━ 𝘮𝘰𝘯𝘴𝘵𝘦𝘳

+ ❝𝘵𝘩𝘦 𝘸𝘦𝘪𝘳𝘥 𝘴𝘮𝘪𝘭𝘦 𝘩𝘦 𝘸𝘰𝘳𝘦, 𝘴𝘩𝘪𝘯𝘺 𝘭𝘪𝘬𝘦 𝘣𝘳𝘢𝘴𝘴, 𝘩𝘪𝘴 𝘴𝘮𝘪𝘭𝘦 𝘵𝘩𝘢𝘵 𝘥𝘪𝘥𝘯'𝘵 𝘭𝘪𝘬𝘦 𝘭𝘪𝘬𝘦 𝘴𝘰𝘮𝘦𝘰𝘯𝘦 𝘭𝘪𝘷𝘪𝘯𝘨❞

| 𝘿𝘼𝙔 𝙏𝙒𝙊 |
ou comment invoquer un démon pour écrire du fluff, juste pour avoir des informations confidentielles supplémentaires
(looking at you, grandma-)

Pour Tsuuki- (même si ce n'est plus ton anniversaire-) oui, je rajoute encore de la lecture, mais j'ai rempli ma part du marché 👀👀

Ce texte est un Fyoya, et même si je l'ai un peu écrit contre mon gré, je crois que c'est un de mes textes préférés de ma week-
(On m'a plus ou moins convertie je-)
J'espère qu'il vous plaira~

(Vous pourrez également retrouver mon os sur Clan_FukuMori ~)

●○●

Les cerisiers étaient en fleurs à cette période de l'année. Chûya se promenait du côté du parc de Yokohama afin de pouvoir apercevoir ces magnifiques arbres aux couleurs éclatantes.
Ce jour là était un jour venteux, mais Chûya n'y avait prêté attention.

Sentir la caresse du vent sur sa peau lui donnait la terrible sensation d'être vivant. De ne pas être un monstre abritant une entité supérieure et mystérieuse dans son corps.

Alors qu'il tournoyait lentement dans les airs, une bourrasque plus forte que les précédentes emporta son chapeau au loin.
Sans se déstabiliser, Chûya activa sa capacité et partit dans les airs, à la poursuite de son couvre chef.

Evidemment, le vent emmena son précieux chapeau en direction des cerisiers, et sans prendre garde aux éventuels spectateurs, le rouquin se laissa gracieusement tomber au milieu des fleurs.
Sur le moment, il ne prêta aucune attention au jeune homme aux étranges pupilles améthystes, étant trop occupé à vérifier l'état de son chapeau.

— Seriez vous un ange ? souffla une voix douce et grave.
— Un monstre ou un démon, selon votre point de vue, répondit Chûya, pas le moins du monde impressionné par cet étrange spectateur.
— J'aime me dire qu'un démon est un ange déchu, et qu'un monstre n'est qu'un démon qui a trop vécu. Alors, angel, qu'est ce qui a provoqué ta chute ?

Le mafieux s'esclaffa. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas rit aussi insouciamment.
— Je ne suis en aucun cas un ange, croyez moi.

Il regarda ses mains sur lesquelles il pouvait encore voir le sang des innocents dont il avait pris la vie, qu'ils soient de simples dommages collatéraux ou non.
Monstre. Abomination de la nature. Monstre.

— Eh bien, je ne vous crois pas.
— Vous ne me connaissez pas ! protesta Chûya d'une voix vive. Au bout de quelques jours, vous partirez en regrettant d'avoir croisé mon chemin.
— Mais, je ne demande qu'à vous connaître, angel

Après cette discussion, les souvenirs de Chûya se brouillaient, devenaient flous, si bien qu'il était incapable de dire avec précision ce qu'il s'était passé.
Toujours était-il que, une semaine plus tard, Fyodor Dostoïevski l'invitait à un rendez-vous galant.

Sa rencontre avec ce jeune homme aux pupilles envoûtantes avait tout d'une coïncidence inopinée, poussée par le destin et le hasard.
Ils n'auraient jamais dû se croiser, mais les faits étaient là.
Chûya n'aurait pas pu être plus heureux.

○●○

Chûya était insupportablement ravi.
Les premières semaines après que Fyodor fut devenu son petit ami officiel, le rouquin avait l'impression de flotter sur un petit nuage, si bien que tout son entourage remarqua sans grande difficulté le changement.

De multiples questions l'attendaient à chaque tournant de couloir, et à chaque fois, le rouquin prit un soin démesuré de ne rien dire. Même si sa langue le brûlait.
Même s'il s'agissait de Kôyô.

Il avait enfin trouvé quelqu'un qui le voyait tel qu'il était réellement, lui, Chûya Nakahara, et non pas le puissant exécutif de la mafia Portuaire ou encore la deuxième moitié du Double Noir.
Fyodor le regardait comme on le faisait avec un homme banal, et seulement avec lui Chûya pouvait goûter à la sensation d'être normal.

La pensée que seul un monstre pouvait se sentir lui-même qu'avec un autre monstre, ne lui avait jamais effleurée l'esprit.
Fyodor l'appelait affectueusement "angel". Mais pour le mafieux, l'homme aux mèches brunes et aux captivantes prunelles était son sauveur. Son unique rédemption.
Il parvenait à oublier ses crimes avec ce dernier, chose que même le prodige Dazai Osamu n'était pas parvenu à faire.

Si le mafieux refusait de parler, c'était pour une bonne raison. Il savait pertinemment que la mafia n'accepterait pas sa liaison avec Dostoïevski, surtout que ce dernier entretenait des relations houleuses avec les détenteurs de pouvoirs.

C'était un monstre au yeux de tous, mais pour Chûya, il n'en restait pas moins un homme. Un homme tout aussi brisé que lui.
Fyodor avait été le premier à le voir tel qu'il était vraiment, et Chûya s'était juré que la réciproque serait vraie.

Cela faisait à peine quelques semaines depuis leur rencontre, et le rouquin se sentait étrangement loyal envers cet homme hors du commun.

○●○

Chûya était incroyablement bouillonnant de colère.
Kôyo avait bien évidemment lancé Dazai sur l'enquête de "qui était le mystérieux prétendant de Chûya" et comme on pouvait s'y attendre de son imbécile de partenaire, ce dernier avait trouvé l'identité de Fyodor.

— Coupe tous les ponts avec lui. Je suis sérieuse.
— Kôyô, fit Chûya en rassemblant tout le courage nécessaire pour affronter la jeune femme rousse. Je n'ai plus quinze ans, et j'ai le contrôle de la situation.
— Je n'en suis pas si certaine. Qui sait ce qu'il a bien pu te mettre dans la tête ?

Le détenteur de pouvoirs se mordit la lèvre inférieure jusqu'à ce que le goût du sang envahisse sa bouche.
— Rien du tout, grande sœur, je te l'assure.
Il prit une petite pause pour rassembler ses pensées.
— Je peux te le jurer, si tu veux.
— Toi, je te fais confiance, cracha Kôyô, mais je ne peux pas dire la même chose de ce rat.
Chûya écarquilla les yeux devant le mépris qu'affichait ouvertement la rousse sur son petit-ami.

— Grande sœur. J'ai une relation avec lui que ça te plaise ou non.
Le rouquin essayait de garder son calme, de moduler sa voix afin qu'elle ne sonne ni trop survoltée, ni trop douce.

Mais c'était plus dur qu'il ne l'imaginait. On insultait la seule personne au monde qui avait le pouvoir de l'apaiser, de le rendre meilleur, comment pouvait-il tolérer cela en restant impassible ?

— Qu'est ce que tu lui trouves donc ? Oh Chûya... C'est un monstre qui ne souhaite que t'utiliser pour ses fins personnelles. Tu le sais, tu le savais !
Et tu t'es quand même fait leurrer.

Le ton de celle qu'il appelait "grande sœur" se fit accusateur. Les mots de Kôyô piquaient, non pas parce que le rouquin les trouvait justes, mais uniquement parce qu'ils cherchaient à détruire la seule chose de bien qui soit arrivée dans sa vie.
Le rouquin ne pouvait pas imaginer une seule seconde que la jeune femme ait raison : Fyodor était sincère, il en était convaincu. Et puis, personne ne pouvait simuler une attraction pendant si longtemps.

Chûya serra ses poings jusqu'à ce que ses ongles s'enfoncent sans pitié dans ses paumes. La douleur l'aidait à évacuer son inutile colère.
Il n'avait pas envie d'exploser et de lancer des mots qu'il regretterait au visage de Kôyô.

Le rouquin réalisa, non sans un pincement au cœur, qu'au bout de trois mois de relation, il était déjà prêt à défendre Fyodor de sa vie contre l'organisation qui l'avait nourri et abrité.
Qu'en serait-il dans six mois ? Dans un an ?
Chûya aurait dû être terrifié devant ces possibilités, mais c'était tout le contraire.
Il s'abandonnait à la chute avec plaisir, et sans un regard en arrière.

○●○

Chûya était terriblement joyeux.
Fyodor lui avait annoncé qu'ils allaient au restaurant pour célébrer leur six mois de relation. Il y avait quelques années en arrière, le mafieux roux aurait trouvé ce genre de choses niaise à souhait.
Mais aujourd'hui, la seule réaction que provoquait la mention d'un rendez vous pour fêter six mois de relation plaçait un sourire béat sur ses lèvres qu'il essayait tant bien que mal de dissimuler.
Il n'avait pas envie que toute sa crédibilité s'effondre juste pour un simple dîner.

Chûya jeta un coup d'oeil à sa montre. Le cadran affichait six heures trente six.
Le jeune homme était donc en avance. Bien sûr, Fyodor et lui auraient pu choisir un restaurant dans Yokohama, mais sa relation avec le russe était devenue un sujet houleux avec la mafia, et aller fêter leurs six mois n'aurait pu être pris que comme de la provocation.
Cela expliquait pourquoi les deux jeunes hommes étaient obligés de se déplacer jusqu'à Tokyo.

Mais cela en valait largement le coup, songea Chûya en s'observant dans la glace.
Ses yeux céruléens se fixèrent dans ceux de son reflet, et pendant un moment, son souffle se bloqua dans ses poumons.

C'était le visage d'un monstre, le sourire dégoulinant de sang, qui le fixait dans le miroir. Poussant un cri abominablement inhumain, il jeta son poing en avant.
Le bruit effroyable du verre se brisant et s'éclatant contre le sol le ramena brutalement à la réalité et aux conséquences de ses actions.

Ses articulations de la main le lançaient affreusement, mais ce n'était sûrement pas ça le pire. Le miroir devant lui était désormais entièrement brisé, devenant une mer d'éclats de verre.

Le mafieux prit soudainement conscience que, s'il voulait remettre en ordre la salle de bain, il serait sans aucun doute en retard pour retrouver Fyodor.
Plutôt crever.

Jetant un dernier coup d'oeil à ses phalanges rougies, Chûya quitta rapidement la pièce comme un voleur.

Angel, soupira Fyodor quand il apparut sur le parking du restaurant. Tout va bien ?
Le rouquin réprima un soupir épuisé, et hocha la tête.
Mais son attentif, attentionné et intelligent, petit ami ne fut pas dupe. 
Le russe prit Chûya dans ses bras, en tirant doucement sur sa taille.

Le plus petit des deux se laissa aller à l'étreinte sans tenter de résister.
Pendant un bon moment, les deux hommes restèrent dans les bras de l'autre, respirant le même air.
C'était étrangement réconfortant de pouvoir se laisser aller comme ça, sans craindre le regard de l'autre.

C'était exactement ce dont avait besoin Chûya : se plonger dans les prunelles améthystes dénuées de jugement de Fyodor.
Le rouquin était sur le point de parler, quand quelque chose de frais tomba sur la paume de sa main.

Avec une rapidité qui le surpris, il enleva ses doigts de la taille de son petit ami pour les retrouver maculés d'un rouge écarlate.
— Fyodor ! s'exclama t-il. Que ? Ton sang... ? Tout va bien ?

Ses questions n'avaient plus aucun sens, son cerveau ne parvenait pas à traiter les informations. Fyodor avait été mutilé et assez gravement, au vu de l'importante quantité de sang qui s'était déposée sur sa main.
Chûya ne supporterait pas de voir le russe blessé. Attenter à la vie de Fyodor, cela revenait à attenter à sa vie à lui, Nakahara Chûya.

— Qui ? finit -il par dire.
Le "et ils payeront" resta en suspens dans l'air, mais Fyodor l'avait parfaitement compris.
— Personne, angel, personne.
— D'où vient le sang alors ?
— Il n'est pas de moi. Je te le promets.

Chûya se sentit sa respiration s'améliorer.
— Que s'est-il passé alors ?
Fyodor eut un sourire tordu qui déformait la moitié de son visage.

Peut-être que, si Chûya avait pu regarder la scène avec d'autres yeux, s'il avait pris du recul, rien qu'un instant, alors la pensée qu'en ce moment précis Fyodor ressemblait plus à un monstre qu'à un être humain aurait pu lui traverser le cerveau.
Mais tout ce qui passa dans son esprit, fut que le jeune homme aux yeux améthystes était terriblement beau.

— Certains personnes ont osé critiquer mon ange gardien.
Son sourire s'agrandit un peu plus.
— Alors elles l'ont payé. De leur vie.
Le russe partit dans un rire grave.

Cela aurait dû être à ce moment précis que la réalisation de la folie de Fyodor aurait dû frapper Chûya.
Mais, à chaque seconde passée avec le jeune homme, le rouquin s'attachait un peu plus.

Bientôt, Chûya Nakahara ne pourrait plus se passer de Fyodor Dostoïevski. 
Et cela lui convenait.

○●○

Chûya était dangereusement heureux.
Au bout de sept mois de relation, envers et contre tout, Fyodor avait accepté de venir s'installer dans son appartement.
Il n'aurait pas pu être plus débordant de bonheur qu'à l'heure actuelle.

Deux bras vinrent entourer sa taille et le tirèrent vers le torse musclé de Fyodor contre lequel il se laissa aller.

— A quoi pensais tu ? susurra une voix suave à son oreille.
Un frisson parcourut la colonne vertébrale du rouquin.
— À mon travail, répondit-il avec nonchalance.
— Menteur. 
Les lèvres de Fyodor déposèrent une multitude de baisers contre son cou.
En riant à voix basse, Chûya tenta de repousser doucement sa tête afin de lui barrer l'accès à la zone chatouilleuse de son corps.
Mais il échoua de façon remarquable : son petit ami cachait bien son jeu, mais les muscles de ses bras étaient plutôt bien développés.

L'instant suivant, les lèvres du russe retrouvèrent le chemin de son cou, effleurant la peau tendre.
Chûya frissonna en même temps qu'il éclata de rire.

— Tu as gagné, tu as gagné ! – il caressa doucement le haut de la tête de Fyodor – Je pensais à toi, pour tout te dire.
Il sentit l'autre homme se figer entre ses bras.
— Et qu'est ce que tes pensées disaient sur moi ?

Si le rouquin ne connaissait pas aussi bien le russe, il l'aurait décrit comme pétulant et arrogant. Mais l'infime tremblement qui parcourut les bras de Fyodor en disait suffisamment long.

Chûya frotta son nez contre celui du russe, un sourire langoureux apparaissant sur ses lèvres. Le souffle de son petit ami fit quelques irrégularités avant de se stabiliser.

— Je me disais juste que j'étais un putain de chanceux de t'avoir pour moi. Ici. Dans mon appartement.
Fyodor eut un sourire que Chûya trouva tout simplement adorable.

— C'est moi qui suis chanceux de t'avoir. Tu éclaires mes jours, angel. Alors ne t'en vas pas, s'il te plaît. Ne me prends pas mon unique soleil.
Le rouquin resserra ses bras autour de la taille du russe.
— Jamais, souffla t-il, jamais je ne t'abandonnerais. Considère cela comme une promesse.
— Tiens la. C'est tout ce que je demande.
Chûya hocha la tête tout en posant son menton dans le creux de l'épaule de Fyodor.
— Je tiens toujours mes promesses. Question d'honneur.

Le jeune homme brun se décala légèrement en arrière pour avoir un meilleur aperçu du mafieux.
— Bien, personne ne m'enlèvera mon ange gardien, dans ce cas.
— Personne, acquiesça Chûya.

Peut-être que, s'il avait écouté plus attentivement, il aurait pu entendre, derrière le miel dégoulinant dans la voix du russe, le trémolo nerveux et l'intonation glacée.
Peut-être. 
Ce ne fut pas le cas : Chûya continua de sourire.

○●○

Chûya était pitoyablement inquiet.
Fyodor et lui avaient eu une petite dispute, la première.
Au bout de presque sept mois de relation, il en était temps, songea le rouquin.
Tous les couples finissaient bien par se disputer un jour ou l'autre, c'était terriblement normal.
Pourtant cette perspective ne le rassurait pas.

Cela faisait exactement six heures et vingt-six minutes que Fyodor avait passé le seuil de la porte, disant vouloir réfléchir et s'éclaircir les idées.
On ne mettait pas autant de temps pour réfléchir, si ?

Chûya était devenu une boule de nerfs, sursautant à chaque bruit dans le couloir, espérant pitoyablement que cela soit Fyodor.
Et souvent, ce n'était que ses voisins de palier qui rentraient chez eux.

Chûya avait l'impression d'avoir été déconnecté de la réalité au moment même où il avait vu le russe franchir la porte.
Est ce que Fyodor s'était lassé de lui ? Ou pire, est ce qu'il avait enfin pris conscience que Chûya n'était qu'un monstre qu'il fallait achever au plus vite ?

Toutes ces questions sans réponses le rendaient fou.

Chaque minute supplémentaire pendant laquelle Fyodor était absent, lui prouvait toujours un peu plus à quel point la vie était insupportable sans lui.
Chûya était drogué, drogué à la présence du russe, à son odeur après une douche, à ses sourires paresseux un matin ensoleillé. 
Il était drogué à Fyodor Dostoïevski, et le sevrage était une torture.

Le rouquin ne se souvenait même plus pourquoi ils s'étaient disputés. Sûrement à propos de leur travail respectif, mais tous les souvenirs se brouillaient dans la tête du mafieux.

Sans Fyodor Dostoïevski pour illuminer ses jours, il redevenait le monstre vivant dans l'ombre qu'il avait toujours été.
Chûya s'obligea à prendre une longue inspiration dans l'espoir de calmer sa panique envahissante.

Il résista à l'envie de composer le numéro de Fyodor : il avait tout de même une réputation à maintenir.
Alors il était condamné à attendre. Attendre de voir si l'homme qui faisait de lui une meilleure personne, se décidait à rentrer chez lui.

Chûya passa une main dans ses mèches rousses qu'il n'avait pas démêlées depuis ce matin, avant de se rendre dans sa cuisine.
Un verre de vin serait un bon point de départ pour commencer à se ressaisir.

Le liquide pourpre remplit rapidement le verre ballon, et le mafieux reposa soigneusement la bouteille sur le comptoir.
Il porta le récipient à ses lèvres et laissa le goût du breuvage remplir peu à peu sa bouche.

Le rouquin songea pendant un court instant à partir à la recherche de son petit ami – s'il pouvait toujours l'appeler ainsi – mais il se ravisa rapidement. Fyodor n'aurait pas aimé cette initiative. 
Quoiqu'il en coûte, Chûya devait prendre son mal en patience.

Abandonnant les chaises de la cuisine, il vint se rouler en boule sur le canapé. 
Malgré tous les scénarios possibles et inimaginables qui lui traversaient l'esprit, Chûya réussit à réaliser l'exploit de s'endormir.

Il se réveilla en sursaut quand il entendit la poignée de la porte tourner.
— Quoi ?! s'exclama t-il, le cerveau encore embrumé.
— Shht, angel. Tout va bien, ce n'est que moi.
— Fyodor...
Ressentant le besoin urgent de s'assurer que le russe était bien là, il l'attira entre ses bras. Son petit ami se laissa faire sans résister.

— S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît...
— Calme toi angel, je ne vais nulle part.
Chûya respira un tout petit peu mieux après avoir entendu cette phrase.
— Mais... la dispute ? croassa le rouquin.
— Crois-tu sérieusement que je vais t'en vouloir pour ça ? Des désaccords, cela arrive tous les jours.

Le plus petit des deux lâcha un soupir de contentement avant de resserrer sa prise sur l'autre homme.
— Je ne peux plus vivre sans toi. Et ça me terrifie.
Les yeux améthystes de Fyodor sondèrent son visage.
— Moi aussi angel, moi aussi. Tu es devenu mon oxygène.
— Tu me rends humain.
— Tu me fais oublier les monstres qui dorment dans ma tête.

Leurs lèvres se trouvèrent avec une facilité qui égalait celle de respirer, et toutes les inquiétudes de Chûya s'envolèrent avec ce baiser.

○●○

Chûya était effroyablement furieux.
Sa colère ne semblait connaître aucune limite. Il pensait être paré à toute éventualité mais apparemment, ce n'était pas le cas.
La mafia l'avait prévenu pourtant : il rompait définitivement tout contact avec le russe, et ce dernier aurait la vie sauve et serait épargné.

Ce sujet était à l'origine d'un bon nombre de leurs désaccords, et à chaque fois, ils tombaient sur la même conclusion : Fyodor était suffisamment fort pour pouvoir résister à un assaut. Surtout si Chûya l'assistait.
Le rouquin était sûrement devenu un monstre dans son entièreté en pensant à trahir avec autant de facilité la mafia portuaire.
Si on lui avait annoncé son dilemme - Fyodor ou l'organisation à qui il devait tout - il aurait rit au nez de la personne.

Mais les faits étaient bien là : Chûya était prêt à aller se confronter aux membres de la mafia dans l'intention de récupérer son petit ami sain et sauf.
Malgré son attitude, il ne tenait pas le moins du monde à se mesurer à celle qu'il avait pour habitude d'appeler "grande soeur". Mais avec un pincement au coeur, le rouquin se rendit compte qu'il n'aurait plus jamais l'occasion de prononcer ces mots.

Pour le russe, il avait abandonné la seule famille qui l'avait recruté quand il n'avait nulle part où aller. Mais le jeune homme aux yeux d'améthystes valait largement tous ces sacrifices.
Sans hésiter, Chûya aurait pu lui confier sa vie. Il eut un sourire amer à la pensée qu'avant, c'était à Dazai que revenait cette confiance sans bornes. Malheureusement ce dernier avait fait un choix, et ce choix n'incluait pas Chûya dans sa nouvelle vie.

Cette réalisation avait fait mal, plus mal qu'il ne l'aurait imaginé, mais Fyodor avait réussi à panser ses blessures invisibles.
Le russe avait été son remède contre une colère qui le rongeait à petit feu.

Chûya serra les dents à se les enfoncer dans la mâchoire. ll fit quelques pas sur le côté avant de revenir à son emplacement initial. Il avait rendez-vous dans ce parc avec le boss de la mafia, et dire qu'il était nerveux était un euphémisme.
Le rouquin était mort de peur. Il était bouillonnant de colère.

Quand le parrain arriva enfin, il était prêt.
— Où est-il ? demanda t-il de but blanc, sans attendre que Mori ait le temps de parler en premier.
— Qui ?
— Vous le savez très bien. Rendez le moi, et je ne détruirais pas la mafia.
— Tu n'oserais pas.
Mori eut un sourire cruel.
— Tu n'auras peut-être aucun scrupule à me tuer, mais tu ne peux pas en dire autant de Kôyô, de Gin ou de Ryunosuke. 

Son regard céruléen se durcit.
— Sauf que j'ai appris à contrôler mon pouvoir : je serais capable de les épargner.
Chûya bluffait totalement, mais le parrain de la mafia n'avait pas besoin de le savoir.
— Sans Dazai pour t'arrêter, tu mourras.
— Non. Pour lui, je pourrais me stopper tout seul. Pour lui, je pourrais tout faire.

Son ton était fier et déterminé, indiquant que le rouquin ne reculerait devant rien.
Mori détailla pendant quelques instants ses traits, avant d'éclater d'un rire sans joie. 
— Tu es tombé bien plus fort que je ne le croyais, Chûya.
— Je me tiens toujours debout, pourtant.
— Non, Chûya, non. Tu es tombé amoureux, et c'est bien pire.

Le rouquin ouvrit la bouche pour protester avec énergie, mais aucun son ne franchit ses lèvres.
Parce que Mori avait visé juste, même si cela coûtait à Chûya de le reconnaître.
Mais ce n'était malheureusement plus le moment de s'attarder sur les petits détails.

— Je ne sais pas. Peut-être. Mais ça ne répond pas à ma question : où est-il ?
— J'étais sûr que tu répondrais ça.
Chûya se contenta d'un grognement qui tirait plus de l'animal que de l'être humain en guise de réponse.
— Du calme, petit chien de garde. Je veux juste trouver un compromis.
Le rouquin haussa un sourcil, mais il se mordit la langue et attendit que le boss de la mafia continue.

— Votre... couple fait de l'ombre à mon organisation. Tu le sais depuis longtemps, n'est-ce pas ? Si tu choisis ton précieux petit russe, je te demanderais de quitter Yokohama et je fermerais les yeux sur ta liaison avec un ennemi. Si tu choisis la mafia... tu sais ce qu'il te reste à faire.

Chûya était écartelé entre deux loyautés, l'une pour une organisation qu'il chérissait, et l'autre pour l'homme qu'il aimait.
Il ne pensait pas devoir faire ce choix si vite.

Le rouquin avait bien imaginé le déchirement auquel il serait confronté, mais rien ne l'avait préparé à la sensation de déchirement qui parcourait ses muscles.

Un flot d'images envahit sa vision et son cerveau.
Kôyô le réprimandant gentiment après qu'il se soit enfuit un peu trop longtemps avec Dazai.
Une petite Gin lui présentant avec fierté l'assiette de cookies qu'elle venait de cuisiner.
Hirotsu lui ébouriffant affectueusement les cheveux après un exercice réussi.

Et bientôt les souvenirs de sa jeunesse furent remplacés par les plus récents. Des images de son petit ami, encore et encore.
Fyodor lui jouant du violon pour qu'il puisse s'endormir en paix malgré les cauchemars qui le guettaient.
Les doigts de Fyodor se perdant dans sa chevelure, une matinée ensoleillée.
Le sourire de Fyodor, éblouissant ses journées à chaque fois qu'il le voyait.
Les douces mèches du russe dans lesquelles il aimait enfouir ses doigts.
Et les yeux améthystes, terriblement désarmants, de Fyodor qui se fixaient sur lui et qui voyaient au plus profond de son âme.

Quand il ouvrit la bouche, il sut quelle serait sa réponse.
— Fyodor restera avec moi. Maintenant, si je pouvais le voir...

○●○

Chûya aurait imaginé que Mori soit plus furieux après sa trahison. Mais le parrain de la mafia ne lui avait fait aucun reproche : il s'était contenté de lui faire signe de le suivre.
Le rouquin s'était exécuté sans poser de questions : il avait fait la promesse à Mori de partir, c'était désormais à son ancien boss d'honorer sa part du marché.
— Rien ne lui a été fait. Du moins pas encore.

Chûya jeta un regard noir à l'homme qui occupait le siège de la voiture à côté de lui. Il se jura mentalement que selon l'état dans lequel il allait retrouver Fyodor, il n'aurait aucune pitié.

Le véhicule se stoppa, signalant qu'ils étaient arrivés à destination. Chûya sentait l'appréhension l'envahir petit à petit.
Il leva un regard sur les bâtiments de la mafia. C'était la dernière fois qu'il les verrait.
Ne vérifiant pas si le rouquin était derrière lui, Mori s'engagea dans les locaux.
Chûya lui emboîta le pas, et suivit l'autre homme à travers le dédale de couloirs.

Après un temps qui lui sembla infini, ils finirent par arriver devant les grilles de la pièce où la mafia détenait les personnes considérées comme "gênantes".
Mori fit un signe de main, et immédiatement deux subordonnés vinrent amener une forme sombre à leurs pieds.

— Fyodor ! hurla Chûya en se jetant à ses côtés.
Ses mains parcouraient le corps de son amant, recherchant une quelconque blessure, du sang, voire pire une fracture.
— J'ai eu si peur, souffla t-il, le menton posé sur le haut de la tête du russe. Tout va bien maintenant, c'est terminé.

Chûya ne savait pas qui voulait-il rassurer le plus : Fyodor ou lui-même ?
La main du russe vint se poser contre sa nuque avant de remonter pour toucher sa joue.
— Tout va bien, angel, répéta t-il. Est ce que tu me fais confiance ?
— Je pourrais te confier ma vie sans hésiter une seule petite seconde.
Une lueur d'adoration pure traversa l'améthyste des yeux de Fyodor.
— Laisse moi te montrer à quel point je t'admire, je t'adore et je t'aime.

Le corps de Chûya fut traversé par un frisson, et les bras de Fyodor le serrèrent une dernière fois avant de le lâcher. Dès que la chaleur du corps du brun quitta son torse, un puissant sentiment d'abandon envahissa sa poitrine.
Il désirait tellement la présence du russe que cela en devenait douloureux. 

Malgré son piètre état, Fyodor avança de quelques pas vers le boss de la mafia.
Mori parut comprendre quelque chose car son visage s'éclaira d'une lueur mauvaise. Chûya regarda la scène, relégué au rôle d'un spectateur sans importance.
— J'aurais du m'en douter, au final, ria le parrain, que tu ne te laisserais pas prendre si facilement. Que tu avais prévu la réponse de ta nouvelle marionnette. Et que tu avais un plan bien précis derrière la tête.

— Il est la chose la plus précieuse de toute mon existence, gronda Fyodor. Je ferais tout pour lui, et ce n'est qu'une coïncidence s'il m'a offert sur un plateau ce qui allait permettre la concrétisation de mes plans.
— Je ne crois pas aux coïncidences.
— Je ne vous ai jamais demandé d'y croire. Mais vous ne pourrez en aucun cas échapper à mes pouvoirs.

Mori émit un rire guttural avant d'écarter les bras.
— Cela fait longtemps que j'ai arrêté de craindre la mort.
Il pivota, tournant dédaigneusement le dos à Chûya et au russe.
— Je vous reverrai en enfer ! Bon voyage à vous, d'ici là.

Fyodor eut un sourire carnassier, avant d'activer sa capacité. Un brouillard emporta Chûya, qui ne chercha pas résister, s'abandonnant à l'inconscience.
Monstre, lui souffla vaguement sa conscience avant qu'il ne sombre.

○●○

Quand il se réveilla, les bras de Fyodor étaient fermement serrés autour de lui.
— Que ? bredouilla t-il, la gorge sèche. Mori ? La mafia...
— Shh, angel... Ne t'inquiète pas : j'ai tout pris en charge.

Chûya aurait dû se sentir paniqué, mais seul un sentiment de contentement l'envahit.
— Je te fais confiance... mon amour.
En temps normal, il aurait trouvé cette appellation terriblement niaise, mais il n'en était plus là : il avait failli perdre une fois Fyodor, et il avait besoin que l'autre homme sache que ses sentiments étaient totalement réciproques.
— Je me haïssais tellement, tu sais, murmura le rouquin. Et puis tu es arrivé, tu as illuminé ma vie toute entière avec une seule parole. J'étais si habitué à me voir comme un monstre et tu as réussi à briser toutes mes convictions. Je te dois tant que je ne sais pas ce que je  serais sans toi. Je t'aime.

Fyodor avait écouté sa déclaration sans bouger. Et puis avec une lenteur démesurée, ses coins de bouche se soulevèrent. L'étrange sourire qu'il portait sur son visage, brillant comme du laiton, ce sourire qui n'appartenait pas à quelqu'un de vivant, s'agrandit un peu plus.
— Chûya, Chûya, Chûya... Tu m'as apporté tout ce dont j'avais besoin.

Et Fyodor se pencha et prit possession de ses lèvres. Le rouquin s'abandonna complètement à l'étreinte.
En ce moment précis, le russe tenait plus du monstre que de l'être vivant.
Son esprit aurait dû tirer la sonnette d'alarme, son coeur aurait dû se rebeller dans sa poitrine, son corps aurait dû repousser Fyodor.

Tous ces signaux d'alarme auraient dû se déclencher, et idéalement, il aurait dû les écouter. Écouter cette petite voix intérieure qui lui soufflait toujours, dans les moments où il s'y attendait le moins, que Fyodor et lui ne seraient jamais normaux. Qu'ils pourraient prétendre de toutes leurs forces mais qu'ils resteraient toujours deux monstres.
Deux monstres ensembles pour l'éternité.

Mais, il se refusait d'écouter, d'ouvrir les yeux et de voir. Fyodor l'aimait, et c'était le principal, l'unique chose qui méritait d'être prise en compte.

Chûya était désespérément aveugle.
Chûya était désespérément amoureux.
Et cela revenait au même.

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