chapitre 3

𝑪𝑯𝑨𝑷𝑰𝑻𝑹𝑬 𝑻𝑹𝑶𝑰𝑺

Jungkook avait les cheveux devant son visage. Ils étaient mouillés et de délicates perles s'en échappaient pour venir toucher les tatouages du haut de son torse qui lui n'avait rien de délicat. Le contraste était assez prenant, mais personne n'était là pour en faire la constatation.

L'eau de la baignoire était devenue froide. C'était une cuve de porcelaine qui avait dû un jour être immaculée, que l'on devait remplir avec de l'eau venant du puits, avant de la chauffer dans une casserole sur le feu. Ça allait rapidement l'énerver, dans sa maison à Kyoto, il avait l'eau courante. C'était quelque chose de riches, l'eau courante. Il en était un, depuis quelques années maintenant. Se trouver avec des commodités de pauvre ne lui avait pas manqué.

En même temps, à quoi s'attendait-il de la petite maison qu'il allait pouvoir habiter dans un coin pauvre de Corée. Il n'était pas dans la capitale et uniquement entouré de paysans.

Il sortit de l'eau, complètement nu, son corps dégageant quelque chose de majestueux. Agrippant un linge de sa poigne robuste, il frotta son corps et ses cheveux énergiquement. Le sol était trempé. Heureusement pour lui la salle de bain était munie d'un sol carrelé; Seule chose qui était plutôt réussie dans cette petite maison. Bien plus petite que la sienne d'ailleurs, bien qu'ayant un toit incurvé traditionnel également. Elle était si petite qu'elle ne faisait même pas deux ailes, juste une, qui paraissait perdue au milieu du camp déjà partiellement plein. Il était un peu derrière en fait, mais depuis la fenêtre de sa chambre pour le moment qu'il resterait là, il voyait les quelques bâtisses vétustes en bois s'enrouler vicieusement comme des serpents autour de la cour. Celle où il avait rencontré le capitaine et ses hommes.

Dans quelques heures il allait se rendre dans le centre ville, à la place où on avait appelé les jeunes de la campagne à venir. On leur avait promis des emplois dans une usine d'armement. Ils l'avaient compris, puisque tous maîtrisaient depuis le temps un minimum de japonais.

Jungkook s'était d'abord demandé où se trouvait son travail après avoir choisi les personnes qui allaient devenir femmes de réconfort... et un garçon aussi, il ne fallait pas oublier ce détail. Si les yakuzas faisaient cela, c'était d'une part parce qu'ils n'avaient aucun scrupule à gâcher la vie de centaines d'âmes innocentes et qu'ils possédaient à l'instar de la Kempetai une confiance et une dévotion sans failles à l'empire, et d'autre part parce que si les kempetais venaient d'eux mêmes chercher des gens de force, leur image allait se dégrader. Il ne fallait tout de même pas risquer une rébellion.

Ensuite, le devoir des yakuzas était de veiller, du moins au début, au bon fonctionnement des "stations de confort" où se trouvaient les femmes de réconfort fraîchement choisies, éviter les mouvements rebelles encore une fois, mais aussi vérifier que les kempetais suivaient bien les règles. Parce qu'il y avait des règles. Et de ce que le chef de clan lui avait dit, les policiers avaient tendance à ne pas respecter les règles, or le vieux yakuza aux allures de sage haïssait le manquement aux règles. Elles étaient là pour ne pas tuer inutilement, il était énervant de risquer une fois encore des soulèvements des familles.

Si il avait été envoyé lui, c'était d'une part parce qu'il était bon, assez haut placé malgré tout, coréen, mais surtout parce que tous les autres plus haut étaient appelés pour faire la même chose en Mandchourie, le territoire anciennement chinois que l'empire venait d'annexer. Cela demandait beaucoup de travail; la création d'une station de confort n'était jamais simple. Les paysans vivant aux alentours de Daegu semblaient particulièrement hargneux et déterminés, ce qui avait poussé les Kempetais à demander l'aide de l'organisation japonaise: les enlèvements n'étaient pas possibles ici.

En pensant à tout ça, Jungkook s'était préparé et il était fin prêt à se rendre dans le centre ville. Il avait en tête un chiffre, quinze. C'était le nombre de jeunes gens qu'il devait choisir. Il mangea rapidement, gardant le soleil en vue, son zénith servant d'horloge. Ah, Midi. Il était l'heure de partir. Taïga l'attendait en voiture dehors, bien que le chemin fusse faisable à pieds. Il ouvrit la porte, cigarette au bec comme à son habitude, entra dans l'habitacle de la bâtisse de fer noircie sous la carrosserie luisante et neuve qui la couvrait de son opacité. Des fumerolles noirâtres se développèrent dans l'espace exigu et Taïga eut un petit toussotement, peu accoutumé encore à l'odeur. Il était dans les rangs depuis quelques mois seulement, lui. Japonais pure souche. Son frère était à l'arrière, Kakeru. Il était le même, mais en plus petit et légèrement plus trapu. Lui n'était aucunement dérangé par la fumée qui s'infiltrait hargneusement dans ses cheveux particulièrement courts.

Ils y étaient enfin. Il y avait du monde, le soleil tapait violemment sur la place comme s'il avait voulu brûler les jeunes gens qui étaient sur les pavés clairs avant qu'ils ne découvrent l'enfer. Ça faisait assez infernal comme ambiance, et cela plu à Jungkook qui sentait la bonne journée pointer le bout de son nez...Enfin, bonne après-midi plutôt.

Ils étaient en ligne et puaient la gentillesse et la motivation. Jungkook ne s'adressa à eux qu'en coréen tout le long du processus de choix, ce qui les perturba.

Il s'approcha d'abord d'une jeune fille avec les cheveux légèrement moins noirs que les autres, élancée, avec des petites fossettes. Elle faisait innocente.

<<Toi. C'est quoi ton nom ?>>

Il refit la même chose avec treize autres jeunes filles, muni de son flaire de prédateur, même flaire que lorsqu'il remarquait une femme en particulier dans la rue. Elles lui couraient presque après parfois, ça en devenait lassant. Il fallait dire que Jungkook plaisait bien. D'un regard purement objectif, il était beau, très beau même.

C'est ce que c'était dit un petit brun, légèrement en retrait derrière les autres. Seule sa crinière aux boucles défaites faisait remarquer sa présence derrière les nombreux corps présents devant le sien. Sa chemise descendait un peu trop au niveau de ses épaules ainsi que de ses clavicules. Celles-ci se voyaient d'ailleurs encore plus qu'avant sous l'effet de la sueur qu'avait fait perler la chaleur qui embrasait le lieu.

C'est alors qu'au bout de quelques minutes, les deux pupilles sombres et profondes de l'homme en costume se plongèrent de manière peu discrète dans celles pétillantes et peureuses du noiraud. Elles y restèrent longtemps, plongées l'unes dans l'autres sans dire un mot.

Muni de son fameux rictus dont on ne pouvait réellement déchiffrer le sens, Jungkook finit par murmurer la fameuse question au garçon, brisant le silence pesant qui s'était doucement installé sur la place.

<<Ton nom ?>>

Après lui avoir discrètement soufflé la réponse, l'homme à la chevelure de jais tendit sa main veineuse à Taehyung qui s'empressa de la prendre, comme ayant peur de se faire frapper ou bien même gronder de par son manque de réactivité. Il le dirigea ensuite vers les quatorze jeunes filles déjà choisies, toutes souriantes. Elles devaient faire bonne impression, c'était pour leurs familles. Toutes étaient dans le même cas que Taehyung, travailler pour le pays qui osait pratiquement les réduire à l'état d'animaux de compagnie dans leur pays ne plaisait à personne.

Si seulement elles savaient à quel point c'était pire que ça.

<<Le seul garçon hm..., dit une d'elles en voyant Taehyung se joindre aux quatorze jeunes filles après avoir lâché la main du ténébreux, un de ses sourcils formant un arc de cercle, Il a vraiment dû déceler quelque chose d'incroyable en toi...

Cette fille, elle avait des questions, tellement de questions. Elle avait senti quelque chose dans l'air, une chose mauvaise, une chose qui était étrange, qui n'aurait pas dû se produire dans la recherche d'employés.

-J-je sais pas..., murmura doucement Taehyung, ne pensant pas être capable de bégayer d'une telle façon devant des inconnus.

Après tout elles avaient raison, pourquoi était-il le seul homme présent ?
Les pensées fusaient dans son crâne, sous les mèches bouclées qui commençaient sérieusement à brûler son cuir chevelu. Taehyung se concentrait sur les sensations, sur les quelques légères brises qui arrivaient doucement à atteindre la peau de sa nuque, à moins qu'elles ne furent que des mirages. Il analysait. Il avait vu, en prenant la main du noiraud, ce grand homme aux épaules si larges qu'il avait réussi à lui cacher le soleil en s'approchant, un dessin noir dépasser de sa manche. Il ne savait pas ce que cela voulait dire. Peut-être était-ce une mode, chez les ouvriers. Il avait lu dans un livre appartenant à son grand-père que dans certains pays, les marins se faisaient un tatouage d'ancre de bateau sur le bras.

-On va y aller, prévint Jungkook d'un ton grave et autoritaire aux élus avant de se retourner vers le reste des personnes présentes, Vous pouvez disposer, le rassemblement est terminé.

Tous partirent, abattu; Ils n'allaient pas pouvoir honorer la chance que leurs familles voulaient qu'ils saisissent. De l'autre côté, le bouclé triturait la lisière de sa chemise, plus stressé que jamais. L'homme lui faisait peur, une aura qu'il ne saurait décrire dégageait de son être. Cette aura ne lui plaisait pas, pas du tout même. Elle avait quelque chose de malsain, quelque chose de méprisable et de fourbe qui lui donnait envie de s'éloigner de lui le plus rapidement possible. C'était grand, c'était colossal, ça faisait pulser le sang dans ses veines et mettait ses sens à l'affût, comme une proie qui voulait se protéger avec ses sens de son prédateur.

Se sentant observé, il fit doucement pivoter son regard vers celui noir du noiraud, son visage pâlissant à vue d'œil suite à ce contact plus que terrifiant. Qu'avait-il à la fin ? Avait-il envie de le tuer ?

-Suivez la. La voiture. >>, finit-il par ordonner aux jeunes filles et à Taehyung, ses orbes étant toujours plongés dans les siens.

Le yakuza brisa le contact en lui tournant le dos, entamant sa marche vers la bête de fer sous l'incompréhension du garçon et des autres filles. Tous finirent tout de même par le suivre et tout cela sans un bruit, légèrement dérangés par l'idée que lui était à l'abri dans un habitacle dans lequel le soleil ne passait pas alors qu'ils devaient encore braver le danger que représentaient les rayons bien trop violents du soleil.

Les filles se dirigeant sans crainte particulière vers les portes de l'Enfer, espérant au moins, en trahissant leur pays natal, obtenir de l'argent pour monter les échelons.

Taehyung, lui, réfléchissait à ce qu'il s'apprêtait à devenir, ses yeux noisette dirigés vers la nuque de son bourreau.

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