𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 4


C'est le cœur palpitant qu'Eren faisait face à sa muse, un calepin et un crayon dans ses mains. Ça y est, c'était le grand jour. Le jour où le garçon aller devoir peindre sa muse, nue.

Depuis la veille il n'avait cessé d'y penser. De penser au moment où Levi se dévêtirait et où il devrait regarder, analyser chaque partie du corps du dieu qui s'offrirait à lui. Et maintenant le moment était arrivé.

Levi était là, placé seulement à quelques mètres de lui, et déboutonnait lentement sa chemise sous le regard à la fois gêné et curieux du peintre. Il la fit sensuellement glisser le long de ses bras et celle-ci laissa place à un torse musclé qu'Eren regarda discrètement du coin de l'œil.

D'un geste élégant il la déposa sur une des chaises présentes dans la pièce et se mit en pose, attendant qu'Eren débute son travail, chose qui n'arriva pas.

— Oï tu fous quoi là, tu sais que c'est moi que tu es censé fixer et pas tes pieds ? Déclara-t-il d'une voix impatiente.

— J-Je...oui.

Eren, pour qui la gêne était toujours présente ferma les yeux, prit une grande inspiration et expira longuement sous le regard interrogatif de sa muse. Son cœur qui tambourinait jusqu'alors dans sa cage thoracique se calma peu à peu, et c'est un peu plus confiant qu'il pu porter son regard au corps nu qui figurait devant lui.

La vision qu'il avait sous les yeux l'électrisa. Levi, dont le corps était parfaitement sculpté, se trouvait dévêtit juste sous son nez et lui semblait totalement ouvert, comme si celui-ci s'offrait totalement à lui, sans lui cacher un seul aspect de son être.

Son regard qui jusqu'alors n'avait cessé de fixer ses pieds se balada sans retenue sur le dieu présent à ses côtés, détaillant avec précision les détails de sa peau laiteuse, son torse aux bouts rosés, ou encore ses jambes finement musclées.

Un grand sourire étira malgré lui ses lèvres et c'est plus confiant qu'il pu commencer à dessiner son croquis. Il fit courrir son crayon sur son support et traça d'une manière assez brouillonne les contours de son anatomie, se concentrant principalement sur son buste.

Cela lui prit des heures. Des heures durant lesquelles son regard alternait entre sa feuille et sa muse, détaillant son corps avec attention, étant bien décidé à retranscrire parfaitement chaque parcelle de peau de l'homme qui l'avait tant aidé ces dernières semaines.

Il n'avait pas été un cadeau et n'avait certainement pas été facile à vivre. Cela faisait un moment qu'il avait arrêté de compter le nombre de fois où Levi, même en plein milieu de la nuit, était resté à ses côtés pour s'occuper de lui parce qu'il avait fait une énième crise. Sans compter le fait qu'il s'était plié en quatre pour lui organiser le meilleur programme d'apprentissage possible, y passant parfois des nuits blanches. Suite à tous les efforts qu'il avait fait pour lui Eren s'était promis une chose ; que la toile qu'il peindrait à partir de son nu deviendrait l'une des peintures d'histoire les plus reconnues de sa décennie. C'est ainsi qu'il s'appliqua dans son esquisse, continuant son dessin malgré la sensation désagréable qui commençait à s'emparer de ses membres. Il apportait quelques finitions à son croquis lorsque son regard croisa celui du noiraud. Le visage grimaçant, les joues rouges et le corps vacillant, celui-ci le regardait d'un air douloureux mais restait muet. Il plissa les yeux, se demandant pourquoi cet être habituellement au visage si neutre avait une telle expression, et posa sa mine.

— Levi, ça va ?

Il s'approcha d'un pas non assuré quand celui-ci le coupa dans sa marche.

— Je vais bien retourne t'asseoir ! S'exclama-t-il. Il nous reste encore quelques heures avant la tombée de la nuit alors on continue.

Le châtain hésita quelques instants se demandant s'il devait ou non lui obéir, mais lorsqu'il vit sa position devenir de plus en plus bancale ainsi que sa grimace s'accentuer il ne réfléchit pas et courut à ses côtés.

— Fais une pause tu as mal, déclara-t-il. Ça se voit à des kilomètres.

— C'est ridicule ce n'est pas poser quelques heures qui va me causer le moindre désagrément.

— Mets ta fierté de côté veux-tu, soupira t-il. Dois-je te rappeler que tu n'es pas modèle mais vannier ? Il est tout à fait normal que tu ne puisses pas garder la pose des heures entières. Il te faut faire des pauses et c'est ce que tu vas faire.

Son interlocuteur fit claquer sa langue contre son palais et se mit dans une position plus confortable, s'accordant finalement un moment de répit. Un soupir d'aise franchit ses lèvres et c'est d'un pas nonchalant qu'il partit se désaltérer.

— Et dire que je ne suis même pas payé, maugréa-t-il entre deux gorgées.

Le peintre leva les yeux au ciel, sachant que l'irritation de son ami n'était que passagère, et reporta son regard sur lui quand soudain, il se rendit compte d'une chose.

— Mon Dieu Levi, habille-toi !

Il se cacha le champ de vision de sa main droite et baissa la tête, attendant que le noiraud fasse quelque chose pour cacher sa nudité. Celui-ci, assit sur une chaise et une bouteille d'eau à la main, le regardait avec surprise et amusement, trouvant son comportement un tant soit peu ridicule. C'est d'un air taquin qu'il répondit :

— Non désolé, je suis bien comme ça.

Eren, ne regardant toujours pas son interlocuteur, sentit à nouveau ses joues s'enflammer. Serrant les dents et cachant ses rougeurs, il se maudit intérieurement de réagir ainsi. Ce n'était pas la première fois qu'il peignait une académie, le nu étant un passage obligatoire dans l'apprentissage de chaque peintre, mais c'était pourtant la première fois qu'il avait autant de mal à maintenir son regard sur l'un de ses modèles. Autant les heures précédentes il avait réussit à se calmer, arrivant à se concentrer un minimum sur son travail, autant là, le cadre du travail enlevé, il lui était impossible de poser son regard sur lui.

Le noiraud, qui malgré les efforts du peintre pour la cacher remarqua sa gêne, soupira et se revêtit d'un peignoir qu'il noua en son centre. Il reprit place sur sa chaise, relâchant ses muscles engourdis, et reporta son regard à son colocataire.

— C'est bon, tu peux me regarder, déclara-t-il. Sérieusement comment peux-tu être aussi gêné alors que je viens de passer les dernières heures à poser nu juste sous tes yeux ? C'est incompréhensible.

— J-Je ne sais pas, bredouilla-t-il. C'est vrai que j'ai passé tout l'après-midi à t'observer mais là c'est différent. Étant donné que nous ne sommes plus dans un cadre de travail te voir nu me mets mal à l'aise.

Levi qui avait écouté son compagnon avec attention détourna son regard de ce dernier et fixa un point dans le vide. Sans s'en rendre compte il mordit sa lèvre inférieure et c'est alors qu'une introspection sur lui-même débuta. Il ne saurait expliquer pourquoi mais il se sentait assez déçu qu'Eren ne puisse supporter la vue de son corps dénudé. Cela, en plus de lui faire ressentir un étrange sentiment de frustration, l'agaçait quelque peu. Il avait l'impression d'attendre quelque chose en particulier de sa part mais était incapable de pouvoir dire quoi.

Lorsque le garçon avait commencé à dessiner son croquis, Levi, bien que d'apparence très calme, avait sentit son rythme cardiaque augmenter. Sentir le regard d'Eren sur lui l'avait légèrement déstabiliser et il avait du remplir son esprit de mille et une chose désagréables pour empêcher son corps de réagir à la caresse que lui offrait son regard. Et lorsque des douleurs avaient commencé à posséder ses muscles il avait lutté contre ce mal-être et s'était évertué à garder sa pose, ne voulant disparaitre du regard d'Eren, chose qui était finalement arrivée.

Il se demanda durant quelques instants pourquoi il recherchait tant l'attention du châtain, mais sa réflexion eu à peine le temps de débuter qu'elle se fit tout de suite interrompre par celui qui occupait ses pensées.

— Levi tu vas bien ? Tu as l'air dans la lune, déclara-t-il en s'asseyant en face de lui. Tu as peut-être plus besoin de repos que ce que je pensais.

— Non je vais bien je t'assure. Encore quelques minutes et je serai prêt à reprendre mon travail.

Son interlocuteur ricana.

— Je savais que tu avais un égo plutôt conséquent mais à ce point là.

— Je ne suis pas fier, répondit-il d'un ton sec, j'ai juste confiance en mes capacités. Maintenant montre moi ce que tu as commencé à faire.

Eren haussa les épaules et partit chercher son croquis qu'il lui tendit. Le noiraud le prit en main et y jeta un coup d'œil. Sur la feuille autrefois vierge figurait un individu au corps totalement dénudé. Les contours de son anatomie étaient totalement tracés tandis que certaines parties étaient plus détaillées que d'autres, nécessitant encore de longues heures de travail.

Bien que l'esquisse n'était pas encore achevée Levi se sentait satisfait de ce qu'il avait sous les yeux. Eren avait parfaitement su le dépeindre et cela lui procurait une certaine joie. C'est ainsi qu'il lui rendit son croquis, un léger sourire au coin des lèvres, et qu'il le félicita.

— Bravo gamin, tu as fait du bon travail. Je savais que je serai satisfait mais je ne pensais pas que ce serait à ce point.

Les joues d'Eren prirent une teinte rosée et c'est en détournant légèrement le regard qu'il murmura :

— Merci.

Sa muse hocha la tête et alors que le peintre triturait le bas de son haut, elle demanda :

— Et sinon tu sais ce que tu vas peindre ? Je veux dire, tu sais ce que donnera la toile finale ?

— Non je n'y ai pas encore réfléchit. J'ai bien quelques idées en tête mais il me faudrait quelques jours de réflexion avant de pouvoir dire si oui ou non ces idées sont bonnes. Pour l'instant la seule chose dont je suis sûr c'est que ma toile représentera une scène mythologique et que évidemment, tu en seras l'acteur principal.

Son interlocuteur acquiesça tandis qu'il tentait en vain de visualiser ce que pourrait donner la toile. Eren l'avait fait poser comme la célèbre œuvre antique de L'Apollon du Belvédère, une sculpture très admirée en ce milieu de XVIIIème siècle. En sachant cela il ne pouvait s'empêcher d'imaginer un Apollon dans un jardin semblable à celui d'Eden, où figurerait autour de lui de multiples autres figures de la mythologie gréco-romaine. Seulement les possibilités de compositions étant infinies, il y avait peu de chances que l'image qu'il se faisait de l'œuvre finale soit la bonne.

— Bon et sinon, reprit le châtain d'une voix détachée, dis moi donc. Que comptes-tu faire une fois tout cela terminé ?

— Une fois tout cela terminé ? Répéta son interlocuteur, confus.

Il hocha la tête.

— Oui, une fois que j'aurais fini ce pour quoi on travaille depuis plus d'un mois. Tu retourneras réaliser tes paniers en osier ?

Cette question le prit de court. Que comptait-il faire après qu'Eren ait fini sa toile ? Il n'en savait rien. À vrai dire il n'y avait même jamais pensé. Ces dernières semaines à ses côtés étaient passées tellement vite qu'il n'avait même pas eu le temps de songer à ce qui se passerait après, et pour être honnête il n'en avait pas eu l'envie. Mais maintenant qu'il avait soulevé la question il allait devoir sérieusement y réfléchir. Allait-il retourner s'occuper de son commerce ? Très certainement. Avait-il envie de rester avec Eren ? Sans aucun doute. Mais malgré cette envie folle qu'il avait de rester à ses côtés il se voyait mal rester éternellement chez lui, surtout une fois son travail terminé. Il se verrait seulement comme un parasite profitant d'un garçon au mental fragile. C'est ainsi qu'à contre cœur il répondit à sa question.

— Oui j'y retournerai très probablement. Tu sais j'ai de nombreux clients qui comptent sur moi, ils doivent attendre mon retour avec impatience.

Son interlocuteur hocha lentement la tête en signe d'approbation. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas sentit aussi bien qu'en compagnie de Levi, et savoir que dans quelques temps il perdrait sa seule source de réconfort le peinait énormément. Mais malgré tout il fit mine de rien et c'est d'un air faussement désintéressé qu'il se leva de sa chaise.

— De toute façon nous continuerons à nous fréquenter, n'est-ce pas ?

— Sans aucun doute, répondit le noiraud en souriant légèrement.

— Parfait alors, dit-il en lui rendant son sourire. Maintenant remettons-nous au travail.

Sa muse acquiesça et c'est déterminé que les deux hommes reprirent leur labeur avant de n'arrêter qu'à la nuit tombée.

2139 mots

❀ ✿ ❀

Média : Auguste Antoine, "L'intérieur de l'atelier d'Antoine Gros", 1824.

- Antoine Gros est un peintre important du XVIIIème siècle.

- Ce tableau représente ses élèves en train de peindre un nu.

- Le modèle, qui est une femme, pose à "l'antique".

Hello,

Comment allez-vous ?

Voici enfin le chapitre quatre. Je dois bien avouer que j'ai mis du temps à l'écrire mais il est enfin là c'est le principal xD

Voici la statue de l'Apollon du Belvédère :

-------------------

Et merci à l'être exceptionnel qu'est Ana69Ko pour avoir lu et m'avoir donné son avis sur ce chapitre (T'as vu je te flatte 👁👄👁).

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top