C H A P I T R E - D E U X

« Je dérange ? demandé-je innocemment.

— Bien sûr que non ! Nous étions seulement en train de faire connaissance, se contente-t-il de répondre.

— Je vois. »

Molly continue d'attirer l'attention sur elle, et le bouclé boit ses paroles. Elle m'énerve. Nous étions censés nous retrouver et passer une bonne soirée, et voilà que mademoiselle me met des bâtons dans les roues. J'ai l'impression qu'elle a toujours besoin d'être meilleure que moi, et ce pour tout. Petite déjà, elle n'arrêtait pas de se mettre en avant afin que tout le monde soit avec elle. Je n'ai jamais compris sa soif de puissance, et je me suis toujours laissée faire, m'isolant du reste de ma famille. Le seul qui ne m'a jamais déçue est mon cousin, Mike. D'ailleurs, ces deux-là sont frères et sœurs et pourtant ils ne se ressemblent aucunement.

Le rire d'Adam retentit une fois de plus à mes oreilles, il a l'air de bien se marrer. Énervée d'être mise ainsi de côté, je lance :

« Bon, je vous laisse. Au plaisir ! »

Puis, je quitte la chaise, n'oubliant pas de prendre mon précieux. Rapidement, je disparais de leur champ de vision à la vitesse de l'éclair.

La maison de mon aîné est assez grande et regorge de coins plutôt à l'abri des regards, je vais pouvoir trouver mon bonheur. Je suis fatiguée et exaspérée. Il était temps pour moi de quitter cette pièce où l'ennui commençait peu à peu à gagner mon être.

Les couloirs n'en finissent plus, je me croirais presque dans un labyrinthe, au bout duquel se trouverait une pauvre lueur blanchâtre, censée m'aider à m'échapper. Ouais, je suis bizarre comme meuf.

Au bout de quelques minutes de marche, je me retrouve devant la grande baie vitrée de la salle de jeu de ma nièce, Ivy. Celle-ci donne sur le jardin, décoré de jouets pour enfants. Chouette.

Bien que j'aime Ivy, plus que tout, je ne supporte pas les gosses. Comme on dit, on supporte les siens mais pas ceux des autres, et bien, c'est un peu le même principe. Dès que je croise un petit être dans la rue, en train de hurler la mort, ça m'énerve. Je ne sais pas comment font ces parents, pour ne pas leur mettre des gifles à tout bout de champ. En clair, les enfants ne sont pas compatibles avec moi.

Ayant le besoin d'aérer mon esprit, je glisse la fenêtre et sors. Le vent glacial me frappe de plein fouet, me faisant regretter de ne pas avoir pris mon manteau. Or, ce n'est pas cela qui m'arrête. Avec l'alcool, je serai bien vite réchauffée.

Un grand arbre, dénudé de ses feuilles, se dresse dans le fond du jardin. Un petit banc est installé en-dessous de celui-ci. C'est l'endroit parfait.

Mes pieds nus s'enfoncent dans l'herbe mouillée et me guident jusqu'à l'havre de paix. Lourdement, je tombe sur l'assise qui craque sous mon poids. Il doit être vieux comme Hérode.

Pressée, j'ouvre le bouchon de la bouteille et vide le liquide incolore dans mon verre. J'enfile les shots, l'alcool coulant à flot dans mes veines. Ma gorge me brûle, mais je suis bien. Cela fait son effet et c'est tout ce qui compte.

Euphorique, je me lève et danse en tournant. Ma robe virevolte, dévoilant plus de peau qu'il n'en faudrait. À cet instant, je m'en fiche. Et puis, de toute façon, il n'y a personne pour me voir.

Un rire s'échappe du plus profond de moi-même, je m'éclate. J'adore ces moments de déconnexion totale. Lorsque je suis sous l'emprise d'alcool, tout me paraît plus beau, plus joyeux, plus gai. J'oublie les tracas de ma vie quotidienne et bon Dieu, ce que ça fait du bien, de déconner.

Épuisée, je m'allonge sur le sol et observe le ciel. En cette nuit hivernale, les étoiles brillent. Enormément. Parmi celles-ci, je crois discerner Heather, mon astre. Alors, je commence à lui parler. Je suis sûre qu'elle m'entend de là où elle est. 

« Coucou Heather, c'est moi, Ellie. Tu sais, ta meilleure amie et confidente. Pff, arrête de faire l'innocente, je sais très bien que tu me reconnais. On ne peut pas oublier toutes ces années, hein ? En tout cas, pour ma part, je ne t'oublie pas. Comment oublier une beauté pareille ? Tes longs cheveux couleur sable, tes yeux gris, ton nez aquilin, tes petites tâches de rousseur... T'étais sacrément belle, une vraie bombasse. J'm'en rappelle, lorsqu'on sortait en boîte, illégalement bien sûr, tous les gars en chien se retournaient sur ton passage. Et ça t'amusait, tu te moquais ouvertement de leur gueule d'ange. Mon ange... »

Mes yeux s'humidifient et des perles salées coulent le long de mes joues, pour atterrir sur ma robe. Elles roulent, abondamment, montrant toute ma peine.

« Tu me manques, terriblement. Ça fait quoi, deux ans ? Et pourtant, je n'arrive toujours pas à faire mon deuil. T'étais si importante pour moi, reniflé-je. Je sais, tu ne veux pas que je pleure, mais j'y arrive pas. J'ai essayé, hein, tu ne pourras pas m'en vouloir. Tu me pardonnes ? Je suis qu'une idiote. Je te parle comme si tu étais là, comme une folle. Pourtant, je n'ai pas l'air d'une folle. Enfin, peut-être, je sais plus. J'espère que, de là-haut, tu es fière de moi. Bon, je sais que tu me détestes, parfois, je te connais. Mais, ce n'est pas de ma faute. J'aime Alessandro, enfin, je crois. En fait, je l'aime autant que je le hais. C'est de l'amour ça ? J'en sais fichtrement rien. Après, j'ai revu Adam. Ce soir. Il est devenu encore plus canon qu'avant, tu ne pourras pas le nier. Je suis sûre que tu le mates en cachette, coquine, ricané-je. Bref, c'était cool, sauf que j'ai tout gâché. Comme d'habitude. Franchement, je suis l'une des plus connes du monde entier. Même les gens autour de toi sont moins cons, j'en suis persuadée. J'aimerais tellement que tu sois avec moi, à m'aider dans mes choix, à m'épauler... Tu me manques un peu plus chaque seconde, de chaque minute, de chaque heure. Je t'aime, Heather, vers l'infini et l'au-delà. »

Ma main vient tout naturellement toucher le collier, autour de mon cou. Je l'apporte doucement à mes lèvres et l'embrasse. Ce pendentif lui appartenait. Elle me l'a remis avant de nous quitter. Mes pleurs reprennent de plus belle. Mon cœur est meurtri et je doute qu'il puisse être totalement réparé un jour.

Mes yeux se ferment et je reprends une gorgée de vodka. La bouteille se vide, au fur et à mesure.

Totalement stone, je ne remarque pas la silhouette qui s'assoit à côté de moi.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? »

La voix d'Adam me parvient aux oreilles et vibre en moi. Pourtant, j'ai l'impression qu'il est loin, très loin.

Difficilement, j'essaie de me mettre à sa hauteur, mais j'échoue, lamentablement. Ma tête retombe sur ses jambes, prise d'un fou rire.

Adam vient me relever pour m'aider à me mettre sous l'arbre. Je vacille dans tous les sens et je ne trouve rien d'autre à faire que rire. Lorsque je suis aussi pompette, je ne me contrôle pas. Et ça, je pense qu'Adam l'a remarqué.

« Tu n'as pas froid ?

— Non, j'ai chaud, réponds-je, essayant d'enlever ma robe de soirée.

— Arrête, Ellie ! m'empêche mon ami. »

Boudeuse, je m'exécute. Comme une gamine, je le fusille du regard. Adam lève les yeux au ciel, agacé par mon comportement.

« Tu bois souvent ?

— Tous les jours, ça compte ?

— Depuis quand ça dure ? demande-t-il, subitement inquiet. »

Je fais mine de réfléchir. Or, avec les pensées embuées, je ne parviens pas à être claire.

« J'en sais rien. Tu m'énerves ! m'emporté-je.

— Calme-toi, Ellie.

— Je ne veux pas te voir, fais-je, en cachant mes yeux.

— Pourquoi ? Je ne t'ai rien fait.

— Tu m'as abandonnée pour mon ennemie. »

Il souffle. Et oui, mon coco, c'est de ta faute si j'ai bu toute cette liqueur. Si tu avais été là, on l'aurait bu, ensemble.

« Admettons que ce soit de ma faute, ça n'empêche pas le fait que tu te bourres la gueule tous les jours.

— Tu peux pas comprendre, craqué-je.

— Si tu ne me dis rien, c'est sûr que je ne comprendrai jamais.

— Tu ne sais pas ce que ça fait de perdre quelqu'un ! crié-je.

— Qu'est-ce que tu en sais ?

— Tu n'as jamais été confronté à la mort, Adam. Jamais, sangloté-je. »

Putain. J'avais dit que je ne pleurerai plus. Désolée, Heather.

Adam encercle mon corps de ses bras. Il frotte doucement mon dos, de haut en bas, me donnant la chair de poule. Le digestif semble déjà me quitter. C'est trop tôt...

« Chut, je suis là. »

Je m'accroche à lui, telle une sangsue. C'est limite si je ne lui monte pas dessus. Enfin, passons.

« On va rentrer. Tu dois te reposer, chuchote-t-il, après m'avoir embrassé les cheveux. »

Avec prudence, il se lève et me tend sa main. Je l'attrape, le considérant comme mon seul remède. Adam, ne me lâche jamais, je t'en supplie.

Qu'en avez-vous pensé ? 🍒

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