~ 𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚜𝚒𝚡 ~ 𝓘𝓼𝓪𝓫𝓮𝓵𝓵𝓪

     Je me plaquai une main sur la bouche. Comment ça, une guerre civile ? Ces pirates étaient donc puissants au point de pouvoir en déclencher une uniquement pas leurs agissements ? J'espérais qu'il n'y aurait pas trop de morts et qui si c'était déjà le cas, ils n'avaient pas été trop nombreux... Voyant que les quatre adultes étaient déjà plongés dans une conversation impliquant sûrement alliances et aides tant financières que commerciales, je décidai de partir d'ici, accompagnée de Michael et d'Olivia, ainsi que de nos cousins. Nous n'étions pas bien âgés et ne pouvions rien faire pour les aider. Car quelle influence auraient bien pu avoir quelques enfants sur la destinée de tout un pays ? Je connaissais déjà la réponse à cette question : aucune. Nous avions beau être de sang royal, nous n'avions aucun pouvoir, aucune influence, aucune capacité digne de ce nom, si ce n'était celle d'observer, d'écouter, afin de pouvoir, si jamais cette situation se reproduisait un jour, faire face.

     Et cela me dégoûtait. Oui, il me répugnait de ne rien pouvoir faire, d'être si impuissante. Je n'étais pas une héroïne qui pouvait sauver tout un peuple en un claquement de doigts - heureusement d'ailleurs, je n'avais aucune envie de devenir l'une de ces personnes la plupart du temps arrogantes et imbues d'elles-même -, mais j'aurais souhaité pouvoir faire quelque chose, ne serait-ce qu'une seule action, aussi minime soit-elle, pour aider un peu. Et que cela n'ait aucune répercussion, je m'en fichais presque. Parce que réussir aurait bien sûr été extraordinaire, mais je trouvais que tenter était quasiment plus important. Parce que réussir aurait bien sûr été extraordinaire, mais je trouvais que tenter était quasiment plus important. Car sans essai, que pouvions-nous réussir ? La réponse était simple : rien. Tenter de sauver le monde d'un seul coup était pure folie. Les héros de guerre n'avaient pas pris une épée en main pour la première fois et tout de suite accompli des exploits. Non, ils bénéficié de leurs expériences passées, de toutes leurs tentatives précédentes, de tout leur entraînement très sûrement acharné avant de faire des miracles, des sauvetages.

     Toujours essayer avant d'espérer pouvoir réussir, telle était ma philosophie de vie. Je me faisais chaque jour le serment de l'appliquer chaque jour de ma vie, voulant plus que tout réussir à tenir cette promesse. C'est en forgeant qu'on devient forgeron, comme on disait. Telles étaient les pensées qui m'habitaient alors que nous quittions le terrain d'atterrissage.

     Je jetai un rapide coup d'œil en arrière pour voir si Morgane nous accompagnait, même si c'était peu probable. En effet, l'Héritière du trône d'Espérale était restée avec les souverains. Quoi de plus normal, sachant que c'était elle qui prendrait la succession de notre mère un jour ? Morgane devait apprendre à diriger notre pays, et savoir nouer et surtout conserver des alliances avec d'autres contrées était primordial dans sa tâche. De toutes façons, même si la situation de Merilam avait été tout autre, elle ne nous aurait pas suivis. Notre aînée passait l'immense majorité du temps en compagnie de nos parents, à apprendre son métier de souveraine. Mais si je trouvais extrêmement bénéfique que Morgane passe tant de temps à étudier la politique, penchée sur les affaires du royaumes, car cela nous promettait une excellente souveraine, habile, compétente et féroce, j'étais d'un autre côté extrêmement attristée par cela.

     Pourquoi ? Parce qu'avant, ma grande sœur n'était pas comme ça. Elle jouait avec nous autres, ses cadets, passait du temps avec ses petits frères et sœurs... Mais aux alentours de ses quinze ans, cela avait commencé à changer. Elle avait délaissé sa fratrie, s'était plongée dans ses études, les préférant presque à nous - c'était d'ailleurs de plus en plus l'impression que j'avais eue, jusqu'à ce que je presque soit de trop -. Au fil des années, Morgane ne nous avait plus accordé que quelques miettes d'attention par-ci, par-là, nous abandonnant progressivement. En trois ans, j'avais peut-être eu le temps de m'habituer, mais il n'empêchait cela faisait toujours aussi mal, et Morgane ressemblait de plus en plus à notre mère. Elle était comme devenue un fantôme.

     C'était plus dur de l'accepter pour Élisa, qui avait été très proche de notre aînée. Quant à moi, j'étais plus complice avec Leo et les jumeaux, en compagnie de qui j'avais toujours passé beaucoup de temps. Le seul qui, aussi loin que je m'en souvienne, était systématiquement resté seul, dans son coin, c'était Camilio. J'étais presque sûre qu'il était demeuré seul ou avec Diana qu'avec nous. Certes, je pouvais le comprendre. Il avait toujours été un solitaire. Même à la naissance de Morgane, il avait continué à rester seul, du moins jusqu'à ce qu'il rencontre Diana, il y a quelques années. Ils étaient vite devenus inséparables, et le peu d'attention que Cam nous avait accordé jusqu'alors s'était aussitôt évaporé.
     Désormais, je ne voyais plus Camilio que lors de la Lecture et pendant certains repas, les rares qu'il ne passait pas avec ses compatriotes dans sa tour. Et, bien malgré moi, j'en voulais à Diana. Elle avait beau être une jeune femme des plus extraordinaires, pleine d'intelligence, sensible et drôle, elle m'avait tout de même volé le peu que j'avais de mon grand frère. Et cela, je ne pouvais pas vraiment lui pardonner, même si je le voulais. Il n'empêchait, j'adorais Dia, qui était gentille et paisible. Ç'avait toujours été un plaisir de la côtoyer. Je n'avais décidément pas hâte qu'elle, Camilio et tous leurs amis débutent leur grand tour du monde. Ils allaient partir deux ans minimum, me semblait-il. Peut-être plus. Bien sûr, cela ne prenait pas autant de temps de faire le tour de notre planète, que l'on pouvait qualifier de petite, mais ils allaient forcément faire de très nombreuses escales, dont certaines dureraient à coup sûr plusieurs mois. Je me demandais quand est-ce que leur grand voyage débuterait. Sans doute après le deuxième grand événement du mois.
     La Fête de la Lune.
     Fête nationale d'Espérale. Elle changeait de jour chaque année. Pourquoi les Espéraliens avaient-ils choisi pour fête nationale un jour changeant d'une année à une autre et pas un jour fixe, me direz-vous ? Eh bien parce que sur cette planète, il n'y avait qu'un seul jour par an lors duquel les deux lunes s'alignaient exactement sur le même axe, donnant l'impression qu'il n'y avait qu'une seule et unique lune bleue, d'où l'appellation de "Fête de la Lune" et non pas "Fête des Lunes". De plus, ce n'était pas seulement la beauté du phénomène pour laquelle mon peuple avait pris ce jour, mais aussi l'importance des événements s'étant réalisés ce jour-ci, à différentes périodes de l'histoire.
     Car le jour de la fondation du royaume d'Espérale, et celui de la naissance de notre premier roi, c'était l'unique moment dans l'année où les deux lunes ne forment qu'une seule à nos yeux. Le jour de la lune unique, aussi appelée l'unique lune. Le terme employé variait selon l'usage ou la contrée. Ma famille, et d'ailleurs toute la cour, employait la dernière appellation, sous prétexte qu'elle était plus gracieuse, plus adaptée à notre lignage, mais quant à moi, je lui préférais le terme de "lune unique, que je trouvais plus brut, moins cérémonieux. Plus vivant, en somme. En fait, j'en avais vraiment plus qu'assez de choisir mes mots selon la situation et si le langage était châtié ou non, élégant ou désobligeant. Mais telles étaient les choses, si l'on était de sang royal et particulier. Et c'était l'une des nombreuses, très nombreuses règles auxquelles nous devions nous plier. Mais moi, j'utilisais quand même la "lune unique", même en présence des plus pointilleux des courtisans et de leurs regards scandalisés pour tout et n'importe quoi. À vrai dire, je ne comprenais pas l'utilité de ce débat. C'était exactement la même chose que pour les gens se disputant afin de persuader l'autre qu'il devait dire "pain au chocolat" au lieu de "chocolatine", ou inversement. Ces querelles étaient d'une inutilité et d'une stupidité consternantes. Malheureusement, je n'y pouvais pas grand chose, à part lever les yeux au ciel lorsqu'une conversation était amenée sur ce sujet.

     Je fus tirée de mes pensées par Michael, qui me tapotait instamment l'épaule depuis quelques instants déjà. Je compris à son air interrogateur que mon petit frère venait de me poser une question que je n'avais ni écoutée, ni entendue. Je lui demandai alors de répéter.

     « Je disais, est-ce que Mère t'a dit où dormiraient Irisa, Edwin et Élio ? répéta-t-il, élevant la voix pour se faire entendre malgré le brouhaha ambiant.
     — Hmm, réfléchis-je, cherchant dans ma mémoire l'information donnée par Mère deux jours auparavant. Ah, je sais ! Elle m'a dit qu'on leur avait attribué une des suites visiteurs attenante à la mienne, celle à la droite du couloir. Comme ça, s'ils ont besoin de quelque chose, je pourrai les aider. Tiens, d'ailleurs, proposai-je aux intéressés, on a qu'à y aller tout de suite.
     — Mais, et nos bagages ? demanda un Edwin perplexe. Ils sont toujours dans la soute de notre aéronef.
     — Ne t'inquiète pas pour ça, fis-je en balayant sa question d'un geste de la main. Nous irons les chercher plus tard, ou bien quelqu'un vous les apportera. Dans tous les cas, il y a le temps.
     — Si tu le dis, accepta Irisa, qui ne pouvait pas faire quelque chose d'autre. Et donc, tu disais que nous étions dans la suite à côté de la tienne.
     — Oui, acquiesçai-je. C'est une suite spéciale visiteurs, prévue pour quatre ou cinq personnes, il me semble. Pour tout vous dire, il y a une suite pour invités juste à côté de chaque partie des appartements royaux. Comme ça, nous pouvons loger nos visiteurs à littéralement deux pas de nos chambres, ce qui est assez pratique. Vos parents, par exemple, sont dans la suite attenante à celle des nôtres, à l'étage du dessus. D'ailleurs, rien à voir, mais vous savez que dans le château, les gens étaient logés selon leur poste ? En fait, le palais en lui-même est basé sur ce modèle hiérarchique ! »

     Voyant les regards intéressés de mes cousins ainsi que, à ma grande surprise, ceux d'Olivia et Michael - les connaissant, eux et leurs passes-temps, j'étais à peu près sûre qu'ils seraient au courant, mais visiblement non -, je développai avec entrain.

     « Je vous explique, poursuivis-je, c'est classé comme en cercles concentriques, selon le niveau de compétence et surtout de pouvoir, d'importance dans notre société. Comme il est facile de le deviner, ce sont les appartements et bureaux de nos souverains — en l'occurrence nos parents à Camilio, Morgane, Leopold, les jumeaux, Élisa et moi —. Il y a le même nombre d'étages respectivement au-dessus et en-dessous de celui de nos parents, et c'est dans ces mêmes niveaux que se situent les autres "classes", si je puis dire. Bon, bien sûr, il n'y a pas au centre seulement quelques bureaux et chambres, mais aussi les locaux de travail des membres-phare du gouvernement, par exemple ceux du Grand conseil et du cercle des Sages. Au premier niveau en-dessous et au-dessus du centre, il y a nos appartements, à nous les héritiers. Ici même, on est juste au-dessous de l'étage central. Et ça continue ainsi pour les autres niveaux, jusqu'à arriver aux sommets des tours, là où sont logés les personnels domestiques et au rez-de-chaussée, où on trouve les locaux de matériel et autres de ces mêmes personnels. Évidemment, tout le monde ne reste pas en permanence à son étage, c'est juste pour les logements et les bureaux. Comme ça, on s'y retrouve. Après, le seul qui n'en fait qu'à sa tête, c'est Camilio. Il a sa tour à lui tout seul. C'est presque une aile entière, à ce niveau. En même temps, il a tellement d'amis qui vivent avec lui que c'est difficile de faire sans.
     — Et vos parents le laissent faire ? s'étonna Irisa, presque stupéfaite par temps de... laxisme de la part de nos souverains et parents — Cela dit, je pouvais la comprendre. La reine Adelis n'était, disons, pas réputée pour son indulgence, mais plutôt pour le contraire —.
     — Tu sais, expliqua Olivia, ils ont depuis longtemps lâché l'affaire avec lui. Il n'a jamais voulu être roi et a toujours su qu'il était gay, et donc qu'il ne pouvait pas donner de descendance directe au royaume. Aussi, dès que Morgane a eu l'âge de débuter la formation d'héritière principale, il s'est empressé de lui refiler le poste, et a commencé à faire ce qu'il voulait, quand il voulait, là où il voulait, toujours tout seul dans son coin. Je pense que Mère pourrait totalement le recadrer un peu, mais, je cite, elle a "autre chose à faire que de s'occuper d'un adulte qui préfère se comporter comme un gamin de six ans que comme quelqu'un de responsable". Et il faut avouer qu'elle n'a pas tort.
     — À ce point ? s'étonna Edwin.
     — Oui, affirma Michael. Avant, c'était l'expert en bêtises de la fratrie. Il a tellement d'amis qu'ils se sont tous exilés dans la tour ouest, autrement dit la partie la plus éloignée du château. En plus de ça, ils préparent un grand tour du monde. Ils partiront après la fête de la Lune, pour plusieurs années, il me semble.
     — Ah, et c'est lequel d'entre vous, maintenant, l'expert en bêtises ? s'enquit Irisa avec un sourire amusé.
     — Isabella, s'exclamèrent les jumeaux en chœur.
    —Pardon ?! m'indignai-je en posant les mains sur mes hanches. Je dois reconnaître que... que faire tourner Mère en bourrique est presque devenu un... un passe-temps, mais n'essayer pas de me faire croire que je suis la plus perturbatrice de nous trois. Moi, je ne passe pas mon temps à m'enfuir des réunions familiales à coup d'accélérateur et à faire exploser de serres.
     —C'était pour t'aider ! s'exclama Olivia.
     — Certes. Mais ne me dis pas que tu ne l'aurais pas fait quand même. C'est tout à fait . »

     À la vue de son air soudain renfrogné, je compris que j'avais tapé juste.

     « Tu n'as pas tort. »

     Nous éclatâmes de rire en chœur, nous attirant des regards intrigués des gens, et, voyant que nous étions arrivés à destination, je fis signe aux autres de patienter là où ils étaient. Je m'engouffrai dans ma chambre, attrapai les clés de la suite destinée à mes cousins et ressortis aussi sec. J'ouvris la porte et laissai passer cousins, frère et sœur avant de passer et de refermer le battant derrière moi. La suite était composée de trois chambres, d'une salle de bains, dune cabinet de toilette et d'une grande pièce commune. Ils seraient bien ici.

     « Est-ce que ça va aller pour vous ? demandai-je aux aînés de la fratrie Merilam.
     — Oui, c'est parfait, me remercia Irisa alors qu'Edwin tentait de rattraper Élio, qui s'était mis courir à travers la pièce.
     — De toute façons, souris-je, je suis juste à côté en cas de problème.
     — Ça fait tellement longtemps qu'on était pas venus ! s'enthousiasma Élio, à présent juché sur les épaules d'Edwin.
     — En effet, sourit ce dernier. Je suis sûr que tu n'es pas le seul à qui cela a manqué.
     — Mère peut en témoigner ! s'exclaffa Irisa. Cela fait des semaines qu'elle nous bassine avec ça. Elle va enfin passer à autre chose.
     — Sinon, enchaîna son jumeau, tout va bien pour vous ? Les préparatifs se sont bien passés ?
     — Père et Mère ont été débordés comme rarement, parce que la fête de la Lune vient quasiment tout de suite après le bal, expliquai-je En parlant du bal, les décorations de la salle de bal et de celle de réception sont magnifiques, j'ai hâte que vous voyez ça !
     — Pourquoi ne pas aller les voir maintenant ? proposa ma cousine avec un sourire avenant.
     — Pourquoi pas ! »
    
     Quelques minutes plus tard, nous arrivions devant la salle de réception qui, comme toutes les pièces abritant des célébrations, se situait au premier étage. Nous nous arrêtâmes devant la grande double porte en bois — sûrement du chêne — ornée de motifs divers et variés, ouverte sur l'immense salle qui nous faisait face. Mes cousins levèrent les yeux puis les écarquillèrent devant l'imposante décoration. Je retins un éclat de rire en voyant ce qui s'apparentait presque à de l'admiration se peindre sur leurs visages.
     « Isabella ! », entendis-je soudain.

     Je me tournai vers celui qui m'avait appelée, et retins de justesse l'énorme soupir qui menaçait de passer mes lèvres. Au nom de tous les dieux ayant jamais été priés sur cette terre, pensai-je avec dépit, pourquoi lui ?
 

  
//Nda : Bonjour bonjour !
Je sais, ça fait longtemps que je n'ai pas publié de chapitre, je m'en excuse ! J'avais pas trop la motivation en ce momlent, et je sais que me forcer à écrire aurait été le meilleur moyen pour faire un mauvais chapitre.
J'en profite également pour vous dire que demain, je pars en vacances pour un peu moins de vingt jours, et que donc je ne serai pas présente, ou très peu.
Rapport à l'histoire en elle même, qu'est-ce que vous avez pensé de ce chapitre ? Que vous inspirent les cousins d'Isa ? D'ailleurs, à propos d'Isa, vous devez vous dire qu'elle récupère bizarrement bien de ses coups de fouet, mais y'a une explication à ça.
En attendant le prochain chapitre, votez, partagez et commentez !\\
  

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