🅅🄸🄸 𝐷é𝑐𝑒𝑝𝑡𝑖𝑜𝑛


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Je suis assis dans la salle d'attente de l'audioprothésiste, les mains crispées sur mes genoux. Ma mère est à mes côtés, son regard empreint de préoccupation. Je sens mon cœur battre la chamade, la culpabilité pesant lourdement sur moi.

La porte s'ouvre enfin et nous sommes invités à entrer dans le bureau de l'audioprothésiste. Je m'assois sur la chaise, les yeux fixés sur le sol. Ma mère prend la parole, expliquant la situation à l'audioprothésiste. Je sens son inquiétude et sa peine, et je me sens coupable de lui causer autant de soucis.

L'audioprothésiste commence les analyses, ajustant différents appareils pour tester mon audition. Chaque fois qu'il me parle, ma mère traduit en langue des signes. Mes doigts bougent rapidement pour lui répondre, mais je sens une frustration grandir en moi. Je déteste cette dépendance, le fait de ne pas pouvoir communiquer directement avec les autres.

Après maintes investigations, l'audioprothésiste annonce, tout en souriant, qu'il tient enfin la solution. Mon appareil auditif sera prêt d'ici la fin de la semaine. Un poids s'abat sur mes épaules alors que réalise que ce sont encore plusieurs jours d'attente qui s'étirent devant moi. Les lundis paraissent si longs lorsque l'on attend le son en fin de semaine.

Sur le chemin du retour, ma mère m'informe en silence qu'elle a organisé des cours par correspondance pour les jours à venir. Une fois de plus, je me sens accablé par cette nécessité de dépendre des autres.

Le moteur ronronne, nous repartons vers la maison dans le silence, les yeux rivés sur l'horizon qui s'étend devant nous.

Le paysage défile à travers la vitre, les nuages peignant des tableaux éphémères dans le ciel. Les nuances de vert des arbres et des champs se mêlent harmonieusement, dansant au rythme de la brise légère. Je sens le soleil caresser doucement mon visage à travers la fenêtre, réchauffant mon âme et apaisant mes pensées tourmentées.

Dans ce moment de calme, je ferme les yeux et me laisse emporter par la musique silencieuse de ma cécité. J'imagine les oiseaux chantant, pendant que le vent chuchote des secrets millénaires et les arbres murmurent des histoires oubliées. Je me sens en harmonie avec cet univers sans mots, où les émotions se transmettent à travers les regards et les gestes.

Junghyun m'a toujours affirmé que la communication va bien au-delà des simples mots. Selon lui, elle se niche dans les silences, se révèle dans les sourires et s'épanouit dans les gestes. Quand j'étais plus jeune, il me répétait souvent que ma différence n'était pas un handicap, mais une richesse, une ouverture vers un monde où les barrières linguistiques disparaissent pour laisser place à l'essentiel : l'amour, la compréhension et la connexion profonde entre les êtres.

Je sais qu'il disait tout cela pour que je me sente spécial et écarte toute pensée de m'apitoyer sur mon sort. Cependant, le temps passe et plus je grandis, plus je réalise que je ne suis rien de plus qu'un être pathétique. Je ne pourrai jamais vivre une vie aussi normale que celle des autres. J'adore la musique mais je sais que je ne pourrai jamais chanter. Certains de mes rêves doivent rester des rêves inatteignables. Ma surdité est un frein qui m'empêchera toujours d'aller loin. Ma voix ne résonnera jamais.

°

Au troisième jour de mon confinement, la routine s'est installée de façon implacable. Chaque matin, je traîne au lit avant de me lever pour prendre mon petit déjeuner. Ensuite, je me connecte sur la plateforme en ligne du lycée pour voir les cours prévus pour la journée. Je m'attèle à mes devoirs, fait un tour sur internet et m'octroie un peu de repos en dormant. Privé de mon appareil auditif, je suis dans l'impossibilité d'écouter de la musique pour me détendre, et le silence pesant qui m'entoure en raison de ma surdité commence à me rendre peu à peu fou. La solitude devient insupportable.

Épuisé par cette monotonie, je décide de sortir de chez moi. J'enfile mon sweat à capuche et quitte la maison pour une promenade autour du quartier. Le soleil commence à décliner doucement dans le ciel, créant une atmosphère agréable pour une balade. Je me dirige rapidement vers un parc prisé par les joggeurs et les promeneurs de chiens.

J'apprécie cet endroit pour sa verdure apaisante, et je décide de m'installer sur l'un des bancs pour profiter de l'instant présent.

Après quelques minutes à observer les gens autour de moi, j'aperçois un chien en train de courir joyeusement après une balle lancée par son maître. Je ne peux m'empêcher de sourire devant ce spectacle animé. Je me sens soudain moins seul, moins enfermé dans ma solitude.

Les yeux clos, je savoure profondément l'air frais, me sentant apaisé et détendu. Le silence qui m'entoure n'est plus oppressant, mais devient harmonieux, presque réconfortant. Cependant, une légère tape sur mon épaule me ramène brusquement à la réalité. J'ouvre les yeux et découvre deux jeunes filles étrangères devant moi, visiblement en quête d'informations. Elles ne viennent certainement pas d'ici, peut-être des touristes européennes ou américaines.

Alors que je vois leurs lèvres bouger, la panique commence à m'envahir. Comment leur expliquer que je suis sourd et muet ? Elles me questionnent sûrement sur un endroit qu'elles recherchent, mais ma nervosité augmente alors qu'elles attendent une réponse de ma part.

L'anxiété grandit en moi, prête à m'envahir totalement, lorsque je me lève brusquement pour m'enfuir. Cependant, une main se pose sur mon épaule, me stoppant net. Je me retourne et mon cœur manque un battement en voyant Taehyung répondre aux questions des jeunes filles à ma place.

Il me regarde avec compassion, me faisant signe de rester calme. Les larmes commencent à perler le long de mes joues, la honte de ma condition s'intensifiant. Je voudrais pouvoir leur répondre, pouvoir communiquer comme tout le monde, mais je suis bloqué dans ce silence oppressant.

Taehyung continue de parler pour moi, expliquant avec gentillesse et patience les informations demandées par les jeunes filles. Je les regarde, les larmes brouillant ma vision, me sentant à la fois reconnaissant envers lui et terriblement triste de ma propre incapacité.

Après que les filles soient parties, Taehyung se tourne vers moi et articule doucement un "tu vas bien ?". Je me contente de hocher la tête, honteux. Que fait-il là ? Cette question m'assaille alors qu'il me fait signe de le suivre d'un geste de la main. Il prend son sac, l'ouvre, et en sort un carnet et un stylo. Ensuite, il y note quelques phrases puis me le donne. Je me concentre alors sur la page ouverte devant moi. Il a une belle écriture...

"Junghyun m'avait prévenu que t'avais perdu ton appareil auditif. Je passe souvent par ici en sortant de la fac si je n'y vais pas avec ma voiture et j'ai vu les deux touristes te parler, j'ai compris que tu avais besoin d'aide."

Je me contente d'un simple "merci" écrit qu'il lit avant de m'offrir un sourire. Le reste du trajet se passe dans un mutisme pesant. J'aurai bien voulu pouvoir parler alors je lui aurai posé tant de questions car j'ai tellement de choses à lui dire, à apprendre sur lui... Comment c'était sa vie à Daegu ? Qui a-t-il rencontré, ce qu'il aime, ce qu'il n'aime pas. Ses joies, ses peines, ses défauts... J'aimerai tant en savoir davantage mais je ne peux entendre sa voix et Taehyung ne parle pas le langage des signes. Et alors que nous atteignons notre rue et que je me rends compte que dans quelques minutes seulement, il va rentrer dans sa maison et que peut-être, je ne le reverrai plus avant plusieurs jours, je note rapidement dans le carnet qu'il m'a donné :

"Tu veux que je t'apprenne la langue des signes ?"

Il lit plusieurs fois ma phrase, l'air surpris, puis ses prunelles glissent vers moi. Il fronce les sourcils et je n'arrive pas à déchiffrer son regard. Il y a bien un crédit que je peux accorder à ma surdité, c'est que j'ai appris à déchiffrer chaque geste, chaque expression de mon vis-à-vis. Il n'y a pas que la parole pour en dire plus, il y a le langage corporel. Mais en cet instant, quelque chose me frappe dans son regard. La présence ou plutôt, l'absence de cette lumière qui ornait autrefois ses yeux. L'époque révolue de notre enfance.

Toi aussi, tu es à la fois la pierre qui coule et l'éponge qui absorbe ? Si c'est le cas, qu'as-tu absorbé pour te faire couler ainsi...

Un sourire qui s'étire sur ses lèvres me tire de ma contemplation. Il prend le carnet de mes mains puis y inscrit :

"Tu veux boire quelque chose ?"

Je ne comprends pas pourquoi il me demande cela alors que ma question était toute autre. Mais lorsque je le vois se diriger vers l'allée de sa maison, je comprends que c'est sa manière de m'inviter à le suivre.

Je le suis silencieusement, observant chaque mouvement de son corps. La lumière du soleil de fin d'après-midi peint des ombres douces sur le chemin devant nous. Arrivés devant sa porte, Taehyung se retourne et m'adresse un regard incertain. Il ouvre la porte et m'invite à entrer dans sa maison.

Il se dirige vers la cuisine, me laissant seul dans le silence de la pièce.

Je regarde autour de moi, le salon où nous avons passé tant de moments ensemble, à rire et à jouer. Mais tout cela semble si loin maintenant.

Il revient avec deux tasses de thé fumant, me tendant la mienne avec un sourire timide.

Je porte la tasse fumante à mes lèvres, perdu dans mes pensées. Le salon me semble différent, des photos ont disparu. Celles où Taehyung posait avec son père quand nous étions enfants. Il y en avait beaucoup avec ses parents. Mais il est vrai que leur divorce remonte à deux ans maintenant.

Taehyung me secoue légèrement pour attirer mon attention. Quand je le regarde, il me tend un carnet où j'aperçois ses mots : "Comment vas-tu m'apprendre la langue des signes ?"

Soudain, une lueur d'espoir s'allume en moi. Je lui fais signe de m'attendre et je quitte sa maison en courant, laissant ses yeux écarquillés derrière moi.

Heureusement, j'ai des livres sur la langue des signes, et nos maisons sont voisines c'est rapide. Après être rentré chez moi, je monte directement dans ma chambre à la recherche du livre contenant les bases. Je fouille dans les tiroirs où je range mes livres de cours et finalement je mets la main sur celui que je cherche. Je redescends aussitôt et retourne chez Taehyung. Quand il me voit arriver, il me lance un regard perplexe. Je lui tends le livre et prends le carnet pour lui expliquer :

"Les bases sont dans ce livre. Tu pourras commencer par apprendre l'alphabet"

Il hésite à saisir le livre, puis lorsqu'il le prend, il m'envoie un sourire hésitant. J'espère tellement qu'il apprenne tous ces signes afin que nous puissions enfin discuter des heures sans avoir besoin d'un traducteur... Mais peut-être que je suis le seul enthousiaste dans cette histoire ? Il n'y a qu'à voir son manque d'enthousiasme dans ses yeux.

"Tu ne veux pas ?" j'écris avec dépit et lui fais lire.

Je me sens minable.

Alors qu'il s'apprête à me répondre, je remarque qu'il détourne les yeux de moi et fronce les sourcils. En se dirigeant vers la porte d'entrée, je réalise que la sonnette a dû retentir.

Taehyung ouvre la porte pour laisser entrer un autre garçon. Quand ce dernier apparaît devant moi, je le reconnais immédiatement. C'est Jimin_park sur Instagram. L'ambiance change complètement dès qu'il est là. Taehyung lui sourit sincèrement. Est-ce que ma présence lui est si insupportable qu'il ne rit pas ainsi en ma compagnie ?

Jimin me dévisage avant de dire quelque chose à Taehyung qui lui répond rapidement. Leurs lèvres bougent rapidement, ce qui me frustre.

Heureusement, Taehyung prend la peine de me traduire sur une feuille de son carnet :

"C'est Jimin, mon autre meilleur ami. Il dit que tu ressembles beaucoup à Junghyun".

Je lui adresse un sourire poli et Jimin me fait un simple signe de la main, un sourire crispé sur les lèvres. Il semble gêné, probablement parce que Taehyung lui a révélé que je suis sourd-muet.

Je me sens de trop.

"Je vais rentrer", j'écris.

Taehyung tente de me retenir, mais je secoue la tête en signe de refus. Je ne veux pas être la cause de leur malaise. Je regarde le ciel flamboyant, teinté de nuances d'orange et de rose, comme le pinceau d'un artiste conférant de la chaleur au monde. Les ombres s'étirent lentement à mesure que le soleil s'éclipse derrière l'horizon, laissant place à la quiétude du crépuscule. Un léger vent caresse mon visage, apportant avec lui une mélodie douce et apaisante.

Avec un soupçon de déception dans mon cœur, je referme la porte derrière moi, laissant derrière mon âme ébranlée par des émotions confuses. Le murmure du vent semble murmurer des secrets, des promesses audacieuses d'un avenir incertain. Mes pas résonnent sûrement doucement sur le chemin pavé, l'écho de mes pensées se mêlant à l'air ambiant.

J'ai l'impression d'être un étranger perdu dans une histoire qui ne m'appartient plus. Les mots non dits flottent entre les silences, créant des barrières invisibles entre les cœurs, érodant peu à peu les liens qui nous unissent. Le poids de l'incompréhension s'alourdit sur mes épaules, comme un fardeau que je porte depuis trop longtemps...











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J'espère que le chapitre vous a plu ✨
Que pensez-vous de Taehyung jusque là ?

À très bientôt pour la suite.🖤

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