Chapitre 22 : LE PALAIS

Le jour d'après, l'armée du Clan du Feu, l'Armée de la Forêt, l'armée des Elfes et les Guerriers retournèrent à Ljuba. Le rythme était plus détendu qu'à l'allée, et les Écuyers avaient retrouvé leurs Guerriers. Tout était bien.

Ou presque.

Irwin, Pjotr, Karel et Angela allaient chercher du bois pour le feu lorsque les brigands les capturèrent. Ces brigands étaient en fait des chasseurs de priment n'étaient venus à bout des quatre Écuyers que grâce à une sorcellerie.

Mais revenons en arrière.

— Je sens une présence, avait dit Pjotr, une boule dans la gorge.

Les chasseurs n'avaient pas attendu plus longtemps pour se montrer. Ils avaient bondi de leur cachette pendant qu'Angela saisissait son poignard, Karel sa sarbacane et Pjotr et Irwin étaient contraints de se battre à mains nues.

Au début, le combat avait été plus ou moins égalitaire, puis les Écuyers prirent peu à peu le dessus. Mais c'était sans compter leur sorcellerie.

Le chef des chasseurs avait saisi une craie dans sa sacoche et dessiné un pentacle sur le sol. Il s'était placé au centre et avait allumé des flammes à la pointe de chaque branche de l'étoile d'un geste de la main. Puis il s'était mis à psalmodier une étrange litanie. Quand il avait eu fini, les flammes étaient devenues vertes et hautes. Le chasseur avait ouvert ses yeux, qui étaient de la même couleur que le feu. Il avait tourné son effrayant regard vers les Écuyers, qui s'étaient aussitôt écroulés, pris de convulsions.

Tout le corps secoué de spasmes, Irwin avait senti quelqu'un l'attraper et le conduire sans ménagements vers leur transport.

Ses convulsions commençant à se calmer, Irwin avait essayé de se débattre mais avait senti un poing s'abattre sur son crâne.

*

Tout est flou.

Mais, peu à peu, tout devient plus net.

Un damier.

Ou peut-être un échiquier.

Des murs. Il les touche. Ils sont froids.

Il avance.

Deux lumières. Deux yeux.

Une voix.

Tranchante. Cassante. Cruelle. Brusque. Mielleuse. Grave. Veloutée. Enfantine. Horrifiante.

« LE SAUVEUR VA DISPARAÎTRE ! »

Un rire. Une violente douleur au crâne.

Irwin pousse un cri.

*

Lorsqu'il se réveilla, Irwin se demanda ce qui était arrivé, puis se souvint de tout.

Il était allongé à même le sol, ses membres repliés sur eux-mêmes, emmitouflé dans une épaisse couverture. Il remua un peu la tête et il sentit la pierre froide sous sa joue.

Irwin ouvrit les yeux. Il ne se sentait pas bien : sa tête lui faisait atrocement mal, et ses sens lui semblaient tout engourdis. Il s'assit sur la couverture et regarda autour de lui.

Il était dans une cellule de prison. Il soupira, se leva et s'étira. Tout de suite après, un homme ouvrit le judas de la porte et lui tendit un bol ainsi qu'une gourde d'eau.

Tout en laissant ses yeux s'habituer à la lumière, Irwin accepta le repas. Il se rendit alors compte qu'il ne portait plus les habits des Elfes, mais une longue tunique beige serrée par un cordon au niveau de la taille.

Irwin goûta la purée qui se trouvait dans le bol et faillit la recracher.

Le garde, qui n'avait pas refermé le judas, prit la parole :

— Fromage, poulet, légumes, tout est mixé ensemble. Et c'est de la nourriture d'Eolee.

Irwin acquiesça, avala la purée tant bien que mal et but un peu d'eau. Puis il donna son bol au garde qui referma le judas, replongeant la cellule dans la pénombre.

Irwin allait s'asseoir sur sa couverture pour réfléchir quand le garde réouvrir le judas.

— Oui ? l'interrogea Irwin.

— On veut vous voir, toi et tes petits copains grogne l'homme.

— J'arrive, répondit l'Écuyer.

Il sortit de sa cellule et regarda autour de lui. Deux rangées de portes massives s'étendaient à perte de vue, avec un garde posté devant chaque cellule. Le couloir était faiblement éclairé d'une lumière tamisée, et l'on entendait des cris étouffés.

— Suivez-moi, fit un garde.

Irwin tourna la tête vers lui et s'aperçut qu'il était accompagné de Karel, Pjotr et Angela, tous trois pieds nus et habillés de l'étrange tunique beige.

Les quatre Écuyers suivirent le garde sans mot dire.

Ils arrivèrent aussitôt dans une salle inondée de lumière. On aurait dit la nef d'une église gothique : il y avait des piliers, des arcs-brisés, des croisées d'ogives, des vitraux, des rosaces...

— Wouao, on est vraiment dans une cathédrale romane ! s'exclama Karel.

— Mais non mais n'importe quoi tu vois bien qu'il y a des chapiteaux historiés en haut des piliers ! s'écria Pjotr.

— Mais qu'est-ce que tu racontes, y a pas du tout de chapiteaux, on n'est pas au cirque ! le contredit Karel.

Irwin s'approcha des chapiteaux et entrevit des scènes assez impressionnantes : des batailles, des êtres qui en dominaient d'autres, qui en tuaient...

Irwin s'éloigna des bas-reliefs et continua à avancer. Quand il s'arrêta, ce fut pour regarder à qui ils avaient affaire. Trois personnes étaient assises sur des fauteuils ouvragés.

Le premier en partant de la gauche était un colosse blond mal rasé. Son œil droit était étrangement pâle et barré d'une épaisse cicatrice, et l'autre était noir. Il arborait des habits verts et jaunes asymétriques : une botte marron, une autre noire et verte...Il ne portait qu'une partie de son plastron sur lequel on voyait une tête de faucon. Deux ailes étaient greffées sur sa tenue.

 
À droite, c'était une femme. Elle avait les yeux et les cheveux noirs avec les mèches de devant rouges. Ses yeux étaient maquillés de rouge et de noir, ce qui lui donnait un air las et revêche. Elle était habillée d'une étrange tenue noire et rouge, comme si elle se préparait pour une plongée sous-marine ou quelque chose comme cela.

Au centre, installé sur un trône surélevé, se trouvait un homme, ou peut-être une femme, au visage masqué. Il était habillé d'une longue cape noire avec une cagoule qui dissimulait ses traits. On ne pouvait que voir son menton et ses longues mains blanches, qui ressemblaient à des araignées blêmes aux pattes fines.

— Bonjour, mon nom est Breshka, fit-il avec une voix grave et douce de jeune homme. Voici Argantel, la Cheffe du Clan de la Terre et Avel, le Chef du Clan de l'Air. Veuillez donner vos prénoms.

— Irwin.

— Pjotr.

— Angela.

— Karel le Magnifique.

Les trois autres se tournèrent vers lui.

— Quoi ? s'exclama-t-il. Je suis magnifique, en même temps !

— Ce n'est absolument pas le moment de rigoler, dit Breshka de sa voix douce. Sinon, un jour, tu risques de te réveiller... et de ne pas te réveiller ! Tu comprends ? Car le seul endroit où tu iras... ce sera ton brasier funéraire !

Il éclata de rire.

— Bon, ça suffit, dit-il. Nous voulons savoir qui vous êtes. Nous savons que vous n'êtes pas des enfants d'Elathe. D'où venez-vous ?

Irwin serra les dents.

— Ne vous inquiétez pas, fit Breshka en haussant des épaules. De toute façon, nous le découvriront. Nous savons déjà qu'il existe des millions, que dis-je des milliards, d'autres mondes que celui-là. Nous en avons retenu au moins trois de très importants : Elathe, la « Terre », je crois, et un dernier, dont nous ignorons le nom. Vous venez sans doute de la Terre, après tout.

Il s'était levé et avait commencé à faire les cent pas.

— Bon, dit-il. Cette rencontre n'aura pas été très intéressante mais enfin, elle aura au moins permis de nous présenter. Ramenez-les dans leurs cellules.

Les garde sortit de la pièce, accompagné des prisonniers.

Breshka soupira et sortit, accompagné d'un Inconnu. Comme tous les Inconnus, il était vêtu d'une armure « vitrail », avec des baguettes de plomb orange et des morceaux de verre laqué, comme du miroir, qui recouvrait chaque muscle, les baguettes ne servant qu'à les relier entre eux. Cet Inconnu s'appelait Hamza.

Breshka arriva devant ses appartements et y entra, laissant Hamza devant la porte. Une fois seul, il baissa sa cagoule, se mouilla le visage dans une source et s'assit sur un petit sofa.
Ses appartements étaient très vastes. Il avait un balcon spacieux auquel on accédait en ouvrant de fins rideaux, il dormait sur un petit lit semblable à ceux que les Romains utilisaient pour manger, dégustait des fruits disposés dans une coupe qui était déposée sur une petite table prévue à cet effet, les murs étaient tapissés de feuilles d'or, il y avait des colonnes et des arcs brisés, des armes bien astiquées posées contre le mur, une cavité où étaient accrochées sur des cintres des tenues sombres, une avec à l'intérieur un gros fragment de cornaline, une autre remplie de produits d'entretien des cheveux, une encore avec des chocolats dans des boîtes d'or,... le paradis.

Breshka enleva sa cape et la posa sur le sofa. Il retira également ses bottes. Sous sa cape, il était vêtu d'un pantalon, d'une grosse ceinture et d'un débardeur en cuir, le tout sombre et moulant.
Il alla sur le balcon, un verre à la main, et contempla un moment le paysage. Puis il rentra et se dirigea vers une cavité non pas dans le mur mais dans le sol, où s'écoulait de de l'eau chaude depuis une petite cascade.

Breshka se déshabilla et entra dans l'eau. Il nagea, puis s'installa sur le côté pour siroter sa boisson. Puis il sortit de son bain, se sécha et revêtit un pantalon de lin et une chemise ample. Il appliqua sur son crâne une lotion capillaire et se dirigea vers une grande assiette creuse remplie d'un liquide argenté.

— Le Sardiomage, murmura-t-il.

Son image, qui se reflétait dans le liquide, se brouilla, laissant place à une silhouette encapuchonnée.

— Tu t'es enfin décidé à utiliser mon appareil, à ce que je vois, dit la silhouette.

Sa voix était dérangeante. Elle était à la fois tranchante, cassante, cruelle, brusque, mielleuse, grave, veloutée, enfantine et horrifiante.

— Nous avons capturé les quatre enfants, Sardiomage, expliqua Breshka.

Le Sardiomage leva la tête. L'ombre cachait toujours ses traits, mais deux lumières intenses d'une couleur orange cornaline étaient parfaitement visibles au milieu de son visage, comme deux yeux.

— Et alors ?

— Eh bien, il y a un petit aux cheveux pointus qui fait son je-sais-tout. Et puis, une fillette blonde qui n'a pas parlé. Il y avait aussi un gamin aux cheveux bleus qui fait son malin. Mais l'enfant que nous cherchons semble être le petit brunot timide. Il a l'air parfaitement idiot, mais a une très grande capacité mémorielle.

— D'accord, répondit le Sardiomage. Alors, quand nous aurons trouvé le moyen, on tuera ce gamin.

— Et après, boum boum au revoir le...

— Le Sauveur, coupa le Sardiomage. Mais ça, le petit brunot le sait, ça fait un an que je le bombarde de messages télépathiques.

Breshka rit et coupa la communication.

Il se frotta les mains et alla sur le balcon.

— Ça va être très drôle...

*


 Hey ! Bon, finalement, j'ai réussi à publier, aujourd'hui... ça vous a plu ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top