3 mars 2019, 02:06 a.m
Dortoir de BigHit,
Séoul, Corée du Sud

Ce soir-là, je m'en souviens comme si c'était hier.

Nous étions dans nos chambres, Cam' sur son portable dans le lit à côté du mien, la plupart des filles dormaient déjà. Le nouvel album était sorti deux jours auparavant, les ventes avaient littéralement explosé, battant de loin les deux premiers albums, le clip de WORK avait atteint les vingt-trois millions de vues en vingt-quatre heures seulement, tout le monde attendait notre prestation live du lendemain. J'étais un peu abasourdie, je n'étais pas la seule. Michael me répétait avec un grand sourire que le succès était là, il frappait à notre porte et comptait rester un moment encore. J'avais du mal à le croire, les articles sur internet et les réactions des fans toujours plus nombreux étaient impressionnants.

C'était la nuit noire sur le printemps de Séoul, je venais de finir un appel téléphonique avec mes parents, j'étais plutôt de bonne humeur. Tout allait bien pour eux, mon frère avait même acheter notre album, économe comme il était, ça m'avait vraiment touché, surtout quand il m'avait avoué l'avoir écouter tout de suite après, dans la voiture, avec les parents. Et ils avaient aimé. Leurs mines décomposées à l'écoute de Boyfriend Material étaient bien loin désormais. Papa m'avait avoué que maman avait pleuré en entendant mon solo, Havana, et j'avais ri. Baekhyun m'avait envoyé un long message en disant qu'il avait également acheté et écouté l'album et qu'il le trouvait génial.

Alors tout allait bien.

Ce soir-là, Johanna est entrée dans notre chambre en pleurs.

- Oh... Joh ?! m'écriai-je en me redressant ce qui attira l'attention de ma meilleure amie qui ouvrit grand la bouche.

- Mais qu'est-ce qu'il se passe ? demanda t-elle en se levant à son tour.

Elle ne répondit pas, Cam' appela directement les autres, qui se précipitèrent dans la chambre, assez paniquées. Fiona lui prit la main alors que l'italienne s'était assise sur mon lit.

- Mon bébé, pourquoi tu pleures enfin ?

- Je... je dois vous dire quelque chose... souffla Johanna entre deux hoquets.

Elle me faisait vraiment peur, vraiment. Elle semblait anéantie, complément bousillée.

- Dis-nous, allons, tu nous fais flipper là, déclara Alma en s'asseyant à côté d'elle.

Johanna renifla bruyamment, cherchant visiblement ses mots. Son regard plein de larmes fixait ses mains tremblantes et maigres, comme l'était la totalité de son corps.

- Je ne vais pas bien...

Personne ne répondit. Parce qu'au fond, tout le monde le savait, on l'avait toutes remarqué. C'était juste qu'on ne disait rien, parce que c'était Johanna, une sorte de J-Hope version féminine.

- Là-haut, dit-elle faiblement en portant ses doigts tremblants à sa tête, c'est le bordel. Je veux dire... Il y a trop de stress... Beaucoup trop... Le yoga, ça ne change rien pour moi désormais, je prie mais rien ne change, j'ai toujours cette putain de peur dans l'estomac qui m'empêche de manger correctement et de dormir... je... je...

Est-ce qu'elle recevait des lettres comme moi ? Est-ce qu'elle les cachait des autres et fermer sa gueule pour ne pas blesser le groupe ? Mon souffle était bloqué dans ma gorge, j'attendais la suite, j'étais terrifiée.

- Je prends des cachets, Chris, je suis sûre que tu m'as vu, l'autre soir... et tous les autres...

J'étais pétrifiée. Les anti-dépresseurs et les somnifères. Elle vidait des boîtes toutes les semaines.

- Joh... déclara lentement Alma comme si elle cherchait les mots justes. Tu prends ces conneries ?

- Je suis désolée...

- Ne t'excuse pas, c'est pas ta faute, répondit Fiona en la prenant dans ses bras.

On resta dans le silence seulement bercé des pleurs de l'italienne un petit moment encore, chacune réfléchissant sûrement à la meilleure solution pour elle.

- On est une équipe, okay ? reprit Alma en lui souriant légèrement. Mais avant tout, on est tes amies. Alors on va trouver une solution, pour que ça soit moins dur. C'est promis.

On approuva, Johanna aussi. Elle sécha ses larmes d'un revers de main et Jeen se releva.

- Tu as mangé ce soir ?

L'italienne fit non de la tête, reniflant encore.

- Alors on va faire cuire des pâtes, décida la plus jeune en tapant dans ses mains.

- À deux heures du matin ? pouffa Fiona.

- Evidemment !

On rit un peu et on força Johanna à se rendre à la cuisine pour un repas obligé en pleine nuit.  Je la regardais manger en silence, elle mangeait lentement et avec des sourires fades quand Fiona et Cam' faisaient les pitres devant elle pour la faire rire. Alma et Jeen se disputaient gentiment sur la cuisson des pâtes, et je les observais simplement. C'étaient elles ma seconde famille. Tout ce que je n'avais jamais dit à mes parents, elles le savaient. Tout ce qui me faisait peur, ce qui me faisait rire et pleurer, elles le savaient. J'avais appris plus de choses en deux ans avec elles qu'en dix ans à l'école. La vie, en somme.

16 septembre 2018, 07:50 p.m
Dortoir de BigHit,
Séoul, Corée du Sud
(flashback)

Jeen. ————————————————

- Étouffer l'affaire Jeen ?! C'est n'importe quoi ! C'est grave ce qui s'est passé ! Elles doivent payer pour ce qu'elles ont fait !

Je pleurais en silence, assise sur le canapé à côté de Johanna qui suivait la scène avec les autres sans rien dire. Jungkook était furieux, il me fixait l'air mauvais, un peu inquiet, prêt à descendre s'occuper des cas de ces deux filles lui-même. Son anglais était cassant et même si son accent m'aurait faite rire en temps normal, ce soir-là, je n'avais pas du tout la tête à plaisanter.

- Elles m'ont juste poussé, c'est rien. Pas besoin d'en faire toute une histoire, fis-je d'une petite voix sans le regarder.

Il soupira bruyamment, comme las. Les autres garçons le regardaient sans rien dire, attendant la suite.

- Je ne suis pas okay avec toute cette merde.

- JK, reprit Hoseok comme pour lui dire de surveiller son langage.

Il semblait s'en foutre royalement. Il se pencha vers moi et je me retrouvai entraînée dans le couloir à sa suite, puis la porte de la chambre claqua derrière nous et on se retrouva dans la pénombre du soir, l'un en face de l'autre.

Lui et Moi.
C'était mal.

Je soupirai en m'asseyant sur mon lit. Il était toujours immobile, au milieu de la pièce un peu en désordre parce que Fiona et moi n'étions pas les meilleures en manière de rangement, et il observait ce qui se trouvait autour de lui, l'air toujours contrarié. Je le préférai sans maquillage, d'ailleurs. On le maquillait toujours beaucoup trop pour le travail, le naturel lui allait mieux.

- Laisse tomber, JK, déclarai-je finalement en coréen parce qu'on ne parlait jamais anglais tous les deux. Ça n'en vaut pas la peine, je vais bien.

- De toute façon t'as pas le choix, Bang PD ne va pas laisser passer ça, elles vont devoir payer pour ce qu'elles ont fait.

- Justement, c'est déjà bien assez, arrêtons d'en parler. Je suis fatiguée.

Son regard tomba sur moi et mon cœur battit un peu plus fort. Je me souvins de notre seul baiser, dans les escaliers un soir dans un moment d'égarement, et détournai le regard la première, mal à l'aise.

« T'as seize piges, Jeen, t'es une gamine, il en a vingt-et-un. »

Je ne voulais pas le regarder s'approcher et s'assoir soudain timidement à côté de moi. C'était comme s'il était redevenu le type réservé et extrêmement mal à l'aise avec les filles.

- Désolé, dit-il simplement en jouant avec ses mains. C'est juste que... Roh, j'sais pas.

Je ne répondis rien. Il était beau.

- Après tout, c'est pas mes affaires.

Je hochai la tête quand nos regards se croisèrent. On se regarda un petit moment, une sorte de conversation visuelle, et puis soudain, nos lèvres se rencontrèrent et s'épousèrent dans une valse parfaitement synchronisée. Et ça me fit mal, mais ça me rendit heureuse. Sa main se posa lentement sur ma joue et son corps bascula tout aussi lentement sur le mien, et je n'arrivais plus à compter le nombre de baisers, je n'arrivais plus à réfléchir ou à me raisonner, non.

Je n'étais plus moi-même, non.
Il n'était plus lui-même, oh non.
Mais nous étions ensemble.
Une sorte d'éternité temporaire.
Lui et Moi.

who waits for love - shinee