III : Until I Found You

J'étais resté assis sur ce tabouret de longues minutes, repassant en boucle les meilleurs souvenirs que j'avais avec Jayden, puis je me rendis compte d'une chose ; c'était la bonne chose à faire.

Expirant un bon coup, je ravalai les larmes qui broyaient ma trachée, et je me mis enfin debout. Ça devait faire dix bonnes minutes que Jimin s'était replié dans ma chambre avec Tobias. En traînant les pieds sur le carrelage, je partis rejoindre mon invité et le cyborg. Quand j'ouvris la porte, la scène qui se déroulait sous mes yeux me fit sourire.

Assis en tailleur sur mon lit, Tobias face à lui, Jimin tenait son poing droit serré sur sa paume ouverte vers le ciel alors que mon robot l'imitait. Le brun était en train de lui enseigner les bases du Shi Fu Mi, et si j'en croyais la confusion du cyborg , ce dernier n'y comprenait pas grand-chose.

Salut, fis-je en mettant fin à leur jeu.

Eh, salut, me sourit Jimin. Ton ami est encore là ?

Non il... il est parti, répondis-je en tentant de lui offrir mon sourire le plus sincère.

Je ne voulais pas qu'il ait connaissance de mes états d'âme, il n'avait pas besoin de cela dans sa vie, mais surtout, je ne voulais pas qu'il se sente coupable. Pourtant, je ne pus le cacher bien longtemps lorsque la voix de Freya résonna entre les murs.

"Jungkook, je décèle une légère augmentation de votre rythme cardiaque ? Souhaitez-vous que je lance un scan ? Ou que j'appelle un médecin ?"

Jimin fronça les sourcils et se leva pour venir se poster à quelques centimètres de moi.

Est-ce que ça va ?

Oui, je... je vais bien.

Vous mentez Jungkook, lança Tobias son regard brillant ancré dans le mien.

Q-quoi ? bafouillai-je, les joues réchauffées d'avoir été percé à jour.

Depuis que vous êtes enfant, vous grattez votre sourcil droit quand vous mentez et vous venez juste de le faire.

Au pied du mur, je n'avais d'autre choix que d'avouer. Pourquoi fallait-il que ce robot me connaisse mieux que je ne me connaissais moi-même ? Jusqu'à aujourd'hui, je ne savais même pas que j'avais un tic de ce genre.

Est-ce que tu veux en parler ? C'est à cause de la visite de ton ami ? me demanda Jimin d'une voix douce.

En fait, je crois qu'on n'est même plus ami.

Oh, souffla mon vis-à-vis en baissant les yeux sur ses doigts. Je suis désolé de l'apprendre, mais si jamais je suis la cause de votre désaccord, ne t'engueule pas avec ton entourage pour moi. Je n'en vaux vraiment pas la peine.

Jimin laissa échapper un petit rire à la fin de sa phrase, mais je savais que celui-ci ne contenait aucun humour, seulement de la résignation.

Bien-sur que si, et puis ce n'est pas à cause de toi. Ça fait longtemps que lui et moi ne sommes plus sur la même longueur d'onde.

Le silence qui s'installa entre nous n'était pas agréable, il était embarrassant, tout comme la situation actuelle. Je m'apprêtais à changer de sujet quand je sentis le corps de Jimin entrer en contact avec le mien, m'entraînant dans une étreinte des plus maladroites.

Ce contact soudain me surprit, mais ce que je constatai également, ce fut à quel point mon cadet était crispé. Toutefois, malgré son embarras, Jimin ne me lâchait pas, je pouvais même sentir sa main tapoter mon dos. Ce dernier n'était pas à l'aise, et pourtant il était là et tentait de me réconforter.

Même si j'aimais sentir son corps contre le mien, je mis fin à notre étreinte en me reculant. Les joues de mon cadet étaient bien plus rouges que d'ordinaire, ce qui m'arracha un sourire que ce dernier remarqua.

Désolé, les câlins c'est vraiment pas mon délire, expliqua ce dernier, nerveux.

Tu n'étais pas obligé, mais c'est gentil.

T'avais l'air d'en avoir besoin, ajouta Jimin en haussant les épaules. Je te dois bien ça.

Encore une fois, mon cœur fit cette chose étrange dans ma poitrine. C'était agréable, mais rapidement cela devint douloureux et j'en connaissais la raison. Ne t'attache pas espèce d'idiot, il va disparaître de ta vie aussi vite qu'il est arrivé. C'était ce que cette voix dans la tête me répétait en boucle, cependant, même si je savais qu'elle avait raison, j'étais incapable de faire taire ce sentiment.

Alors, qu'est-ce que tu vas faire de ta journée ? questionna mon cadet pour mettre fin au silence qui nous entourait.

Il faut que j'aille chercher l'argent pour ce soir, mais avant ça, j'aimerais te montrer quelque chose.

Hm, ok, répondit Jimin avant de baisser les yeux sur ses jambes encore dénudées. Je peux enfiler un pantalon avant ou tu veux encore profiter de la vue ? lança-t-il, un rictus taquin sur les lèvres.

Il savait comment me faire perdre mes moyens et encore une fois ça avait marché. Si depuis mon réveil, je faisais de mon mieux pour ne pas loucher sur ses jambes lisses et laiteuses, à présent, mon regard ne pouvait pas s'empêcher de les lorgner. En une fraction de secondes, je fus de nouveau téléporté quelques heures auparavant lorsque son corps chevauchait le mien. Je pouvais encore sentir la chaleur qui émanait de lui et ses doigts dans mes cheveux.

Eh le superhéros, t'es en train de penser à quoi là ?

Je ne... r-rien, bredouillai-je en détournant les yeux.

Le rire de Jimin brisa immédiatement la glace et mon corps se contracta avant de frissonner quand je sentis son pouce et la phalange de son index me pincer tendrement la joue.

Je te charrie Batman, me sourit ce dernier. Laisse-moi deux secondes que j'aille enfiler mon jean et je te suis.

Embarrassé, je hochai simplement la tête et le regardai quitter la chambre pour retourner dans la pièce de vie. Tobias, qui était resté à mes côtés, le regardait également, ce qui me poussait à m'interroger.

Est-ce que tu ressens quelque chose ?

Vous savez bien que je suis dépourvu d'émotion telle que l'amour ou la tristesse. Il n'y a que pour vous que j'éprouve une grande affection, mais j'ai été programmé pour ça, me répondit le cyborg avec cette indifférence qui le décrivait si bien.

Je t'ai vu sourire hier, quand tu dansais avec lui. Est-ce qu'à ce moment-là, tu as senti quelque chose de différent ?

Tobias posa enfin son attention sur moi et durant un bref instant, je crus déceler de la confusion dans ses yeux brillants.

Je ne sais pas monsieur. Je crois que j'apprécie sa présence. Vous semblez plus détendu et enjoué depuis qu'il est là. Vous savez bien que si vous êtes heureux, alors je le suis également. En plus, il m'apprend des choses qui semblent amusantes, expliqua l'androïde avant de froncer les sourcils. Est-ce que quelque chose cloche chez moi, Jungkook ? Dois-je redémarrer ?

Non Tobi, tout va bien, assurai-je avec un sourire tendre.

Si Jimin n'aimait pas les étreintes, ce n'était pas mon cas, et même si cet être devant moi était dépourvu d'âme, il m'avait toujours aimé, même si c'était le résultat d'une programmation. Sans aucune gêne, je m'approchai alors de lui et le pris dans mes bras.

Monsieur, pourquoi cette étreinte ? demanda-t-il, les bras le long du corps.

Parce que j'en ai besoin, murmurai-je.

Oh, tout ce que vous voudrez alors.

Tendrement, Tobias entoura mon buste de ses bras et m'enlaça à son tour. Comme les autres fois, son corps sécréta cette odeur de rose que je connaissais bien. C'était le parfum de ma mère.

Nous restâmes ainsi de longues secondes avant que je ne mette fin à ce contact. Sans rien dire, je partis en direction de la cuisine dans laquelle Jimin finissait d'engloutir ses pancakes après s'être habillé. Quand il fut prêt, je lui indiquai de me suivre et nous partîmes vers l'ascenseur.

Où est-ce qu'on va ? demanda-t-il près de moi.

On ne quitte pas l'immeuble, si c'est ta question.

Ok, tu la joues mec mystérieux maintenant ? me taquina Jimin en me donnant un coup de coude complice.

Non, gloussai-je. Disons que c'est une surprise. Je suis sûr que ça va te plaire.

À cet instant, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur mon sous-sol. À ma droite, Jimin fixait la vaste pièce devant lui, bouche bée. Avant que je n'aie le temps de dire quoi que ce soit, il se précipita hors de la cage de métal et se rua sur les immenses casiers en métal ouverts, qui exposaient tous mes costumes ainsi que les présentoirs dans lesquels était rangée la plupart de mes gadgets.

Putain de bordel de merde ! s'exclama mon invité en se précipitant vers la voiture de sport dernier cri qui se trouvait plus loin. Tu as une putain de Batcave !

Ça fait beaucoup de putain, ricanai-je en l'observant.

À ce moment, il ressemblait à un enfant face à une montagne de cadeaux et le voir ainsi me réchauffa le cœur. Depuis de nombreuses années, j'avais tous ces gadgets à ma disposition, certains, je les avais moi-même créés, tandis que d'autres avaient été faits par Tobias ou Freya qui contrôlait les bras robotiques que mon père avait conçus.

Je peux toucher ? implora presque Jimin en désignant la seule arme à feu que je possédais.

Tu peux, mais interdiction de toucher au cran de sûreté.

Promis ! jubila le brun en prenant l'objet entre ses mains. Tu t'en es déjà servi ?

Non, répondis-je en m'approchant de lui. J'espère ne jamais le faire. En général, j'utilise ça, ajoutai-je en prenant l'une des matraques télescopiques.

Intrigué, Jimin reposa délicatement le Glock à sa place et se tourna vers moi. Il prit dans sa main droite l'arme contondante et l'observa.

C'est avec ça que tu leur as botté le cul hier ?

Oui, je crois qu'ils doivent encore s'en souvenir.

Tss, frimeur, plaisanta mon cadet.

Nous passâmes les prochaines minutes à faire le tour de mon atelier. Jimin posait de nombreuses questions, s'exaltant devant chaque gadget. Ma visite ici avait un but bien précis, alors quand nous fîmes le tour de la pièce, je pris une petite boîte de métal que j'ouvris avant d'en extirper l'objet.

Tiens, fis-je.

Dos à moi, mon invité pivota pour me faire face et fronça les sourcils. Son regard descendit sur l'objet que je tenais au creux de la main avant de la saisir doucement, comme s'il avait peur qu'il ne se casse.

Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en tournant le gadget pour l'examiner.

Une montre connectée, expliquai-je. Avec ça, tu seras relié au réseau de Freya vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En cas de soucis, tu pourras me joindre peu importe où tu te trouves.

Jimin contempla l'objet de longues secondes avant de relever la tête vers moi et de me tendre le petit appareil.

Je peux pas accepter.

Q-quoi ? Pourquoi ?

Parce que ça coûte une blinde ce genre de truc. Je vais déjà avoir une dette envers toi d'un demi-million, répliqua Jimin.

Au ton de sa voix, j'eus l'impression qu'il venait de se refermer comme une huître. Qu'est-ce que j'avais fait ? Pourquoi avais-je l'impression que quelque chose venait de se briser ? Est-ce que c'était son orgueil qui parlait ? Évidemment, s'il y avait bien une part de son caractère que j'avais découvert, c'était sa fierté.

Ce n'est qu'une montre Jimin, répondis-je, d'une voix douce et prudente. Ce n'est pas un prêt, c'est un cadeau. Je t'ai dit que tu seras plus seul, et même si après ce soir, on ne se revoit plus, tu pourras toujours m'appeler si tu as des ennuis. En plus, ce sera utile pour ce soir, au cas où on est séparé.

Mon invité m'observa quelques minutes, voyageant dans mes iris avant de soupirer longuement.

Très bien, je la prends, mais une fois cette merde réglée, je te la rends, assura-t-il d'un ton neutre.

Ce n'était pas une victoire, mais ce n'était pas non plus un échec. Ne voulant pas le brusquer de nouveau, j'acquiesçai simplement en le regardant prendre la montre. Je lui expliquai rapidement comment celle-ci fonctionnait puis nous quittâmes la pièce pour poursuivre notre journée.

•────«•»────•

Cela faisait plusieurs heures que le soleil s'était couché sur la ville, laissant les néons illuminer les rues. Dans l'après-midi, Jimin avait contacté Scott afin de fixer un rendez-vous pour que l'on puisse enfin lui apporter l'argent qui réglerait les dettes de mon invité.

Le moment de la rencontre avait lieu dans quelques minutes, alors je vérifiai une dernière fois mon équipement. Perdu dans mes pensées, je fus ramené à la réalité lorsqu'un long soupir attira mon attention. Je levai les yeux et les posai sur Jimin qui venait de faire son apparition. Fraîchement douché, ce dernier portait le gilet renforcé que je lui avais donné.

Qu'est-ce qui t'arrive ?

Ce truc est trop grand, se plaignit-il en tendant ses bras devant lui, me montrant ainsi les manches qui retombaient devant ses mains.

Effectivement, ricanai-je, amusé par sa moue. Viens par là, ajoutai-je en lui signifiant d'approcher.

Visiblement contrarié par sa fine corpulence engouffrée dans ce vêtement, Jimin s'approcha sans discuter et se posta devant moi.

Tu vois ces boutons ici ? demandai-je en retournant le bas du vêtement, dévoilant les coutures internes.

Oui ?

Eh bien, le premier sert à...

Sans finir la phrase, j'appuyai sur le petit objet en question et le laissai montrer de lui-même son utilité. En une fraction de seconde, le tissu se rétracta pour enfin prendre la forme et la taille adaptée à la personne qui le portait.

Wouah, souffla Jimin, émerveillé.

Quand tu voudras le retirer, tu auras juste à appuyer dessus à nouveau et il s'élargira.

C'est vraiment trop la classe tous ces gadgets !

Et tu n'as pas vu le meilleur, gloussai-je.

Si tu me dis qu'il y a option massage, je te jure que je te vole toutes tes affaires et que je me tire en courant, plaisanta le brun.

Désolé, il n'y a pas de fonction massage en revanche, ça pourrait quand même te plaire.

Pour lui faire une petite démonstration, je pressai le deuxième bouton et les yeux de mon cadet s'écarquillèrent.

Putain de bordel de bite, il y a option chauffage !

Sa vulgarité et sa moue enfantine me firent rire, toutefois, mon sourire se fana lorsque je me rendis compte de la proximité de son corps et du mien. Plus je l'observais, plus je le trouvais incroyablement beau.

Eh Batman, à quoi tu penses ? me taquina Jimin, me ramenant ainsi à la réalité. T'es en train de loucher sur ma bouche ?

Q-quoi non je... je pensais à...

Mon invité laissa échapper un rire franc et cette mélodie fit pulser mon cœur.

Tu verrais ta tête ! se moqua-t-il. Tu es si mignon quand tu rougis, ça va me manquer.

Cette fois, son sourire disparut et une ambiance plus pesante s'installa entre nous. Le regard fuyant, Jimin se recula en se grattant la gorge puis afficha un sourire crispé, les mains sur les hanches.

Bon, on est prêt à partir ?

Oui, répondis-je sans grande joie.

À cet instant, je ressentais une émotion douloureuse m'envahir. Notre relation était étrange, à tel point que c'en était déstabilisant. Un coup, nous étions proches, la tension entre nous était présente, je pouvais le sentir, mais dès que nous passions au-delà de nos barrières réciproques, quelque chose se brisait entre nous et nous remettions de la distance.

Tiens, prends ça, dis-je en tendant mon bras vers lui.

Qu'est-ce que c'est ?

Une matraque télescopique. Tu as juste à donner un coup sec vers le sol et elle s'ouvrira.

Oh, merci, souffla-t-il. Tu penses qu'on va en avoir besoin ?

Je n'espère pas, mais on n'est jamais trop prudent. Le gilet renforcé que tu portes est doublé d'un matériau résistant aux balles, alors tu ne risques rien. De toute façon, si jamais ça tourne mal, tu revien-

Attends, je t'arrête tout de suite, si ça tourne mal, je ne prendrai pas la fuite ! me coupa ce dernier, la mine dure. Tu m'as pris pour une mauviette ou quoi ? Je peux tout aussi bien gérer ces connards. Je sais me battre, et tu le sais, tu m'as déjà vu à l'œuvre.

Je le sais, mais le but, c'est que tu ne sois pas blessé. Si ça dégénère, je saurai gérer, mais je ne pourrai pas le faire si je dois m'inquiéter pour toi.

Redescends Shadow, je me débrouille tout seul depuis que je suis enfant, c'est pas maintenant que je vais prendre la fuite.

Face à l'aplomb de mon vis-à-vis, je décidai de laisser tomber. Cela ne rimait à rien d'insister.

Ok, comme tu voudras, dis-je en me levant. Si tu es prêt, on va pouvoir y aller.

Jimin hocha la tête et me suivit en silence. En passant par le hall, j'attrapai le sac rempli d'argent puis nous entrâmes dans l'ascenseur. Étant donné les conditions météorologiques, il m'était impossible de prendre ma moto, ce fut donc vers la voiture que je me dirigeai lorsque nous arrivâmes au parking souterrain.

Après avoir mis le sac dans le coffre, je m'apprêtais à prendre place derrière le volant quand mon regard se posa sur Jimin qui restait statique, le regard rivé sur ma personne.

Tu ne montes pas ? demandai-je.

Tu es sûr de vouloir faire ça ? Scott va très probablement vouloir nous tuer. C'est un malade ce mec, je ne veux pas que tu perdes la vie à cause de moi, fit-il la voix légèrement tremblante.

Voyant la panique dans ses yeux, je contournai le véhicule et me postai devant lui. Je n'étais pas vraiment plus grand que lui, mais ma carrure imposante donnait l'impression que c'était le cas, et durant une fraction de seconde, je ne pus m'empêcher de trouver cela adorable.

Personne ne va perdre la vie, ni toi ni moi. On va lui donner l'argent et on partira. Si jamais il nous cherche les ennuis, alors on lui fera regretter sa décision.

Jimin me fixa quelques secondes avant de hocher la tête, peu convaincu. Je lui offris un sourire rassurant puis nous montâmes enfin dans la voiture. Le lieu de rendez-vous était à l'autre bout de la ville, dans le quartier que, nous autres, appelions, le No man's Land. Ce lieu, qui fut autrefois un quartier tranquille, avait été conquis par les gangs qui en avaient fait un lieu de désolation, ou la violence et les trafics en tout genre étaient légion.

Le voyage se fit sous la pluie qui ne cessait de tomber depuis le début d'après midi. Si d'ordinaire, je haïssais ce temps, aujourd'hui, j'étais rassuré. Dans ma vision, Jimin sautait du toit un soir de neige, j'étais donc persuadé qu'en l'aidant, j'avais enfin pu changer son destin.

Une fois arrivé sur place, je stationnai mon véhicule dans un coin reculé, ne voulant pas prendre le risque qu'elle me soit volée. Cette automobile dernier cri et améliorée par mes soins et ceux de Freya m'avait coûté un rein, et même si ce n'était pas tant la valeur monétaire qui m'importait, j'y portai également une valeur sentimentale.

Ok, on va faire un petit point avant d'y aller, commençai-je après avoir coupé le contact. Comme je t'ai dit à la maison, la montre que je t'ai donnée est reliée au réseau de Freya. Grâce à ça, elle pourra voir tes constantes vitales et surtout, en prenant ceci-ci, dis-je en lui tendant un petit appareil. Tu pourras aussi l'entendre.

Dubitatif, mais également ébahi par le gadget, Jimin le saisit dans la paume de ma main, et l'observa. Je pouvais voir au froncement de ses sourcils qu'il n'avait aucune idée de son fonctionnement, alors avec un certain amusement, mais également de la douceur, je pris le petit implant transparent et l'apposai contre sa tempe droite avant de glisser la micro-oreillette dans son oreille.

Lorsque tout fut en place, le dispositif qui se trouvait contre la peau s'illumina d'un cercle bleu, annonçant que la connexion à Freya avait été un succès.

Bordel de merde, c'est quoi ce truc jaune ? On dirait une boule de feu ! s'exclama Jimin.

Je te présente Freya, annonçai-je. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu as juste à demander et elle le fera.

Trop cool ! s'exprima-t-il en passant sa main devant son visage comme s'il tentait d'attraper quelque chose. Donc si je veux qu'elle me trouve le bordel le plus proche, elle le fera ?

Sa question me surprit, mais je ne pus retenir un éclat de rire. Ce garçon avait ce don de m'amuser sans même le vouloir. Si d'ordinaire, je n'appréciais pas la vulgarité, son franc-parler et sa simplicité étaient ce que j'aimais le plus chez lui. Tout était facile avec Jimin, tout était naturel et j'aimais cela.

Oui, mais essaye de t'en servir pour des trucs un peu plus utiles, ricanai-je.

Ouais, ouais, je vais y réfléchir, répliqua mon voisin en riant.

Je ne savais pas s'il tentait de dissimuler sa nervosité derrière son humour, cependant, l'ambiance entre nous était bien plus détendue qu'à notre départ du penthouse.

Quand tu es arrivé à l'appartement, j'ai demandé à Freya d'enregistrer ton empreinte dans son système. Désormais, tu as accès au penthouse, mais tu peux aussi démarrer ma moto et cette voiture.

Dis donc, t'a de la chance que je sois quelqu'un d'honnête, lança Jimin en jouant distraitement avec sa montre.

Je te fais confiance.

Si jusqu'à présent le petit brun avait gardé ses yeux rivés sur le présent que je lui avais fait, il leva subitement la tête pour ancrer ses iris sombres dans les miens. Je pouvais lire l'étonnement dans son regard, mais aussi une certaine reconnaissance ainsi qu'une autre émotion que je fus incapable de décrire.

Peut-être que tu devrais pas, souffla-t-il.

Mon cœur me dit que si et je me trompe rarement.

Le silence qui s'installa entre nous était étrange, mais loin d'être désagréable. Nous restâmes de longues secondes à nous observer, contemplant le visage de l'autre et j'eus soudainement l'envie presque incontrôlable de l'embrasser. Je voulais de nouveau gouter ses lèvres pulpeuses une dernière fois, néanmoins, je ne fis rien. Je n'en avais pas le droit.

Ce qui s'était passé cette nuit ne signifiait rien, et dans quelques minutes, si tout se déroulait comme prévu, nous allions repartir chacun de notre côté, me condamnant de nouveau à observer l'aurore seul.

On devrait peut-être y aller, intervint Jimin, brisant ainsi le calme qui régnait dans l'habitacle.

O-oui, mais avant, je vais te montrer comment fonctionne la voiture. Tu-

Te fatigue pas Batman, je sais pas conduire.

Ce surnom moqueur et son intervention me firent froncer les sourcils tandis que mon nez se plissa, provoquant ainsi une moue que je ne pouvais pas contrôler.

On t'a déjà que tu étais insupportable ? répliquai-je.

Oui, mais avoue que ça fait partie de mon charme.

C'est vrai.

En réalisant ce que je venais de dire, je sentis la peau de mon visage prendre feu alors qu'à ma droite, assis sur le siège passager, mon voisin riait aux éclats, visiblement amusé par ma timidité. Cette mélodie cristalline me contamina et je fus incapable de garder mon sérieux, le rejoignant dans ses esclaffements.

Lorsque nous parvînmes à retrouver notre calme, Jimin fut le premier à descendre du véhicule. Prenant une grande inspiration pour me donner du courage, je l'imitai, et pris le sac de billets.

Putain de pluie, pesta mon acolyte.

Actionne le mode chauffage, ça te maintiendra au chaud, conseillai-je en allant le rejoindre.

Côte à côte, nous marchâmes en direction du lieu de rendez-vous qui se trouvait à quelques pas. Sur le chemin, je demandai à Freya de déployer le drone de surveillance qui se trouvait toujours sous ma voiture et de me faire un rapport du nombre de personnes présentes.

Une fraction de secondes plus tard, un drone survola nos têtes et partit devant nous. Il ne se passa qu'une poignée de minutes avant que la voix de Freya ne résonne dans mon oreillette ainsi que dans celle de Jimin.

"En tout, j'ai compté cinq hommes armés. Jungkook, serait-il plus prudent d'envoyer Tobias afin de vous prêter main forte ?"

Dis-lui de se préparer. Qu'il soit prêt à intervenir.

"Très bien."

Quand le silence revint dans mon oreille, je réalisai que nous étions arrivés. De l'autre côté de la rue se trouvait un entrepôt délabré dont les portes étaient perforées par la rouille qui, au fil du temps, avait dévoré le métal. J'étais sur le point de traverser pour mettre enfin un terme à tout ceci-ci quand je sentis des doigts froids entourer mon poignet.

C'est de la folie, fit-il en resserrant sa prise. Si tu entres là-dedans, c'est fini.

Ça va aller, assurai-je d'une voix douce.

On est deux Jungkook ! s'exclama Jimin, en proie à la panique. Deux contre cinq, et notre seul moyen de défense sont deux matraques contre des armes à feu !

Je sais, mais on n'a pas le choix. Si on ne leur donne pas cet argent, ils continueront de s'en prendre à toi.

C'est pour ça que je vais y aller seul.

Hors de questions ! m'empressai-je de répondre d'un ton dur avant de me radoucir. On y va, on leur donne le sac et on repart. Ça va aller, je te le promets.

Arrête avec tes promesses ! T'es pas un putain de superhéros ! T'es fait de chair et si tu te prends une balle, tu mourras ! Je veux pas avoir ta mort sur la conscience ! D'ailleurs, je veux pas que tu meurs tout court ! Je...

En voyant ses yeux devenir plus brillants et surtout la peur qui y vivait, je fis la seule chose qui me sembla appropriée et qui pourrait – enfin, je l'espérais – calmer ses craintes. Avec douceur, je pris son visage en coupe et déposai mes lèvres contre les siennes, lui offrant un baiser des plus tendres. Je m'attendais à ce qu'il me repousse, cela aurait été légitime, mais à la place, je fus surpris de sentir sa bouche bouger contre la mienne.

Ce fut lui qui mit fin à notre baiser et à contre-cœur, je me reculai, détournant le regard tant j'étais embarrassé par mon propre comportement.

D-désolé je... je sais pas trop ce qui m'a pris, bredouillai-je.

Pas grave, répondit-il d'une voix éteinte. Allons-y alors.

Sans m'attendre, Jimin ouvrit la marche et traversa la rue. En une fraction de seconde, un fossé s'était créé entre nous, et j'étais l'unique responsable de tout cela. Soupirant longuement, je trottinai jusqu'à lui pour le rejoindre et nous poussâmes enfin les doubles portes de l'entrepôt.

La première chose qui me frappa fut la forte odeur d'urine et de moisissure qui empoisonnait l'air, puis mon regard se posa sur cinq individus qui se tenaient près de deux véhicules qui éclairaient les lieux. Seul l'un d'entre eux semblait détendu, à tel point qu'il s'était assis sur le capot de la Jeep.

Tiens tiens tiens, regardez qui va là, lança ce dernier, un amusement notable dans sa voix alors qu'il descendait de son perchoir.

Scott, répondit simplement Jimin, les mains dans les poches de son gilet.

Tu es venu finalement, ricana le dit Scott. J'aurai jamais cru que tu aurais les couilles de te pointer, surtout après ce que tu as fait à mes hommes hier.

Même si ce n'était pas à moi qu'il parlait, je décidai d'intervenir et pour cause, j'étais celui qui avait malmené ses sbires.

On est venu régler sa dette, annonçai-je d'un ton dur tout en jetant le sac à ses pieds, gardant ainsi une distance de sécurité entre nous.

Pour la première fois depuis notre arrivée, le mafieux porta son attention sur ma personne, cependant aucun son ne le quitta.

Un demi-million, poursuivit Jimin. Maintenant, je ne te dois plus rien.

Scott prit le sac, puis le jeta presque au visage de l'homme qui se trouvait sur sa gauche. Ce dernier le rattrapa de justesse avant de le donner à son camarade qui l'ouvrit enfin.

De ma vie, je n'avais jamais vécu un moment aussi pesant et tendu. L'air dans ce lieu semblait brûler mes poumons tant il était électrique et je savais pourquoi, aucun de nous n'avait confiance en l'autre. Nous étions tous sur le qui-vive, prêts à attaquer au moindre geste suspect et pourtant, personne ne bougeait.

Le sous-fifre de Scott comptait les billets et durant ce temps, nous nous regardions tous en chien de faïence, enfin presque tous. Le chef du gang, lui, portait une attention particulière à Jimin, et la façon dont ses yeux parcouraient ce corps que j'avais moi-même caressé la veille, réveilla au plus profond de moi une colère que je peinais à contrôler. Il le lorgnait avec envie, comme un chien affamé regarderait un bon steak, et le manque de respect que je percevais en cela était dur à accepter.

Il y a le compte, lança le sbire de Scott.

À partir d'aujourd'hui, je ne te dois plus rien, alors tu me lâches et ça vaut aussi pour tes gars, imposa Jimin.

C'est là que tu te trompes mon petit. Ta dette vient de passer à un million, répliqua Scott.

Malgré le contre-jour provoqué par les phares, je pouvais distinguer un sourire amusé sur ses lèvres et cela ne fit qu'accroître ma rage. Cet homme n'avait donc aucune parole ? Pensait-il réellement qu'il pouvait changer les règles à sa guise ?

Q-quoi ? bafouilla mon voisin d'une voix tremblante.

Sans même le regarder, je pouvais percevoir l'inquiétude et la peur qui émanaient de lui et cela comprima mon propre cœur de le savoir ainsi.

Eh oui, en guise de dédommagement pour mes hommes. Qui va payer les soins d'après toi ? ricana le chef du groupe.

C'est eux qui sont venus chercher la merde ! Mon père t'a emprunté un demi-million, tu l'as, alors maintenant, c'est terminé !

Le ton de Jimin était si dur et assuré que je ne pus retenir un sourire de fierté. Ce garçon avait peur, cela se comprenait, mais comme la première fois que je l'avais vu, il refusait de se démonter devant le danger.

Tu penses avoir le choix ? répliqua Scott.

Le timbre grave de sa voix sonnait comme une menace et quand il fit un pas en avant pour atteindre son cadet, je tendis le bras, lui barrant ainsi la route. Étonné par mon intervention, le mafieux dont je voyais enfin le visage me regarda, les sourcils haussés et un sourire supérieur sur les lèvres.

Dégage de là, gamin. Cette histoire te concerne pas alors retourne vite dans les jupes de ta mère avant que ça tourne mal.

Vous avez votre argent, alors on va repartir tranquillement et vous allez laisser Jimin tranquille, répondis-je le plus calmement possible, lui montrant ainsi que je n'étais pas intimidé. C'est moi qui aie blessé vos hommes. Dites-moi combien vous voulez et je donnerai l'argent.

Le rire qui quitta les cordes vocales de Scott me fit sursauter légèrement tant il était inattendu. Cet individu était imprévisible et je haïssais cela, tout comme cette situation.

Alors c'est toi le fils de pute qui joue les superhéros ?

Oui, c'est bien moi.

Donne-moi une bonne raison de pas te descendre ?

Vous voulez de l'argent, non ? J'en ai, beaucoup même, et je suis prêt à payer le reste de-

Non ! intervint Jimin près de moi. Il n'aura pas un centime de plus. Le deal, c'était cinq cent mille, tu les as.

Ce nouveau ricanement, cette fois, me donna une forte envie de lui faire avaler toutes ses dents tant le dégoût et la colère que cet homme m'inspirait étaient grands.

Tu n'as toujours pas compris ce que je veux, reprit le mafieux sans perdre son air insolent.

Va te faire foutre.

Si tu veux que je te laisse tranquille, tu sais ce qu'il te reste à faire.

Je ne comprenais rien à la situation. Jimin toisait Scott comme s'il savait exactement de quoi il s'agissait et l'ignorance dans laquelle je me trouvais était en train d'ajouter la frustration à toutes les autres émotions qui me rongeaient déjà.

Qu'est-ce qu'il veut dire ? demandai-je en portant mon attention sur mon ami.

Oh, il ne t'a pas dit ? me nargua Scott. Allez Jimin, dis-lui, je suis sûr qu'il sera d'accord.

Jimin ?

Tu peux toujours crever la gueule ouverte si tu crois que je vais accepter de rejoindre ton gang et devenir ta pute. Je préfère encore me jeter du haut d'un immeuble.

En entendant ces paroles, mon cœur fit un bon dans ma poitrine. Alors c'était ça la raison de son suicide ? Il était hors de question que cela arrive, pas tant que je serai vivant.

Dommage, dans ce cas, je vais devoir te punir. Tu comprends, je peux pas te laisser te foutre de ma gueule en toute impunité. J'aurai l'air de quoi sinon ?

Scott leva la main et fit un geste à ses sous-fifres que je compris sans mal. Il venait d'ordonner à ses chiens d'attaquer et désormais, Jimin et moi allions devoir tenir le coup jusqu'à ce que Tobias arrive.

Sans une seconde d'hésitation, je pressai le bouton latéral de ma montre qui donnait le signal à Freya, puis en parfaite synchronisation avec mon acolyte, je sortis ma matraque télescopique que j'ouvris d'un geste rapide et sec.

Ho, tu penses vraiment que ton petit jouet va suffire ? se moqua Scott, une moue faussement peinée sur le visage.

On verra ce que tu penseras de mon jouet quand je t'aurai défoncé la gueule, répliqua Jimin la mâchoire serrée.

Peu impressionné par l'aplomb de mon ami, le mafieux se mit à rire aux éclats tout en nous tournant le dos. Ce dernier avança joyeusement jusqu'à sa Jeep et grimpa sur le capot où il s'installa. Tel un roi assis sur son trône, il assistait à un combat d'arène où les gladiateurs luttaient pour leur vie.

Face à nous, se tenaient maintenant quatre hommes, tous armés de battes de baseball en métal et autres objets contondants qui risquaient de faire très mal. Je savais à cet instant que je ne sortirais pas d'ici indemne, toutefois, il était impensable que Jimin tombe entre les mains de ce pervers. Je pensais que ma prémonition n'avait plus lieu d'être, mais en réalité, elle n'avait jamais été aussi proche de se réaliser qu'à cet instant.

Tu es prêt ? demandai-je à l'attention de mon partenaire.

Plus que jamais, répondit ce dernier en tournant la tête vers moi. Merci pour tout, Jungkook.

Ces mots qui résonnaient comme un adieu ne firent qu'augmenter ma rage de vaincre et l'adrénaline qui faisait bouillonner mon sang. Nous allions nous en sortir, j'en avais la certitude, et après tout cela, j'étais décidé à ne plus le quitter.

•────«•»────•

Depuis que j'avais donné vie à Shadow, il m'était arrivé d'affronter des adversaires coriaces. Des hommes fiers qui refusaient la plupart du temps d'être battus par celui qu'ils estimaient être un gamin, néanmoins, jamais, je n'avais vu de tels cas.

J'ignorais depuis combien de minutes notre bagarre avait commencé, cependant, mes muscles commençaient sérieusement à s'atrophier alors que mes ennemis, eux, ne semblaient pas s'épuiser. J'avais beau frapper de toutes mes forces, ils ne cessaient de se relever encore plus enragés qu'avant.

Dans mon oreille, Freya me faisait rapidement un topo de mon état physique et en plus de deux côtes cassées, j'avais une sérieuse blessure à l'épaule causée par un pied de biche. Ma mâchoire me faisait souffrir tout autant que mes cuisses qui avaient reçu d'incalculables attaques, mais je refusais d'abandonner.

Dos à dos, je pouvais entendre la respiration sifflante de Jimin, signe de son épuisement. Son état m'inquiétait réellement, mais je ne pouvais rien faire pour l'aider. À cet instant, deux de nos adversaires étaient au sol, mais ils ne tarderaient pas à se relever, nous devions donc agir maintenant.

L'homme que mon cadet affrontait était plus grand et bien plus imposant que lui, il était de ce fait quasi impossible d'attaquer efficacement ses points vitaux. Du moins, aucun de ceux qui se trouvaient sur la partie supérieure de son corps.

Vise les couilles, murmurai-je. Frappe de toutes tes forces.

Je vais le tuer si je fais ça.

On n'a plus le choix.

Derrière moi, je sentis mon acolyte hocher la tête puis, chacun face à un ennemi, nous nous mîmes en garde. Lorsque mon adversaire écarta les bras pour faire craquer son dos, je vis là une ouverture et ce fut à cet instant que je lui assénai un coup de pied latéral en plein thorax. Ce dernier écarquilla les yeux et cracha sa salive tandis que son corps fut projeté quelques pas plus loin avant qu'il ne s'écroule.

Soulagé qu'il ne se relève pas, je pivotai vers Jimin juste à temps pour le voir frapper son rival en plein dans les bijoux de famille, lui arrachant un hurlement de douleur.

Deux de moins, pensai-je.

Grâce à notre travail d'équipe, Jimin et moi étions parvenus à mettre deux hommes à terre. Nos attaques jointes avaient été si puissantes, que cette fois aucun d'eux ne s'était relevé.

La réjouissance fut de courte durée car un coup de feu résonna dans l'air, me faisant sursauter. Craignant que Jimin ne soit touché, je portai mon attention sur lui, puis sur l'individu qui venait de tirer. Je vis Scott, plus loin, le bras tendu vers le ciel, une arme à feu dans la main.

Tu commences vraiment à me faire chier, argua-t-il, ses iris noirs posés sur ma personne.

Tout en avançant rageusement vers nous, le chef de gang saisit le col d'un de ses sbires et le mit brutalement sur pied. Il fit ensuite de même avec le second et reprit la parole.

C'est toi le souci, si je te descends, alors je pourrai prendre tout ce que je veux.

Quand il arriva face à moi, je ne bougeai pas. Malgré le canon de son arme qu'il pointait vers ma tête, il était hors de question que je le laisse m'intimider, et ce, même si au fond de moi, la peur tordait mes entrailles.

Non, intervint Jimin en s'approchant dans l'optique de se mettre entre nous.

Cependant, je ne le laissai pas faire. D'un geste rapide, je saisis son poignet et l'attirai derrière moi, le mettant ainsi à l'abri d'une éventuelle balle perdue.

"Jungkook, je suis devant l'entrepôt." annonça Tobias dans mon oreille.

Le soulagement que la voix de mon cyborg provoqua en moi fut si grand que je ne pus retenir un rire qui interloqua mon vis-à-vis et ses hommes qui se relevaient lentement.

Je t'ai proposé l'argent, tu as refusé, mais comme je suis sympa, je suis prêt à te faire une nouvelle offre.

Tu te crois invincible ? murmura Scott en s'approchant davantage.

Dans mon dos, je pouvais sentir les mains de Jimin agripper l'arrière de mon gilet avec tant de force que le tissu aurait pu fusionner avec ma peau. Il était terrifié, je le savais au tremblement de son corps, ce qui ne fit qu'accroître cette volonté que j'avais de l'emmener loin de cet endroit pour qu'il ne se sente plus jamais ainsi.

Non, je ne le suis pas, mais vous non plus, répondis-je avec le sourire. Laissez nous partir et on en reste là. Ça ne sert à rire de mourir pour une simple somme d'argent.

Parce que tu penses être en position de négocier ? ricana amèrement Scott.

Je le suis.

De là où j'étais, je pouvais apercevoir la porte de l'entrepôt que j'avais volontairement laissée ouverte, et ce que je vis surtout, ce furent les deux points brillants au loin et dont je connaissais la provenance. Tobias.

Ce cyborg était considéré comme un robot domestique, mais sa fonction principale était de protéger son maître et j'étais cet homme. Je savais de ce fait qu'à partir de maintenant, je ne craignais plus rien.

Voyant que je l'ignorais totalement, Scott suivit mon regard et remarqua enfin la présence de mon androïde. D'une démarche assurée, Tobias s'approcha de nous, gardant toute l'attention sur lui.

Jimin, tu vas partir d'ici, ordonnai-je d'une voix basse.

Non, je ne te laisse pas.

Écoute, les choses vont dégénérer. Tu dois partir d'ici. Cours jusqu'à la voiture, allume là et demande à Freya de mettre le pilote automatique. Elle te conduira jusqu'au penthouse.

Et toi ? demanda-t-il d'une voix tremblante de fatigue.

Je te retrouve là-bas, c'est promis.

Je ne voulais pas qu'il continue de me tenir tête, alors je fis volte face pour voir enfin ces yeux. Les mains posées sur ses épaules, je tentai de le rassurer par mon regard et cela sembla fonctionner. Sa lèvre inférieure tremblante, Jimin acquiesça enfin et inspira profondément, comme s'il voulait reprendre le contrôle.

Sois prudent.

Je suis Batman, t'as oublié ? plaisantai-je pour tenter de le détendre.

Ce dernier leva les yeux au ciel, puis tourna les talons. Il se mit à courir en direction de la porte arrière, et il était sur le point de l'atteindre lorsqu'une voix résonna derrière moi, l'interpelant.

Rattrapez-moi cet enfoiré ! Il est hors de question qu'il se tire ! Je le veux vivant ! beugla Scott, fou de rage.

L'un de ses hommes s'apprêtait à le pourchasser, mais mon corps agit par instinct. Ma matraque dans la main, je la lançai de toutes mes forces vers ses jambes, le faisant trébucher.

JIMIN, TIRE-TOI ! criai-je.

Au même moment, un bruit sec et fort résonna dans l'air, puis un deuxième, et mon corps fut projeté en arrière.

•────«•»────•

Au cours de ma vie, je n'avais jamais entendu de véritable coup de feu, du moins jamais d'aussi prêt, et j'aurais voulu que cela n'arrive jamais. La voix de Jungkook était parvenue jusqu'à mes oreilles et même si ma fierté et mon égo me hurlaient de ne pas le laisser, je savais que je devais le faire.

J'étais sur le point de faire volteface pour m'enfuir sans me retourner quand ces deux détonations firent vibrer ces murs en métal qui m'entouraient. Je compris ce qui venait réellement d'arriver que lorsque son corps tomba au sol inerte.

Jungkook ! hurlai-je à m'en déchirer les cordes vocales.

Non. Il n'était pas mort. Il allait bien. Oui, il l'avait promis. Dans ce cas, pourquoi ne bougeait-il pas ? Pourquoi Tobias semblait tout aussi choqué que moi ? Pourquoi personne ne faisait rien ?

Je m'apprêtais à le rejoindre pour m'assurer qu'il allait bien quand je vis un des hommes de Scott courir dans ma direction. La rage présente sur son visage me fit frissonner et mon instinct de survie prit le dessus. Je m'enfuis alors à toutes jambes, laissant derrière moi celui qui en vingt-quatre heures était devenu la personne la plus importante de ma vie. Comment allais-je faire maintenant ? Je ne pourrai pas surmonter cette culpabilité, car après tout, j'étais l'unique responsable de sa mort. Si j'avais refusé son aide, il serait chez lui à l'heure actuelle, dans son confort de riche, en sécurité, mais au lieu de cela, il venait de se faire tirer dessus. J'étais maudit, je le savais, et j'avais entraîné un garçon qui ne méritait pas ça dans ma chute.

En arrivant dehors, le vent glacial me ramena brusquement à la réalité et je remarquai une chose, la pluie avait laissé place à la neige.

Reviens ici ! hurla une voix derrière moi.

Sans perdre plus de temps, je mis ma capuche sur la tête et je commençai à courir. Mes yeux totalement brouillés par les larmes et l'esprit parasité par le corps inerte de Jungkook, je compris bien trop tard que j'avais pris la direction opposée à la voiture.

Je ne pouvais plus faire marche arrière. Le sous-fifre de Scott me suivait toujours, ne me donnant aucune chance de reprendre mon souffle. Mon corps me faisait souffrir, mais ce n'était rien comparé à la douleur psychologique que la perte de Jungkook venait de m'infliger.

Je ne savais pas combien de temps j'avais couru, cependant, lorsque le premier néon de la ville illumina mon visage et m'aveugla, je réalisai que j'avais quitté le No man's land. J'ignorais dans quel quartier je me trouvais, je m'en moquai, car tout ce que je voulais, c'était échapper à l'homme qui continuait de me poursuivre.

Les rues étant très fréquentées de jour comme de nuit, je me faufilai entre les passants et après quelques mètres, je cessai de voir mon poursuivant. Caché dans une petite ruelle, je me penchai, les mains sur les genoux pour reprendre ma respiration et le contrôle de mon rythme cardiaque. Quand je sentis les vertiges me quitter, je me redressai enfin pour analyser les alentours.

Putain, mais où est-ce que je suis ?

Ma voix était cassée et brisée par les sanglots que je ne maîtrisais pas. La peur qui me rongeait se mélangeait à l'anxiété d'être perdu, puis me vint une idée.

Freya ? appelai-je dans un ultime espoir.

Silence radio. Les mains tremblantes, j'amenai ma dextre jusqu'à mon oreille et je remarquai l'absence totale du petit gadget que Jungkook m'avait donné. Je l'avais très certainement perdu dans la bataille.

Allez Jimin, reprends-toi, sérieux !

La main sur le cœur, j'inspirai et expirai plusieurs fois jusqu'à ce que les sanglots ne cessent totalement. Je m'étais déjà retrouvé dans des situations bien pires et j'avais réussi à survivre. Ce soir, ce n'était pas différent. Tout ce que je devais faire, c'était savoir où j'étais et pour cela, j'avais besoin de prendre de la hauteur.

N'ayant plus de temps à perdre, je quittai la ruelle et me mis à trottiner jusqu'au premier gratte-ciel que je vis. S'il y avait bien une chose que j'avais apprise durant ma vie de sans-abri, c'était qu'à New York, aucun toit n'était inatteignable. Ce fut ainsi qu'après ce qui me sembla une éternité et trente étages plus haut que je m'étais retrouvé au sommet d'un immeuble.

À cette hauteur, seul le brouhaha des voitures et les sifflements du vent m'entouraient. J'étais seul, mais avais-je cessé de l'être un jour ?

Oui. Durant un court instant, je m'étais senti entouré, choyé, et même si ce n'était qu'une illusion, aimé. Chez lui, et dans ses bras, j'avais eu la sensation d'être enfin important pour quelqu'un et d'avoir une maison, pourquoi fallait-il que tout cesse si brutalement ? Pourquoi avais-je été si fier au point de ne pas lui dire ce que j'éprouvais ? Pourquoi je n'avais pas trouvé le courage de lui dire à quel point je le trouvais réellement beau et gentil ? J'aurais dû faire tout ça, mais c'était trop tard.

Je n'avais plus rien, plus personne, et à partir du moment où je quitterai ce toit, je savais que Scott me pourchasserait jusqu'à obtenir ce qu'il voulait.

La tête relevée vers le ciel étoilé, je fermai les yeux un instant, laissant les larmes ruisseler sur mes joues, rendant ma peau encore plus froide qu'elle ne l'était déjà.

Est-ce que je peux enfin venir te rejoindre, maman ? murmurai-je, d'une voix tremblante. Je suis si fatigué.

•────«•»────•

No man's land
Quelques minutes plus tôt.

Jungkook ?

J'entendis une voix lointaine qui appelait mon nom, mais l'épuisement que je ressentais m'empêchait d'ouvrir les yeux.

Jungkook, réveillez-vous.

Quand une douleur vive se propagea dans ma joue, mes paupières s'ouvrirent brusquement et je me redressai. Tobias venait-il réellement de me gifler ?

Le cœur battant la chamade et respirant bien trop rapidement, mon regard croisa les iris brillants du cyborg qui se tenait près de moi.

Qu'est-ce qui s'est passé ? demandai-je, perdu, en observant les alentours.

À quelques pas de moi, gisant sur le sol, se trouvaient Scott et ses hommes. J'ignorai comment ils s'étaient retrouvé dans cet état, car les dernières choses dont je me rappelais, était la bagarre, Jimin qui s'enfuyait, et enfin, les deux coups de feu.

Jimin ! criai-je presque en tentant de me relever.

Cette action réveilla une décharge de douleur dans mon épaule qui me fit siffler. En baissant les yeux, je vis un pansement sur mon épaule et plus bas, au niveau de mon thorax, un trou dans le tissu de mon gilet.

Scott vous a tiré dessus. Le gilet a protégé votre cœur, mais pas votre épaule. J'ai fait le nécessaire pour stopper l'hémorragie, mais il est préférable que nous rentrions pour que Freya puisse réparer vos tissus grâce au caisson de régénération, proposa Tobias en m'aidant à me mettre debout.

Hors de question. Je dois trouver Jimin, répondis-je en gémissant de douleur lorsque je fus enfin sur pied.

Il n'y avait pas que mon épaule qui me faisait mal, l'entièreté de mon corps était douloureux, cependant, je n'avais pas le temps de me reposer.

Freya ? appelai-je.

"Oui ?" répondit-elle. "Jungkook, vos constantes sont stables, mais je décèle diverses blessures. Dois-je appeler une ambulance ?"

Non, ça va. Est-ce que Jimin est arrivé ?

En attendant la réponse, Tobias m'aida à marcher jusqu'à la sortie et je le remerciai pour cela. Sans lui, j'aurais très probablement rampé hors d'ici.

"Non. Votre véhicule est encore garé près de l'entrepôt."

Cette annonce fit pulser mon cœur si vite que j'en eus des vertiges. S'il n'était pas rentré comme je lui avais demandé, alors où était-il ? En arrivant dehors, je sentis une brise glaciale caresser ma peau, puis, un premier flocon passa devant mes yeux, et un deuxième, me faisant réaliser qu'il neigeait.

Il neigeait.

Oh mon Dieu.

En une fraction de seconde, je fus frappé par une réalité que j'ignorais jusqu'à présent. Toutes les pièces du puzzle se mirent en place dans ma tête et je compris. Les paroles de Jimin quand il parlait de sauter du toit, la menace de Scott, la neige, les blessures qu'il avait sur le visage et même ses vêtements, tout ça était lié.

Le suicide de Jimin n'avait pas été évité comme je le pensais, au contraire, il était sur le point de se produire ce soir et tout était ma faute. Si je n'avais pas fait irruption dans sa vie, cette soirée n'aurait jamais eu lieu et ce garçon n'aurait pas eu envie de mettre fin à ses jours.

Je... je dois le retrouver, bafouillai-je, le cœur en berne. Freya, localise sa montre !

"Localisation en cours", fit-elle.

Les secondes qui s'écoulèrent jusqu'à ce que Freya me donne sa position me parurent durer une éternité. Mon pouls battait si fortement dans mon cou que je pouvais sentir ma carotide pulser à travers ma peau.

À peine, j'eus l'adresse que je me précipitai vers ma voiture, suivi de Tobias qui ne semblait pas vouloir me lâcher.

Jungkook, il serait plus prudent de rentrer et panser vos blessures, conseilla ce dernier en ouvrant la portière.

Hors de question ! m'emportai-je, incapable de contenir ma peur. On parle de Jimin bon sang ! Tu es un robot, mais je sais que tu l'apprécie, alors n'essaie pas de m'arrêter !

Le cyborg me regarda quelques secondes, puis sans dire un mot, contourna le véhicule et ouvrit la portière conducteur.

Il serait préférable que je conduise. Vous êtes bien trop émotif pour vous concentrer.

Le soulagement qui m'envahit s'exprima par une larme orpheline qui me quitta. Sans perdre plus de temps, je m'installai côté passager et la voiture démarra en direction de l'adresse indiquée par Freya.

En quelques minutes seulement, nous arrivâmes à destination et je quittai le véhicule en troisième vitesse. L'immeuble qui se présentait devant moi faisait assurément plus d'une vingtaine d'étages et je pleurais intérieurement de devoir tous les monter, toutefois, je ne perdis pas une seconde de plus à m'apitoyer sur mon sort. La vie de Jimin était en jeu, elle valait toutes les douleurs du monde.

Faisant fi de mes blessures et de mes muscles endoloris, je montai les escaliers plus vite que je ne l'avais jamais fait. À chaque pas, je priais pour arriver à temps, et quand la porte qui menait au toit apparut, j'usai de mes dernières forces pour la pousser.

Nous étions si haut que mes oreilles bourdonnaient légèrement, ou peut-être étaient-ce les coups que j'avais reçus quelques minutes plus tôt qui provoquaient cela ? Je n'en avais aucune idée et je ne voulais pas savoir. Tout ce que je désirais, c'était trouver ce garçon que j'affectionnais tout en espérant qu'il ne soit pas trop tard.

Tandis que je scannai les alentours, une voix frêle et étouffée par les sifflements du vent vint jusqu'à mes tympans, attirant indéniablement mon attention.

Est-ce que je peux enfin venir te rejoindre, maman ? Je suis si fatigué.

C'était lui, je n'avais aucun doute. Le cœur frappant à toute vitesse dans ma cage thoracique, je traversai le toit pour le rejoindre, puis je vis enfin sa silhouette au loin. Dos à moi, il regardait le ciel et je compris pourquoi il parlait de sa mère, car c'était comme ça que je parlais à la mienne. N'était-ce pas ainsi que nous le faisions tous ?

Quand ce dernier baissa enfin les yeux vers le sol plusieurs mètres plus bas, je compris ce qu'il allait faire. Aussi vite que mes muscles endoloris me le permirent, je courus jusqu'à lui, ma main tendue devant moi. Il s'apprêtait à tomber dans le vide, quand je parvins de justesse à saisir l'arrière de son gilet et à le tirer jusqu'à moi, le ramenant ainsi contre mon torse.

L'entrechoquement de nos deux corps fit vibrer chacun de mes os, réveillant une douleur presque insoutenable.

Lâche-moi enfoiré ! hurla Jimin en se débattant. Je ne serai jamais à lui ! Jamais !

Dos à moi, le petit brun n'avait pas encore réalisé qui j'étais, et la détresse que sa voix transmettait broya mon âme.

C'est moi ! annonçai-je la voix tremblante alors que mon cœur battait si fort dans mes tempes. C'est moi. C'est Jungkook.

Je sentis les assauts de mon cadet diminuer jusqu'à totalement cesser. Quand il se tourna vers moi et que je vis les larmes qui ruisselaient sur ses joues meurtries par les différents coups qu'il avait reçus, je sentis quelque chose se briser en moi. C'était ma faute. Tout ça, cette situation, son état, j'étais le seul responsable.

Je suis là, murmurai-je, en collant mon front contre le sien.

Le soulagement qui envahit Jimin était notable. Pour la première fois depuis notre rencontre, le brun se laissa aller et fondit en larme contre mon torse, ses bras entourant mon buste tandis qu'il venait d'enfouir son visage dans mon cou.

Épuisé par le sang que j'avais perdu, le combat qui avait précédé et les trente étages que j'avais montés, je peinais à tenir debout. Avec précaution, je reculai de quelques pas jusqu'à m'écrouler sur le sol, entraînant mon cadet avec moi qui se retrouva à genoux entre mes jambes.

Un gémissement de douleur me quitta lorsque mon coccyx entra en contact avec la surface dure et glaciale, créant la panique chez Jimin qui écarquilla les yeux.

Tu es blessé ! Comment tu... Je t'ai vu... La balle t'a touché, bafouilla ce dernier en ouvrant mon gilet de ses mains tremblantes.

La première a percuté le gilet pare-balles et la deuxième m'a juste touché à l'épaule. Ne t'en fais pas, Tobias a fait le nécessaire pour stopper le saignement. Je suis juste fatigué, expliquai-je en prenant sa main dans la mienne en guise de réconfort.

J'ai cru que tu... que tu... Je pensais que je t'avais perdu.

Je t'ai fait une promesse la nuit dernière, tu t'en souviens ?

Jimin répondit à ma question par un hochement de tête avant d'essuyer ses joues du revers de sa manche gauche et de renifler profondément. Le bout de son nez, rougi par ses pleurs, et ses yeux bouffis, le rendait si vulnérable que cela me donnait envie de l'enlacer, mais je me retins.

Je supportais pas l'idée de me retrouver seul à nouveau, sanglota le brun tout en justifiant l'acte qu'il s'apprêtait à commettre.

Je sais, et tu ne le seras plus, promis-je en caressant sa pommette de mon pouce.

En le regardant, une idée fit irruption dans mon esprit, balayant tous les doutes que j'avais quant à la possibilité de le revoir un jour. Le remède à notre solitude respective était là, à portée de mains, nous devions juste accepter que nous avions besoin l'un de l'autre.

Viens vivre avec moi, lançai-je sans réfléchir.

Q-quoi ?

Tu as dit que tu ne voulais plus être seul, alors viens vivre avec moi, reformulai-je, le cœur battant à tout rompre tant j'étais anxieux. Le penthouse est immense, tu auras ta chambre et ton propre espace, on ne sera même pas obligé de se croiser.

Circonspect par mon invitation, Jimin me fixait, les yeux si écarquillés que j'eus peur qu'ils ne sortent de leurs orbites.

Tu voudrais que je vienne vivre avec toi ?

Oui.

Mais je n'ai pas les moyens de payer un loyer dans un tel endroit, argumenta le plus jeune.

Je ne te demande pas de payer quoi que ce soit.

Hors de question que je vive à tes crochets ! répliqua Jimin, visiblement touché dans son orgueil.

Je dus me retenir de ne pas rire face à la moue boudeuse qui venait d'apparaître sur ses lèvres. Il était si renfrogné que c'en était mignon.

D'accord, dans ce cas, travaille avec moi. Tu sais qui je suis une fois la nuit tombée et j'ai confiance en toi. Ce soir, je me suis rendu compte que je n'étais pas aussi fort que je le pensais, parce que j'étais seul. J'ai besoin de quelqu'un pour m'aider et tu sais te défendre. À deux, on pourrait aider encore plus de personnes.

Même si je n'avais pas encore eu le courage de lui parler de mes visions, Jimin était la seule personne en qui j'avais suffisamment confiance pour faire ce genre de travail. Au-delà de tout ça, je ne voulais pas le perdre, et j'étais prêt à inventer n'importe quel prétexte pour qu'il reste à mes côtés.

Alors quoi, je serai Robin et toi Batman ? plaisanta le brun, les joues faiblement teintées par mes compliments.

Disons plutôt que je serai Captain America et toi le Soldat d'Hiver, rectifiai-je, faisant rire mon vis-à-vis qui passa ses deux bras autour de mon cou.

Jimin me contempla de longues secondes sans rien dire et durant un court instant, j'eus peur qu'il ne refuse mon offre. Néanmoins, les paroles qui caressèrent mes tympans furent tout autres.

J'accepte, mais à une seule condition.

— Laquelle ? demandai-je perplexe et quelque peu sceptique.

— Tu dois avouer que je suis beaucoup plus sexy que Bucky Barnes.

Un rire grave me quitta, mais je regrettai immédiatement ce geste, car une douleur foudroyante traversa mes côtes, me rappelant dans quel était mon corps. Tout en gémissant, je me mis à tousser, réveillant de nouveau l'inquiétude de Jimin qui se recula pour me donner plus d'espace.

Il faut qu'on t'emmène à l'hôpital, fit-il en passant mon bras droit par-dessus ses épaules.

Non, Freya a ce qu'il faut pour me remettre sur pied. Rentrons à la maison.

Jimin se figea lorsqu'il entendit ma réponse et planta son regard brillant dans le mien. Il semblait touché par mes mots, j'en eus la certitude quand un sourire timide prit vie sur ses lèvres.

Oui, rentrons à la maison.

À cet instant précis, quand mon regard croisa le sien et que j'y vis la douceur qui m'était adressée, je compris le véritable sens de ma prémonition.

Cette vision ne m'était pas venue car Jimin avait besoin d'être sauvé, c'était moi, et mon sauveur, c'était lui. Il ne portait pas de masque, et n'avait pas de fausse identité, mais il était mon héros. Il m'avait sauvé de cette lente agonie de solitude qui me rongeait depuis des années, il m'avait redonné un peu d'espoir quant à l'avenir. Non, je n'étais pas son héros, mais il était le mien.

Tu sais, maintenant qu'on est colocataire, il va falloir établir quelques règles, lançai-je alors que nous avancions d'un pas lent vers la cage d'escalier.

Ok, lesquelles ?

Pour commencer, interdiction de sauter sur le canapé.

Roh sérieux ? On n'est même pas rentré et t'es déjà chiant ! pesta mon nouveau colocataire alors qu'il poussait la porte qui nous permettait de quitter le toit.

Ensuite, tu vas devoir apprendre à porter des pantalons.

Eh pourquoi ça ? Tu as peur de succomber à mon cul d'enfer ?

Exactement. C'est beaucoup trop tentant, répliquai-je en tentant de garder mon air sérieux.

T'es con, pouffa Jimin.

En tournant la tête vers lui, je vis ses joues teintées d'un joli rose et je ne pus m'empêcher de me sentir galvanisé par cela. Notre relation était si récente, d'ailleurs qu'étions-nous ? Nous n'avions pas mis de nom sur le lien qui nous unissait, mais en l'observant, je compris que je n'avais pas besoin de titre pour savoir que je l'appréciai bien plus que de raison.

•────«•»────•

Quatre ans plus tard
Février 2106


La pleine lune illuminait le ciel ce soir. Installé au volant de ma voiture, j'observai le bâtiment qui se trouvait devant moi. À ma droite, assis sur le siège passager, Jimin pianotait sur la tablette tactile, vérifiant les plans et les données que Freya nous avait fournis.

Alors, qu'est-ce que ça donne ? demandai-je.

Selon ces plans, les gars vont pouvoir entrer par une trappe à l'arrière de l'immeuble, annonça mon partenaire.

Et pour les snipers ? questionnai-je, en m'adressant cette fois aux concernés qui étaient déjà en place.

Le premier à prendre la parole fut Namjoon, suivi de son acolyte de la soirée, Hoseok.

J'ai un bon angle, annonça le premier.

Idem pour moi.

Satisfait, je hochai la tête même si j'étais conscient qu'aucun d'eux ne pouvait me voir. Le silence qui s'était installé au sein du groupe fut brisé par la voix du plus jeune et celle de Seokjin qui lui répondit avant que je ne puisse le faire.

J'ai faim, se plaignit-il d'une voix enfantine.

Tu étais censé manger avant qu'on parte, Tae, répliqua Seokjin.

Je sais, et j'étais sur le point de le faire, mais quand je suis arrivé dans la cuisine, j'ai entendu les deux tourtereaux qui étaient en train de baiser comme des sauvages. Ça m'a coupé l'appétit.

C'est pas ma faute si c'est un petit fragile Taetae ! répliqua Jimin près de moi. Namjoon et Hobi ont vécu avec nous pendant deux ans et ne se sont jamais plaints.

EH ! Ce surnom, ça allait bien quand j'avais seize ans ! Il serait temps de me prendre au sérieux ! s'indigna Taehyung. En plus, ton exemple n'est pas valable ! Namjoon est un nympho qui compte plus de conquêtes que j'ai de chaussettes, et Hobi un pervers qui a un calendrier avec une nana les seins à l'air dans son bureau. Il y en a pas un pour rattraper l'autre.

Six rires bien différents et que je distinguai à la perfection résonnèrent dans mes tympans, m'arrachant un sourire.

Un point pour Taehyung.

Tiens, Jin qui compte les points, comme c'est étonnant ! lança Namjoon d'un ton taquin.

Ferme-la toi, répliqua ce dernier en gloussant.

Il se plaint parce qu'il n'a pas encore vu le loup, reprit Hoseok, bien décidé à taquiner notre petit dernier.

Hobi, je te jure que je vais t'étouffer dans ton sommeil ! fulmina faussement le plus jeune du groupe. Eh puis comment tu sais ça d'abord ?

C'est pas difficile de le deviner, pouffa Namjoon. Tu dors encore avec une grenouillère Iron man.

Le groupe se mit à rire de nouveau, même Taehyung ne put rester sérieux. Cette petite querelle était de bonne guerre quand on savait que notre benjamin était un vrai petit diable, toujours prêt à faire les quatre cents coups.

Yoongi, tu pourrais pas m'aider ? Ils se sont ligués contre moi ! pleurnicha le plus jeune.

C'est bon les gars, arrêtez de l'emmerder, imposa ce dernier avec une pointe d'amusement.

Vas-y Yoon, défends ton mec ! intervint Jimin près de moi, telle une pom-pom girl qui encourageait son équipe.

C'EST PAS MON MEC ! cria Taehyung.

On sait bien que c'est pas encore ton mec. Quand ce sera le cas, je crois que tout le penthouse le saura, le charia Hoseok.

Même sans le voir, j'étais persuadé qu'il venait de hausser plusieurs fois les sourcils, un rictus des plus taquins sur les lèvres.

Mais fermez là ! pleurnicha le plus jeune. Vous êtes juste jaloux parce que c'est moi son préféré.

La répartie de notre benjamin déclencha un esclaffement général, mais il avait raison. Nous nous entendions tous à merveille, mais le lien qui unissait Taehyung et Yoongi était particulier, sans pour autant être explicite. Je le savais, comme tous les membres du groupe. Néanmoins, malgré leur attirance criante, le plus vieux des deux hommes n'avait jamais fait le premier pas. Était-ce à cause de leur différence d'âge ? Aujourd'hui, Taehyung était âgé de 20 ans, c'était un adulte, alors les six années qui les séparaient ne devaient pas être un obstacle à leur amour. Peut-être que Yoongi attendait qu'il soit prêt ?

Exactement, alors laisse les parler p'tit ourson, ajouta Yoongi avec plus de douceur.

Mais qu'il est mielleux, minauda Hoseok en gloussant, entraînant Namjoon et Seokjin avec lui.

Malgré cette bonne ambiance, je décidai d'intervenir pour mettre fin à cette querelle qui définissait bien mes acolytes. Nous étions en mission et la concentration était primordiale si nous voulions rentrer tous en un seul morceau.

Allez les gars, on se concentre, vous continuerez votre petite guerre à la maison, ordonnai-je d'une voix calme, mais autoritaire. Tae, il doit y avoir des barres protéinées dans le sac que Tobias t'a donné. Manges-en autant que tu veux.

Comme toujours, mon intervention suffit à apaiser tous les esprits et instaurer de nouveau le calme.

Depuis quatre ans, ma vie avait radicalement changé. Le déclencheur avait été Jimin qui avait totalement bouleversé mon univers. Les premiers mois de notre colocation avaient été des plus laborieux, chacun devant apprendre à s'adapter au mode de vie de l'autre. Lorsqu'une totale confiance s'était établie entre nous, j'avais trouvé le courage de lui parler de mes prémonitions et de la manière dont je l'avais vu pour la première fois. Jimin avait accepté mon don, il y croyait et c'était tout ce dont j'avais besoin.

Très rapidement notre amitié avait évolué et nous n'étions pas parvenus à faire taire notre attirance réciproque et les sentiments qui nous consumaient. Nous avions donc décidé, malgré nos différences, de donner une chance à notre amour et cela avait sûrement été la meilleure décision de notre vie. Cela faisait plus de trois ans maintenant que j'étais fou amoureux d'un homme qui me comblait de bonheurs.

Durant notre première année, nous avions fait la connaissance d'un adolescent perdu dans le No man's Land après qu'il se soit échappé de l'orphelinat où il vivait. Ce garçon s'appelait Taehyung et n'avait que 16 ans. Nous l'avions rapidement pris sous notre aile et malgré notre différence d'âge, le courant passait bien entre nous. Parfois, j'avais l'impression d'être un père avec ses deux enfants, mais Jimin et lui amenaient une touche de légèreté supplémentaire dans ma vie.

Durant l'hiver de la même année, nous avions fait la connaissance de Namjoon et Hoseok, âgés respectivement de 23 et 24 ans. La cohabitation avait été plus compliquée, mais au fil du temps, nous avions fini par trouver notre rythme.

Seokjin et Yoongi étaient les derniers arrivés. Apparus dans nos vies deux ans après ma rencontre avec Jimin, ces deux-là étaient venus frapper à notre porte après avoir entendu des rumeurs sur nos exploits. J'ignorais encore comment ils nous avaient trouvé, et encore plus comment ils avaient connaissance de mon identité, mais je m'en fichais. J'avais été méfiant un certain temps, cependant aujourd'hui, ils étaient comme des frères pour moi.

Nous voilà quatre ans plus tard, unis non seulement comme des amis, mais aussi une famille qui connaissait le moindre secret de ses membres. Nous avions tous un point en commun, la perte d'un être cher qui nous avait été injustement arraché par la vie.

Il était vrai que parfois Jayden me manquait. Il m'arrivait de le croiser lorsque je me rendais à la JeonCorp, ou bien aux réunions de l'entreprise, mais notre relation s'était totalement brisée. Nous étions passés de meilleurs amis, à simples collègues qui se saluaient poliment en souvenir d'une amitié éteinte et par respect pour nos pères.

J'ignorais comment il l'avait su, mais ce dernier avait été mis au courant de ma relation avec Jimin. Il nous avait donc invités tous les deux à son mariage, et même si mon petit ami avait grimacé à l'idée de porter un smoking, celui-ci avait sauté sur l'occasion de manger du caviar et des petits fours. Cet évènement avait d'ailleurs été le dernier véritable échange entre Jay et moi, et cela remontait maintenant à deux ans.

Bébé, appela une voix douce près de moi.

Dans mes pensées, je n'avais pas entendu mon petit ami m'appeler, ce fut sa paume chaude sur mon avant-bras qui me ramena à la réalité.

Ça va ? Tu as l'air pensif, me demanda Jimin en entrelaçant ses doigts aux miens.

Oui, désolé, je réfléchissais.

Voyant l'inquiétude dans ses yeux, j'amenai nos mains à mes lèvres et embrassai le haut de la sienne.

À quoi, tu pensais ?

À nous.

Oh ? Genre, nous deux, tout nu ? me questionna-t-il en haussant subjectivement les sourcils.

Je ne pus retenir un esclaffement en voyant le sourire espiègle qui venait de naître sur ses lèvres. Cet homme avait toujours le don de me faire rire, même lorsque mon moral était au plus bas. C'était l'une des raisons pour lesquelles j'étais fou de lui.

T'es con, gloussai-je.

Je sais, mais c'est pour ça que tu m'aimes, non ?

C'est vrai.

Un air satisfait sur le visage, mon compagnon se pencha vers moi et vint m'embrasser, passant une main derrière ma nuque. Notre baiser était lent, mais profond, et je connaissais suffisamment Jimin pour savoir de quoi il avait envie à cet instant.

Notre émoi fut interrompu par la voix de Taehyung qui résonna dans nos oreillettes.

Eh, vous allez pas recommencer ! s'exclama-t-il avec dégoût. Vous êtes en rute ou quoi !?

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais on vous entend, poursuivit Yoongi amusé.

Gêné, je me séparai de mon amant et me raclai la gorge tandis que celui-ci riait, amusé par la situation.

C'est bon les dramas queen, on est encore habillé, alors pas de panique, répliqua Jimin.

S'ensuivit de nouveau éclats de rire général jusqu'à ce que la voix grave de Namjoon ne plante une ambiance plus sérieuse entre nous.

Les hommes viennent de quitter le bâtiment. On attend ton feu vert pour passer à l'action, annonça-t-il.

À présent, il n'y avait plus de place à la rigolade. Notre mission venait de débuter et des vies étaient en jeu. Nous venions tous de rentrer dans nos rôles et cela se ressentait.

Ok, allez-y, mais rappelez-vous, il y a des enfants là-dedans, alors on utilise les armes non létales.

À vos ordres ! répondirent les six coéquipiers.

Yoongi, le fourgon est en place ?

Affirmatif, confirma ce dernier.

Parfait. On passe à l'action alors, et soyez prudent.

Oui papa ! ricanèrent mes amis.

Cette petite plaisanterie me fit rire, mais je ne pus m'empêcher de ressentir une chaleur étrange m'envahir. Je les couvais, c'était la vérité, mais ces hommes étaient ma famille.

Avant de les connaître, je n'étais que Shadow, un loup sans meute, mais aujourd'hui, avec ces six individus plus extraordinaires les uns que les autres, nous étions devenus Heroes.


The End


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