🅅. 𝐷𝑒𝑠𝑐𝑒𝑛𝑡𝑒
C'est Noël ce soir, et malgré l'ambiance festive qui règne dans la villa, une anxiété sourde me ronge. Des collaborateurs de mon père, avec leur famille, sont invités, et la villa s'anime d’une effervescence qui me semble lointaine. Les domestiques s'affairent, préparant des plats appétissants, décorant les tables avec soin. Mais moi, je suis dans ma chambre, vêtu d'un costume noir sur mesure hors de prix dont je n’ai aucune envie. Mes yeux se posent sur mon reflet dans le miroir, mais je n'ai pas l'impression de me reconnaître.
En scrutant mon image, je soupire, ma tête pleine des insultes que j’ai encore reçues sur les réseaux sociaux. Les messages négatifs affluent, et cette première vague de haine me touche plus que je ne veux l’admettre.
- *"Taehyung, c'est quelqu'un de bien, il ne mérite pas cette haine."*
- *"Je connais la fille qui prétend avoir été abusée par Taehyung, c'est une vraie manipulatrice. J'ai été avec elle au lycée, elle a réussi à faire renvoyer l'un de mes potes juste parce que ce dernier avait refusé ses avances."*
- *"Je n'ai jamais aimé Taehyung de toute façon."*
- *"#justicepourHa-na. Hana mérite que justice soit faite. Kim Taehyung est un homme beau et riche, bien sûr qu'il se croit tout permis."*
Ces commentaires résonnent dans ma tête comme autant de coups de poing. Comment peuvent-ils affirmer des choses pareilles ? Ils ne me connaissent pas, ne savent rien de moi.
- *"Qu'il se suicide, ça ne fera que nous donner un monde meilleur."*
- *"C'est un fils à papa qui ne sait rien faire d'autre que tout obtenir avec facilité. Les gars comme lui, je ne les aime pas."*
- *"Arrêtez, votre Kim Taehyung là, il n'est pas si beau que ça. D'ailleurs, il passe son temps à jouer au petit garçon, j'aimerais parfois qu'il puisse juste la fermer."*
- *"Les garçons comme lui ne savent pas ce qu'est le consentement. Je me demande comment il réagirait si c'est à lui qu'on ne demande pas de consentement."*
- *"Je crois en toi, Taehyung. Bas toi !"*
Je serre fortement mon téléphone dans ma main. La douleur est intense, émotionnelle et physique. Mon cœur semble se comprimer, à un point tel que je crois qu’il va se déchirer. Je sais trop bien ce que c'est que d'avoir son consentement mis aux oubliettes. Chaque message résonne en moi comme une vérité invalidante, et je sens les larmes se former dans mes yeux, menaçant de couler.
Une fois dans les couloirs pour me rendre à nouveau au rez-de-chaussée, des pas m'interrompent, et je soupire en me retournant. C'est Jungkook. Le respect qu'il me doit en tant que fils de son patron ne l'empêche pas d'afficher une certaine distance, presque une hostilité. Alors qu’il s’approche, son visage révèle un mélange de lassitude et de sérieux, et je sais qu’il ne se retient qu'à grand peine de me montrer son mépris.
"Taehyung-ssi," dit-il, sa voix polie trahissant à peine son irritation. "Votre mère m'a demandé de vous ramener à votre chambre. Vous tenez à peine debout ; vous avez trop bu. Elle ne veut pas que les invités le remarquent."
"Je peux m'en occuper moi-même," réponds-je avec un ton qui se veut désinvolte, mais je sens que ma voix flanche. L’évidente désapprobation sur son visage m’irrite.
Il me regarde, visiblement impatient. "Vous ne devrait pas... cela pourrait nuire à votre image." Sa phrase, si innocente en apparence, m'attaque comme une flèche.
"Mon image," je crache, la colère m'envahissant. "Tu parles de mon image, mais personne ne se soucie de mon image en ce moment !" Je rentre dans ma chambre et me laisse tomber sur mon lit.
J'ai un peu trop bu. Mais je sais très bien jouer des rôles. Je suis capable de passer pour le fils modèle devant les invités.
"Taehyung, je... ne veux pas entrer dans un débat avec vous," dit-il, son visage indéchiffrable. "Je fais juste ce qu'on me demande."
Faux sourire. Faux respect. Faux soutien. Je me lève et me dirige vers la porte, cherchant à échapper à ce décor devenu étriqué, au regard sarcastique que Jungkook m’adresse. La musique joyeuse au rez-de-chaussée contraste avec le tourbillon de chaos en moi.
Lorsqu'enfin je descends, je respire l’air parfumé du sapin et des sucreries, mais mon cœur ne bat qu'à moitié. Les lumières scintillantes semblent se moquer de moi, tandis que je croise ces visages familiers, des sourires forcés et des rires qui résonnent, mais qui ne m'atteignent pas. Les invités échangent des politesses, mais moi, je sens que je suis un intrus, un paria au milieu d’une fête.
Les conversations bruissent autour de moi, indifférentes à l’écho de la douleur qui est sourde en moi. Je jongle avec mes émotions, mettant en avant un sourire qui paraît plus amer à chaque instant, buvant une coupe de champagne, surement de trop.
Je m’efforce de multiplier les faux sourires tout en évitant les yeux des autres. À chaque salutation, une douleur soudaine me traverse, et je réalise combien il est difficile de feindre la légèreté dans ce contexte. Tandis que je bois, je sens la chaleur de l'alcool envahir mon corps, adoucissant temporairement le tranchant de la situation, mais la réalité me rattrape toujours.
Tout cela me rend encore plus amer, et je m’enfuis vers la lumière du couloir, espérant échapper aux éclats de voix acérés. Mais là, je le vois, Jungkook, me fixant avec lassitude, sans un mot. Je sens son regard plein d’évaluation, de jugement, et cela me fait mal plus que je ne l’aurais cru. Je l'associe avec ceux qui ne savent rien de moi, qui se moquent de moi.
Je ne me sens pas en sécurité ici. Je ne veux pas de toute cette hypocrisie, de ces faux-semblants. Mes yeux se remplissent de larmes que je n’arrive pas à retenir. Et au moment où je pense pouvoir maîtriser cette situation, tout s’écroule. Une fois de plus, je deviens la cible, l’homme à abattre, celui qu’on désigne tout en souriant.
“Taehyung-ssi, vous allez bien ?” chuchote Jungkook, encore présent, comme une ombre dans cette nuit étoilée pleine de désespoir.
“Ne fais pas semblant de te soucier de moi,” je m'énerve, mes mots sortant comme un tir à l’arc.
Il recule légèrement, surpris par ma réaction. Cette faiblesse que j’éprouve face à lui me dégoûte. “Je ne suis pas là pour...”
“Tu es là pour faire semblant ! Comme tout le monde. Alors garde ce mélange de pitié et de mépris !”
Ses yeux s'assombrissent, il prend un instant pour assimiler mes paroles. Je sens que je vais trop loin, mais la colère me déborde. Je ne veux rien de ce faux soutien, je veux juste... être entendu.
“Tu devrais... prendre un moment pour te calmer,” finit-il par dire, sa voix plus ferme. “Je vais t’aider. Mais c'est seulement parce que ta mère me l'a demandé. Elle au moins, c'est quelqu'un de bien.”
J'ai l'impression de n'être qu'une pauvre merde.
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