C H A P I T R E - H U I T
C'est avec beaucoup de mal que je me réveille ce matin. La veille, nous nous sommes couchés relativement tard à cause de la visite d'Adam. J'aurais préféré rester seule que de devoir le supporter toute la soirée. Bien que j'étais plutôt enthousiaste à l'idée de le revoir au début, la fin a été catastrophique.
Ma mère, bonne femme qu'elle est, n'a pas voulu que le don Juan conduise dans un noir aussi intense. Elle lui a donc imposé de rester dormir ici, bien évidemment. Et pour couronner le tout, mes parents n'ont pas voulu que je prenne la route après m'être enfilée une bouteille de champagne seule et quelques extras.
L'alcool est sûrement l'un des plus gros problèmes que je possède. Je ne suis pas alcoolique, enfin je ne me considère pas comme tel. Toutes les substances que j'ingurgite sont comme une drogue, drogue qui m'aide à panser mes blessures. Chacun a sa propre manière pour oublier la douleur ; je n'ai peut-être pas la bonne, certes, mais ça me permet de taire toutes les petites personnes nocives au fond de moi.
Pour revenir à Adam, il pionce dans la chambre accolée à la mienne, pour mon plus grand bonheur. Parfois, je me demande ce qui leur passe par la tête.
Élégamment, je sors les doigts de pieds de la couette afin de tâter la température. Je déteste poser ne serait-ce qu'un orteil sur une surface aussi froide qu'un glaçon. Heureusement pour moi, le sol semble être chauffé. Je suis joie.
Je saisis mon cellulaire du bout des doigts, puis sors de mon lit si douillet. La chaleur qui m'habitait il y a quelques secondes semble déjà s'envoler. Un frisson me parcoure l'échine et je maudis intérieurement cette saison.
L'hiver n'est définitivement pas fait pour moi. Je suis une fille qui adore le soleil. La sensation de chaleur sur la peau, le teint hâlé, les cheveux plus clairs, le sable, la mer... Argh, j'aimerais tellement être en été !
Mon téléphone vibre dans le creux de ma main et mon regard se pose sur celui-ci.
Un nouveau message. Qui cela peut-il bien être ?
Mes yeux détaillent à vitesse grand V le destinataire ainsi que son contenu. Jon m'a envoyé sa jolie face en pièce jointe et une invitation à déjeuner y est glissée.
Ce jeune homme est vraiment ingénieux. Le sourire aux lèvres, je pianote rapidement que je suis d'accord. Revoir Jon est tout ce dont j'ai besoin en ce moment. Il va me permettre d'éviter de penser au grand bouclé, et j'ai hâte.
Rapidement, je jette mon gadget sur mon lit et cours aux toilettes. Après ma commission faite, je prends quelques affaires qui traînent dans mon ancienne armoire et file à la salle de bain. Jon ne va sûrement pas tarder à arriver, le connaissant.
Sur le chemin, je croise un Adam encore endormi, les cheveux en pagaille et la trace de l'oreiller sur la joue. Oui, j'ai eu le temps de le détailler en l'espace de quelques secondes.
Encore agacée de la veille, je fais mine de ne pas l'avoir vu et passe devant lui en trottinant. Manque de bol, sa main chaude s'enroule parfaitement autour de mon frêle poignet, me coupant dans ma lancée.
« Un problème ? demandé-je, en me retournant. »
Ses yeux parcourent l'intégralité de mon corps, si bien que j'ai l'impression de n'être qu'en petite tenue. Il sourit vaguement en remarquant mon bas de pyjama à l'imprimé ourson.
« Bon, tu accouches ?
— On peut parler ? dit-il, en lâchant ma main. »
Dommage, cette sensation était plutôt agréable... J'aurais préféré que ça dure un peu plus longtemps. Enfin, qu'importe.
« On est déjà en train de le faire, lâché-je, cinglante. »
Il ne peut s'empêcher de lever les yeux au ciel, ce qui amplifie mon agacement. Cet homme est des plus exécrables.
« Je veux dire, parler de ce qu'il s'est passé hier.
— Et il s'est passé quoi ?
— Tu sais que t'es chiante quand tu t'y mets ? souffle-t-il.
— C'est toi qui parles, renchéris-je.
— Pourquoi il faut toujours que tu sois agressive ?
— Pardon ? Moi ? Agressive ? Tu te fous de moi ? C'est toi qui cherches tout le temps la petite bête, alors faut pas que tu t'étonnes lorsque tu la trouves !
— Non mais je rêve... »
La colère monte petit à petit en moi, réchauffant chaque partie de mon corps. Je suis sûre que je dois avoir les pommettes rouges, rouges d'irritation. Le pire dans tout ça c'est qu'il a réussi à me mettre de mauvaise humeur alors que je m'étais levée plus ou moins du bon pied.
Excédée, je lui tourne le dos : il n'en vaut pas la peine. Pourtant, il semble sincèrement vouloir que l'on discute. En effet, sa voix se fait plus forte derrière moi, me poussant à me retourner une fois de plus.
« On en n'a pas fini, Ellie.
— J'ai pas le temps de me disputer avec toi, j'en ai ma claque. »
Puis, je me dirige vers la salle de bain à grandes foulées. On peut dire que je ne m'attendais pas à cette confrontation de si bon matin. Je n'arrive pas à cerner le Adam d'aujourd'hui ; il est si contradictoire.
D'un geste habile, j'envoie valser mon pyjama ainsi que mon sous-vêtement dans la pièce décorée de marbre brun. Sans perdre une minute de plus, je plonge sous la douche aussi chaude que la braise. Que ça fait du bien !
Trois coups se font entendre contre le bois de la porte, me faisant sursauter.
« Qui est-ce ?
— L'homme le plus fabuleux que tu ne connaisses. »
Je lève les yeux au ciel, puis sors rapidement afin de m'enrouler dans une serviette. Après avoir vérifié dans le grand miroir d'époque que tout est bon, je lui ouvre.
Mes yeux s'ancrent aux siens et il me prend dans ses bras, m'offrant une étreinte chaleureuse. Heureusement que j'ai bien coincé le bout de tissu sous mon aisselle.
« Quand seras-tu à l'heure ? dit-il en détaillant ma petite tenue.
— Jon, soufflé-je. Ce n'est absolument pas de ma faute, et puis tu n'as rien dit ! rouspété-je. »
Un sourire malicieux prend possession de ses lèvres et il s'avance dangereusement vers moi. Non mais je rêve !
« Hep ! Sors de là ! Je vois très bien ce que tu veux faire, le réprimandé-je en souriant légèrement.
— Je suis innocent ! répond-il tout en reculant. »
Un rire m'échappe, puis je referme la porte. Jon est extrêmement taquin, il n'est jamais bien sérieux. C'est peut-être ce que j'aime le plus chez lui ; c'est aussi sûrement le fait que je me sente à l'aise en sa compagnie.
C'est dingue comme en l'espace de quelques instants, il est parvenu à me faire oublier ma querelle avec le bouclé. Il doit être magicien, à ses heures perdues.
Ne voulant pas faire attendre le bel asiatique, je me dépêche de revêtir mon jean ainsi que mon gros sweater. Pour une styliste, j'adopte tous les styles possibles et inimaginables. J'adore créer différents looks à partir d'habits simples. D'ailleurs, j'ai repéré de nombreuses choses sur le net ; j'espère sincèrement retrouver ces pièces en boutique.
Mes cheveux sont enroulés en un chignon serré sur le haut de mon crâne et des fines créoles pendent à mes oreilles. D'un geste précis, j'applique du mascara sur mes cils ainsi qu'un rouge très pétant sur mes lèvres. Je me plais plutôt bien. On dira que c'est simple et efficace.
« La bombasse est de sortie ! m'exclamé-je en sortant. »
Jon m'observe de la tête aux pieds, analysant chaque recoin de ma silhouette. Qu'il ne se gêne pas surtout !
« Hum, je préférais la serviette, fit-il le doigt sur le menton. »
Je ne peux m'empêcher de lâcher un rire et de lui donner une tape sur le bras.
« T'es bête ! »
Il sourit doucement, faisant ressortir ses deux jolies fossettes. Mon ami me prend par l'épaule et j'entoure sa taille de mon bras. Nous descendons ainsi les escaliers, puis nous sortons de la maison.
« Tu m'avais vraiment manqué, Ellie. »
Pour toute réponse, je me serre davantage à lui. Bon, c'est aussi parce qu'il fait atrocement froid et que nous avons décidé d'aller dans un café à pieds. J'en suis ravie !
Au bout d'une dizaine de minutes, nous arrivons devant une petite enseigne très mignonne. Nous nous y sommes souvent rendus lorsque nous étions un peu plus jeunes. Elle n'a absolument pas changé : le même bois vieilli, les plantes suspendues, les lettres peintes de différentes couleurs, des tables hautes habillées avec des tabourets vintage. Ça n'a pas bougé d'un poil, si ce n'est seulement que le propriétaire semble être différent.
« Comme avant, chuchote Jon sous mes yeux émerveillés. »
Il embrasse mon cuir chevelu ; je me sens bien. Finalement, ma place est peut-être ici, auprès des miens.
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