IV (1)

Par chance, le bus d'Alma était encore là quand elle arriva. Elle monta dedans et s'installa à la troisième rangée. En général, les collégiens et lycéens se mettaient derrière, la plupart des primaires rentraient plus tôt et elle était tranquille. Même si pour l'instant, elle ne se sentait pas du tout tranquille, elle se sentait très bête, et surtout, ridicule. Elle pensait à ce que les élèves qu'elle avait bousculé allaient s'imaginer sur son compte. Ils devaient certainement la voir comme une gamine, qu'est-ce qu'il avait bien pu lui prendre de s'enfuir comme ça ? Elle aurait pu dire merci, pardon, n'importe quoi, sourire, mais non, elle s'était contentée de s'enfuir, les larmes aux yeux.

Alma se mit à détester cette fille qui s'était trouvé sur son passage, ce garçon et ses fichus yeux d'une couleur inoubliable, cette stupide marche qui l'avait fait tomber. Elle serra les dents, les poings et les lèvres mais ne put empêcher quelques larmes supplémentaires de se joindre aux précédentes.

Bien plus tard, lorsque la jeune fille fut dans son lit, attendant le sommeil qui tard ait, une fois de plus, à venir, elle se rendit compte que sa chute avait eu lieu à 17h17 précisément.

⠐⢾░▒▓ 𝟾-𝟷𝟽 ▓▒­░⡷⠂

Le lendemain, Alma arriva au lycée avec la sérieuse intention de retrouver le garçon pour s'excuser en bonne et due forme, histoire de lui montrer qu'elle n'était pas une gamine effarouchée. Étrangement, elle se fichait pas mal de l'opinion des autres jeunes présents, elle voulait juste que lui ne se fasse pas de fausses idées. De plus, elle était horrifiée par un détail qui la titillait. À vrai dire, c'était même un plus plus qu'un détail. Elle avait peur que – oh ! rien que le fait d'y penser lui donnait la nausée –, qu'il pense qu'elle... qu'elle l'aimait. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que la scène de la veille, qu'elle avait rejouée une bonne centaine de fois dans sa tête, était le cliché même de la rencontre amoureuse de ces romances à l'eau de rose qu'elle retrouvait parfois sur la table du salon et qu'Isa lisait en rougissant sur le grand fauteuil du salon. Une lycéenne qui ratait une marche un garçon aux yeux magnifiques qui lui tendait la main pour l'aider à se relever, la fille qui tombait immédiatement amoureuse, le garçon qui ne se rendait compte de rien et qui la regardait avec inquiétude, la fille qui mourrait intérieurement puis s'enfuyait en rougissant.

Quelle horreur ! pensa Alma, une fois de plus, dégoûtée. Elle ne pensait pas que l'amour n'existait pas, ou quoi que ce soit du genre, elle disait juste que, bon sang, on ne tombait pas amoureux d'une personne parce que celle-ci lui avait tendu la main pour l'aider à se relever. Ce genre de coup de foudre débile, c'était bon pour les collégiennes immatures qui pouffaient stupidement sur le passage des garçons en se poussant du coude et en se cachant derrière leurs mains.

Ainsi donc, Alma se retrouva à sillonner les couloirs du lycée, cherchant le visage du garçon aux yeux bleus. À son grand damn, ce ne fut pas elle qui le trouva, mais l'inverse. Et pas du tout comme elle l'aurait souhaité.

Elle marchait à vive allure dans un couloir du deuxième étage, regardant de tous les côtés si elle ne le trouvait pas, quand elle sentit une épaule percuter la sienne. Elle se recula d'un coup et crut mourir de honte quand elle reconnut la personne à qui appartenait l'épaule.

– Eh bien, sourit-il, on dirait que tu as le chic pour bousculer les gens.

Alma rougit violemment, vexée dans son amour-propre. Elle se vantait toujours – intérieurement – d'être particulièrement habile dans l'art de se faufiler dans les couloirs les plus peuplés sans jamais ne serait-ce que frôler d'autres élèves.

– Mais non, protesta-t-elle. Je... Enfin je... Je ne voulais pas.. Mais... Je voulais te dire... Pour ce qui s'est passé hier... Je...

Elle s'embrouilla dans ses mots, le garçon sourit encore, ce qui lui chauffa les joues de colère et, en désespoir de cause, elle finit par lancer :

– Je ne suis pas amoureuse de toi !

Des têtes se tournèrent vers eux, le sourire du garçon disparut et Alma voulut s'enterrer sous terre tant elle était gênée.

– Ce n'est pas ce que je voulais dire ! tenta-t-elle de se rattraper. Je ne voulais pas que tu crois... Après ce qui s'est passé hier... Je... Je veux dire... Ne crois pas que... Que quoi que ce soit !

Elle se sentait encore plus ridicule que les collégiennes immatures qui pouffaient stupidement sur le passage des garçons, c'était dire. Les élèves présents dans le couloir regardaient la scène avec intérêt, riant et chuchotant. Alma, ne sachant plus que faire, couvrit son visage de ses mains en priant pour que quelque chose vienne la sauver de cet embarras où elle s'enfonçait un peu plus à chaque seconde.

Elle sursauta lorsque des mains attrapèrent délicatement ses poignets et dégagèrent son visage. Elle leva les yeux et croisa ceux du garçon, rieurs.

– Si ça peut te rassurer, je n'ai jamais cru que tu étais amoureuse de moi, dit-il, encore une fois en souriant gentiment.

Alma fit un sourire contrit, affreusement gênée, et dégagea ses poignets d'un geste plus violent qu'elle ne l'aurait souhaité. Puis, sans prévenir, elle tourna les talons et s'enfuit, presque en courant, sous le regard étonné du garçon et les rires moqueurs des autres élèves.

Elle arriva devant sa salle de classe quelques minutes avant le début du cours et courut aux toilettes pour se passer de l'eau sur le visage et en faire disparaître la moindre trace de rougeur. Ce que je peux être stupide, quand je m'y mets, songea-t-elle avec rancœur, en fixant son reflet dans le miroir.

Elle retourna ensuite devant sa salle de classe et se fit le plus petite possible en attendant le professeur.

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