. Tu passes tes journées au téléphone avec SPEAR comme si c'était la chose la plus importante. Tu fais preuve d'un immobilisme qui frise le déni. Tu as les moyens de faire quelque chose alors qu'est-ce que tu attends ?

- Tu ne sais rien, répondit Jimin en serrant les dents.

- Je n'ai peut-être pas toutes les réponses en effet, mais je peux comprendre la frustration de Woosik. Il a perdu son meilleur ami et doit se soumettre à ton bon vouloir.

- Ça ne t'a pas posé de problèmes jusqu'à récemment, dit Jimin avec un sourire salace en se reprochant de lui pour attraper son t-shirt par le col.

Jungkook regarda son ancien amant avec l'envie furieuse de lui foutre son poing dans la gueule.

Il ne cessait de le rabaisser en toute occasion et c'est quelque chose qu'il ne pouvait plus supporter.

Il se dégagea d'un mouvement vif.

- J'ai fait quelques recherches, dit-il, ce qui eut pour effet de faire froncer les sourcils à son vis-à-vis.

Il se délecta de l'expression de colère qui s'inscrivait sur son visage.

- Et je peux savoir ce que tu as découvert ?

Jungkook retint un sourire.

- Je n'aime pas dévoiler mes informations.

Jimin partit d'un éclat de rire.

- Quelles informations pourrais-tu bien avoir ?

- Pour un simple garde du corps, tu veux dire ?

Son amant eut un sourire.

- Ce n'est pas moi qui le dit...

- Tu es décidément qu'un sombre connard condescendant, répondit Jungkook.

Il vit une lueur meurtrière s'allumer dans ses yeux.

Si Jimin détestait une chose, c'était qu'on égratigne le vernis de sa personnalité pseudo-parfaite.

- Pour ta gouverne, il y a pas mal d'incohérence dans l'enlèvement de ton frère. Que ce soit le fait que les journaux aient été mis au courant de suite ou encore que nous n'ayons pas reçu de demande de rançon. À moins que ce soit le cas et que tu nous aies caché cette information... Quoi qu'il en soit, quelque chose ne colle pas dans toute cette histoire et j'ai bien l'intention de découvrir le fin mot de l'histoire, conclut-il avant de se diriger vers la porte-fenêtre.

Jimin le regarda passer sans un mot.

- J'ai embauché une équipe, dit-il simplement en faisant stopper net Jungkook qui se retourna pour lui faire face.

- Quelle équipe ?

Jimin poussa un soupir et prit son paquet de cigarettes dans la poche arrière de son jean.

Il en sortit une qu'il tapota avant de la porter à sa bouche.

- J'ai embauché des mercenaires qui sillonnent la jungle pour essayer de trouver une piste. C'est un groupe qui vient des États-Unis, mais qui a des contacts dans le pays.

- Pourquoi ne pas l'avoir dit ?

- Je n'ai pas de compte à vous rendre. C'est mon frère qui a disparu.

- Jimin, je te rappelle que ton frère est mon patron et que c'est le meilleur ami de Woosik.

Devant le silence de son ancien amant, il passa une main sur son visage et soupira.

- Très bien, tu n'as pas de compte à nous rendre si telle est ta volonté, garde le silence sur ce que tu as pu apprendre, je continuerai mon enquête de mon côté.

Jimin réagit enfin et fit un pas vers lui.

- Je t'ai dit que je m'en occupais, contente-toi d'attendre.

Jungkook haussa les sourcils devant son ton agressif. Plus le temps passait, plus il était persuadé que Jimin cachait une information capitale. Trop de choses dans son comportement appelait un questionnement.

- Aurais-tu peur que je découvre que tu es mêlé d'une façon ou d'une autre à cette affaire ? Non, bien sûr que non, suis-je bête ! Comment Park Jimin pourrait être impliqué dans l'enlèvement d'un membre de sa famille, même si cela lui ouvre les portes du poste de président du groupe ? demanda-t-il en penchant la tête sur le côté.

Jimin le regardait les mâchoires serrées, mais encore une fois, il ne répondit pas.

Jungkook eut un sourire sarcastique.

- On est d'accord, visiblement, ce serait totalement idiot. Continue donc à faire ce que tu faisais jusqu'à maintenant, je m'occuperai de retrouver Taehyung si tu en es incapable, dit-il en tournant les talons et en traversant le salon pour regagner le couloir.

À chacun de ses pas, il sentit le regard brûlant de Jimin sur sa nuque, cependant il ne se retourna pas.

Ses mains tremblaient encore du poids des mots qu'il avait prononcés.

Il avait pratiquement accusé son amant d'être responsable de ce qui était arrivé à son frère. Il avait voulu le faire réagir en jouant un coup de poker. Pourtant, au vu de sa réaction, il se demandait s'il n'avait pas frôlé la vérité.

La question qui tournait en boucle dans son esprit serait dorénavant toujours la même ?

Qu'est-ce que lui ferait si c'était vraiment le cas ?

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