10. Tenth bullet
Yoongi venait de s'allonger sur son lit quand son téléphone satellite émit le bip caractéristique d'un appel entrant.
Il poussa un soupir et se redressa pour tendre le bras vers le meuble qui lui tenait lieu de table de chevet.
La journée avait été éreintante et son humeur n'était pas encline à la sociabilité.
Il n'avait qu'une envie, celle de dormir, cependant il devait répondre.
Chaque semaine, Kim Namjoon, le second du Cartel, l'appelait pour leur donner les ordres de la semaine.
Ils devaient généralement récupérer des cargaisons de drogues dans les différents laboratoires qui jonchaient la jungle et assurer leurs protections jusqu'à leurs arrivées jusqu'aux cortadors.
Il s'agissait d'une strate de l'organisation qui conditionnaient les gros arrivages de façon à ce qu'ils soient transportables, pour ensuite les faire parvenir aux différentes personnes qui approvisionnaient le trafic.
Il arrivait également que le groupe de Yoongi soit chargé de l'enlèvement d'une personne avec qui le cartel avait des comptes à régler.
Ils se chargeaient alors de les amener dans un endroit qui leur était stipulé à l'avance et ils repartaient sans poser de questions.
Telle était la loi du cartel "silêncio e obediência" (silence et obéissance).
Le cas de Kim Taehyung était une exception à ce jour. Il avait reçu l'ordre de le récupérer et de le garder prisonnier au camp. C'était une injonction qui émanait directement de Kim Seokjin, le grand patron.
Yoongi se leva et prit la communication.
- J'écoute.
Les appels se faisaient toujours de manière cryptée et étaient intraçables, cependant ils utilisaient des noms de codes par sécurité.
- Tu as récupéré le paquet ? demanda la voix de Kim Namjoon.
- Il est en sécurité avec nous. Nous attendons les ordres du condor.
Le condor était le chef du cartel. De son vrai nom, Kim Seokjin, il était un des hommes les plus recherchés du monde.
Yoongi n'était pas censé posséder ce genre d'informations et taisait, pour sa propre sécurité, le fait qu'il connaissait sa véritable identité.
L'homme était au dessous de tout soupçon, bel homme imbu de lui-même, il dirigeait une fondation mondialement connue dans le domaine de l'Art.
Ses galeries lui avaient servi de couverture pour le blanchiment de l'argent qu'engendrait le narcotrafic.
À la tête d'un business florissant, il avait pu par la suite créer des laboratoires dans lesquels il faisait fabriquer de la méthamphétamine et du fentanyl, qui étaient devenues des drogues de synthèse à la mode.
La Crystal Meth avait inondé le marché des plus grandes puissances de ce monde et Kim Seokjin avait créé son propre royaume et s'en était autoproclamé roi.
- Fais en sorte de le garder vivant, même si je n'ai aucune idée de ce que veut en faire le Condor. On tient un commerce putain, on a autre chose à foutre que de jouer les nounous pour un petit con.
Yoongi tiqua sur le ton employé. Apparemment le second du Cartel, qui se faisait appeler le Jaguar, n'était pas tout à fait d'accord avec son supérieur. Il enregistra cette information et se contenta de répondre.
- Il sera fait selon vos volontés.
Le jaguar se contenta de grogner et de lui raccrocher au nez.
Yoongi avait eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises.
S'il lui avait offert un verre et tapé sur l'épaule en lui ordonnant de l'appeler par son vrai nom, il s'en méfiait comme de la peste.
Kim Namjoon était de ces hommes qui détestaient passer au second plan et il risquait de devenir dangereux.
Et si Yoongi voulait bien éviter une chose, c'était d'être coincé entre deux égos surdimensionnés.
Même si c'était de lui qu'il recevait les ordres, il se montrait prudent. Il n'était pas question qu'il se retrouve au milieu d'une guerre de pouvoir.
Incapable de trouver le sommeil dorénavant, Yoongi prit une cigarette et sortit sous le porche du logement qu'il occupait.
Il s'agissait d'une cabane avec une architecture identique aux autres. La différence résidait dans sa superficie, qui était plus grande, et dans son ameublement moins sommaire. Il possédait, en plus de son lit, une armoire, un bureau et un semblant de salle de bains qui se résumait à un baquet en bois, caché derrière un rideau miteux.
Un fauteuil avait été installé sur ce qui lui servait de terrasse. Il aimait s'y asseoir la nuit et observer la vie du camp qui ne dormait jamais vraiment, même si son activité se résumait aux allées venues des hommes de garde.
Cependant, s'il ne les voyait pas, il savait que des guetteurs étaient positionnés tout autour de lui, surveillant les éventuelles intrusions ou les attaques de forces militaires gouvernementales qui s'étaient données pour mission d'éradiquer le trafic de drogues dans ce pays.
Jusqu'à aujourd'hui, leur campement n'avait jamais été découvert, toutefois il préférait rester prudent.
Il tira une latte de tabac et recracha la fumée qui s'envola vers le ciel étoilé.
La température s'était rafraîchie à la faveur de la nuit, mais restait toujours élevée. Il entendait au loin quelqu'un qui actionnait la pompe de la douche.
Pour eux, la nuit n'était pas un moment en suspens qui permettait de se laisser aller à la sérénité. Chacun restait sur ses gardes dans un état d'alerte permanent qui les suivait jusque dans leurs sommeils.
Ses pensées glissèrent vers le prisonnier, comme souvent ces derniers jours.
De la lumière brillait dans sa geôle, à l'instar de toutes les autres nuits d'ailleurs, comme s'il refusait de se laisser aller à l'obscurité.
Un garde était posté devant sa porte, une arme à l'épaule.
Kim Taehyung ne lui avait pas posé de problèmes jusqu'à maintenant. Il n'avait émis aucune protestation, mangeait ce qu'on lui apportait et allait à la douche une fois par jour sous la surveillance de Tiago, qui était la seule personne à qui il parlait.
Un prisonnier calme, peut-être trop pour sa tranquillité d'esprit...
Il écrasa sa cigarette.
Il allait rentrer quand il vit la silhouette de Hoseok passer devant la cabane de Taehyung. Il attendit pour voir ce qu'il allait faire. Son second s'arrêta un instant, le regard fixé sur la fenêtre illuminée avant de faire demi-tour.
Yoongi reprit sa respiration qu'il avait retenue s'en vraiment s'en rendre compte.
Une autre chose le taraudait, Hoseok semblait avoir jeté son dévolu sur le prisonnier et il n'aimait pas ça.
Jungkook frappa à la porte, mais personne ne répondit.
Il actionna la poignée et ouvrit la porte.
Jimin était assis sur le canapé de sa chambre, un verre à la main et regardait la télévision qui diffusait des informations en continu.
Il avait décidé de venir, car il avait besoin d'avoir une conversation avec lui. Il ne supportait plus sa froideur et son ignorance envers lui.
Il ne reconnaissait plus l'homme dont il était tombé amoureux et se demandait s'il l'avait un jour vu son vrai visage.
Il resta à l'entrée et observa son profil qui se découpait dans la pénombre, seulement éclairé par la lueur bleutée de l'écran.
Il avait su dès le premier regard qu'il tomberait pour lui. Il avait lutté pour ne pas céder à ses avances, pourtant Jimin n'avait jamais abandonné jusqu'à l'avoir dans son lit.
Il ne regrettait pas de lui avoir donné son corps, mais déplorait d'avoir laissé ouverte la porte de son cœur.
Il savait depuis le début qu'il souffrirait, néanmoins il ne pouvait se résoudre à mettre fin à cette relation toxique qu'ils avaient instaurée et où Jimin prenait tout de lui sans jamais rien céder.
Il allait s'avancer quand son attention fut attirée par le nom que prononça la présentatrice.
Flash spécial
Nous apprenons la disparition du Président Directeur du groupe SPEAR, Kim Taehyung.
Il aurait été enlevé dans les environs de Manaus au Brésil alors qu'il se rendait sur les lieux de la future usine de composants électroniques qu'il souhaitait construire dans la région.
Le convoi, qui le transportait, a été attaqué tandis qu'il traversait la jungle en direction du site.
L'assaut n'a pas été revendiqué à l'heure où nous parlons, mais les suspicions se tournent vers le Cartel du Cardo.
Cette nouvelle a fait l'effet d'une bombe sur les places boursières du monde entier. Les spéculations quant à une éventuelle succession par le frère aîné du disparu, Park Jimin, ont fortement impacté le prix des actions.
Nous retrouvons notre envoyé spécial sur les lieux de l'enlèvement.
Sur l'écran, on voyait l'épave de leur voiture, de la fumée était encore présente, s'échappant du moteur.
Jungkook ne put retenir une expression horrifiée qui fit se retourner Jimin.
Le garde du corps détourna le regard de l'écran pour le plonger dans celui de son amant qui l'observait en fonçant les sourcils.
- Tu étais au courant ?
Jimin éteignit la télévision.
Il se leva et posa la télécommande sur la table basse.
- Je l'ai appris il y a moins d'une heure, répondit-il d'une voix neutre.
Jungkook s'avança en serrant les poings.
- Et tu n'as pas daigné nous en informer ?
- Jungkook, prévint Jimin.
- Les images datent de quelques minutes après l'enlèvement. On voit encore le moteur fumer. Comment ont-ils pu le savoir aussi vite ? Et pourquoi balancer la nouvelle seulement maintenant ?
- Je n'en sais rien !!
- Pourquoi es-tu si calme ? Pourquoi j'ai l'impression que tu me caches quelque chose ?
Jimin se rapprocha jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres de lui.
Son regard était glacial quand il plongea ses yeux dans les siens.
- Que sous-entends-tu exactement ?
Jungkook recula d'un pas tant la colère irradiait dans les prunelles de l'homme qu'il aimait.
Jimin n'avait jamais levé la main sur lui, pourtant à cet instant, il eut peur.
Quelque chose avait changé en lui depuis l'enlèvement, comme si l'étincelle qui brillait dans ses yeux s'était éteinte.
Il sentit une grande tristesse l'éteindre et eut soudainement l'envie de le prendre dans ses bras et de se rassurer pour faire taire cette peur qui grandissait en lui.
Il leva la main pour l'effleurer, mais Jimin recula. Il ressentit son geste comme un déchirement.
Il laissa retomber son bras le long du corps en luttant contre les larmes qu'il sentait naître dans ses yeux.
- Je pense qu'il serait préférable que nous arrêtions de nous voir pendant quelque temps, dit son amant d'une voix sourde. Je n'ai ni l'envie de t'entendre me faire des reproches, ni de temps à te consacrer. Je dois penser à mon entreprise et à mon frère. Je crois que tu devrais regagner ta chambre.
Jungkook sentit quelque chose se briser en lui.
- C'est vraiment ce que tu veux ? murmura-t-il, le cœur au bord des lèvres.
- Oui.
Trois petites lettres prononcées sans l'ombre d'une hésitation.
Un seul petit mot et il vit tous ses espoirs s'écrouler.
Jimin venait de le balayer de sa vie en un claquement de doigt sans même qu'une lueur de regret n'effleure son regard.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top