IV (1)

Bonjour bonjour ! Voici la suite, j'ai coupé le chapitre en deux parce que je me suis un peu emportée durant l'écriture et il fait 2 800 mots, et la coupure n'est pas parfaite donc, si vous avez le temps, lisez les deux parties en faisant comme si elles n'étaient pas séparées. Bonne lecture !
(Et merci pour vos commentaires et votes qui font toujours aussi plaisir !)

★★★

Alma prit une longue inspiration et appuya sur la sonnette du 34, rue Pasteur. Elle entendit le tintement derrière la porte et se retint de partir en courant.

La maison devant laquelle la jeune fille se tenait était une demeure modeste de deux étages, aux murs peints en jaune clair. De la glycine poussait sur la façade et des fleurs en pots étaient disposées sur les rebords des fenêtres ainsi que sur les deux marches qui menaient à la porte d’entrée. Celle-ci était en métal blanc, avec un léger motif et surplombée par un hublot en demi-cercle.

Les secondes s’égrenaient, lentement, et aucun signe de vie ne parvenaient à la jeune fille.

À quatorze, je m'en vais, se décida la jeune rousse, qui sentait son courage l’abandonner.

Un…

C’était dommage d’être venue pour rien.

Deux…

Elle regarda par les fenêtres mais celles-ci étaient obstruées par de légers rideaux.

Trois…

Pourquoi n’y avait-il personne ?!

Quatre…

Sachant qu'elle n’aurait probablement plus jamais le courage de venir, c’était décevant.

Cinq…

Allez Raphaël, ou qui que ce soit ! Réagissez, un peu !

Six…

Toujours rien.

Sept…

Elle fit un pas en arrière.

Huit…

– J’arrive, j’arrive !

Alma faillit tomber de la marche où elle était. Elle tritura nerveusement ses doigts et, un instant plus tard, la porte s’ouvrit à la volée sur une femme achevant de nouer une serviette sur ses cheveux. Alma se sentit un peu coupable de l’avoir dérangée alors qu'elle sortait visiblement de la douche.

– Bonjour… ? hésita la femme, surprise. Que puis-je faire pour toi ?

– Bonjour, bredouilla la jeune fille. Je… euh… excusez-moi de vous déranger, est-ce que je pourrais parler à Raphaël ?

– Raphaël ? Oui oui, bien sûr, il est dans sa chambre ! Tu es une amie ?

– Euh, oui, improvisa la rouquine. On a un… un exposé à faire ensemble.

– Oh, bien sûr ! Je vois, entre, fais comme chez toi !

Alma trouva immédiatement que la mère de Raphaël – car c’était certainement elle – était une personne charmante. Elle paraissait surprise, un peu gênée, mais ça ne l’empêchait pas de se montrer adorable avec elle, qualité rare et qu'elle savait apprécier.

– Merci beaucoup ! la remercia-t-elle, sincère.

– Mais je t’en prie ! répondit l’autre, tout sourire. La chambre de Raphaël est la première à gauche, dans le couloir.

Alma la remercia d’un signe de tête tandis que la mère de Raphaël retournait dans sa propre chambre, en face de celle de son fils. La jeune fille s’avança timidement dans ledit couloir, de moins en moins sûre d’elle.

Heureusement, la porte de la chambre du garçon était ouverte, et elle toqua doucement, du bout des doigts.

– Qu'est-ce qu'il y a… soupira-t-il.

La jeune fille fit un pas dans la pièce et vit Raphaël allongé à plat ventre sur son lit, plongé dans un livre. Elle prit son courage à deux mains et attendit d’être sûre que sa voix ne la trahirait pas avant de prendre la parole.

– Salut… Je peux entrer ?

– Alma ?! fit-il en bondissant de son lit. Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?! Et comment tu as eu mon adresse ?

Comment dire à quelqu'un qu'on le stalkait sans lui dire qu'on le stalkait ? La tâche n’était pas aisée. Alma prit donc le parti d’éviter la dernière question.

– Je voulais te dire pardon. Pour hier. J’ai… J’ai été dure avec toi alors que tu ne le méritais pas.

L’expression du garçon était passée d’une stupéfaction mêlée de colère à un étonnement un peu triste.

– Viens, fit-il après un silence.

La rouquine entra timidement dans la chambre, ne sachant pas où se mettre. Voyant sa gêne, Raphaël l’invita à s’asseoir sur le lit, ce qu'elle fit, avec le sentiment de ne pas vraiment être à sa place.

La pièce était à l’image du garçon : simple mais accueillante. Il y avait le lit, avec des barreaux métalliques aux extrémités, couvert d'un couvre-lit bleu pâle ; une commode de bois clair contre un mur, sur laquelle étaient alignés divers bibelots, dont une collection de boules à neige ; une armoire à glace en face du lit ; un bureau dans un angle, éclairé par une fenêtre à droite. Des cahiers divers étaient posés dessus, ainsi que deux pots à crayons et une lampe articulée. Les murs étaient d'un jaune pastel, presque le même que celui des murs extérieurs, le parquet ciré, et des rideaux blancs en dentelle étaient tendus devant la fenêtre, baignant la pièce d'une lumière douce.

Alma aima immédiatement cette chambre, tout le contraire de la sienne, dans les tons sombres et relativement mal rangée.

La jeune fille reporta son attention sur Raphaël, assis en tailleur sur le couvre-lit, qui la fixait sans un mot, son livre abandonné à côté de lui. « Coup de tête », put-elle lire sur la couverture, qui représentait un arbre avec un avion en papier.

– Tu veux… Tu veux qu'on reparle d’hier ? demanda Alma, mal à l’aise.

Visiblement, Raphaël lui en voulait et n’avait pas l’intention de l’aider à se départir de son malaise. Pas grave, songea la rouquine. Je peux très bien me débrouiller toute seule. Cependant, le garçon poussa un long soupir avant qu'elle n’ait eu le temps d’ajouter quoi que ce soit.

– Je sais pas… Tu sais, c'est compliqué. Je ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe dans ma tête en ce moment.

Alma fit une moue compatissante en hochant la tête.

– Je ressens plein de trucs différents, reprit l’adolescent, je suis un peu déboussolé. Ça doit être lié aux hormones et tout le bazar, j’imagine. Mais ça fait que j’ai un peu des… des sautes d’humeur disons. Et que parfois je suis trop sensible. Hier, quand j’ai mis la lettre dans ton casier, je ne savais pas trop ce que je faisais. J’étais, comment dire… déconnecté de la réalité, je ne me rendais pas vraiment compte de ce que je faisais. Et après coup, j’ai regretté. Je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout la bonne façon de faire les choses…

Il reprit sa respiration, et Alma jura qu'elle avait vu une larme briller dans son œil. Mais elle ne dit rien, se contentant de regarder avec empathie ce garçon qui s’ouvrait à elle sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi.

– En plus, c’est… c'est compliqué avec mon père, en ce moment, continua-t-il en se laissant tomber sur le dos. J’imagine que les familles heureuses sont quelque chose de trop parfait pour exister. Je ne sais pas trop ce qu'il se passe, mais je les entends se disputer, ma mère et lui. Il est de moins en moins présent, de plus en plus violent. Je pense qu'il boit, mais ça non plus je ne comprends pas. J’ai peur qu'ils se séparent, mais je n’ose pas en parler, je ne le reconnais pas…

Ils poussa encore un profond soupir, et Alma dut retenir ses propres larmes. Par chance, il ne voyait plus son visage. Elle rammena sa jambe gauche sous ses fesses, et serra les lèvres pour retenir un soupir, ou un sanglot, elle ne savait pas vraiment.

– Je ne sais même pas pourquoi je te raconte tout ça, rajouta-t-il en se redressant. C'est stupide de ma part de t’embêter avec ça.

– Mais non, le rassura la jeune fille. Ce n'est pas stupide.

Elle s’arrêta, hésitante. Oserait-elle parler de ce sujet banni de sa bouche, qui n’existait plus que pour elle, dans son esprit ?

– Mes parents sont morts, lâcha-t-elle du tac au tac. J’avais cinq ans. Foudroyés par l’éclair. La probabilité est de moins d’un sur un million, tu te rends compte ? Et c'est tombé sur eux.

Raphaël la regardait avec un œil nouveau, empli de pitié. Alma détestait la pitié, qu'elle en soit l’auteur ou la cible.

– Je ne savais pas… murmura le garçon.

– Comment aurais-tu pu ? Je ne le dis à personne.

– Si… Si je peux faire quelque chose pour toi, fais-le moi savoir, d'accord ?

– Sur ce plan là, il n’y a rien à faire. Ne t’en fais pas pour moi, j’ai vécu onze ans avec ça, je ne vais pas craquer maintenant.

Un sourire désolé et compatissant passa sur le visage de Raphaël et, par un geste irréfléchi, il attrapa la main de la jeune fille et la serra dans la sienne. Elle le gratifia d'un sourire, mais dégagea doucement sa main.

– Pour ce qui est d’hier… risqua le brun, pas très sûr de lui. En fait, j’ai réfléchi et je ne suis pas certain de vouloir en parler. J’ai agi stupidement et le mal est fait, alors peut-être qu'on pourrait ne pas revenir dessus ?

– Bien sûr, le rassura la jeune fille. Je comprends tout à fait.

Il la remercia d'un sourire puis se leva de son lit et s’exclama, un brin trop joyeux :

– Tu aimes faire de la pâtisserie ? On pourrait faire des cookies, ma mère a acheté une préparation !

– Très volontiers ! accepta la rousse, heureuse de changer de sujet, même si elle devait bien avouer qu'elle aimait particulièrement discuter avec Raphaël.

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