𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄

꧁ 𖧷 ꧂

Elle était jeune.
Oh, elle était jeune, oui. Prodigieusement douée.
Promise à un avenir brillant.

Elle était belle.
Prisonnière d'invisibles chaînes, apposées avec soin aux contours de son cœur.

Elle était seule.
L'arène de cristaux à ses pieds était si froide. Gelée.
Bien trop dangereuse pour qu'on ose s'en approcher.
Bien trop dangereuse pour son propre bien.

Elle était vide.

La bourrasque glaciale qui l'habitait l'avait tuée à petit feu, jusqu'à n'en laisser que des cendres.

L'immaculé blanc de l'ère gelée se parsema de taches sombres.

Ce n'était plus qu'une question de
temps avant qu'elles gangrènent.

《 Hé, toi ! T'es qui ? 》

C'était un vent plus doux.

Une brise qui balayait les impuretés sur son passage.

Un souffle qui réchauffait le cœur qu'elle enfermait malgré elle.

Une rafale qui affrontait sa tempête polaire, qui désserrait son carcan, si bien que la surface de givre de son esprit en fût touchée.

Qu'elle fondit en sa surface.

《 On va s'en sortir ensemble, d'accord ? Je ne le laisserai pas te faire de mal. 》

Cette promesse, il l'avait toujours tenue.

Il avait chassé ses démons.
L'avait protégée des seuls monstres auxquels elle était incapable de faire face.
L'apparence des hommes est trompeuse, il le savait bien.

Pourtant, ce jour arriva.

L'alizé était à son apogée.
Mais ce fût son ultime course.
Il s'éleva, jusqu'à ce que son souffle se tarisse.
Perdit de l'altitude.

Puis son sifflement s'éteint.

《 Je t'aime. 》

Retour aux origines.

Le blizzard reprit ses droits.

Les chaînes étaient inutiles, désormais.
Car la pellicule neigeuse qui réfreinait ses émotions s'était muée en un véritable bloc de glace.

Talent, renommée, beauté, richesse, peu importait désormais.

Car elle était si faible.

C'était le plus fort.

Un être dont l'essence même était supérieure.
Dont la seule naissance avait réécrit les règles du monde.
Dont la maîtrise de son art avait atteint la quintessence.

L'Infini lui était servi sur un plateau d'argent.
Il n'avait plus qu'à y piocher comme bon lui semblait.

Pourtant, il n'y touchait pas.

Ce privilège qu'on octroyait seulement aux élus de la Création.

À ceux auxquels il suffisait de s'éveiller pour être habilités à obtenir ce que d'autres passaient une vie à convoiter, sans pour autant prendre la peine d'y abaisser le regard.

Le privilège de posséder l'Espace sans daigner s'y intéresser ne serait-ce qu'une seconde.

Ce fardeau qu'il était le seul à pouvoir porter.

《 T'es sûr ? T'as pas peur de ce qui arrivera si on se foire ? 》

Un fardeau qui impliquait des responsabilités si lourdes qu'il lui était désormais impossible de s'en défaire.

Des responsabilités trop lourdes à porter pour un humain constitué de chair et de sang.

Mais il était spécial. Son statut l'indiquait.

《T'inquiète, ça ira. Après tout, on est les plus forts.》

Un jour, il avait essayé de s'émanciper de sa tare.

C'est ce qui causa sa perte.

Le tourment se logea dans ses yeux à tout jamais.

Voilà la contrepartie qui incombait à sa puissance.
Observer les hommes tomber comme des mouches, parce que n'importe lequel d'entre eux était considéré comme une gêne.
Ne servaient qu'à le ralentir.
Devenaient poussière dans son sillage.

Alors ne restait que la haine, et les fléaux se dévoilaient.

Se déversaient.

Et ravageaient.

《Quel orgueil. Toi, tu en serais capable, hein, Satoru. 》

Il avait naïvement pensé que son pouvoir pouvait protéger.
Qu'il pourrait préserver pour toujours ceux qui se tenaient à ses côtés.

Mais le monde n'en était pas ainsi.

Le doux mirage s'estompa.
Et alors il comprit.

Personne n'aurait jamais pu se tenir à sa hauteur.

Parce qu'il était le plus fort.

꧁ 𖧷 ꧂