« Roomate »

Je marche doucement en essayant de ne pas faire tomber mes cartons qui sont posés sur ma valise ainsi que celui que je tiens fermement entre mes mains. L'université n'est pas si loin de l'aéroport, un petit quart d'heure de marche seulement.

Je vois plusieurs jeunes de mon âges en même difficulté que moi qui passe un portail. Je dois être arrivée. Je prends une grande inspiration puis m'avance dans l'amas de personnes qui se referme sur moi. Il fait une chaleur étouffante entre tout ces corps, d'autant plus puisque nous sommes en fin du mois d'août.

Je pénètre dans le sublime établissement blanc et gris, toujours en étouffant. Je ne m'arrête pas à l'accueil de suite, puisqu'elle est déjà bondée et que je connais déjà le numéro de ma chambre. J'entre dans l'ascenseur qui n'est pas quelque chose de négligeable et monte au deuxième étage.

Je cherche le numéro C266, heureusement il est plutôt rapide à trouver alors je pousse la porte et tombe nez à nez avec de la fumée. Je toussote en balayant l'air de ma main, tout en pénétrant dans la pièce. Non mais c'est quoi cet Aqua ? Il est encore plus opaque de mes vêtements.

Le nuage de fumée finit par se dissiper et je vois enfin un lit de libre sous une fenêtre. Je me jette sur la poignée de cette dernière puis l'ouvre pour respirer du bon air. Je grogne en m'asseyant sur mon lit puis dévisage ma colocataire.

- Tu es Janis ? demande-je à la brune devant moi.

- Et toi Skylar ?

- Effectivement, par contre, je t'en supplie à partir de maintenant ouvre au moins la fenêtre quand tu fumes, la supplie-je les mains jointes.

Janis ricane en se retournant dans son lit une cigarette électronique entre les doigts.

- Je ne fume même pas, clame-t-elle, il n'y a que de la vapeur dans ce truc. Tu veux ?

Je regarde tel un démon la cigarette électronique. J'ai déjà fumé, je fume rarement mais quand je suis contrariée, j'en ai besoin – seulement depuis l'accident. Il n'y a même pas de nicotine alors ça ne doit rien faire de mal. Je lui prends des doigts puis tire une latte dessus. J'expire la fumée en lui rendant.

- Je te voyais moins "bad girl", lui avoue-je en imitant des guillemets.

Janis lâche un petit rire puis roule sur ventre pour le regarder depuis son lit.

- Je te voyais plus satanique, Skylar n'est pas vraiment un prénom angélique, m'avoue-t-elle à son tour.

Je laisse un petit rire m'échapper, j'admets que le prénom Skylar est plutôt ténébreux contrairement à Janis ou bien d'autres prénoms, nos prénoms nous reflètent sûrement un peu. Quand je pense au prénom Janis, je pense directement à une fille gentille, belle et drôle ce qui se rapproche de ma colocataire, en revanche quand je pense à mon prénom, je ne vois que le noir, les ténèbres.

- Je t'ai laissé de la place dans l'armoire pour tes vêtements et l'étagère. J'ne suis pas trop littérature, m'explique Janis.

Je hoche la tête puis commence à déballer mes cartons ainsi que ma valise sous le regard perçant de Janis, ma colocataire.

- Tu sais déjà qui est ta marraine ? me demande Janis.

- Je crois qu'elle s'appelle Maya si je m'en rappelle bien, et toi ? demande-je avec de la sympathie.

- Stacy, j'imagine bien le genre de nana blonde aux gros nibards, se moque-t-elle.

- J'avoue que je suis d'accord, Stacy c'est beaucoup trop kitch, ricane-je, il doit y en avoir des milliards.

Janis et mois rigolons à propos de cette fille prénommée Stacy. Je n'aime pas les critiques, c'est une certitude malgré tout, chaque prénom à son image comme nous le disions avec Janis, Stacy c'est le genre de fille pleine d'artifices pour nous mais si elle est tout l'inverse – ou non d'ailleurs –, je m'en fiche royalement.

- Tous les élèves sont priés de rejoindre le réfectoire dans moins de vingt minutes pour un repas de bienvenue et surtout pour les binômes de nos premières années, retentit une voix dans un haut-parleur depuis le couloir.

Je finis en vitesse de ranger mes vêtements dans l'armoire avec le peu de place qu'il me reste à l'intérieur malgré le soi-disant effort de Janis. Ma colocataire se lève puis nous partons en direction du réfectoire tout en discutant et en suivant l'amas d'élèves.

Nous passons de grandes portes vitrées puis trouvons l'immense réfectoire déjà rempli de monde. Je regarde nerveusement Janis puis nous nous mettons à chercher une table.

- Là ! s'exclame Janis en sautant presque sur les deux places libres.

Je m'assois entre deux garçons qui ne prêtent aucune attention à nous, Janis se met en face et nous commençons à discuter pour apprendre à se connaître. Janis vient de Washington, elle est en première année et souhaite se spécialiser en économie.

- Et toi ? Tu viens d'où ? Ta famille ? Des amis ? Un p'tit ami ?

À l'évocation de petit ami, je ne sais plus quoi dire. Christian est-il encore ce qu'on peut considérer de "petit ami" ? Je l'aime, j'en suis certaine sinon je ne serai pas autant blessée par son coma mais est-ce ça veut dire que d'une manière nous ne sommes plus ensemble ? Je ne pense pas, on avait dit que t'arrêtais de te tracasser avec ça, Christian est toujours Christian, ton petit ami, me dit une voix dans ma tête.

- J'habitais à Brooklyn avec mes parents et à temps partiel mon frère. Je n'avais pas tant d'amis que ça, c'était plutôt des amis de Christian, mon copain, déclare-je en omettant l'accident qui a plongé Christian dans le coma.

- Il est comment ton frère ? s'enquit-elle avec de gros yeux et un sourire malicieux.

Janis m'arrache un rire devant son visage en attente de réponses et surtout en attente d'informations essentielles sur la vie de mon frère, c'est évident.

- Il est grand, brun, le genre bad boy mais c'est un vrai débile, hors mis fumer, boire et baiser, il ne sait rien faire, affirme-je en exagérant un peu.

- Oh mais ça me va très bien ! Comment il s'appelle ? continue-t-elle.

- Liam, mais n'y pense même pas. Il a interdiction de toucher aux filles que je côtoie, vue qu'on est coloc, ça va être compliqué, l'avertis-je avec une infime ironie dans la voix.

Janis fait la moue en croisant ses bras jusqu'à ce qu'un grésillement retentisse dans la salle.

~

" Comment pouvons-nous vivre
notre vie maintenant ? "