36 • BOY MEETS EVIL

davia sters


MANDAG
04:05

La fin de mon week-end s'est pourtant bien passé. J'étais assez heureuse, même si inquiété par rapport aux promesses de Chris mais bon... Il m'aime. Je le sais, je l'ai vu dans ses yeux. J'espère que je ne me suis pas trompée, j'espère qu'il ne m'abandonnera et qu'il était vraiment sincère... J'espère.

J'ai passé le dimanche avec Solveig, sans lui parler de quoique ce soit avec Chris. Nous avons mangé de la glace devant une série bidon avant d'aller marcher un peu dans un parc parce qu'il faisait assez beau, et j'ai passé la soirée avec elle et ses parents autour d'un bon repas. Ça m'a fait du bien, dans le sens où ça fait tellement longtemps que je n'ai pas vu la couleur d'un vrai repas de famille... Les parents de Solveig sont vraiment gentils et attentifs à leurs enfants. Solveig a un grand frère qui fait des études en France et un petit frère de huit ans, Michael, certes ils se chamaillent souvent (et le repas d'hier soir n'a pas fait exception), mais ils s'aiment et je trouve ça beau. Solveig ne voit pas ce qu'il y a de beau à se disputer avec un gosse de huit ans, c'est tellement barbant pour elle... Pas pour moi. J'aimerais bien que ça m'arrive.

Je suis assise sur mon balcon, pleurant toutes les larmes de mon corps depuis deux heures du matin. Les cigarettes gisent à même le sol, lui-même mouillé par mes larmes qui ne cessent de couler le long de mes joues. Mes doigts tremblent, c'est insupportable. Je devrais avoir froid, car les nuits d'avril d'Oslo ne sont pas aussi chaudes qu'on le pense, mais je ne sens rien. Je suis vide.

Je dormais bien, jusqu'à ce qu'un appel ne me réveille, et en regardant le correspondant, mon coeur s'est serré. En entendant sa voix, les larmes ont commencé à me piquer les yeux. J'ai pas eu besoin de plus pour comprendre et savoir que mon monde déjà pas bien solide, venait une fois de plus de s'effondrer, cette fois-ci pour de bon. Je déteste me plaindre mais cette nuit-là, j'avais mal partout. J'étais tellement triste, et c'était rare que j'en arrive à ce point. Ça vous est déjà arrivé d'écouter une chanson en boucle, de commencer à pleurer, un peu, puis de vous souvenir de tout ce qui ne va pas dans votre vie, de pleurer de plus belle et de finir par péter un plomb ? C'est ce qui vient de m'arriver. J'ai cru que j'arriverai à le supporter, alors je me suis étendue dans mon lit, j'ai fermé les yeux et j'ai lancé une playlist pour me détendre. Ça n'a absolument pas marché. Les larmes ont redoublé et au bout de dix minutes à peine, je ne pouvais plus rester ni couchée ni assise dans ce foutu lit. Alors que la chanson continuait, je me suis mise à me mordre les lèvres et les doigts pour ne pas hurler de douleur tellement je me sentais mal. J'ai fait les cent pas dans ma chambre, ne sachant pas si j'avais envie de courir, de crier ou de m'effondrer sur place.

Et c'est comme ça que je me retrouve à quatre heures du matin, seule, contemplant Oslo endormie, une cigarette entre les lèvres. La huitième de mon paquet de quinze. Vous voulez savoir ce qu'il vient de se passer ?

Alors que je pensais que rien de pire ne pouvait arriver, mon grand-père s'est levé en pleine nuit et s'est cogné contre un meuble, car il ne savait plus où il était. Il s'est évanoui et ma grand-mère n'a même pas eu le temps d'appeler qui que ce soit. Mon grand-père est mort, à cause de cet enculé de destin qui a décidé qu'il aurait une tumeur au cerveau et qu'il crèverait bêtement, en se prenant la bibliothèque dans la gueule à une heure du matin.

Je suis simplement vidée et j'ai envie de vomir. Une brise légère vient me fouetter le visage. Je frissonne. Je pleure encore un coup. Je fume une autre cigarette. Je suis seule. J'ai besoin de ma mère ou de mon père mais ils ne sont pas là. Souffre en silence, Davia.

MANDAG
08:40

Musique lancinante dans les oreilles, capuche rabattue sur ma tête, visage tombant vers le sol, les yeux fatigués et l'esprit lassé, je traverse la cour sans aucune once de bonheur en moi. Du coin de l'œil, j'aperçois Noora et Vilde qui papotent comme si rien ne s'était passé durant ma stupide fête de vendredi. A l'autre bout de la cour, William traîne avec des potes. Assise sur une table, Sana reste avec Isak et Even qui s'embrassent en souriant. A l'autre extrémité, Solveig et Eva rient d'une connerie. Et puis, en plein milieu de cette foutue cour, Ava et Chris se lavent la bouche. Je suis tellement mal que je ne ressens rien.

Nos regards se croisent et il prend peur, je le sais, je le sens. Chris a un moment de recul face à Ava qui ne s'aperçoit de rien et me suit des yeux l'air préoccupé.

"Je vais bien, ne t'en fais pas."

Je sais qu'il ne me croit pas et je ne cherche pas à être convaincante, c'est peine perdue. Sans ouvrir la bouche je rentre à l'intérieur du bâtiment où je m'enferme dans les chiottes pour pleurer un bon coup, alors que ça fait seulement dix minutes que je suis en public. Pathétique.

ONSDAG
10:00

J'ai passé les deux derniers jours à éviter mes deux amies ou les remarques que me lançaient les gens sur ma fête. Impossible d'écouter le moindre cours, je viens de foirer deux contrôle de maths (pas étonnant) et d'anglais, alors que ça ne m'arrive pourtant jamais. J'ai passé mes deux dernières nuits à vomir, je ne peux plus rien avaler et j'ai l'impression d'être au plus bas. La nuit dernière, j'ai vidé le fond d'une bouteille de whisky qui traînait depuis vendredi soir en fumant des clopes que j'ai réussi à dégoter au fond des tiroirs de bureau de ma mère.

J'ai éteint mon téléphone et j'ai été incapable de faire le moindre devoir, ce qui fait que je me suis faites renvoyée de déjà deux cours en deux jours et demi. Même quand j'essaie de penser à autre chose, mon esprit se retourne toujours vers grand-père. Je l'imagine dans son cercueil, descendu sous la terre. En fait, je viens de me rendre compte que je ne le reverrai plus jamais et c'est affreux. Je ne le verrai plus jamais. Je ne verrai plus jamais mon grand-père, je, je... J'ai besoin d'air.

- Oh putain de merde, lâché-je soudain paniquée.

Je me lève en une demie-seconde, j'attire les regards des élèves sur moi, je ne prononce pas un mot et sors en courant sous les cris d'incompréhension de ma prof de norvégien, je cours à travers les couloirs déserts, les larmes me brouillent la vue et mon coeur ne suit plus, j'ai mal au ventre et ma tête tourne, je veux appeler à l'aide mais rien ne fonctionne correctement, sûrement à cause de l'alcool et du manque de nourriture. Ma course ralentit, je tente de prendre appui contre un mur et je titube, toute ma vie titube. Quelqu'un court vers moi.

- Davia !

J'ai soudain des hallucinations. Grand-père me sourit, planté dans le couloir, je cris de peur. Je veux reculer mais rien ne fonctionne, encore une fois. Je suis incapable de faire un geste correctement et mes jambes tremblent. Il me sourit, puis il disparaît alors que je cris comme une folle.

J'ignore ce qui m'arrive mais je suis tombée dans les bras du diable. Je titube en arrière, tentant de m'échapper de l'inconnu qui se rapproche, un visage inquiet, mais mes yeux divaguent et je tombe en arrière, mes jambes refusant de me porter d'avantage.







Je tombe dans un lac noir où tout est calme. Trop calme. Je ne vois rien, il y a de l'ombre tout autour de moi, c'est à la fois reposant mais horriblement inquiétant. J'entrouvre les yeux et aperçois une silhouette, volant ou nageant près de moi, je ne sais pas vraiment. Tout ce que je vois, ce sont ses deux ailes noires comme du charbon et qui ressemblent à tout sauf à celles d'un ange.

Il se rapproche de moi. C'est le diable qui me nargue du regard. Il veut me tuer, m'entraîner avec lui au fin fond de l'océan empoisonné qu'est la dépression. Je dois réagir. Je dois nager, Je dois sortir de là. Je dois retrouver Chris avant de m'éteindre complètement.

Chris.

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