C H A P I T R E - S E P T
Ma mère est bouche-bée, ses yeux sortent de leurs orbites. Une main vient recouvrir sa bouche alors qu'elle émet un hoquet de surprise. Prise au dépourvu, je me dégage vivement de l'emprise d'Adam qui se contente de se gratter la nuque, gêné.
Toujours sous le choc, ma génitrice nous regarde tour à tour, n'ayant aucune réaction.
Bon sang ! Pourquoi je me retrouve tout le temps dans des situations aussi loufoques ?
« Alors... Vous êtes en couple ?
— Non ! m'exclamé-je, un peu trop rapidement. »
Ma mère m'observe encore plus étrangement qu'elle ne le faisait déjà. Je me suis une fois de plus mise dans un sacré pétrin. Et puis, il faut dire que n'importe quelle personne qui serait entrée à ce moment aussi intime aurait pensé la même chose.
J'ose enfin poser mes yeux sur le brun qui ne sait plus où se mettre. Il a les lèvres pincées et les joues rosies. Même comme ça, il est atrocement mignon.
« Vous n'avez rien vu, n'est-ce pas ? demande-t-il, au bout de secondes qui paraissent être des heures.
— Non... Non, c'est déjà oublié, fait ma mère, en balayant l'air d'un revers de la main. »
Un soupir de soulagement s'échappe malencontreusement de ma bouche. J'espère qu'elle ne fera pas de remarques sur ce qu'elle a pu voir durant le repas. Deux paires de yeux se braquent sur moi, je souris timidement. Il faut que je sorte de cette pièce sous tension. De l'air me fera le plus grand bien.
« Où vas-tu, ma puce ? m'interpelle ma mère, alors que je quitte la cuisine.
— Je dois passer un coup de fil, marmonné-je. »
En moins de deux, je me retrouve dehors, dans la pénombre. Seules les petites lanternes du porche éclairent l'horizon.
J'inspire profondément, que vient-il de se passer ?
Adam n'a jamais été aussi entreprenant qu'aujourd'hui. Je pensais ne représenter que la sœur de son meilleur ami, celle qui n'arrive aucunement à la cheville de toutes les nanas qu'il fréquente. Pourtant, tout à l'heure, lorsqu'il m'a regardée de ses yeux chocolat, j'y ai vu une lueur différente. Comme si j'étais désirable. Comme s'il me considérait comme une vraie femme et non la gamine de douze ans de l'époque. C'était assez déstabilisant. Je me suis sentie à ma place, dans ses bras réconfortants.
Je délire.
De la buée sort par ma bouche et je grelotte. J'observe le ciel, cherchant mon étoile.
Je m'assois sur les marches de l'entrée et referme mon manteau sur moi. Il fait un froid de canard !
Mon téléphone en main, je pianote un message à Jon :
Tu fais quoi ?
Sa réponse ne tarde pas à arriver, je suis sûre qu'il est lui aussi dehors.
Je regarde les étoiles. Heather est vraiment belle, ce soir. Et toi ?
Un sourire triste vient peindre mon visage rosi par le froid.
Moi aussi. Elle me manque terriblement, Jon.
Je range mon cellulaire à sa place initiale lorsque j'entends la porte s'ouvrir dans mon dos.
« Alors, comme ça, tu devais passer un coup de fil ?
— Plus ou moins.
— T'es nulle pour mentir.
— Hé ! pesté-je, en le frappant. Je ne mens pas.
— Tu n'as pas l'air de téléphoner pourtant.
— Tu sais que les messages existent ?
— Touché. »
Le bouclé en profite pour s'installer à mes côtés. Je me décale, sa chaleur corporelle m'électrise et me donne la chair de poule. Tout ça n'est pas normal. Je répète, ce n'est absolument pas une réaction que je devrais avoir.
« Tu penses à quoi ?
— À nous, lâché-je, sans le vouloir.
— Nous ?
— Oui. Je ne comprends pas pourquoi nous avons agi de cette façon. La scène, dans la cuisine, était inappropriée.
— Tu regrettes ? questionne-t-il, avec un ton de reproche. »
Est-ce que je le regrette vraiment ? J'en sais fichtrement rien. Au fond de moi, une petite voix crie qu'il faut que je m'éloigne de lui. De toute façon, tous les mecs sont les mêmes. Et Adam est tellement intéressant, tellement beau, tellement tout, qu'il ne pourra jamais être intrigué par quelqu'un comme moi. Après tout, il peut avoir Molly et plein d'autres nanas aussi fantastiques qu'elle. Pourquoi s'embêterait-il avec une fille aussi problématique ?
Mais, d'un autre côté, j'aimerais pouvoir me jeter à corps perdu sur lui et le couvrir de baisers. J'aimerais d'ailleurs sentir les siens parcourir ma peau nue et embraser chaque parcelle qu'il touchera.
Je suis perdue. Troublée. Corrompue.
« Je sais pas. »
Il soupire et commence à jouer avec ses mains. Mon regard se porte une fois de plus vers le ciel. Heather doit me maudire de là-haut. Ouais, elle doit être en train de prévoir un plan machiavélique afin de m'envoyer des signaux.
Heather m'a toujours aidée amoureusement parlant. Je ne sais absolument pas gérer toutes ces émotions et avouer ce qu'on appelle des sentiments. Elle était en quelque sorte ma psychologue personnelle, me remettant toujours sur le droit chemin lorsque je commençais à dérailler. Nous nous sommes beaucoup disputées à ce propos, mais nous ne pouvions pas faire l'une sans l'autre. De toute façon, nous étions les deux blondes inséparables.
Je n'aime pas parler d'elle au passé. De douloureux souvenirs me reviennent en mémoire, me foutant le cafard. Si seulement je pouvais remonter le temps...
« Tu m'écoutes ? »
La voix de mon voisin me parvient aux oreilles et me sort par la même occasion de mes pensées funestes.
« Non, désolée... Tu disais ?
— Tu es compliquée. Un jour, tu me dis que tu rêverais de m'embrasser et que je t'appartienne pour le reste de ta vie. Et puis, aujourd'hui, tu me repousses. Tu peux m'expliquer ? »
Je n'ai pas osé lui dire tout ça quand même ? Bordel ! Je suis irrécupérable !
« Je... je ne sais pas quoi dire. C'était sur le coup de l'alcool, je ne suis pas très lucide dans ces cas-là. »
Son regard d'habitude chaud se glace instantanément. Pourquoi lui dis-je des trucs pareils ?
« Donc, tu t'en fous ?
— Je n'ai pas dit ça, Adam, soufflé-je.
— Pourtant, c'est ce que tu laisses sous-entendre. »
Il se lève, prêt à rebrousser chemin. Je dois faire quelque chose, il ne comprend pas.
« Attends ! »
Son corps pivote vers moi et nos regards s'accrochent. Il est énervé. Sa cage thoracique monte et descend rapidement, de la fumée sortirait presque de ses oreilles.
« On devrait rentrer, lâche-t-il, sèchement. »
Puis, il disparaît à l'intérieur de la maison.
Quelle conne !
Je suis ses pas, ne voulant pas éveiller les soupçons. Déjà que ma mère nous a surpris, il ne manquerait plus que mon père se fasse des films.
Je regagne la pièce où mes parents et Adam sont installés. Ma mère est en train de servir les différents mets dans les assiettes, sous le regard bienveillant de mon géniteur.
Papa a toujours été admiratif envers sa femme. Il l'a toujours portée sur un piédestal, quoiqu'il ait pu se passer. Pourtant, maman a un sale caractère, et lui a donné du fil à retordre. Comme quoi, l'amour triomphe toujours.
Je prends place en face du brun qui ne m'adresse aucun regard. Ce repas va être long, très long.
×××
« C'est vraiment délicieux, dit Adam en buvant son verre d'eau.
— Ravie que mes plats te plaisent toujours. »
Ma mère sourit adorablement au bouclé en face de moi. J'ai évité de lui lancer des coups d'œil durant toute la soirée, mal à l'aise. Je comprends parfaitement le fait qu'il soit en colère, bien que je n'assimile pas encore tout dans mon petit cerveau.
Adam a toujours été quelqu'un de très rancunier ; je doute qu'il veuille m'adresser la parole de si tôt. C'est un peu pour cela que j'essaie de calmer le jeu en me faisant la plus petite possible, quitte à m'effacer totalement.
« Ça va, mon ange ? Tu n'as pas prononcé un seul mot de la soirée. »
À l'aide de la feuille d'essuie-tout, je tamponne les contours de ma bouche.
« Oui, tout va bien, maman.
— Tu m'aides à apporter le dessert ? »
Je ne fais que hocher la tête, peu convaincue à l'idée de me retrouver seule avec ma mère. Je suis certaine que j'aurais affaire à ses questionnements auxquels je ne saurais répondre.
« Tiens, prends ça, dit-elle en me tendant des verrines. »
Je les prends deux par deux, essayant de ne pas en faire tomber une. Maladroite comme je suis, ce serait fort probable que l'une d'entre elle éclate sur le sol.
Alors que je m'apprête à rejoindre les hommes dans la salle à manger, ma mère m'interpelle. C'est parti pour l'interrogatoire, chouette !
« Dis, il se passe quoi entre Adam et toi ?
— Rien de spécial.
— Arrête, je n'ai pas imaginé la scène dans la cuisine. Vous voulez garder une relation cachée ?
— Tu ne l'as pas inventée, certes. Mais, c'était une grossière erreur. Cela ne se reproduira plus.
— Si tu le dis, répond-elle en levant les yeux au ciel. »
Je souffle. Peu importe ce qu'il se passe entre nous, dès mon départ, je partirais aux oubliettes et nous ne nous reparlerons uniquement au mariage de mon aîné.
Nous rejoignons mon père et Adam qui parlent de voitures, c'est évident. Je dépose rapidement les tiramisus sur la table. Les prunelles d'Adam me fixent et je baisse la tête. Cette situation commence à devenir pesante.
« Tu restes dormir à la maison ?
— Non, je vais rentrer.
— Tu as bu, c'est pas raisonnable, déclare Adam.
— Et ? Je m'en contrecarre de tes remarques, monsieur Parfait.
— Ellie ! rouspète ma mère.
— Quoi ? beuglé-je. »
J'avale d'une traite mon verre d'eau. Son stupide commentaire vient de plomber l'ambiance. Il m'a clairement coupé l'appétit. Irritée, je me lève de table, emportant mon assiette ainsi que mes couverts.
« J'ai dit quelque chose de mal ? entends-je dans mon dos. »
Il est idiot ou il le fait exprès ? Ma mère le rassure en disant que cela doit sûrement être la fatigue causée par mon travail. De toute façon, lorsqu'il y a un quelconque conflit, c'est parce que je travaille trop. Ils ne comprennent toujours pas que moi aussi, je peux être parfois de mauvaise humeur ou en avoir tout simplement marre. Ma vie n'est pas aussi rose qu'on peut le prétendre dans les journaux, c'est juste une couverture que je m'inflige. Tous ces gens qui me photographient en plein showroom ne connaissent pas la vraie Ellie, la fille caractérielle.
Je range chaque ustensile dans le lave-vaisselle et fais malencontreusement tomber l'assiette qui s'éclate sur le marbre.
« Fais chier ! »
Mon père accourt dans la cuisine et se précipite vers moi lorsqu'il voit les dégâts que j'ai causé.
« Laisse, ma puce. Je vais m'en occuper. »
Je m'exécute, m'appuyant sur le bord de l'îlot central. Machinalement, je passe mes mains sur mon visage tout en soufflant. Vivement que je me couche ! Je suis à bout de nerfs : cette soirée n'est décidément pas la mienne.
Mon géniteur me regarde avec insistance et je souffle. Je suis bien loin d'être couchée.
« Crache le morceau.
— Que se passe-t-il entre vous deux ?
— Rien, il n'y a absolument rien.
— Ellie, tu sais très bien que je ne suis pas dupe. J'ai bien remarqué votre comportement.
— Papa, commencé-je, tout va bien. C'est juste que je suis un peu à cran ces derniers temps, mais ça passera.
— Tu me dirais s'il se passe quelque chose, n'est-ce pas ?
— Bien sûr, fis-je en le serrant dans mes bras. »
Il frotte vigoureusement mon dos de bas en haut et je laisse tomber ma tête sur son épaule. Mes yeux se ferment doucement, je savoure cette étreinte. Je ne veux plus partir, ils vont terriblement me manquer.
Alors, vous avez aimé ?
Des petits conseils à me donner pour la suite ?
Merci à tous, vos commentaires même les plus simples me font très plaisir !
Sur ce, je vous souhaite un agréable Noël et je vous dis à dimanche pour la suite 🍒
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