Chapitre 3 : L'ARMOIRE

Irwin fit exprès d'être le dernier à sortir du cours de géographie. Hélas, en sortant, il eut une mauvaise surprise : German l'attendait.

— Va voir dans un chêne si j'y suis, grogna Irwin.

— Alors, machin ? T'as eu un coup de foudre pour M. Laporte ?

— C'est mieux que d'en avoir un pour Mme Renard.

— Boucle-la, toi.

— Ce n'est pas parce que ça te gêne quand je parle que tu dois me dire de me taire.

— Je vais te..., commença German.

Irwin ne sut jamais ce que voulait lui faire German, car il se dépêcha de disparaître dans une cour.

German le suivait en courant, mais Irwin tournait dans le collège, revenait indéfiniment sur ses pas. Il commençait à fatiguer, mais il décida de grimper sur le toit de l'ancien temple, qui maintenant était une salle de technologie, ou peut-être de permanence. Irwin se plaqua contre le toit, puis entendit German :

— Où est-il passé ?

— Aucune idée, grommela la voix de Konan.

— Sûrement sur le toit.

Après cette remarque de Toni, Irwin frissonna.

— Vas-y, Konan, dit-elle.

Avec un grognement étouffé, Konan se hissa sur le toit et partit sur sa droite.

Irwin était pris au piège. Si lui aussi partait à droite afin d'échapper aux muscles de Konan, il serait découvert par German et Toni. Si au contraire il restait là, à l'abri de deux de ses trois ennemis, il serait vu par Konan. Après tout, il pourrait très bien se sauver en usant de la ruse contre cet imbécile qui servait de garde du corps à German.

— Ah, t'es là, grogna Konan.

Irwin se figea.

— Attention, il y a un éléphant qui vole derrière toi, dit-il simplement.

L'autre fit volte-face, pendant qu'Irwin sautait sur le toit le plus proche.

Enfin, c'est ce qu'il aurait voulu faire.

Car il tomba sur le côté...

... heureusement, il agrippa le rebord du toit de sa main valide.

— Il est passé de l'autre côté ! entendit-il.

De toute façon, Irwin avait un plan. Il aperçut la salle qu'il cherchait : elle était vide, comme toujours. Sûrement une salle de classe abandonnée.

Irwin réussit à ouvrit une fenêtre, mais la referma trop bruyamment. Il s'enferma dans une armoire en priant pour ne pas se faire repérer.

Hélas, il entendit la porte s'ouvrir, et des gens entrer. En même temps, German ouvrit la fenêtre.

— GERMAN ! s'écria une voix qu'Irwin ne connaissait que trop bien : Mme Renard, la professeure de français.

— Que faites-vous ici ? demanda-t-elle.

— I... Irwin est entré ici ! se défendit German.

— Pardon ? Je n'y crois pas une seule seconde ! Que ferait-il en salle des professeurs ?

Irwin déglutit avec difficulté.

— Allez vous-en ! reprit Mme Renard. Avant d'avoir une heure retenue !

Irwin respira calmement puis il se tapit au fond de l'armoire.

Les professeurs bavardaient de tout et de rien, mais il n'écoutait pas. Il laissait libre cours à son imagination.

C'était par le truchement d'une armoire que Lucy Pevensie était allée pour la première fois à Narnia. Et si lui aussi avait cette chance-là ? Irwin tendit la main mais heurta la paroi.

Après tout, si cette armoire n'était pas une armoire mais le placard sous l'escalier de Harry Potter ? Le placard à balai dans lequel Rita Skeeter s'entretint avec le jeune sorcier ?

Ou peut-être le grenier des fantômes gris dans Le Manoir ?

Ses pensées se tournèrent vers Lyra Belacqua, qui s'était cachée dans une armoire afin d'espionner le Maître, le Majordome, Lord Asriel, et les autres Érudits.

Allongé sur le sol, le sourire aux lèvres, Irwin voyait ses visions s'étaler tel un film sur le plafond.

Il vit notamment un jeune enfant d'environ quatre ans recroquevillé dans l'armoire étroite enfoncée de clous de Mme Legourdin.

Ce fut une voix qui interrompit ses pensées.

— Je crois que j'ai laissé mon manteau dans l'armoire, dit Mme Renard, pendant que les professeurs sortaient de la salle.

Irwin se redressa, en toute hâte. Il se tapit au fond de l'armoire, pendant que la professeure de français ouvrait la porte.

Irwin se rendit alors compte que le manteau de Mme Renard se trouvait à ses pieds. Il déglutit difficilement et une goutte de sueur perla sur son front.

Mme Renard garda la tête hors de l'armoire et fouilla celle-ci de sa main valide.

— Il est là, dit soudain une voix.

C'était celle de Mme Duciel, la professeure de physique-chimie.

— Mon manteau ? fit Mme Renard.

— Oui, répondit Mme Duciel.

Mme Renard se saisit de son manteau.

Elles s'éloignèrent, ouvrirent la porte et la refermèrent. Irwin attendit un instant, puis sortit finalement de l'armoire.

Après l'avoir refermée, il se retourna, et, pour la troisième fois de la journée, sa salive descendit dans sa gorge avec difficulté.

Mme Duciel était restée dans la pièce. Irwin croisa les bras sur sa poitrine et plongea insolemment son regard vert dans les yeux bleus de sa professeure.

Mme Duciel mesurait environ un mètre soixante-dix. Ses cheveux étaient bruns et bouclés; ses joues étaient creusées; et sa bouche était entourée de deux fossettes.

— Tu as de la chance que Mme Renard ne t'aie pas vu.

Irwin resta sans mot dire.

— Que faisais-tu ici ?

Après quelques secondes de silence passées à réfléchir, Irwin desserra enfin les lèvres.

— J'échappais à German, lâcha-t-il.

— Je vois, répondit Mme Duciel.

— Vous ne voyez rien du tout, rétorqua Irwin.

*

Quelques minutes plus tard, Irwin entra en cours d'anglais, avec un mot de Mme Duciel excusant son retard de vingt minutes.

— I haved a rendez-vous with Mme Duciel, dit-il dans un très mauvais anglais.

— I see, répondit Mme Ivanova.

— You don't see nothing, répliqua posément Irwin, sans très bien savoir si cela signifiait quelque chose.

*

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