𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 2

24 mai 2021,
Monaco

— Et là, il nous a dit qu'il l'avait déjà trouvée ! s'exclama la première femme, il semblerait, toujours autant sidérée par cette nouvelle.

— Comme ça, sans davantage d'explications ? s'étonna la deuxième, les yeux écarquillés par la surprise.

— Sans s'expliquer, il a juste... Lâché cette bombe. 

— C'est étonnant venant de ton fils.

— Je sais, oui. Je n'étais même pas au courant qu'il voyait quelqu'un à nouveau, je l'ai su hier avec le reste de la famille.

La troisième dame s'exprima enfin :

— C'est très étrange que Charles agisse ainsi, Pascale. D'habitude, il te raconte toujours tout.

— C'est exactement ce que je me suis dite, figure-toi. Quelque chose cloche dans cette histoire et j'ai du mal à comprendre ce que s'est.

Aussitôt, la conversation se retrouva recouverte par le son du broyeur de la machine à café, elle ne réussit pas à en entendre la suite. En temps normal, Amélie faisait toujours de son mieux pour ne pas prêter attention aux discussions des clients. Outre les conversation qu'ils choisissaient d'entretenir avec elle ou les rares moments où elle se devait d'intervenir pour désamorcer une situation houleuse entre individus, elle n'aimait pas se mêler à des affaires qui ne la concernaient pas. Elle n'appréciait pas être attentive à ce qui ne la regardait aucunement, voire de donner l'impression de s'en importer. S'il y avait bien une chose qu'elle détestait plus que tout c'était d'écouter les commérages. Après avoir vécu une bonne partie de son enfance avec une mère telle que la sienne qui lui saturait le crâne de toutes sortes d'histoires sur la vie de tout le monde, elle souhaitait rester aussi loin que possible de tous ragots. Et vu le nombre de personnes d'importances et de célébrités qui peuplaient ce pays, les bavardages fusaient malheureusement de partout.

Seulement aujourd'hui, alors qu'elle s'affairait à préparer des commandes, son attention ne cessait d'être happée par ce qu'elle entendait. La discussion à laquelle s'adonnait un petit groupe de dames, assises vers la baie vitrée au fond de la salle et seules clientes de ce matin, lui paraissait particulièrement fascinante, à tel point qu'elle s'était déjà blessée avec une tasse de café brûlant. Certes, les trois femmes ne se gênaient pas pour s'exprimer librement et à un volume relativement élevé pour des personnes qui racontaient des éléments intimes de leur vie, mais ce n'était pas, aux yeux de la jeune femme, une raison suffisante pour être aussi intriguée et distraite dans son travail. Elle peinait à comprendre ce qui l'attirait tant dans le fait de savoir que le fils de la blonde, sans que cette dernière ne le sache, s'était trouvé une nouvelle partenaire. La vie amoureuse de cet homme ne l'aurait pas intéressée en temps normal, elle ne le connaissait très certainement pas d'ailleurs. Alors pourquoi portait-elle autant d'attention à cette histoire ? Et pourquoi en venait-elle à vouloir en savoir davantage ?

Qu'est-ce qui tourne pas rond chez toi ?

Pour chercher à se distraire, Amélie enclencha une nouvelle fois la machine à café. Le bruit était efficace pour contrer les voix féminines et finalement, elle put se reconcentrer sur son travail et sur ses pensées, sans aucune distraction à portée de ses oreilles. Très rapidement, son esprit se remémora la soirée d'hier et un sourire timide naquit sur ses lèvres. Pour célébrer la fin de cette année universitaire et le début de la période des examens, son groupe d'amis et quelques camarades de classe avaient organisé une sortie dans une boîte de nuit très réputée. Bien que l'endroit ne soit pas dans ses habitudes, préférant le confort et le silence de son appartement à une salle bondée de monde et atrocement bruyante, elle s'était amusée comme jamais en leur compagnie. Puis, pour bien terminer sa veillée et profiter de sa propre présence, la jeune femme s'était permise un tour en ville et au bord de la mer. Elle avait traversé les rues festives du quartier, croisant quelques personnes qui y traînaient, puis le port, profitant de la fraîcheur que lui offrait la plage. Là, elle avait rencontré davantage de monde. Beaucoup faisaient la fêtes sur leur yatch, elle s'était même vue offerte une entrée exclusive qu'elle s'était empressée de refuser, d'autres marchaient le long du large, comme cet homme avec qui son regard s'était accroché l'espace de quelques secondes. Elle lui avait offert un sourire chaleureux auquel il avait répondu par un hochement de tête, un air malheureux peint sur son beau visage. Lui et ses magnifiques yeux verts avaient marqué son esprit et elle ne savait pas pourquoi, quelque chose chez lui l'avait instantanément attirée. Finalement, elle s'était offerte un tour au bord de l'océan, les pieds dans le sable et la brise caressant ses cheveux blonds teintés de mèches roses. Ça avait été une fin de journée remarquable et inoubliable.

Mais très vite, l'image de ses parents la rattrapa et son sourire s'éteignit, remplacé par un air renfrogné. Ils l'avaient appelée juste après son tout dernier cours de l'année, souhaitant prendre de ses nouvelles, avaient-ils dit. Sauf que, les connaissant, ils en avaient que faire de leur fille. C'était une des nombreuses raisons qui l'avaient poussée à fuir le domicile familial à seulement quatorze ans pour se réfugier chez son oncle et sa tante, les seuls membres de sa famille qui avaient vraiment pris le temps de l'élever et de l'aimer. Son père biologique était un manipulateur et un menteur avéré qui passait son temps à travailler encore et encore qu'il en venait à oublier qu'il avait une épouse et une fille à la maison. Et sa mère, celle qui lui avait donné naissance, baignée dans le luxe et l'opulence dès son plus jeune âge par ses parents et par la suite, par son époux, ne pensait qu'à sa petite personne et aux ragots. Elle ne vivait que par ses biens matériaux, jusqu'à en négliger, elle aussi, son mari et sa fille. Et après tant d'années séparés et sans le moindre contact, ils voulaient lui faire croire qu'ils avaient à cœur de retrouver leur fille ? Amélie ne gobait pas le mensonge. Elle en était certaine, quelque chose se cachait derrière leur retour dans sa vie. Et elle pariait sa maigre fortune qu'il s'agissait d'un problème financier.

Avec eux, il est toujours sujet d'argent.

Les commandes prêtes à être servies, la vingtenaire effaça de son esprit le souvenir de ses géniteurs. Elle déposa les aliments sur son plateau de service, s'arma de sa bonne humeur et d'un sourire chaleureux, puis s'en alla rejoindre la table des clientes.

— Je trouve cette histoire vraiment bizarre.

— Je te rejoint sur ce point, Nicole, quelque chose cloche avec Charles.

— Définitivement, mais qui suis-je pour -

— Vos commandes, Mesdames, la coupa soudainement la serveuse.

Cette dernière leur remit deux tasses à café et quelques viennoiseries.

— Merci beaucoup, répondirent les trois femmes à l'unisson, pressées de reprendre leur conversation 

— Avec plaisir.

Amélie leur offrit un dernier sourire et rebroussa chemin. De nouveaux clients commençaient déjà à envahir l'espace, alors elle s'empressa de reprendre sa place derrière le comptoir et de répondre à leurs demandes. En un temps record et avec efficacité, elle servit chaque nouvel arrivant. Elle faisait un très bon travail, lui avait un jour dit son patron, et depuis, elle s'assurait de toujours donner son meilleur pour continuer de mériter sa place au sein de cet établissement et qui sait, peut-être être un jour promue à un nouveau poste plus important encore. De plus, son salaire, assez généreux pour sa simple place de serveuse, lui permettait de payer ses études particulièrement chères, le loyer de son studio et de profiter quelque peu de la vie. Alors oui, elle excellait dans son job, par intérêt certes, mais surtout par nécessité.

Lorsque son collègue de la journée arriva, la jeune femme s'octroya une pause bien méritée. Elle s'installa sur un tabouret, dans un coin libre du comptoir qui lui permettrait d'étudier tranquillement mais aussi de travailler si nécessaire. Elle s'arma de son matériel scolaire qu'elle trimbalait partout avec elle dans l'optique de prendre de l'avance dans ses révisions et plongea son nez dans ses notes. Aussitôt, le monde autour d'elle s'effaça et son esprit se focalisa entièrement sur son futur et ses rêves.

🩷

Son service désormais terminé, Amélie se dépêcha d'aider ses collègues à nettoyer et ranger, ainsi qu'à effectuer la fermeture du café. Puis, elle se dirigea vers l'arrière-salle pour récupérer ses affaires personnelles dans son casier. La journée s'était avérée plus longue et mouvementée que prévu, elle était exténuée et ne souhaitait que rentrer à son studio, prendre une bonne douche bien chaude pour relaxer ses muscles endoloris, se cuisiner un bon plat et goûter à ce délicieux gâteau au chocolat qu'elle s'était concocté la veille, se reposer et finir avec une excellente nuit de sommeil. Mais avant cela, elle devait encore marcher jusqu'à son immeuble. À la seule pensée de la montée qu'elle devra effectuer pour rejoindre son quartier, un soupir de fatigue lui échappa. Bien qu'elle ait à disponibilité des transports publiques, la jeune femme priorisait les mouvements à la facilité. Elle n'avait déjà pas beaucoup de temps à disposition durant sa semaine pour pratiquer du sport, de plus, elle passait trop de temps assise, alors se déplacer à pieds était sa seule façon de bouger. 

— Tu souhaites que je te dépose, Amélie ? lui demande soudainement Sean, son collègue, la prenant par surprise.

Ce dernier vint s'appuyer contre le casier proche du sien, les bras croisés sur son torse et les yeux rivés sur elle.

— Non, je te remercie, lui répondit-elle, en enfilant son perfecto rose bonbon, sans lui prêter grande attention. Je préfère marcher, ça me fera du bien.

— Ça fait un an que je te propose de te déposer et à chaque fois, tu refuses.

— Et je continuerai de refuser, Sean. 

En récupérant son sac dans le compartiment métallique, elle en profita pour relever ses yeux gris vers les siens, espérant que son silence et son regard interrogateur soient suffisant pour le faire partir. Il l'observa un long moment, la tête penchée sur le côté, comme s'il cherchait à comprendre pourquoi son sourire en coin et son charme n'avaient pas d'effets sur elle. Puis, il lui sourit chaleureusement et s'en alla. 

Qu'est-ce qu'il vient de se passer, au juste ?

La vingtenaire souffla bruyamment, confuse par le comportement chaque jour un peu plus étrange de son collègue. Elle appréciait énormément le jeune homme, il était un super ami et un excellent partenaire de travail. À son arrivée au sein de l'équipe, il l'avait prise sous son aile et s'était chargée de faire son éducation sur le métier et l'établissement. Elle s'était vite rapprochée de lui, il était sympathique, plein d'humour, quelqu'un de confiance et il ne la faisait pas se sentir en danger. Il avait toutes les qualités qu'elle chercherait dans une amitié. Seulement, depuis quelques temps déjà, elle notait son attitude différente. Il était plus attentif, plus attentionné et ne se gênait pas pour la regarder même durant les heures de travail. Jamais, il ne lui avait déclaré un quelconque sentiment ou intérêt, voire même laissé sous-entendre, ce qui la rendait davantage confuse sur la nature de ses gestes. Était-il taquin et dragueur dans sa personnalité ou cherchait-il quelque chose de plus avec elle ? Une part d'elle sentait qu'il était intéressé, l'autre niait la chose par crainte de perdre un être cher, mais aussi de mettre en péril son travail dans la café. 

Peut-être devrais-je lui parler pour lui faire comprendre que je ne le vois pas de cette manière, et ainsi lui éviter une peine de cœur. Après tout, je ne risque pas de m'intéresser à lui, il est aux antipodes de ce que je recherche chez un homme. 

Prête, elle salua le reste de ses collègues et quitta finalement son lieu de travail. Dehors, une légère brise s'était levée et de gros nuages se rapprochaient de la ville, signe évident que la pluie devait être attendue pour ce soir. Elle se mit aussitôt en route en direction de son domicile, espérant arriver avant le déluge. 

Il lui fallu une bonne trentaine de minutes avant d'atteindre enfin son immeuble. Elle grimpa les quelques marches en vitesse pour s'abriter, sentant déjà quelques gouttes lui tomber sur la tête. Son code de sécurité inséré dans l'écran numérique, elle pénétra dans le hall d'entrée complètement vide. Elle s'approcha de sa boîte aux lettres pour y récupérer son courrier. En lisant les noms des expéditeurs sur les enveloppes, trois lui sautèrent aux yeux : le propriétaire du bâtiment, la secrétaire de sa génitrice et l'entreprise Italienne chez laquelle elle s'était inscrite en concours. La crainte de ce que pouvaient bien contenir ses lettres lui noua l'estomac et la curiosité la pressa de monter les escaliers jusqu'à son étage. 

Finalement dans le confort et le calme de son studio, la jeune femme se débarrassa de ses chaussures, de sa veste et de son sac. Elle se dépêcha de joindre le comptoir de sa cuisine, y déposa le trousseau de clés et s'installa sur son tabouret. Les enveloppes en main, elle s'empara des trois plus importantes, les observa un moment, sentant le stress lui monter et se décida à les ouvrir.

Dans la première, elle trouva une invitation à un gala de charité organisé par Margot Laurent-Maxwell, sa mère biologique. Cette soirée avait supposément pour but de récolter assez de fonds pour financer un projet de construction d'une école dans un pays défavorisé et ainsi offrir à la jeune population locale une chance de s'éduquer. Le papier vendait un véritable rêve, elle se sentirait presque heureuse de participer à un tel événement qui pourrait venir en aide à un nombre de gens incroyable si elle ne connaissait pas aussi bien sa famille. Ce n'était pas la première fois que ses parents dissimulaient leurs vraies intentions sous des couches de fêtes mondaines avec pour objectif de sauver le monde. L'argent obtenu n'allait à aucune association, encore moins à des personnes dans le besoin, mais bien dans leur propre poche pour résoudre leurs nombreux problèmes financiers. Et malheureusement, avec des gens d'une telle influence, les autorités pouvaient très peu faire pour les punir de leurs mensonges et escroqueries. Elle encore moins.

Je savais que cet appel n'était anodin, ils pensent que j'ai une richesse à partager avec eux. 

Un rire sans joie lui échappa, cette histoire était de la pure folie. Ses parents devaient s'imaginer qu'elle gagnait bien sa vie ou que son oncle et sa tante auraient assez pour les sauver de leur faillite. Mais en réalité, Amélie était aussi en difficulté qu'eux, à l'exception qu'elle n'avait plus des millions dans son compte en banque, et elle n'allait très certainement pas demander à ceux qui l'avaient éduqué et aimé même après avoir souffert des manigances de son père de lui donner des fonds pour les aider.

Ils sont cinglés.

La deuxième lettre ne fit que renforcer son mal-être financier. Le propriétaire de l'immeuble comptait augmenter les loyers de tous les résidents dès le début du mois de juillet. Elle n'était même pas certaine que ce soit légal de faire une telle chose dans un si petit délai, mais peu importait que ce soit acceptable ou non, elle n'aurait pas assez de moyens pour se payer son appartement, ses études et de survire. Et elle se refusait d'avoir à mendier auprès de son oncle et de sa tante, c'était sa responsabilité de trouver une solution, pas à eux.

Les mains accrochées à ses cheveux, ses yeux se baignèrent de larmes.

Qu'est-ce que je vais faire ?

Prenant son courage à deux mains, la jeune femme ouvrit la dernière enveloppe, celle qui lui venait tout droit d'Italie. Il y a quelques mois déjà, dans le cadre de ses études universitaires en ingénierie mécanique, elle s'était inscrite à un concours. La personne qui serait sélectionnée aurait le droit à une bourse d'études, la possibilité d'apprendre le métier auprès de professionnels et davantage de pratique, et se verrait attribuer une place au sein de l'entreprise dès l'obtention du diplôme. Elle avait tout mis en œuvre pour avoir les meilleures notes et d'excellentes références de ses professeurs, cette place chez Ferrari, elle en rêvait. 

Elle la voulait.

« À l'intention de Mme. Amélie Louise Martin, étudiante de l'Université Privée des Sciences et des Technologies de Monaco en ingénierie mécanique,

Copie pour M. Jean Gastaud, professeur d'ingénierie mécanique et maître répondant de la participante.

Madame,

Votre candidature a su retenir notre attention et répondre à nos critères de sélection. Nous avons donc le plaisir de vous informer de votre intégration au programme Ferrari, Porte Aperte 2021.

Vous trouverez ci-joint une attestation à remettre à votre Université, ainsi qu'un formulaire à compléter et à nous retourner d'ici 30 jours.

Au plaisir de vous rencontré cet été dans nos locaux, félicitations et bonne continuation.

Ginevra Bianchi,
Directrice en chef du programme Ferrai, Porte Aperte et ingénieure en mécanique. »

Elle avait réussit.

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J'espère que ce deuxième chapitre vous aura plu ! N'hésitez pas à me faire part de votre avis, ça fait toujours plaisir.

Sinon, rendez-vous la semaine prochaine pour la suite !

claudia_mtc

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