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𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 5 : 𝐄𝐒𝐏𝐎𝐈𝐑
꧁𖧷꧂
Février 2018
Fondue dans l'obscurité, ombre mouvante infiltrée dans un encrier de pénombre, Rin avançait.
Onze jours s'étaient écoulés depuis qu'elle avait été alitée, et bien qu'il lui manqua encore quelques tours de cadran pour se remettre totalement d'aplomb, la jeune femme n'y tenait plus.
Alors, sac sur l'épaule et sweat zippé sur le dos pour tout bagage, elle s'était jetée dans les ténèbres nocturnes de la nuit hivernale.
Une brise lointaine ponctuait le silence environnant de son sifflement éthéré, entraînant dans son sillage le ruminement lointain des trains martelant les voies ferrées.
La jeune femme était descendue de la rame quelques minutes plus tôt, errant dans le seul but de quitter la capitale, de se gaver de bouffées d'oxygène quelques heures.
Elle avait besoin d'air.
Rin franchit les dernières marches de l'esplanade de pierre dressée devant ses yeux, s'affala lourdement sur un banc alentour et inspira profondément, main dégageant les cheveux parcourant son visage.
Un souffle échappa de sa gorge, auréole de brume qui mystifiait ses traits soulignés par le clair de lune.
Elle ferma les yeux, bouger lui donnait mal à la tête. La semi-classe un s'étira et tendit l'oreille.
Le silence.
Elle n'entendit que le silence, et s'en délecta.
Éloquent et taiseux à la fois, rempli d'énigmes et de réflexions que seul le non-dit pouvait abreuver, il était aussi délicieux que les ténèbres aux yeux de la jeune femme.
Et à son sens, il n'était pas l'un sans l'autre.
C'est ce que Rin était venue chercher, la quiétude des ombres.
Elles étaient sa bouffée d'air à elle, lui permettaient de respirer entre deux brasses, là où demeurant paradoxalement ses plus grandes destructrices.
Sans doute une des raisons pour laquelle elle avait si vite affectionné Megumi, elle pensait.
Bien que la nature du jeune garçon soit différente de la sienne.
Avachie de tout son long contre le métal, il s'écoula plusieurs minutes ou la jeune femme se tortilla afin de se mettre à son aise, soupirant de complaisance après avoir trouvé satisfaction.
Exposée muscles relâchés et vigilance ténue pour profiter pleinement de son bain de lune, elle laissa défiler les minutes un certain temps, puis rouvrit les yeux.
Ses pupilles opalines balayèrent l'horizon, et Rin se redressa pour s'adosser à la rambarde bordant la partie frontale de la place.
Au-delà de cette barrière s'étendait une plage de Funabashi, plus belle et calme que jamais sous la clarté des astres brumeux.
De son poste d'observation, elle surplombait la cuve retenant prisonnière les eaux calmes de la baie de Tokyo, embellie d'un tissu neigeux comparable à l'éclat d'un diamant qu'on aurait réduit en poudre. La lune se reflétait dans ses orbes claires, accentuant le vert d'eau qui les composaient, tandis que ses tâches de rousseur ressortaient sous la lumière blanchâtre de l'astre.
N'importe qui passant par là aurait pu attester de la superbe de la jeune femme à cet instant. Sa silhouette gracile découpée dans le décor maritime, parée d'éclats nacrés clairsemant sa chair de cuivre, la chevelure striée de rayons laiteux virevoltant au milieu de l'obscurité. Les pores de sa peau couverts d'un halo verdâtre tandis que les ombres de son corps étaient accentuées ici et là par la pénombre. Les ténèbres hivernales lui seyaient, à n'en pas douter.
La promeneuse nocturne coula un regard à son smartphone, qui affichait deux heures quarante du matin.
Rin se détourna de sa contemplation.
Dos face à la mer, collée à la surface métallique emplie de condensation aqueuse, elle fit glisser son sac à dos d'une impulsion en lui jetant une œillade désolée.
Puis, émergeant de la barrière zippée du transporteur, deux chaussures rejoignirent les mains fatiguées de la jeune femme. L'une toujours à moitié enfouie dans les profondeurs du cartable qui trônait à présent à ses pieds.
Précautionneusement, elle saisit la coque tannée de l'objet terni par le temps, et en défit les lacet.
Son index parcourt la longueur de la chaussure, lame au tranchant si aiguisé qu' une tache colorée en imprégna la surface, arrivé en son extrémité.
Par-dessus son épaule, son regard dévia fugacement sur la mer qui lui faisait face.
Scruter l'étendue bleue attisait les désirs de la jeune femme depuis des années déjà, et ce jour ne fit pas exception. C'était une nuit d'avidité qui lui dictait de faire mille glissades sur une mer gelée, de danser contre la banquise de son lac.
La chamane baissa la tête, sourire contrit fleurissant aux lèvres.
Elle aurait aimé emprunter une patinoire, cette nuit.
Bien que la jeune femme ne douta pas des conséquences d'une entrée par effraction dans un bien public, de nuit qui plus est.
Un soupir enroué franchit sa gorge, tandis qu'elle consultait son portable pour la énième fois de la soirée.
Trois heures.
Seulement trois heures.
Les patins retrouvèrent leur place au fond du sac.
Sa main remua quelques secondes dans la poche arrière de son pantalon pour en extraire un enchevêtrement de fils, qu'elle dénoua machinalement avant de porter à ses oreilles.
Rin retint son souffle quand les embouts de l'objet s'enfoncèrent au-delà de son targus, érigeant une bulle acoustique dans laquelle elle aimait à s'enfermer.
Et, quand ses doigts eurent stoppés leur course contre la vitre de verre éclairant son visage, les premières notes effleurèrent ses sens de leur profondeur aussi apaisante que douloureuse.
Ses paupières s'affaissèrent, réduisant l'intérieur de ses yeux à deux fentes aux nuances indistinctes.
"Up up and away, i been
Feel the wall in my brain and
they're cavin'in
Outside those walls there's a ocean, i can't swim
Especially with all these waves"
Le remous des vagues valsait avec le vent dans des traînées d'écume mousseuse.
La mélodie régulière de la marée parvenait à peine aux oreilles de la jeune femme.
"Okay she keep calling
She keep calling every single night
Day and night, on my mind, please don't kill the vibe
Oh no i swear to god, i be in my mind
Swear i wanna die, yeah, when you cross my"
La silhouette longiligne d'une grue s'imposait au panorama.
Exhibant fièrement son plumage aérien, dressée sur un poteau de pêche solitaire mitoyen de conifères silencieux.
"Said i wouldn't die, yuh
No, i'm not alright, yuh
I might start a riot
I'm so fucking tired"
Les doigts de Rin agrippèrent fermement la chair de son visage.
Et quand ses ongles écorchèrent la membrane gardienne de ses pupilles, le monde devint noir.
"So, so, what you say ?
Feelin' good, i'm feelin' great
Tired of the fuckin' hate, stackin' cheese all on my plate"
Elle perdait le fil, les paroles se dérobaient et un picotement résonnait vicieusement sur son flanc gauche, au niveau du rein.
Un picotement résonnait vicieusement sur son flanc gauche.
Au niveau du rein.
"So it's getting hard to drive,
Anxiety at stoplight
Hard to think, easy to cry, that's how i know something's not right
Numb the pain with fun times
Supermotos, perc lines
Remember that one time
Everything was alright"
Ç'avait duré le temps d'un éclair, déjà la douleur s'était rétractée.
Et c'était trop, les jambes de la chamane fléchirent tandis qu'un torrent de humide dévalait la rigole de ses joues au travers de sa main.
"So outside my misery, i think i'll find
A way of envisioning a better life
For the rest of us, the rest of us
There's hope for the rest of us
The rest of us"
C'était une complainte silencieuse, lamentations déchirantes balayées d'une bourrasque brumeuse chargée de les relayer aux cieux.
Cependant, il s'avérait que les divinités fussent souvent capricieuses.
"Okay she keep calling
She keep calling every single night
Day and night, on my mind, please don't kill the vibe
Oh no i swear to god, i be in my mind
Swear i wanna die, yeah, when you cross my
Said i wouldn't die, yuh
No, i'm not alright, yuh
I might start a riot,
I'm so fucking tired,
So, so, what you say ?
Feelin' good, i'm feelin' great
Tired of the fuckin' hate, stackin' cheese all on my plate
Up up and away, i been
Feel the wall in my brain and
they're cavin'in
Outside those walls there's a ocean, i can't swim
Especially with all these waves
Up up and away, i been
Feel the wall in my brain and
they're cavin'in
Outside those walls there's a ocean, i can't swim
Especially with all these waves"
Sous ses cils humides, pléiades de points blafards pointaient à l'horizon, toujours plus nets à mesure qu'elle rouvrait les paupières.
La semi-classe un cligna des yeux plusieurs fois; d'épais flocons déposés tout contre ses cils reprirent leur course vers la Terre.
Les vagues s'imprimaient sur sa rétine.
D'un geste vif, les paumes raides de Rin débarrassèrent ses joues de leur moiteur, puis balancèrent de gauche à droite. Agrippèrent la hampe frontalière d'une poigne presque violente, sa jambe gauche l'enjambant jusqu'à pendiller sous les dunes de sable froid.
L'autre se retrouva fermement appuyée contre le métal rouillé, prête à donner à tout moment une impulsion qui propulserai la jeune femme.
Accroupie posément sur le bord de la barrière, nez retroussé et yeux plissés en signe de concentration, elle scruta le vide sous ses pieds en même temps que le mur sur lequel l'esplanade reposait, estimant leur distance.
Sept ou huit mètres les séparaient à tout casser, rien qui ne puisse inquiéter la jeune femme.
Elle releva la tête, ses yeux scintillèrent au milieu de la pénombre.
Tac.
Son pied d'appui pulsa sous sa jambe, le vent lui claqua à la figure et ses cheveux s'envolèrent.
Le bas du corps enveloppé d'occultisme par acquis de conscience, elle se réceptionna à quelques mètres de l'eau dans une gerbe de sable mouillé.
La jeune femme prit quelques secondes pour apprécier son environnement, une brise infimement plus fraîche effleurant ses joues tandis que l'air moite se gonflait de sel.
L'odeur d'embruns s'infiltrait dans ses narines, et le chant de la mer envahit ses oreilles de sa mélodie familière.
Elle arracha négligemment les écouteurs balançant le long de son jogging, balayés de sa tête lors du saut. Rin n'eut aucun scrupule à les envoyer valser dans le sable, à l'instar de son smartphone qui connut rapidement le même sort.
Très vite, chaussures furent délacées, pantalon ôté et cheveux noués après qu'un sweat léger eût rejoint la pile de tissus; si bien qu'il ne resta à la chamane qu'une paire de sous-vêtements surmontés d'un top couvrant sa poitrine quand elle s'élança vers les vagues.
Lentement mais sûrement, ses talons s'enfoncèrent à mesure qu'elle avançait à la rencontre de l'eau, ses orteils courbés autour de poignées de sable, les chevilles effleurant occasionnellement une algue, parfois un coquillage.
Elle pouvait clairement percevoir les mouvements sous-marins tandis que l'eau claire remontait ses cuisses, aussi bien le renflement de terre provoqué par un crabe peureux que la kyrielle de poissons d'argent paradant autours d'elle.
Cortège paré de poudre blanche bordant sa route, écailles grisées scintillant à chaque fois que la houle les faisait s'envoler puis redescendre, ils évoluaient sous l'oeil attentif de la semi-classe un jusqu'à ce qu'elle ne décide de se jeter à l'eau.
La peau délicate de son ventre pénétra le liquide dans un frisson de bien-être, puis ce fut son buste et enfin sa tête qui fusionnèrent avec l'élément.
Une sensation anesthésiante familière frappa sitôt qu'elle fût totalement ensevelie par le liquide transparent. Enracinée au creux de son nombril, elle se répandit dans l'entièreté de son corps au même rythme que l'eau épousait tout son être, enlaçait son âme dans sa douce étreinte.
Traversant son ventre et ruisselant contre ses jambes jusqu'aux orteils, remontant sa poitrine pour s'insuffler jusque à la racine de ses cheveux.
Rin ne sentait pas le froid qui accompagnait ses poussées. Mais ça, ça, elle le sentait.
Un bras noyé entre les vagues.
Une corde de son esprit relâchée.
Sa lucidité s'envolant au fil des brasses.
Jusqu'à ce que réfléchir au moindre problème devienne impossible.
Jusqu'à ce que qu'effleurer la moindre pensée ne s'envisage plus.
Et elle nagea. Infiltrée si profondément entre les vagues qu'elle n'en voyait plus les profondeurs, comme à chaque fois que cela c'était produit. Baignant au cœur des eaux glaciales, le temps s'en trouvait distordu.
Puis trois minutes passèrent. Ou peut-être cinq heures ?
Elle n'en savait rien.
Toujours est-il que de faibles lueurs pointaient à travers les nuages quand elle effleura le sable de la rive, caressant sa peau tandis que son buste émergeait d'entre les eaux.
Et elle en ressorti ruisselante. Mouchetée d'écume, le regard plus vide que jamais, les yeux pourtant si limpides. Pareils à l'éclat d'un joyau poli des années durant, jusqu'à l'atteinte de la perfection.
Parce qu'ils miroitaient de la lueur de la conscience.
Même quand la vitalité se dérobait fugacement de leur enveloppe, jamais les opalines ne s'étaient départies de leur lucidité.
Et c'était une vision qu'on accordait seulement aux survivants.
Éveillée à la beauté comme et surtout à la laideur. Qui apprenait la valeur des choses, illuminait ce qui était vraiment important.
Alertée à l'horreur de l'existence.
Définitivement un don destiné à leur laisser le choix.
La décision d'emprunter ou non le chemin sinueux de la vie, à travers une porte entrouverte qu'il était toujours possible de clore.
Peu soucieuse de l'eau épandue tout contre sa chair, la jeune femme saisit ses affaires et se dirigea rapidement vers son sac une fois rhabillée, gisant toujours sur le rebord de l'esplanade.
Quand il fût projeté sur son dos avec aisance, Rin ne perdit pas de temps et s'empressa de remonter le chemin dans le sens inverse, ses trottinements silencieux ne laissant que résidus occultes de leur passage.
Ses cheveux s'envolaient au gré du vent tandis qu'elle cascadait contre des marches d'escaliers, et bien que les flocons marquaient une halte sur leur descente du ciel, il lui suffisait de poser une basket contre le sol pour faire fondre ceux qui le tapissaient.
Les routes de goudron froid la menèrent finalement devant un hall de gare dans lequel elle s'engouffra d'un pas vif, les auréoles de brumes émanant de sa bouche fanant sitôt qu'elle eût posé un pied dans la structure.
Elle jeta bref un coup d'œil aux terminaux de départ suspendus de part et d'autre du plafond avant de ralentir le pas. Le profond silence dont jouissait l'édifice attestait de sa désertitude, ce dont la jeune femme n'était ni surprise, ni incommodée au regard des 4:57 pencardés aux écrans rectangulaires.
Tirant profit des quinze minutes d'avance qu'elle avait sur son trajet, Rin troqua quelques yens contre un snack à l'un des distributeurs du hall de gare. La chamane s'affala sur une chaise et acquit son billet depuis le petit écran de son portable, puis renfila ses écouteurs et attendit.
Le ruminement des rails se révéla au moment où elle dépassait les portiques de sécurité écarlates, le train surgissant lentement sous ses yeux attentifs.
Elle rejoignit le quais d'un pas tranquille, s'enfonça dans la béatitude présentée par les portes de métal et s'installa dans un compartiment vide, où elle se laissa aller à la douceur d'une banquette pourpre. Puis, tête soutenue par le vitrage élégant du transport, la jeune femme trouva refuge entre les bras du sommeil.
❄︎
Rin s'était extirpée de l'enchevêtrement ferroviaire étant celui du Japon, une petite heure suivie d'un changement de ligne suffisant à reconduire ses pas sur le sol de la capitale.
Elle errait désormais dans la marée noire de monde qu'était Ikebukuro en période vacancière, ratissant les boutiques aguicheuses du regard dans le but d'acheter elle-ne-savait-trop-quoi elle-ne-savait-trop-où.
Les façades colorées se succédaient une part une sous ses yeux siamois, n'arrachant que moues dubitatives à la chamane jusqu'à ce qu'une enseigne de néons clignotants et rouillés ne l'interpelle.
Il s'agissait de l'une de ces salles d'arcades qu'il était courant de voir au centre de l'archipel nippone, truffée de lumières saturées et d'écrans aux aspects rétros comme il en plaisait geeks et aux otakus.
Ah. Ça y est.
Le visage de l'étudiante se fendit d'un rictus triomphant alors que ses jambes bougèrent de leur propre chef dans une frénésie soudaine, choisissant une rue plus aérée avant de franchir les verrières d'un building vertigineux sans l'ombre d'une hésitation. Elles laissèrent l'ascenseur les mener au sommet de la tour, arrachant une œillade anxieuse à la chamane qui préféra accorder son attention à la marchandise du Pokémon Center plutôt qu'aux hauteurs environnantes.
L'étage rutilait de la blancheur immaculée des halos de lumière disposés sur le plafond, réfléchis contre des dalles de carrelages et projetés droit sur la statue colossale d'un Dracaufeu écarlate qui servait de monture à la mascotte de la licence.
Elle trônait sur un socle circulaire en égérie de la boutique, la marchandise s'organisant autour d'elle en longues rangées de bacs clairs, à l'instar du reste de l'architecture.
La jeune femme navigua adroitement entre les étals, marquant un arrêt avant de jeter son dévolu sur une peluche ; le dragon de la statue, dont la taille fût cependant plus décente. Elle choisit un sac de toile paré d'une Pokéball pour y fourrer le jouet, se saisit d'un pack de cartes à collectionner dont les boosters semblaient plutôt rares et tourna les talons en direction de l'ascenseur, satisfaite de ses trouvailles.
À l'étage inférieur, Rin fit halte au Pokémon Café pour étancher sa soif. La jeune femme s'offrit un Ice Tea hors de prix et acquis ultimement des bonbons Évoli avant de quitter les lieux, tournant finalement le dos au centre commercial.
Ses bagages pesaient plus lourd d'une Nintendo Switch édition Mario Kart quand elle retrouva la quiétude du campus des Exorcistes, là où son portefeuille était vide de la majeure partie de ses revenus du mois.
Pourtant, c'est un doux sourire que ses lèvres arboraient tandis qu'elle traçait son chemin en direction du dortoir, de bien meilleure humeur qu'elle ne l'avait jamais été depuis que janvier avait succédé l'année 2017.
Finalement, elle n'avait pas pu s'en empêcher; de passer par l'une des patinoires de la capitale au terme de son excursion, après avoir traîné délibérément jusqu'à l'ouverture des salles après qu'elle eût clos ses achats.
Rin était restée immobile un moment devant sa devanture, bouche close et regard figé face à l'afflux d'émotion qui remuait sa poitrine.
La foule s'était pressée à l'intérieur.
Et l'étudiante s'était retournée, les doigts crispés sur les hanses de son sac à dos.
Elle avait glissé dans une rame de métro, bras tendu crocheté aux boucles suspendues, balançant de droite à gauche au gré des mouvements du transport. Puis, une vieille amie de la jeune femme avait refait surface.
La mélancolie sournoise qui s'était postée à ses côtés.
Une amertume accusatrice, lui ayant murmuré qu'elle n'avait pas le droit d'aspirer au divertissement, ni à autre chose que la souffrance.
Et la jeune femme savait qu'elle avait raison. Mais cette fois-ci, cette fois seulement, elle avait fait la sourde oreille, pupilles rivées sur le sac Pokémon fixé à sa hanche.
Préférant mille fois imaginer le sourire qu'il provoquerai.
Oh, ce sourire.
Elle en était si avide, il lui était si cher.
Des bruits de pas - auxquels elle ne fit pas attention - soufflèrent crescendo dans ses oreilles alors qu'elle approchait l'entrée des logements étudiants, uniquement absorbée par ses propres songes.
- Ouah, t'es une geek en fait ?! Qui l'eût cru ! Moi aussi j'adorais Pokémon quand j'étais gamin, remarque.
La voix moqueuse qui sortit la chamane de sa rêverie ne pouvait appartenir qu'à une seule personne, et c'est sans surprise la silhouette de Gojo Satoru qui s'imprima sur sa rétine.
La jeune femme ne tint pas compte du sarcasme du professeur, quelques jours à l'entrevoir lui ayant suffit pour comprendre les avertissements de Megumi à l'égard de sa personnalité.
- Bonjour, elle se contenta de le saluer d'un signe de tête sans s'arrêter, toujours incertaine dans sa manière de qualifier l'exorciste.
- Hep hep hep ! l'interrompit l'exorciste, bras tendus grand ouvert pour lui bloquer le passage.
La Miss n'était pas malade aux dernières nouvelles ?
Rin fronça les sourcils en zyeutant sous l'épaule de l'enseignant.
- J'en avais plus pour longtemps, on est pas à trois jours près.
- Je comprends, t'étais trop pressée d'acheter un doudou Dracaufeu. On peut pas t'en vouloir.
Le presque trentenaire semblait au comble de l'amusement tandis qu'il titillait la jeune femme, yeux pétillants de jeu à travers son bandeau, timbre roucoulant et rictus frivole scotché au visage quand il la surplombait de son mètre quatre-vingt dix.
- Je suis sortie faire du sport, s'expliqua la chamane en désignant son jogger. Ça, - elle jeta un coup d'œil oblique à ses achats - c'est pas pour moi.
Satoru souleva son bandeau et roula des yeux sceptiques devant son interlocutrice.
- Pfff, à d'autres. Tu sais, si t'as honte d'avouer que tu trouves Évoli trop mignon, ça restera entre nous.
La semi-classe un repartait déjà, prête à dépasser l'exorciste en passant sous son bras quand celui-ci s'abaissa brusquement, visiblement non désireux de la laisser s'enfuir.
- Eh, même si t'es gênée, écoute jusqu'à la fin ce que j'ai à dire ! Je parie que tu serais déçue de rater une sortie tête à tête pour fêter ton rétablissement simplement parce que tu es partie trop vite.
Rin se stoppa net.
- Vous voulez dire-
- Avec moi ? Bien sûr, qui d'autre ?
Il décocha un sourire désarmant à la jeune femme et changea subitement d'expression, traits neutres et visage dépourvu de toute complaisance.
- Je pars à Fukuoka pendant deux jours, déclara-t-il. Et à mon retour, il y aura un cas des plus préoccupants que je vais devoir traiter. Avec toi, qui à la réputation d'être une exorciste compétente. Considère qu'en fonction de mon évaluation, je m'arrangerai pour remettre ta promotion en classe 1 sur la table.
La chamane dévisagea l'exorciste d'un air grave. Son cœur pulsait plus fort dans sa poitrine, les bourdonnements soudains de son cerveau ne réussissant qu'à l'agacer tandis qu'elle assimilait l'information.
- C'est pas... Le sujet, articula lentement la chamane.
Et j'ai déjà un parrain.
- Plus qu'un parrain, corrigea le professeur. Je m'occuperai du deuxième. En attendant, je compte sur ta coopération ! il termina, libérant la chamane de son emprise.
Rin hocha la tête sans le regarder, yeux rivés devant elle tandis qu'elle ne perdait pas plus de temps à mettre de la distance entre l'enseignant et elle.
La chamane n'aimait vraiment pas le ton employé pour lui annoncer la nouvelle. Cette façon qu'il avait eue de dire que son avenir dépendait de lui, et qu'elle devait agir en conséquence, la dérangeait profondément. Parce que, même semblant inconscient de l'inefficacité de ses arguments contre la jeune femme, il essayait de lui forcer la main.
Rin ne savait pas à quel point il était informé de son cas. Assez pour l'avoir à l'œil, et vouloir qu'elle se tienne tranquille.
Mais visiblement inconscient de l'ampleur du problème.
Ce n'était rien.
Parce que s'il avait su, les choses auraient été différentes. Elle en était convaincue.
Tout allait bien.
Elle allait survivre encore un peu.
Pourquoi ?
Un jour de plus.
꧁𖧷꧂
Helloo, six mois après le dernier chapitre (si ce n'est plus), je ramène finalement ma grande gueule !
avec un chap vide et dont j'aime pas l'écriture, certes, mais un chapitre quand même. Je suis déterminée à reprendre un rythme régulier, mais mois fréquent qu'avant (sûrement un chapitre par mois.)
Bref.
A plus
Yuu
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