𝟕.
VENDREDI
— Kelsey, tu es sûre que ça va ? s'est enquit mon père, son regard sombre semblant plus inquiet que jamais.
Nous étions à table, et j'avais les yeux posés sur mon assiette pendant que j'en trifouillait le contenu.
— Ouaip, ai-je répondu.
— Il n'y a vraiment aucun problème ? a demandé ma mère. Rien de grave ?
— Non, ai-je dit.
J'ai levé les yeux.
— J'ai un truc à vous dire.
— Quoi donc ? m'a pressée ma mère.
J'ai hésité. Je dois avouer que je redoutais un peu leur réaction.
— Eh ben... voilà, c'est que...
J'ai pris une profonde inspiration.
— Je sors avec quelqu'un.
Mon père a haussé un sourcil blond foncé d'un air interrogateur. Je savais qu'il était curieux même s'il ne le montrait pas. Il était quelqu'un de très posé et discret, contrairement à ma mère beaucoup plus impulsive, mais clairement plus compréhensive.
— Et alors ? Qui est-ce ? a-t-elle questionné.
Bon... au point où j'en étais, autant se jeter à l'eau.
— Kim Foote, ai-je articulé.
Silence.
— Vous l'avez déjà vue. Je l'avais invitée, la fois ou Willow, May et Jane devaient venir, ai-je précisé.
— C'est très bien, ça ! s'est exclamé mon père.
« Ça quoi ? », ai-je songé, éberluée.
— Tu ne crois pas que tu pourrais l'inviter ? a proposé ma mère.
— Vous l'avez déjà vue, ai-je répété.
— Tu pourrais lui dire de venir toute la journée de samedi, par exemple, a évoqué mon père.
De toute façon, ça ne servait à rien de discuter, sinon la conversation s'éterniserait encore plus.
— D'accord, ai-je accepté.
Durant tout le repas, j'ai vu que ma sœur me regardait avec l'air de quelqu'un a qui on a supprimé la date d'anniversaire du calendrier.
Il faut vraiment qu'elle se calme. Je sais qu'elle ne me veut pas de mal, mais ça commence à être pénible.
J'ai énormément réfléchi, ce soir-là. Je ne sais pas si j'ai opté pour la meilleure façon d'avouer la chose à mes parents.
Mais qu'est-ce qui est mieux, en réalité ?
Cher papa, chère maman. J'ai embrassé une fille et maintenant on sort ensemble. Oui c'est tout ce que j'ai à vous dire. À bientôt.
Papa, maman... j'ai une petite amie. Désolée de pas l'avoir dit plus tôt...
Oui, je sors avec Kim Foote. Quoi, je ne vous l'avais pas dit ? Oups... (I did it again...)
Je ne m'attendais pas à ce qu'ils acceptent si facilement le fait que je sorte avec quelqu'un... je veux dire, avec une fille. Non pas que je les aie soupçonnés d'être euh, disons... homophobes. Simplement, on sait jamais avec les gens. Même quand « les gens » sont nos parents.
Mes parents ne se sont jamais beaucoup intéressés à ma vie amoureuse. Ils m'ont déjà posé la question « est-ce que tu es amoureuse d'un garçon ? » et aussi loin que je m'en souvienne, la réponse a toujours été non... et depuis le collège, je me demande pourquoi on ne m'a jamais demandé si je n'étais pas amoureuse d'une fille, plutôt. Enfin, qu'en j'y pense, si, c'est déjà arrivé, mais c'est assez récent.
Je crois qu'avant d'arriver au collège, je vivais dans un monde où toutes les filles trouvaient un prince charmant. Entre guillemets. Je me suis ensuite rendue compte que ce n'était pas toujours le cas. La vie est compliquée, décidément, mais, c'est vrai, quoi, bien loin est le temps où les grands-parents incluront d'autres genres dans la question « est-ce que tu as un petit copain ? » traditionnellement posée à toutes les petites filles.
J'en ai marre de parler. En plus, j'ai un devoir pour Mr Abbey que je n'ai toujours pas fait.
SAMEDI
Kim est arrivée à l'heure du repas de midi. Elle a été d'une extrême politesse, et volubilité, elle s'est resservie généreusement du plat. Mes parents ne l'ont que plus appréciée, Margret n'a fait que bouder mais je ne pouvais rien espérer de mieux de sa part. Elle n'a pas trop l'habitude que l'on s'occupe aussi peu d'elle, en réalité.
Puis Kim et moi sommes montées dans ma chambre et nous sommes assises en tailleur l'une en face de l'autre.
Margret a alors fait irruption dans la pièce.
— Kelsey, tu..., a-t-elle commencé.
Elle s'est interrompue, a jeté un regard noir à Kim, puis est partie en claquant la porte derrière elle.
— Que te voulait-elle ? a demandé Kim.
— Oh, je ne sais pas, sans doute voulait-elle savoir où était son araignée en plastique, ai-je hasardé sur un ton joyeux.
— Pourquoi donc ?
— J'ai une peur bleue des araignées, alors elle s'arrange pour en cacher dans mes affaires.
Kim a ricané avant de changer de sujet.
— Elle ne te ressemble pas beaucoup, a-t-elle observé.
— Normal. Elle est adoptée.
— Ah oui ?
— Non, c'est une blague. Elle a juste hérité des yeux de mon père et des cheveux de ma mère, alors que moi c'est l'inverse.
— Tes cheveux doivent être vraiment très beaux dans leur couleur naturelle, alors.
— Tu vas arrêter avec mes cheveux, oui ? ai-je dit en feignant la plainte. Je vais finir par croire que tu me convaincs d'arrêter de les teindre.
— Absolument pas ! J'aimerais juste les voir comme ils étaient avant.
J'ai ri.
— C'est ce que je dis. Tu essaies d'influencer mes habitudes.
Elle m'a tiré la langue pendant que je mettais une chanson.
— C'est drôle comme les choses se passent, a fait remarqué Kim.
— De quoi tu parles ? me suis-je étonnée.
— Je crois que dès la première seconde où je t'ai vue, je suis tombée amoureuse de toi.
Oooh Denis ooh be do, I'm in love with you
Denis ooh be do, I'm in love with you
Denis ooh be do, I'm in love with you
— Euh..., ai-je fait. C'est bien de moi qu'on parle, là ?
— Oui. Non, mais je te jure ! Tu m'as... tapé dans l'œil, vraiment.
— Eh ben... merci ? Quel honneur ! Nan, plus sérieusement, je ne peux pas vraiment dire que ça ait été réciproque... tu as fait partie des rares personnes qui le fascinaient et m'agaçaient à chaque fois.
— OK, je vais essayer de pas me vexer.
— Roooh, c'est bon ! Nan juste je t'aurais qualifiée de...
— De ?
— De chicouf.
— De chicouf ?
— Oui. Chic, elle est là, ouf, elle est partie.
— Oh là là, elle est vraiment adorable cette Kelsey, c'est toujours un amour.
— Vas-y moque-toi. Ce n'est pas ma faute.
— Ah bon ? C'est la mienne, peut-être ?
— Oui. T'étais toujours à me fixer comme tu aurais fixé Scarlett Johansson si elle avait fini dans ta classe.
— Je préfère que ce soit toi plutôt que Scarlett Johansson. Quoique ça ne me déplairait pas non plus.
— ...
— Quoi ?
— Rien.
Ma playlist, en aléatoire, fit passer une chanson dont j'avais complètement oublié la présence en ce bas-monde.
Deep down in Louisiana south of New Orleans
Way back up in the woods among the evergreens
There stood a log cabin made of earth and wood
Where lived a country boy named Johnny B. Goode
He never ever learned to read or write so well
But he can play the guitar just like he's ringing a bell
Go go
Go Johnny go go
Go Johnny go go go
Johnny B. Goode
C'est super vieux ce truc-là ! Ça me rappelle le moment où Marty McFly le joue dans Retour vers le futur 1.
— Tu sais danser ? a demandé Kim.
— Non. Et toi ?
— Moi non plus !
Nous nous sommes levées pour nous mettre à exécuter des petits pas de notre invention, et nous avons « dansé » comme des démentes.
Ensuite, nous nous sommes écroulées de rire par terre. Mes parents devaient se demander ce qu'il se passait là-haut — et Margret devait être en train d'envoyer un message aux Jupiteriens pour qu'ils viennent m'enlever pour m'amener sur leur planète. Je ne m'étais pas autant amusée depuis... jamais. J'ai eu d'excellents moments avec mes amies, mais certains instants plus courts sont plus précieux dans nos souvenirs.
Une autre chanson a commencé.
I was lost in France
In the fields the birds were singing
I was lost in France
And the day was just beginning
Quand Kim est partie, je me suis sentie un peu seule. Elle me manquait déjà, et la perspective de passer le reste de la soirée avec une petite sœur qui a coup sûr mettrait une araignée en plastique sur ma chaise à l'heure du dîner ne m'enchantait pas du tout.
I was lost in France in love...
1449 mots
Hey hey hey ! Comment ça va les p'tits enfants ?
Bon OK j'arrête x)
J'espère que ce chapitre vous a plu, le prochain dans une semaine^^
Sinon j'ai raté la journée de la fierté lesbienne, j'vous jure j'ai complètement zappé 😅
Bref-
Bonne soirée moi j'dois aller à un vernis-pas-sage UvU
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