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𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 2 : 𝐕𝐄𝐑𝐆𝐋𝐀𝐒
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Janvier 2018
Il était onze heures du matin quand Rin émergea du court sommeil qu'elle s'était octroyée.
La chamane darda les yeux sur la chambre qu'on lui avait attribuée, et dont elle avait pris possession la vieille.
La pièce se découpait en deux parties, l'espace de vie et une petite salle de bain composée d'une douche et d'un lavabo.
Son lit trônait dans l'angle mural mitoyen à la large véranda donnant sur l'extérieur, face à un bureau équipé d'une lampe de travail. Sa valise, dont le contenu avait été vidé dans une commode frontalière à sa couchette, était étalée négligemment devant la porte.
Le bois terne et l'absence de décoration de la pièce donnaient au studio un aspect très impersonnel.
Rin soupira. Si il y avait quelque chose qu'elle regrettait dans le fait d'avoir quitté sa famille, c'était bien le cadre dans lequel elle avait été élevée.
Le confort, l'étendue et la beauté du domaine Amane étaient à couper le souffle.
Elle avait toujours affectionné leurs jardins, merveilles luxuriantes de la plus grande tradition nippone, où elle avait passé le plus clair de son enfance.
Un bâillement prolongé s'échappa de sa gorge.
Si la jeune femme suivait une formation sensée renforcer ses compétences en matière d'exorcisme, la semi-classe un s'en moquait éperdument.
Bienvenue avait été la découverte d'absence d'horaires prédéfinis, et, pour son plus grand plaisir, le seul professeur de l'école n'était pas de la plus grande rigueur.
Elle n'avait pas pratiqué depuis un moment, aussi, après une rapide toilette, la chamane décida d'aller se dérouiller au dojo qu'elle avait repéré la veille.
Sur le chemin, elle inspecta d'une œillade aussi scrutatrice qu'appréciatrice le milieu environnant.
La neige avait pris possession des lieux, nappage de sable blanc dévalant les tuiles rutilantes des bâtiments pour finir entassé dans la rigole formée par les avant-toits.
Le bois laqué de l'architecture était d'un marron prononcé où l'on apercevait la marque du temps, les nuances rougeoyantes qu'il arborait occultées par la poudreuse.
Le sol gravillonneux en était recouvert, accompagnant chaque pas de la jeune femme de crissements légers.
Profitant du paysage, le regard englobant la majorité du site, elle apprécia le traditionalisme des structures et la quiétude dégagée par le complexe.
La jeune femme se fendit d'un sourire ironique.
La forêt et les montagnes lui renvoyaient une familiarité amère.
Le regard levé, Rin contempla le panorama jusqu'à ce que la lumière solaire lui brûle la rétine, avant d'arriver finalement devant la salle d'exercice. La porte coulissa pour s'ouvrir sur ce qu'elle identifia comme Maki Zenin.
Habillée d'une brassière blanche assortie à un joggeur sombre, la jeune femme luisait de sueur, enchaînant acrobaties sur pirouettes, son tribaton tournoyant à une vitesse effroyable pour heurter des obstacles imaginaires.
Elle stoppa tout mouvement à l'arrivée de son aînée.
Rin referma la porte en soutenant le regard de cette dernière.
Les deux femmes se dévisagèrent longuement.
La chaleur de la pièce était étouffante, emprunte de la tension et de l'ardeur propre à une salle accueillant entraînements et combats.
Rin avança dans la direction de la Zenin dont le regard se fit ardent, reflétant une hostilité non dissimulée.
- Le vieux m'avait prévenu de ton arrivée. J'ai du mal à croire que sa chouchoute se retrouve en soutien alors qu'elle a passé l'âge du lycée, lâcha-t-elle.
Rin la fixa sans ciller.
- Il m'est arrivé deux trois bricoles, ouais. Mais ça tombe bien, je ne suis pas comme Naobito, moi. Un combat contre la risée des Zenin aux capacités physiques monstrueuses pourrait me remettre en jambe, tu penses pas ?
Le visage de son adversaire se fendit d'un rictus.
- Pourquoi pas. Après tout, je risque pas grand-chose face à une vingtenaire en rattrapage, je suppose. T'en profiteras pour me raconter ce qui t'amène ?
Rin étouffa un rire sardonique.
- Alors ça...
La chamane retira sa veste, s'avança sur le tatami et coula un regard à sa lame.
- Ça fera l'affaire, jugea-t-elle en désignant son wakizashi d'un coup de tête. Je suppose que ça ne te dérange pas si je le dégaine, argua-t-elle d'un air moqueur.
Elle ne reçut pas de réponse de la part de l'étudiante.
D'un bond, celle-ci s'élança sur la jeune femme, qui eut tout juste le temps de dégainer sa lame pour parer à la dernière seconde.
Le choc la projeta quelques mètres plus loin, mais la Zenin ne lui donna pas le luxe de se repositionner.
Elle fondit sur son adversaire et lui infligea un coup de genou d'une violence inouïe dans l'estomac.
Son dos heurta le bois dans un craquement strident, et la chamane se retrouva clouée au mur.
Ses sens s'agitèrent, instinct aiguisé la prévenant du danger que représentait Maki.
Elle était bien consciente que si elle s'était nourrie le matin même, elle en aurait recraché ses boyaux.
Il fallait se ressaisir et l'empêcher de mener la danse.
Une seule erreur et la Zenin la dévorerait.
Son adversaire revient à la charge au moment où elle inspira, bâton déployé fendant l'air dans un tournoiement redoutable.
Crac.
Il résonna dans une détonation ignoble contre le genoux droit de Rin, que la chamane avait volontairement sacrifié. Réprimant la douleur, elle saisit la queue de cheval de son adversaire et la tira violemment, déséquilibrant la lycéenne. Son pied s'éleva au-dessus du dos de celle-ci à une vitesse impressionnante et s'abattit brutalement sur sa colonne.
Second craquement.
Elle sentit des vertèbres se briser sous son coup.
Maki fut clouée au sol, et, du pommeau de sa lame,Rin lui assena une violente touche sur la nuque.
L'aspirante exorciste étouffa un juron.
La chamane allait pour lui porter le coup de grâce lorsque la Zenin la fit chuter d'une balayette, tout en se dégageant de la prise que Rin lui appliquait.
Celle-ci exécuta une roue adroite en envoyant son pied frapper la pommette gauche de son adversaire de plein fouet, assez fort pour la déséquilibrer.
Sonnée, Maki se remit en garde pour faire face à la jeune femme, qui en avait fait de même.
Elles s'observaient en chien de faïence, à l'affût du moindre mouvement esquissé par leur adversaire, s'imprégnant petit à petit de la frénésie dégagée par leur joute.
- T'as rien à faire en cellule de soutien, siffla Maki, le souffle court.
Qu'est-ce que tu fous là ? T'as le niveau d'un classe deux facile, sûrement plus quand tu utilises des sorts.
- Je me suis faite virée de chez moi, déclara Rin en fonçant sur son interlocutrice.
Moi non plus je ne suis pas la bienvenue dans la famille, alors ils m'ont trouvé un remplaçant valide et m'ont demandé bien gentiment de prendre la porte.
Chaque parcelle de muscles tendue à l'extrême, elle se propulsa d'une impulsion de pied à bonne distance de son adversaire.
Maki fondit sur elle, et, sans prévenir, Rin projeta sa lame sur l'épaule de la Zenin qui l'esquiva d'une pirouette.
Profitant de l'ouverture, qu'elle s'était créé, son aînée lui ficha son genou valide dans la côte droite à une vitesse fulgurante, ébranlant l'équilibre de la classe quatre.
En réponse, elle eût droit à un coup de tribaton sur le dos, accentuant la douleur du choc reçu au début du duel.
L'arme étant trop grande pour être esquivée dans sa totalité, la jeune femme n'eut pas d'autre choix que d'encaisser la frappe.
Ses traits se crispèrent, mais elle ne broncha pas.
On lui avait appris à souffrir en silence.
- Ça n'explique pas ce que tu fais en études d'exorcisme alors que tu n'en as certainement pas besoin, argua la Zenin.
La jeune femme rit jaune. Elle n'en menait pas large.
- Quand je pense que ce gros porc de Naoya m'a proposé de m'installer dans ses quartiers, souffla-t-elle. Ton oncle ne t'as rien dit, lui qui à l'air de t'avoir informé à mon sujet ? J'ai interrompu ma formation d'exorciste il y a quelques années, c'était lui qui parrainait mon passage en classe un.
Mais ça à pas pu se faire, et je suis en stand-by depuis trop longtemps. Alors les Amane on décidé de refiler leur gosse à problème à Masamichi Yaga pour retarder les ennuis, et valider sa promotion si possible. Ça fait tâche une ex-héritière même pas rang un, tu comprends.
Maki esquissa un rictus, prête à revenir à la charge.
- Ils se sont tous donné le mot on dirait.
Un sourire carnassier fendit son visage, et le sifflement caractéristique de son tribaton retentit.
Les deux jeunes femmes s'adonnaient désormais à une valse dévastatrice, ballet de figures acrobatiques plus grandioses les unes que les autres, pluie de coups vigoureux et d'enchaînements d'attaques avortées.
Elles se mouvaient avec agilité malgré leurs blessures, mèches virevoltant dans l'air, sueurs perlant à leur front, bouillonnantes d'adrénaline.
Leur confrontation dura une quinzaine de minutes avant que la cadence ne décroisse, toutes deux haletantes et les nerfs à vif.
Rin porta une ultime frappe à la Zenin, un mawashi-geri qui heurta l'estomac de son adversaire avec toute la violence dont elle était capable. Maki bascula en arrière dans un grognement, attrapant dans sa chute le pied de la chamane.
Emportée par l'élan déployé par son propre coup, la jeune femme s'écroula brutalement sur le sol.
Sa tête heurta un pilier de bois.
Quand elle releva la tête, une tâche rouge sombre s'étendait dans les mailles immaculées du tatami.
Un filet de sang dévala le visage de la chamane, pluie écarlate s'écrasant sur le sol du dojo au rythme de ses respirations.
D'une main, elle palpa sa peau pour constater une coupure légère sur le haut de son front.
Rin grimaça.
- Terminer sur un coup à l'estomac, comme ça à commencé, tu as ta fierté à ce que je vois.
La voix de Maki s'éleva à travers le dojo. Rin tourna la tête pour l'apercevoir, toujours au sol.
La jeune femme semblait s'être redressée avec difficulté, assise les jambes pliées et le dos courbé, maculée des traces qui témoignaient de leur combat.
Ses lunettes gisaient non loin d'elle, aux côtés de son tribaton.
- C'était pas spécialement voulu, je ne fais pas dans l'égo. rétorqua l'intéressée en ramassant sa lame.
On s'arrête là ?
- Mhh.
La Zenin s'avança vers elle d'une démarche gauche, main tendue à son encontre.
- J'ai fini de me renseigner. Et j'en conclus que t'as rien à voir avec ma famille de dégénérés.
Rin saisit la main qui lui était tendue, et se redressa pour faire face à son interlocutrice. La Zenin la dominait de plusieurs centimètres.
- Sans rancune alors ?
- Ouais. Et appelle moi Maki.
La jeune femme retint un sourire.
- OK.
❄︎
Après plusieurs heures d'exercice intensif, Rin avait jugé pertinente la prise d'une légère coupure dans sa session d'entraînement.
L'envie de se restaurer commençait à se faire sentir, aussi la chamane décida d'aller se chercher une barre énergétique à l'unique distributeur de l'établissement.
C'était sans compter la présence de l'électron libre des exorcistes.
Le corps toujours en alerte, les sens dont la précision aigüe était décuplée par sa récente joute, Rin dû user de toute la volonté du monde pour retenir le tressaillement qui la parcourut à l'instant où elle ressentit la présence de son professeur, juste avant qu'il ne passe le seuil du dojo.
Gojõ Satoru était décidément bien trop discret à son goût.
Il était là, flanqué de la combinaison sombre qui témoignait de son appartenance à l'école des exorcistes de Tokyo, une expression enjouée sur le visage.
Elle le dévisagea sobrement, accroupie sur le tatami de la salle d'entraînement.
Malheureusement pour elle, sa surprise n'était pas passée au travers des orbes acérées de l'exorciste.
Il attendait silencieusement que la chamane l'interroge, la dominant de toute sa hauteur.
Rin ôta le goulot de sa gourde de ses lèvres, en referma l'extrémité et leva le regard à l'endroit où elle aurait dû croiser les yeux de l'exorciste.
La jeune femme ne put s'empêcher de trouver ridicule le bandeau qu'il arborait.
Voyant qu'il ne daignait pas prendre la parole, regard papillonnant de part et d'autre la salle, Rin soupira.
Paresseusement, elle inclina la tête de côté, plissa les yeux et intensifia son regard ; invitant l'enseignant à s'exprimer.
Ses courtes mèches bicolores avaient glissé pour dégager sa nuque.
Satoru reporta son attention sur la jeune femme, lèvres étirées en son habituel sourire nonchalant.
- Tiens, miss Amane, pour une surprise ! Ça tombe bien, j'ai des projets pour toi.
- Ah oui ? s'enquit la chamane.
- Une mission ultra secrète, avec des fléaux qui projettent de détruire le monde. Toi et Megumi êtes les élus de la prophétie, il est temps pour vous de sauver l'humanité.
La jeune femme resta de marbre face à l'humour douteux de son interlocuteur.
- Avec Megumi ? Il a le droit de prendre part à des exorcismes impliquant les élèves du lycée ?
Le professeur haussa les épaules.
- Il faut bien entraîner ce petit, et puis, il rentre en seconde en avril.
Je suis en déplacement cette semaine, alors le rapport de votre mission me servira temporairement de référence sur votre niveau.
Disons que vous faites cas à part, tous les deux, ajouta-t-il.
- Mhh.
La jeune femme, toujours occupée à dévisager son homologue, constata que l'enseignant en faisait de même ; lorgnant sans vergogne son accoutrement d'un air étrangement intéressé.
- La demoiselle n'a pas encore reçu son uniforme ?
Rin le regarda d'un air interloqué.
- Je dois recevoir un uniforme ? C'est-à-dire ?
- C'est-à-dire que tu vas recevoir un uniforme ? Pour le porter, tu sais, ironisa-t-il.
- C'est vraiment nécessaire ?
Satoru hocha la tête, mi-amusé mi-dérouté par la situation. Il avait remarqué que la chamane était d'ordinaire très sobre dans les expressions qu'elle adoptait, cependant il pouvait déceler à cet instant sur son visage tout le déplaisir qu'elle éprouvait à cette idée.
- Bien sûr ! repris-t-il . C'est un honneur d'exhiber son appartenance à la plus prestigieuse école d'exorcisme du Japon ! affirma l'exorciste en bombant le torse, sourire moqueur au visage.
Rin laissa échapper un grognement de mécontentement, et le sourire du professeur s'élargit.
- On peut les personnaliser, ajouta-t-il.
- Pas la peine, déclina la chamane en accompagnant son refus d'une pichenette de la main. Merci d'avoir proposé.
- Mais de rien, affirma l'enseignant. Et sur ce, il est temps pour moi de prendre congé, mademoiselle.
- ... Vous ne comptez pas me mettre au courant des détails de la mission ?
L'exorciste, qui lui avait déjà tourné le dos, se stoppa pour la gratifier d'un des énième sourires impertinents dont il avait le secret.
- J'ai pas le temps, demande à Megumi.
Et il tourna les talons, laissant la chamane seule dans le flou de ses directives.
Les orbes de Rin accrochèrent de longues secondes à l'endroit duquel il s'échappa, tandis qu'elle émettait un soupire las dénué de toute énergie.
Finalement, la jeune femme décida d'aller trouver son partenaire, quand, au moment de se relever, une douleur lancinante s'imprima sur son genou blessé au moment de poser les pieds au sol.
Un sifflement aigu s'échappa d'entre ses dents lorsqu'après avoir retrouvé un appui stable, le choc vint remonter le long de sa jambe pour résonner brusquement dans les os de cette dernière.
L'adrénaline avait quitté son corps pour dévoiler le contrecoup inévitable de sa confrontation avec la Zenin.
Boitillante, elle récupéra tout de même son wakizashi avant de se diriger à pas douloureux vers les quartiers résidentiels de l'école, chaque enjambée lui arrachant des grimaces légères.
Finalement arrivée devant les chambres étudiantes, Rin réalisa avec aberration qu'elle n'avait aucune idée de laquelle appartenait au brun.
S'armant de son smartphone, elle pianota un rapide message à l'attention du jeune homme.
À Megumi :
Ta chambre c'est laquelle ??
Attends j'arrive
Une poignée de secondes plus tard, le visage de l'étudiant dépassant du couloir s'imprimait sur la rétine de la jeune femme tandis qu'il l'invitait à entrer.
Une fois la porte refermée sur eux, la chamane s'affala souplement sur le lit de son camarade avant de pousser un énième soupir.
- Le prof m'a dit d'aller te demander quel genre de fléau on va exorciser, indiqua-t-elle.
Le brun laissa passer un certain temps avant de répondre.
- Tu boîtes, rétorqua-t-il. Et t'as du sang sur le visage.
- Je sais, répliqua Rin en plaçant sa main à hauteur de son front. Tu penses que je pourrais me faire dispenser ?
L'étudiant observa le sort d'inversion de la jeune femme, éclat blanchâtre qui reboucha la coupure de chair à l'instant ou il effleura sa peau.
- Pourquoi t'as pas fait refroidir ton genou ? Je t'emmène voir Ieri.
- Tu poses des questions dont t'as déjà la réponse, nota la chamane. Et j'ai la flemme, j'avais envie de me prendre un truc à manger.
- On sortira se prendre un truc après. Il faut aussi que j'en profite pour parler à monsieur Ichiji.
- Connais pas. Mais tu sais, je peux me soigner toute seule.
- C'est notre contrôleur de mission. Monsieur Gojõ m'a dit d'aller "demander à Kyotaka", répondit l'étudiant d'un air entendu. Et puis- il fronça les sourcils. Je sais pas si t'es capable et si tu as envie de soigner ce genre de blessure, Ieri s'en occupera mieux que toi.
Rin passa son bras droit autour de l'épaule de jeune homme, qui s'était accroupi à sa hauteur.
- C'est vrai, admit-elle en un chuchotement amusé.
Ils se redressèrent et entreprirent de marcher jusqu'à la porte du logement.
- Tu fais une très bonne béquille, Megumi, observa-t-elle dans une mimique espiègle.
- Mhpf.
Celui-ci jeta un coup d'oeil ironique à la jeune femme et lui répondit d'un fin sourire.
Il la scruta pendant quelques secondes, une lueur hésitante dans les yeux avant de brusquement demander :
- Tu tiens le coup, Rin ?
La chamane perdit son sourire.
Prise de court, elle resta silencieuse quelques secondes, puis ses traits s'adoucirent et elle gratifia l'adolescent d'une pichenette sur le front.
- Toi alors, toujours aussi prévenant, s'amusa-t-elle avec douceur.
Le regard du ténébreux se fit plus dur.
- Je suis sérieux, assura-t-il. Je te demande pas si ça va mais quand même, c'est important.
Une boule sembla se former dans la gorge de Rin. Sa bouche se fit pâteuse, et les mots franchirent la barrière de ses lèvres avec appréhension.
- J'ai peur. Honnêtement, je le sens pas bien.
Le jeune homme la fixa avec intensité, puis acquiesça.
- Et toi ? reprit-elle. Avec Tsumiki ?
- Ça m'inquiète, avoua-t-il. Elle ne se réveille pas.
La jeune femme se mordit la lèvre, geste trahissant son malaise qu'elle ne s'autorisait qu'en présence de son camarade.
Celui-ci lui jeta un regard oblique, bien conscient que son état préoccupait la chamane tout autant qu'il s'inquiétait du sien.
- T'en fais pas pour moi, souffla-t-il, ça va aller. On y va ?
La chamane acquiesça.
Quelques minutes plus tard, et elle se retrouvait assise sur un fauteuil chirurgical, surplombée d'une Shoko Ieri s'affairant à ressouder son genou déchiré.
- Allez-y mollo la prochaine fois, lui somma la chirurgienne en écrasant son mégot contre un cendrier. Je ne voudrais pas vous voir débarquer à chaque entraînement, sinon je vais pas m'en sortir.
- Oui, ne vous inquiétez pas, affirma Rin. C'est pas fait pour être régulier.
Glissant de son perchoir, elle constata avec satisfaction que la douleur avait disparu et qu'elle n'avait plus aucune difficulté à se mouvoir.
Megumi l'observa d'un air approbateur et lui fit signe de le rejoindre, ce que la jeune femme exécuta de bonne grâce après avoir salué la soignante.
Le jeune homme la conduisit à travers les innombrables bâtiments et couloirs de l'établissement, puis s'arrêta devant ce qui sembla être le plus imposant d'entre eux.
Il les annonça, frappa trois coups à la porte et pénétra dans la pièce sitôt qu'il eut reçu une réponse, Rin sur les talons.
Par-dessus son épaule, la jeune femme distinguait Masamichi Yaga, accroupis au beau milieu de dizaines de peluches à l'aspect étrangement déroutant qu'elle savait être des incarnés. Le spectacle du quadragénaire barbu entouré de jouets, bien qu'elle l'eût déjà vu, arracha un rictus à la chamane.
À ses côtés se tenait un homme brun aux lunettes strictes, dont le costard était aussi sombre que sa chevelure et qui semblait en proie à une agitation intérieure des plus évidentes.
- Monsieur Ichiji, l'interpella son compagnon. On est là à cause de monsieur Gojõ.
Le dénommé Ichiji reporta son attention sur le brun avec appréhension.
- Satoru ? esquissa-t-il.
Megumi acquiesça.
- Il nous a laissé en plan et ne nous a strictement rien dit à propos du fléau qu'on devait exorciser.
Le contrôleur de mission poussa un soupir à en réveiller les morts, et pria le directeur de bien vouloir l'excuser quelques minutes.
- Bien, commença-t-il. Des disparitions anormales ont été signalées dans la banlieue de Nagoya, près d'un temple shintô abandonné, et on pense que c'est l'œuvre d'un classe un.
Nous allons donc vous y envoyer seul, car sommes en sous-effectif ces derniers temps, s'excusa-t-il. Néanmoins, Satoru vous à jugé capable d'y parvenir.
Mademoiselle Amane je suppose ? Interrogea-t-il la jeune femme.
Rin, qui s'était tenue en retrait, acquiesça.
- Votre niveau est équivalent à celui d'un classe un si je ne m'abuse, repris la fenêtre . Nous comptons sur votre expérience durant cet exorcisme, un chaman confirmé n'étant jamais de trop.
Rin approuva, le visage insondable.
Le vert d'eau de ses yeux luisait d'un éclat givré tandis que son corps s'éveillait doucement, toujours un peu plus alerte à chaque pulsation de cœur dans sa poitrine.
- Je viendrai vous prendre demain pour vous emmener sur place, soyez prêts pour 7 heures, termina le contrôleur de mission.
Les étudiants effectuèrent un ultime mouvement de tête avant de se désintéresser de leurs supérieurs, et l'adolescent coulissa enfin la lourde porte de chêne pour sortir confronter la froideur hivernale.
Son aînée lui emboîta le pas, et, derrière son dos, il éprouva toute la pression contenue abritée par le corps de sa compagne.
Car si elle n'en affichait rien, comme à son habitude, la jeune femme était en proie à une effusion houleuse de signaux diffusés par tout son être.
Elle n'avait plus exorcisé depuis une histoire qu'elle souhaitait oublier plus que tout.
Et son instinct lui criait qu'en refaire l'expérience n'augurerait rien de bon.
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Hello ! Je reviens avec ce deuxième chapitre certes un peu pauvre en contenu mais nécessaire à la suite de cette histoire en slowburn !
(Mais le prochain sera mouvementé ;))
La prochaine publication sera la première ellipse du passé donc je la posterai avec seulement une semaine d'écart étant donné que ce sont des parties relativement courtes.
N'hésitez pas à me laisser vos impressions en commentaire !
(Sur le combat avec Maki aussi, qui faisait plus office d'introduction qu'autre chose.)
À plus tard,
Yuu
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