3
La douce lumière du soleil levant filtrait à travers les arbres de la forêt, éveillant avec lui les oiseaux diurnes qui se mettent immédiatement à chanter leur mélodie, comme pour escorter l'ascension de l'astre.
La lueur matinale finit par atteindre la ville, toujours sous la forme d'un majestueux lever de soleil. Felix aurait dû être assis sur le toit de son immeuble à admirer le spectacle et à écouter le chœur qui l'accompagne. Il appelait ça « La Comédie du Soleil ».
Le soleil est un élément important dans sa vie. Quelque part, c'est son modèle. Il lui a appris qu'il est normal de ne pas briller tous les jours. Que parfois, notre sourire est caché par un brouillard impossible à dissocier. Mais que, quelle que soit la situation, on finit toujours par briller de nouveau.
Mais aujourd'hui, il ne verra pas le soleil se lever. Il ne pourra pas l'accompagner dans sa journée. Il se réveillera dans le noir, foudroyé par une alarme stridente, le type qui retentit quand il y a un exercice incendie et qui vous vrille les tympans. Il se réveillera en sursaut. Il se remémorera alors de la veille avec douleur.
Il se réveillera dans la peur.
La peur de ce qui pourrait lui arriver. La peur de ce qu'on lui fera s'il ne se lève pas. Mais il se lèvera. Car il a espoir qu'un jour il rentrera chez lui, qu'il sera de nouveau libre, que tout redeviendra comme avant et qu'il reverra le soleil. Et ce dernier, comme par compassion envers le garçon, se cache soudainement derrière les nuages. Il l'attendra patiemment.
Felix se redresse donc sur son matelas et se frotte les yeux. Il n'a aucune idée de quelle heure il peut être. Il sait juste qu'il a mis une éternité à s'endormir et qu'il est épuisé. Il n'a pas la force de faire quoi que ce soit, alors il attend, toujours assis sur le bord du lit.
Vingt minutes passent et il peut entendre du mouvement à travers la porte. Des gens qui se déplacent, des paroles aussi, étouffées par l'épaisseur des murs. Puis l'alarme sonne une seconde fois. C'est l'heure de sortir. Il s'avance vers la porte qui a émis un « clique » sonore et s'est entre ouverte.
D'une main tremblante, il la pousse et s'avance vers l'extérieur. Il titube, se rattrape au mur, soudainement agressé par la lumière qui le rend aveugle. Il cligne des yeux, mais ne voit que des images floues et blanchâtres, impossibles à décrire tellement elles paraissent irréelles. Au bout de cinq bonnes minutes, il s'accoutume enfin à la brillance des lieux, toujours en clignant des yeux.
Du coin de l'œil, il aperçoit un des autres garçons qui visiblement s'est lui aussi retrouvé agressé par la lumière. Mais les effets semblent beaucoup plus puissants sur lui, au point où il en est accroupi au sol à se cacher les yeux et à gémir.
Il entend une voix féminine râler.
« Qui a laissé les lumières éteintes dans les chambres ? Vous ne voyez pas qu'on perd un temps fou à attendre qu'ils s'habituent ? »
Devinant qu'il s'agit de la femme de la veille, Felix se crispe. Il déteste ses yeux foudroyants, ses lèvres crispées, sa beauté cruelle et sa manière de parler d'eux. Comme s'ils n'existaient pas, non pire, comme s'ils étaient de simples objets. Des possessions. Ses possessions.
Face à lui, il y a des gardes armés d'armes à feu et de matraques. Avec leur regard plongé dans le vide, ils ont l'air de statues, mais Felix ne doute pas une seconde qu'à la moindre tentative de fuite ou de résistance, ils se mouvraient avec rapidité et force pour l'arrêter, soit avec un coup de massue, soit avec un coup de feu.
La dame s'avance alors vers lui et les autres détenus. Elle les reluque de son regard froid et un frisson parcourt l'échine de Felix. Elle fronce les sourcils, réfléchit un instant et finit par prendre la parole :
-Bon, aujourd'hui vous allez apprendre à vous connaitre un peu. Allez, on y va !
Sa voix avait claqué dans un ordre sans appel.
Contraints à la suivre, les garçons s'activèrent en silence. Jisung menait la marche, suivi par Minho, l'autre garçon dont le nom leur était encore inconnu, et Felix.
Ils arrivèrent dans une nouvelle pièce, plus sombre cette fois. Six chaises étaient alignées en face d'un des murs. Le mur en question comportait une grande ouverture fermée par un verre solide qui donnait sur une autre salle vide, excepté un gros bloc de métal rangé dans un coin. L'ambiance rappela à Felix celle des salles d'interrogatoire qu'on voit parfois dans les films policiers.
Quatre des six sièges étaient disposés à l'écart, de l'autre côté de la porte. On les fit s'y installer puis la femme quitta la pièce, laissant les quatre garçons seuls en compagnie de deux gardes. Un silence gênant s'instaura. Personne n'osait parler. Personne ne voulait parler. Et puis, qu'auraient-ils pu se dire ?
Alors Felix observa.
À sa droite, il voit que Jisung a retrouvé son calme impassible et semble extrêmement concentré. Le dos droit, le regard fixe, les mains posées sur les cuisses. Il est juste un peu crispé, mais plus sous l'effet d'un effort considérable que sous l'effet de nervosité.
« Il a beaucoup de sang-froid. »
À sa gauche, l'autre garçon est perdu dans ses pensées, se caressant les ongles dans un mouvement nerveux inconscient.
« Plutôt résistant. »
Minho quant à lui est de loin le plus tendu de tous. Replié sur lui-même, les yeux sautant d'un élément à l'autre, s'arrachant le bout des ongles, la respiration saccadée. Il bondit presque de sa chaise quand la porte se rouvre.
« Il ressemble à un chat. » Songea Felix. « Un chat terrorisé. »
La porte s'était ouverte sur Kyon et la femme qui entame quelques présentations et un programme des évènements à venir.
-Alors, je pense qu'il est grand temps que je me présente. Je suis Yeong et voici mon associé Kyon. Aujourd'hui, et les jours suivants, vous allez sociabiliser un peu. Pour l'instant, vous devez apprendre à vous connaitre. Donc, vous serez appelés un par un. Une fois appelé, vous vous rendrez dans la salle de l'autre côté de cette vitre et vous ferez ce qu'on vous demande de faire. Les autres, vous observerez calmement. On commence par Jisung. Il me semble que certains d'entre vous ont déjà eu un aperçu de ses capacités hier, mais je pense qu'il est important que vous viviez l'expérience tous ensemble. Allez, viens.
Felix regarda Jisung se lever et quitter la salle. Le garçon réapparut de l'autre côté de la vitre et se plaça au milieu de la pièce. Au début, rien ne se passa. Mais petit à petit, Felix sentit un faible sentiment d'euphorie se dégager en lui. Le sentiment ne dura que quelques secondes avant de disparaitre.
De son côté, avec les sourcils froncés et les traits tendus, Jisung semblait déployer un effort immense. Il se décontracta soudain et des sensations bien plus personnelles et négatives envahirent Felix. Mais elles arrivèrent doucement, légèrement. Pas de la même violence que la veille.
« C'était lui alors. »
Nouvelle émotion, cette fois de la colère. Joie, douleur, colère et ainsi de suite pendant deux trois minutes. Puis, il sort de la pièce et regagne sa place. Aussitôt, Yeong s'extasie :
-Très bien ! C'était parfait ! Maintenant au tour de Minho !
Toujours de cette démarche fluide, l'interpellé se lève et se dirige vers la porte, accompagné de Kyon et d'une garde.
Il rentre dans la salle et se place en son centre, l'air perdu et lançant des regards nerveux partout autour de lui.
Soudain, un couteau jaillit du mur de son côté droit et fonce vers lui. La rapidité de l'objet était telle que presque personne n'aurait pu l'éviter.
Presque.
Minho s'était déplacé bien plus rapidement, si vite, que son mouvement avait été imperceptible. Il n'eut pas le temps de souffler qu'une autre lame fusa vers lui. D'un petit mouvement d'épaule, il esquiva la chose qui se planta dans le mur juste à côté de lui. Sans perdre de temps, il la saisit et l'envoya avec une précision imparable sur un troisième couteau, déviant sa trajectoire mortelle.
Il se replaça immédiatement sur ses gardes, attendant le quatrième assaut. Mais rien ne vint. Il se redressa et se dirigea vers la porte, pensant que c'était fini. Mais au dernier moment il s'aplatit au sol, laissant la quatrième et dernière lame planer au-dessus de lui et se ficher dans la porte que le garçon s'empressa d'ouvrir puis de claquer en sortant.
L'action n'avait duré que quelques secondes, mais elle suffit à confirmer l'impression de Felix. Ce garçon était un chat. Ou plutôt une panthère. Discret, mais attentif, rapide, peut-être trop, mais d'une précision extrême. Impression qui se confirmera d'autant plus quand il découvrira que Minho a aussi une ouïe et un odorat surhumains et la capacité à voir dans le noir.
Les sens toujours en alertes, Minho rejoignit les autres dans la salle et s'assit sans prêter attention aux commentaires excités d'Yeong qui ressemble à une enfant découvrant ses nouveaux jouets. Lassée d'être ignorée, elle se tourne vers le garçon à la gauche de Felix :
-Maintenant, c'est à toi Seungmin !
Le dénommé Seungmin se leva et quitta la salle, toujours accompagné de Kyon et d'une garde.
Entré dans la salle, il se dirige vers le gros bloque de métal. Comme s'il s'agissait d'une vulgaire brique de lait, il le saisit de ses deux mains et l'élève au-dessus de sa tête. Il continue sa démonstration de force en lâchant sa prise d'une main.
Puis, sans montrer le moindre signe de fatigue, il retourne dans le coin où il a trouvé l'objet et le repose. Dans d'autres conditions, Felix aurait cru que le bloc était truqué, fait d'aluminium et vide à l'intérieur. Aussi léger qu'une plume. Mais il sait que ce n'est pas le cas et regarde avec une certaine admiration le garçon qui le rejoint sur la chaise d'à côté.
Et maintenant, c'est son tour. Il se lève et se dirige vers la porte, sous les yeux excités de Yeong et ceux curieux et fatigués des trois autres garçons. Kyon l'accompagne, avec une garde, sur les quelques mètres qui séparent la salle d'observation à l'autre.
Une fois dedans, Felix se plaça au milieu et attendit que la lumière s'éteigne, comme lui avait ordonné Kyon. Une fois éteinte, il se concentra mentalement sur ses mains. Il sentit son sang se réchauffer, l'énergie pulser au bout de ses doigts. Oubliant presque où il se trouvait, il ferma les yeux et se laissa submerger par cette énergie bienfaitrice. Une douce chaleur se propagea dans ses avant-bras et enfin il les sentit.
D'abord petites, les flammes venaient d'apparaitre aux creux de ses mains. Il rouvrit les yeux et en une impulsion, les flammes doublèrent de volume, illuminant son visage épuisé d'une douce lueur orange. Le feu, loin de le brûler, dégageait d'agréables sensations dans ses mains, mais il savait que s'il atteignait une autre partie de son corps, il le blesserait. Même si les brûlures auraient cicatrisé en quelques jours sans laisser la moindre trace, autre étonnante capacité qu'il détenait, la douleur aurait été insupportable.
Nouvelles impulsions, accompagnées d'un mouvement de ses mains, et le feu s'éteignit. Quelques secondes plus tard, les lumières artificielles qui éclairaient des lieux se rallumèrent et il put ressortir de la salle.
Felix n'avait aucune idée du fonctionnement de son pouvoir. Il l'avait découvert vers ses neuf ans quand sous un coup de colère contre sa famille d'accueil il avait mis feu à son lit. Il avait d'abord trouvé cette capacité incroyable. Ensuite, il s'était posé beaucoup de questions. Sans surprises, il n'en avait pas trouvé les réponses ni sur internet ni dans les livres et s'était bien gardé d'en parler avec qui que ce soit.
Avec le temps, il s'y était habitué, mais il s'était toujours senti un peu seul. Il ne connaissait personne d'autre comme lui. Personne qui détenait une capacité hors du commun et inexplicable. Personne à qui en parler sans être vu comme un objet d'étude ou une bête de foire. Car c'est comme ça que les gens l'auraient perçu s'il avait dévoilé son secret.
On l'aurait aimé sans le connaitre juste pour être populaire, on l'aurait manipulé, peut-être jugé et rejeté. Et puis finalement, on en aurait fait un rat de laboratoire. Emmené de force dans des services médicaux pour l'étudier, le blesser, l'humilier.
Il n'avait aucune idée de comment Yeong l'avait retrouvé, mais malgré tout le mal qu'il pensait d'elle, malgré son attitude possessive et cruelle, malgré son scrupule surement inexistant, il ne put s'empêcher, dans un tout petit coin de sa tête et avec une certaine honte, de la remercier.
Sans elle, lui, Jisung, Seungmin et Minho ne se seraient surement jamais retrouvés et seraient restés seuls avec leur secret enfoui au fond d'eux même. Mais désormais ils étaient les enfants particuliers enfin unis et rassurés de savoirs que jamais ils n'avaient été seuls.
Quatre enfants, blessés, perdus, mais ensembles.
Ensembles.
Le mot résonna dans la tête de Felix. Voyagea, prit d'autres formes, d'autres couleurs et se transforma en un nouveau : puissance.
Ensemble, ils étaient puissants. Ensemble, ils avaient une chance de s'en sortir, de fuir loin. Loin de cette femme, de ce lieu, de cette prison. Cette pensée grandit dans son esprit, s'imposa à lui et devint une conviction.
En unissant leur force, ils retrouveraient leur liberté qu'on leur avait volée pour maintenant dix heures qui avaient parus une éternité.
La journée passa, Felix mangea, s'hydrata et discuta timidement avec ses camarades tout aussi gênés. Il la passa avec cette certitude qui lui permit de continuer à avancer, à ne pas succomber au doute et à la peur.
Mais c'est bien plus tard, alors qu'il venait d'avaler une pilule de couleur rouge qu'on lui avait demandé de prendre avant d'aller se coucher que ça vision de l'avenir changea et prit des teintes bien plus sombres.
Les effets du médicament avaient été immédiats. Ils lui embrouillèrent le cerveau, sa tête se fit pesante, il sentit son cœur s'affoler, son esprit s'envoler, et avec lui, cette conviction qu'il s'en sortirait. Ses paupières se firent lourdes et il s'affaissa sur le lit, sombrant dans un sommeil peuplé de cauchemars sans fin.
Le matin, en se réveillant, il eut l'impression de s'être changé en zombi. Incapable de bouger ou de réfléchir, il était vide de l'intérieur. Vide de cette flamme qu'il appelait espoir.
Vide de cette certitude qu'il avait tant charriée.
--------------------------------------------------------------------------------------
Voilaaaa
Je suis trop désolée pour l'attente, j'ai trop galéré à écrire ce chapitre, mais il est là et je suis assez contente du résultat uwu (Sauf que je pense que j'ai un peu fait n'importe quoi avec les temps des verbes...)
Sinon, tout en l'écrivant j'ai enfin écouté 3Racha, et POURQUOI J'AI PAS ÉCOUTÉ ÇA PLUS TÔT ????
Comme ce chapitre est fini, je pense qu'en plus d'écrire les prochaines parties je vais commencer à écrire plus sérieusement d'autres histoires dont une qui devrait paraitre plus au moins en même temps que le chapitre 5 ou 6 de Disrict 9 (peut-être même avant qui sait...)
J'espère que ce chapitre était bien, j'essayerai d'aller un peu plus vite avec l'écriture des prochains, en attendant passez de bonnes fins de vacances !!!
(Plus que trois semaines avant la rentrée, ça passe trop vite ;- ;)
Xxx
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top