Edward vit de grandes bottes mandarines s'arrêter devant le canapé, manifestement, il l'avait vu.
— Il y a beaucoup de monde, tu as vu ? fit la voix douce.
Edward ne dit rien, sa respiration saccadée parla à sa place. Il savait qu'il se tuerait s'il ne disait rien, pourtant.
Il n'y arrivait pas.
— Oh, j'ai quelque chose à toi.
Une main gigantesque glissa le dessin froissé devant lui. Cette main pouvait certainement recouvrir le torse d'Edward.
— Tu peux le prendre, c'est le tien.
Edward scruta plutôt sa grande main métallique. Une simple pression et prack. Il n'avait plus de torse.
Cette pensée le terrifia encore plus.
Edward rapprocha vivement le dessin de lui. Il avait honte d'avoir forcé indirectement Mercury à ramasser son œuvre horrible pour les yeux.
S'ensuivit un long silence, parfois comblé par la respiration convulsive du garçon qui ne rassurait pas Mercury.
Le bioméca se leva, le cœur d'Edward bondit. Allait-il appeler quelqu'un pour le faire sortir ? Ou soulever le canapé de lui-même ? Edward s'imaginait déjà se faire jeter de force de la loge. Dans un sens, ce n'était pas déraisonnable, il n'avait aucun droit d'être là.
Mercury revint s'asseoir trois minutes plus tard, Edward ne voyait pas totalement son visage, son museau était comme coupé en deux.
— Tu sais, je suis un biomécanique, néanmoins, je ne sais pas tout faire. La cuisine, par exemple. Je connais des petites recettes et les bases, mais mon ossature me joue beaucoup de tours si tu voyais... Hier, j'ai essayé de préparer des beignets de purée. Je t'avoue que l'étape « récupération dans l'huile » a été fastidieuse. En tout cas, j'en ai gardé. — Il marqua une pause afin de poser un tupperware exactement là où il avait déposé le dessin plus tôt. — Tu peux en prendre, bien entendu. Oh, et si tu es allergique à quoi que ce soit, il y a une liste des ingrédients sur le post-it.
Edward regarda longuement la boîte avant de la rapprocher de lui. Il n'avait pas eu le temps de manger correctement, alors oui, il avait faim. Le jeune garçon lut les ingrédients. Pour sa part, il était allergique aux myrtilles et son estomac était un grand capricieux.
Ouf, rien de tout ça. Edward essaya de l'ouvrir. Elle était enfoncée. Il sentit le rouge monter. Le smiley semblait plus ironique tout d'un coup.
La honte.
— Tu veux que je t'aide un peu ?
Le garçon lui donna la boîte, les mains moites et les joues carmin — sans surprise. Mercury l'ouvrit en une seconde à peine.
— Voilà, mon grand, tiens.
Edward la reprit. Il ne connaissait pas ça, ces beignets de purée. Ça sentait très bon, leur forme obèse de garniture et leur cuisson dorée donnait envie.
Il en prit un, goûta un petit morceau...
Wow.
Edward tomba tellement amoureux qu'il vérifia s'il pouvait reprendre un autre :
— Je... Je peux ?
Mercury lui sourit.
— Bien sûr ! Je suis ravi que ça te plaise ! (Il haussa les épaules) Le personnel du parc n'a pas vraiment aimé, donc je me disais que je n'étais pas très bon et que je devais apprendre vite à faire autrement.
— C'est... C'est délicieux.
— Je suis content. Prends-en autant que tu veux.
Edward en resta à trois, il se sentait suffisamment contrevenant. Surtout, il ne se rendit pas compte qu'il avait un peu avancé, son visage sortait presque totalement.
Mercury continua parce que, lui, il avait bien vu cette progression :
— Ça ne coûte rien de demander, mais je ne suis pas non plus très bon pour réparer des objets plus vieux que moi, qui plus est en dehors de mon programme. Je te montre ça, pourvu que tu y voies plus clair que moi.
Le lion mécanique retira sa veste, il se plaça de profil. Edward vit son dos s'ouvrir vers l'extérieur, comme un coffre de bagnole. Le mouvement de bâillement déchira son marcel. Mercury passa sa main à l'intérieur du coffre, il en extraya une boîte à musique paumée.
— Je l'ai dans ce coffre depuis des années. Elle ne m'a jamais lâché malgré sa vieillesse, mais il y a peu, elle ralentit, parfois joue une mélodie incomplète ou s'arrête même brusquement. Comme cette boîte est plus vieille que moi, je n'ai pas appris à la réparer et je ne sais comment m'y prendre. Je comprendrai que tu ne puisses pas, vraiment, je ne le prendrai pas mal.
Edward sortit du canapé. Oui, il est sorti. Il a réussi, pour Mercury, c'est une victoire. Le voir enfin, sans ce canapé qui les séparait, ça le comblait de triomphe, du moins, ce que sa simulation émotionnelle tentait de reproduire.
Edward observa longuement la boîte. Elle avait une certaine prestance avec son âme d'Art Nouveau et ses arabesques — il crut même relever une silhouette de femme assise dans les motifs floraux entrelacés. Bois liseron laqué, ornements en cuivre, coussin en velours rouge bordeaux, dossier trop haut, accoudoirs tachés de points sombres irréguliers et un soupçon de poussière, cet objet était... intriguant. En ouvrant la mini-trappe dissimulée sous l'assise, Edward découvrit tout le mécanisme. Jamais il n'avait vu une boîte à musique prendre la forme d'une chaise à bascule. Pour autant, le garçon se sentit pousser des ailes, ça, il savait réparer !
— Je... je peux essayer quelque chose ?
Mercury le regarda, étonné.
— Tu en es sûr ? Si tu ne te sens pas de le faire, tu peux me dire.
— O-oui... Je... Je m'en sors un peu avec ça. V-vous n'auriez pas des outils ? Même très rudimentaires.
— Merci beaucoup. Merci énormément, c'est si gentil. Pour les outils, j'ai quelques petites choses, n'hésite pas à me dire si cela te convient.
Immédiatement, il vomit son coffre dans un concert métallique. Edward trouva une clef à molette, un tournevis, quelques boulons, des pelotes de laines, des aiguilles de coutures, des navettes, des yeux de sécurité, deux tubes de colles, une bouteille d'huile, un briquet, une montre steampunk, une pochette de feuille, une paire de ciseaux, un assortiment de crayons de couleurs et de peintures, un ouvre-boîte, des pots de paillettes, des stylos, des affiches des Little Big, trois carnets d'écriture et un cadre photo vide. Par respect, Edward ne toucha qu'aux objets dont il avait besoin.
Il commença par démonter la chaise. En voyant que le mécanisme s'étendait par des tiges articulées jusqu'aux pieds, il comprit que la chaise devait basculer pour jouer. Mercury avait parlé d'une musique capricieuse, les seuls fautifs étaient le ressort, le cylindre ou un mécanisme grippé.
Edward se dépêcha de vérifier si le ressort n'était pas détendu et effectivement, il s'assoupissait comme un paresseux. Le ressort est littéralement le cœur de ce genre de mécanisme, s'il est trop détendu, la musique peut ralentir ou s'arrêter brutalement. Edward le rembobina doucement. Fait. Il se concentra sur l'état du cylindre, il était vivant, mais grippé par de la rouille. Si le cylindre musical ne tourne pas, il ne peut pas toucher le peigne, donc il n'y a pas de musique. Celui-là était apparemment déclenché par un petit engrenage interne. Edward gratta la rouille avec la paire de ciseaux. Il tourna le cylindre. Fait. En regardant de plus près, la moitié des dents du peigne musical étaient estropiées. Le peigne est chargé de jouer la musique avec ses languettes vibrantes, après le passage du cylindre. Le jeune garçon devait en bricoler un autre. Il attrapa la montre, la martela de coups de clef à molette et récupéra les ressorts encore sur le champ de bataille (il en avait cassé pleins). Edward attrapa le briquet et commença à détendre les ressorts. Un se resserra brusquement, il le reçut en pleine face.
La honte.
Il remplaça les fentes vides et les languettes abîmées du peigne par les ressorts survivants. Il passa un rapide coup d'huile sur les engrenages et remonta le mécanisme. Après un petit coup de clef à molette sur l'assise, Edward posa la chaise par terre. La musique se déclencha si soudainement qu'il lâcha un petit cri. Mercury n'en crut pas ses yeux. Il avait réparé ça en cinq minutes à peine !
— Elle fonctionne... C'est incroyable, tu es incroyable, je ne peux qu'être admiratif. Depuis quand sais-tu faire ça ?
Edward s'arrêta net. La musique n'existait plus. Il laissa tomber la clef à molette.
Mercury avait dit incroyable ? Il avait dit admiratif ? Les larmes lui montèrent aux yeux. Il n'avait jamais entendu de tels mots. Jamais.
— Ex-excusez-moi... sanglota-t-il.
— Est-ce que ça va ? Je suis vraiment navré, je ne voulais pas te blesser.
— Je... je... suis... désolé...
— Je t'en prie, ne t'excuse pas, c'est moi, j'ai été indélicat.
— N-non... ab-absolument pas... ça... ça me touche...
Ça le touche ?
Soucieux était le mot exact pour qualifier Mercury. En temps normal, il l'aurait scanné pour au moins connaître son nom, si le scanner refusait de coopérer. Mercury n'avait aucune information sur lui. Sa réaction face à son compliment le mit d'autant plus dans l'incertitude.
La musique exista à nouveau, seulement parce qu'Edward lui accorda plus d'importance. Elle était bizarre, sous les notes de violoncelle, un autre son, plus timide, en profitait aussi. Edward essuya les larmes passantes. Il devait se concentrer.
Point. Point. Point. Point.
Bon sang.
C'était du morse.
Reprenons. Son index bougea en même temps que les signaux.
— Tout va bien ?
Edward ne répondit pas. Concentration.
Le message se répétait en boucle.
Point. Point. Point. Point. Silence. Point. Point. Silence. Tiret. Point. Point. Silence. Point.
Un long frisson parcourut son échine.
— Hide.
Le signal continua. Un battement.
— And.
Un autre mot. Une demie crise cardiaque.
— Out. Hide and Out.
Toutes les lumières de la pièce éclatèrent en faisceaux partant dans tous les sens. Pop. Pop. Pop. Toutes, pas la moindre exception. La musique s'arrêta en plan. Mercury passa ses bras au-dessus d'Edward. Ils se retrouvèrent dans le noir trop brusquement.
Edward pensa bêtement au monstre en pyjama qui l'observait dans un coin. Un genre de croque-mitaine, en version Edward.
Le garçon tourna la tête, Mercury était littéralement défini par deux grands yeux dorés brillants. L'image était légèrement perturbante. Au moins, ses yeux offraient un peu de lumière.
— Tu n'as rien ? demanda le bioméca en allumant le briquet. La lumière jaune-ocre ainsi projetée contre son visage durcissait ses traits.
— Je... Je vais bien... mais... que s'est-il passé ? dit-il d'une voix minuscule.
Le lion mécanique jeta une œillade derrière lui.
— Je l'ignore.
WHAAAH-WHAAAH-WHAAAH
Edward sursauta violemment, il colla ses mains à ses oreilles. Mercury fixa le plafond, là d'où semblait provenir l'alarme. Heureusement pour eux, elle se tut rapidement. Uniquement dans l'objectif de céder sa place à une voix féminine. Son ton appuyé détonnait beaucoup trop par rapport à l'urgence de la situation.
Attention, attention !
Une tempête accompagnée d'orages violents et de grêle est en approche. Pour votre sécurité, veuillez immédiatement suivre ces consignes :
• Restez calmes et suivez les indications du personnel.
• Évacuez les attractions et dirigez-vous vers les zones couvertes et sécurisées les plus proches.
• Évitez les structures légères, les arbres et les objets pouvant être emportés par le vent.
• Ne tentez pas de quitter le parc en voiture tant que la situation n'est pas sous contrôle.
Merci de votre coopération. Restez attentifs aux nouvelles instructions.
❝ 𝙼𝚎𝚛𝚌𝚞𝚛𝚢 𝚎𝚜𝚝 𝚞𝚗 𝚕𝚒𝚘𝚗 𝚋𝚒𝚘𝚖𝚎́𝚌𝚊𝚗𝚒𝚚𝚞𝚎, 𝚜𝚝𝚊𝚛 𝚍𝚎𝚜 𝙻𝚒𝚝𝚝𝚕𝚎 𝙱𝚒𝚐 𝚎𝚝 𝚍𝚘𝚞𝚡 𝚌𝚘𝚖𝚖𝚎 𝚞𝚗 𝚊𝚐𝚗𝚎𝚊𝚞 ❞
꧁__________𝐇𝐈𝐃𝐄 𝐀𝐍𝐃 𝐎𝐔𝐓__________꧂
Heyy !
C'est la fin du chapitre !
Je suis vraiment désolé pour la longue attente, je vais essayer d'être plus rapide, comme ça, vous n'aurez pas attendre plus longtemps !
L'histoire vous plaît pour l'instant ?
Au prochain chapitre !
Kiss ♥
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