chapitre 9
𝑪𝑯𝑨𝑷𝑰𝑻𝑹𝑬 𝑵𝑬𝑼𝑭
Quatre semaines. Vingt-huit jours. Un mois. Un mois que Taehyung vivait en enfer.
Il n'avait connu que des kempetais, les quelques personnes qui s'habillaient bien et qui avaient des tatouages, étaient parfaitement hétérosexuelles semblait-il, même pas des personnes curieuses, alors il s'évitait grâce à cela bon nombre de visiteurs.
Cependant il y en avait bien plus que prévu, des visiteurs. Il avait entendu en collant son oreille contre le bois du mur qui était affreusement fin -et ne protégeait absolument pas du froid nocturne- qu'il avait gagné une certaine popularité, parce qu'il avait des traits doux et on lui trouvait un corps fort agréable. Malheureusement pour lui. Même des personnes qui n'étaient sensées n'aimer que les femmes venaient parfois, sauf que c'était de plus en plus courant. Il existait des jours où les gens s'enchaînaient, de dix à dix-sept heures. Ses pauvres draps souffraient, il devait les laver avec l'eau qu'on lui connaît pour faire sa toilette tous les soirs.
Il ne s'habituait pas aux gens qui venaient le voir, en revanche il se faisait un maximum docile, tentait tout ce qu'il pouvait dans le but de limiter la douleur et le temps de l'acte. C'était toujours horrible, il se sentait toujours affreusement sale, il avait toujours l'immonde sensation d'être un objet. Cependant, cette sensation d'être un objet semblait devenir, avec les jours qui passaient et contrairement au début, ce à quoi il tentait de se rattacher. Si il était un objet pendant quelques minutes, alors ce n'était pas vraiment lui. Si ce n'était pas vraiment lui alors la blessure pouvait être moins difficile à supporter.
Il appréciait l'idée de ne pas forcément être complètement conscient de sa personne pendant ces moments horribles.
Si il était moins entièrement centré sur lui même et les sensations terribles qui coulaient dans ses veines et rendaient malade son corps entier, l'infectant de ce profond dégoût pour lui même; et bien ça allait mieux. Être un peu à l'extérieur de lui-même, se répéter que ce n'était pas vraiment lui qu'ils baisaient mais un corps. Juste un corps qui se trouvait là, le seul jeune homme dans la maison de réconfort.
De plus en étant calme et docile, il s'évitait aussi un maximum de colère et de haine provenant des kempetais, ce qui était un mal supprimé non négligeable.
Évidemment, certains le battaient quand même, ceux là étaient parfois mis à mal par les mots de l'homme bien habillé qui venait de temps à autres, toujours pour vérifier sa marchandise. Ceux qui le frappaient tout de même étaient des personnes parfaitement malades, ça se voyait dans leurs yeux, au creux de leur âme, dans leurs sourires terribles. Taehyung y voyait systématiquement la haine gratuite envers les coréens, pauvres habitants non-japonais d'une province appartenant à l'empire, il y voyait le dégoût pour eux-mêmes car ils étaient pris de désirs insupportables pour un autre homme ce qui allait tout de même à l'encontre de leurs principes -bien que leurs principes fussent largement limités face aux femmes de réconfort et à Taehyung-. Le jeune brun y voyait aussi un désir de faire souffrir, une pure preuve de sadisme. C'était terrible à regarder, ça perturbait toujours le jeune homme qui finissait par fermer les yeux et laisser passer.
Laisser passer.
C'était ce que le brun coréen bien habillé lui avait dit de faire. Ne pas trop rester à l'intérieur de lui même, s'oublier pour supporter. Parce qu'il n'avait pas le choix. Il ne pouvait pas se permettre de supporter tout ça de plein fouet.
Il fallait qu'il laisse faire. Qu'il oublie.
Cet homme, d'ailleurs, restait un inconnu. Il avait fini, après lui avoir posé mille fois la question histoire d'avoir l'air moins stupide à dire "dites le monsieur bien habillé" à chaque fois qu'il venait pour lui donner un peu d'eau et soit un fond de bol de riz, soit un morceau de pain; par apprendre une chose. Il sut que cet homme avait Jeon pour nom de famille. C'était un exploit.
Il savait qu'il haïssait du plus profond de son cœur un monsieur Jeon.
Parce que lui, lui, il l'avait choisi. Il ne pouvait s'empêcher de se répéter que si les kempetais ne venaient pas pour lui faire spécialement du mal à lui, mais cet homme, l'avait choisi. C'était terrible de se dire que si ce jour-là, Taehyung avait été habillé moins bien, si il avait été moins mignon, si il n'avait pas daigné lever les yeux sur la place au centre ville, peut être qu'il n'en serait pas là.
Monsieur Jeon était un homme froid, intelligent mais froid. Il voulait évoluer dans la hiérarchie, ça Taehyung l'avait bien assimilé. Il était concentré sur ses objectifs et il semblait avoir parfaitement oublié qui il était en se laissant bercer d'illusions. Enfin c'est ce que Taehyung disait, parce qu'il n'avait pas encore saisi l'importance que Jungkook possédait au sein de son clan. Il ne savait même pas ce qu'il était. Il savait qu'il n'était pas un kempetai mais qu'il travaillait pour eux dans sa mission, il savait qu'il vivait au Japon, et il savait qu'il traînait dans des choses louches.
Il savait que cet homme n'avait pas d'honneur pour abandonner sa patrie de naissance et la trahir, il pouvait la trouver aussi faible qu'il voulait, il avait trahi les siens.
Et pour tout ça, Taehyung haïssait bien plus monsieur Jeon que les personnes qui venaient se servir de lui.
Ah; si, il y avait également une autre personne. Le chef des kempetais qui habitaient dans les vieux bâtiments tels que la mairie à côté. Lui, il voulait précisément toucher Taehyung parce qu'il était Taehyung, il avait en lui une fascination malsaine pour le jeune homme brun. Et c'était dégoûtant. Il était bien plus vieux. Cet homme était sûrement éphébophile. Pire que dégoûtant. Si Taehyung avait pu choisir deux personnes à tuer, ces personnes auraient été monsieur Jeon et le chef, c'était certain.
Qui aurait pensé une seconde que ce garçon à la vie si parfaite puisse devenir objet de soumission en un si court laps de temps ?
Qui en plus de ça, sert à satisfaire les pires ennemis de son père ?
Parlons-en de son père justement. Comment cet homme que Taehyung idolâtrait plus que n'importe qui au monde réagirait face à ce qui se tramait non lui de chez lui ?
Comment pouvait-il une seconde, rien que l'espace d'un instant, s'imaginer ce que son fils avait subi et subissait toujours ?
Leurs mains sur sa peau nue, leur sourire carnassier aux dents aiguisées, leurs mots pécheurs balancés sans aucune pudeur au visage de son fils.
Il en deviendrait fou, complètement dingue.
De toute façon, il n'en saura jamais rien. Il n'en saura jamais rien tout simplement parce que la carapace que Taehyung avait commencé à se créer depuis son arrivée dans cette chambre de l'horreur commençait à se craqueler petit à petit. Quand celle-ci finira par se briser complètement, Taehyung ne pourra plus rien y faire, ni même essayer d'en fabriquer une nouvelle avec les débris qu'il aura eu le courage de ramasser.
Il allait simplement finir par mourir, sali et trahi par sa propre espèce.
Ce jour-là, Taehyung n'avait même pas pris la peine de se lever de son lit, il avait dormi toute la journée sans se soucier de quiconque. Qui sait le nombre d'hommes qui avaient tenter d'abuser de lui; lui était endormi et ne voulait pas savoir. Il voulait juste que le temps passe plus vite. Ses draps étaient enroulés autour de sa petite personne tandis que sa tête était enfouie dans son oreiller. Il ne voulait plus réfléchir ni même se défendre. Il ne voulait plus penser à Jungkook ni même à sa propre famille. Il ne voulait plus penser aux rizières, au beau soleil de son village ou bien aux citations que sa grand-mère adorait lui conter le soir tandis que le la lune pointait habituellement le bout de son nez pointu.
Ce Jeon...
Jungkook avait été le seul à considérer Taehyung comme un humain, ou bien même quelque chose qui s'en rapproche. Il avait été le seul à avoir pris le temps de venir le voir sans arrière pensée et à avoir essayé de parler avec lui. Enfin non. Il prenait bien soin de la marchandise, c'était plutôt ça.
En revanche, il avait aussi été le seul à le décevoir autant. Le seul à l'avoir fait pleurer autant, le seul auquel Taehyung s'était un minimum rattaché malgré son comportement plus que monstrueux à son égard, la nourriture, la langue et le minimum de quoi posséder une hygiène obligeaient.
Taehyung perdait la tête, et d'un côté il le savait. Mais bizarrement, cela ne le dérangeait pas plus que ça.
Si perdre la tête lui permettait d'oublier toutes ses mains sur son corps alors soit, il allait la perdre autant qu'il le pouvait.
Parce qu'il n'en pouvait plus.
Il était seul, toujours seul, livré à lui-même sur ce sol sale que personne ne prenait la peine de nettoyer. Le sol était sale, sale comme son corps. Sale comme ces hommes, sale comme l'âme de Jungkook et par dessus tout, sale comme lui.
Taehyung avait envie de se nettoyer, supprimer les traces de leurs touchers encore encrés sur sa peau. Le bas de son corps ne réagissait plus à rien, il avait cessé de ressentir quoi que ce soit.
Lui qui idéalisait le sexe,
Il avait juste envie de lui cracher dessus en cet instant,
et de ne plus jamais en entendre parler, et tout ça, jusqu'à la fin de ses jours.
Sa mère devait être en train de préparer le repas en cet instant. Taehyung ne savait pas quelle heure il était car il avait fini par ne plus y penser, mais l'odeur de la nourriture qui s'était infiltrée par le biais du petit espace sous sa porte lui avait donné appétit. Il ne comptait pourtant pas manger aujourd'hui, en fait, il ne comptait plus le faire du tout.
Taehyung préférait mourir de faim plutôt que de chagrin.
Il imaginait sa mère toute sourire, idéalisant son fils et son futur qu'elle croyait sûrement radieux. Si elle savait, si elle savait ce qu'il était devenu, ce qu'il était contraint d'être.
Elle en serait dégoûtée.
Mais de toute manière, Taehyung sera parti avant qu'elle ne puisse le savoir.
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