Je les vois. Encore et toujours, chaque nuit. Quand je ferme les yeux, je ne peux empêcher ce jour funeste de se rejouer à l'infini dans mon cerveau. Je ne sais pas pourquoi, pourquoi c'est comme ça, mais depuis le début de l'année ça a empiré.

Je ne dors plus. J'ai peur, j'ai peur de fermer les yeux, de les voir, de les entendre, de les tuer. Je ne peux plus fermer l'œil sans me réveiller en larmes, sans devoir étouffer mes cris dans mon oreiller.

Je vois leurs yeux, ces yeux que j'aimais tant, je revois ces pupilles dilatées par la peur. La peur de la Mort.

Je revois, chaque nuit, ce jour qui avait si bien commencé. Ce jour où j'ai tout perdu. Je revois ce parc où nous étions, et je revois cette tour, cet orage.

Cette tour si haute, cet orage si violent. Je me revois petite, s'agrippant à la manche de ma mère, la suppliant de monter.

Je revois son regard, ce regard qu'elle a lancé à mon père, ce regard de "que risquons-nous ?". Je revois mon père hausser les épaules, hésitant mais finissant par sourire en prenant mon autre main.

Je revois ces escaliers, si hauts, et cette plateforme au sommet de la tour. Je me revois danser là-haut, mes parents me regardant en souriant.

Et je revois l'éclair.

Je revois le ciel se déchirer, la terre gémir sous le coup de tonnerre d'une puissance extrême.

Je revois la lumière qui avait illuminé la scène, je revois mon père hurler à ma mère et moi de se coucher, je les revois se jeter au sol, et je me revois tentant de les rejoindre. Je les revois se relever en criant pour me protéger.

Je revois la foudre qui s'abat sur eux.

Ils sont morts pour me sauver.

Je les ai tués.