🅇🅅🄸🄸. 𝐷é𝑡𝑒𝑛𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝𝑟𝑜𝑣𝑖𝑠𝑜𝑖𝑟𝑒

Le lendemain matin, les portes crasseuses de la prison s’ouvrent lentement, laissant entrer la lumière crue du jour. Je ressens un mélange de fraîcheur et d'angoisse. C'est la première balade de la journée, et nous sommes tous regroupés dans la cour, une cour d’un gris monotone que le soleil ne parvient pas à réchauffer. La claustrophobie de ces murs me freine encore plus.

Je distingue rapidement Yoongi, Joon-Woo et nous nous décalons dans un coin reculé de la cour. Le léger bruit des pas des autres détenus semble lointain, étouffé par l'épaisseur de nos émotions. Le malaise d’être ici est palpable, et tout se mélange en moi : colère, désespoir, incrédulité.

Soudain, Yoongi, le regard habituellement serein sous l’ombre de sa capuche, explose. Je n'aurais jamais imaginé le voir dans cet état, mais ses yeux sont en feu, trahissant une rage aveugle. "Joon-Woo, c'est de ta faute ! Tout ça…" Il attrape Joon-Woo par le col et le pousse violemment contre le mur, et le bruit du choc résonne dans l'air. La tension est à son comble.

Je suis là, pétrifié, incapable de réagir. Mes poings se resserrent, pendant que mon cœur cymbale, tambourinant de peur et de malaise. Tout cela me semble irréel, comme une scène d’un film sombre. "On est tous ici à cause de toi, tu te rends compte ? Mon rêve de rappeur, Taehyung qui est acteur, et Selena sa carrière de mannequin… Elle est derrière des murs aussi, maintenant !"

Yoongi, habituellement réfléchi, calme, est devenu une boule de colère. Sa voix, habituellement posée, brisé par l’injustice. "Et Somi, maintenant, elle est dans le coma car elle s'est jeté sous un bus!" Les mots sortent de sa bouche comme des balles, chaque syllabe frappant Joon-Woo sans pitié.

Mon regard s'accroche à Joon-Woo, dont le visage d’abord franc et arrogant s’effondre peu à peu. Je peux voir la panique dans ses yeux, comme s’il se réveillait d’un cauchemar. Un frisson glisse le long de ma colonne vertébrale. Joon-Woo, le garçon bagarreur, celui qui affronte tout avec bravoure, se retrouve maintenant vulnérable, le regard perdu, secoué par une tempête qu’il ne connaît pas encore. Ce n’est pas l’arrogance qui règne ici, c’est la désolation.

— "Tu étais au volant!" crie Yoongi, sa main toujours agrippée au col de Joon-Woo. "C’est de ta faute si on est ici, si tout est fini !"

Un silence pesant s’installe, où même les oiseaux semblent se taire, comme s'ils attendaient la tempête qui va suivre. Joon-Woo, d'abord imperturbable, finit par éclater. Ses épaules se secouent alors qu'il laisse échapper un sanglot, une crise de larmes violente qui creuse une déchirure dans mon cœur. Il laisse sa tête tomber sur l'épaule de Yoongi, lui qui a toujours semblé si fort, si invincible.

Les larmes coulent le long de son visage, et je ne peux m’empêcher de ressentir de l’empathie. "V-vous pensez que vous avez été les seuls à subir les horreurs de madame Seo ?" sa voix tremble, pleine de désespoir. "Vous pensez que moi je vais bien ? Vous pensez que j'ai toujours été aussi violent ? Je suis perdu, je ne sais même pas qui je suis..."

À cet instant, mon cœur se brise davantage. Je suis pris au piège entre deux mondes, celui de ma douleur, et celui de Joon-Woo, qui lui aussi, est une victime. Mes propres souvenirs remontent : les abus, la honte, la souffrance silencieuse que j’ai portée comme un fardeau.


Je regarde Joon-Woo s’effondrer, et je comprends que sa bravade n’était qu’un masque. Il avait toujours semblé tellement sûr de lui, un garçon arrogant qui attirait les autres par sa force apparente. Mais là, sous le poids de la réalité, cela semble insignifiant. Tous les gémissements, toutes les souffrances qu’il a cachées coulent enfin à l’extérieur, et je réalise à quel point je me sentais seul, piégé dans ma propre douleur, surpris qu’un autre puisse comprendre ma détresse.

Yoongi reste figé un moment, puis relâche sa prise sur Joon-Woo. Leurs regards peuvent enfin se croiser, et dans cet échange, il y a quelque chose de puissant, cette fragile compréhension qui se forme entre nous. La colère de Yoongi se dissipe lentement, remplacée par l’inquiétude, une empathie inattendue qui brise les murs construits par la colère.

Je me sens mal à l’aise, en retrait dans cet échange brut et véritable. J'aimerais pouvoir me joindre à eux, exposer mes propres cicatrices, mais les mots ne me viennent pas. Je suis prisonnier de mon propre silence, et ces souvenirs d'horreur m'achèvent encore et encore.

Le tableau est dégradé, de douleur, de désespoir, mais aussi d’une intimité que nous ne savions pas qu’elle pouvait exister entre nous trois. Nous sommes ici, ensemble, brisés, mais unis par cette nébuleuse d'angoisse qui nous entoure. Au milieu de la désolation, je commence à comprendre que je ne suis pas seul dans cette tempête.

Joon-Woo pleure toujours, et Yoongi, en silence, lui donne une tape réconfortante sur l'épaule, comme pour lui donner la force de faire face à la réalité. Dans les larmes et la honte, j'aspire à croire que tout cela a un sens, que cette souffrance collective pourrait engendrer une forme de guérison… un jour. Peut-être, ensemble, nous pouvons comprendre ce qui a été brisé et apprendre à reconstruire quelque chose qui en vaille la peine, même si pour l’instant, chaque visage que nous croisons est empreint d’un désespoir qui semble ne jamais se terminer.

Je m'engouffre dans ce moment délicat avec une timide lueur d'espoir, espérant qu’un jour, il sera plus qu’une suite de larmes. La solitude commence lentement à se dissoudre, mais la douleur reste aigüe, comme une cicatrice qui refuse de guérir.

°


Alors que je suis encore perdu dans mes pensées, mon esprit tourbillonnant après la confrontation avec Yoongi et Joon-Woo, les portes de la cour s’ouvrent avec un grincement de ferraille. Deux gardes entrent, imposants dans leur uniformité, et s’approchent de moi.

"Kim Taehyung, tu as un rendez-vous avec ton avocat. Viens," annonce l'un d'eux.


Le mot “avocat” résonne dans ma tête comme une promesse de voie de sortie, même si je refuse d’y croire vraiment. Chaque pas que je fais vers la sortie de la cour est lourd de désespoir. Je sais ce qui m'attend, mais l'idée de parler à quelqu'un d'extérieur, quelqu'un qui pourrait réellement m'aider, est une lueur d'espoir dans un océan de désespoir.

En passant par les couloirs sombres et froids de la prison, je ressens un mélange de peur et d'excitation. À ma grande surprise, d’un coup, nous arrivons dans une petite salle, un bureau aux murs ternes, avec une table de métal et des chaises remplies de manque de confort. Le gardien ouvre la porte, et je pousse un soupir lorsque mon regard se pose sur Kim Namjoon.

"Taehyung," dit-il d'un ton neutre en se levant. Je vois l'étincelle de reconnaissance dans ses yeux, mais également quelque chose de distant. Je ne peux pas vraiment m'en étonner.

"Namjoon," je réponds, feignant une désinvolte nonchalance. Mes yeux scrutent son visage.

Namjoon, en tant qu’avocat, est assez imposant. À un temps, c'était un jeune homme frêle, mais là, il a pris du muscle et de la stature, et je me rends compte de l'évolution que nous avons tous les deux vécue depuis ces anciens jours où il vivait chez mes parents. Il n'avait plus de famille et ma mère avait décidé de le prendre en charge le temps de ses études universitaires à l'époque j'avais entre 5 et 10 ans. Et j'étais un gamin insupportable qui s'amusait à suivre les délires de Yerim. On se moquait souvent de Namjoon car Yerim le comparait à un mendiant.

J'en ai honte aujourd'hui et mon égo en prend un coup en voyant que c'est lui qui doit me défendre.

Il prend une profonde inspiration. "C'est ta mère qui m'envoie. Elle fait tout pour que tu sois bien défendu." Sa voix est calme, mais j'entends une pointe de désapprobation.

Je me recroqueville sur ma chaise, luttant contre le besoin de lui démontrer ma supériorité. "Je n’ai pas besoin d'elle pour cela," je fais mine d’ignorer l’effervescence dans ma voix, essayant de revêtir une arrogance que je ne ressens pas réellement.

Namjoon grimace légèrement, conscient de la tension qui flotte entre nous. "Écoute, Taehyung. Je suis là parce que ta mère m’a aidé à un moment où j’en avais besoin, et je lui dois ça. Mais je ne suis pas ici pour caresser ton ego. Ce qui se passe ici est sérieux."

"Et alors ?" je lâche, un sourire sarcastique sur les lèvres. "Tu penses que je vais avoir besoin de ta pitié ?"

Namjoon secoue la tête, visiblement agacé. "C’est de moi dont tu devrais te méfier. Je suis ici pour te défendre ou bien t'enfoncer encore plus ainsi que te dire que cela ne va pas être facile. Les accusations portées contre toi sont graves. L’homicide involontaire… c’est sérieux. Tu risques une peine sévère."

Mes joues s’enflamment de frustration. "C’est injuste ! C’était un accident !" je proteste, le ton raisonnable de Namjoon me semblant insupportable.

J'ai si honte de tout ce que ma jumelle lui avait fait subir lorsqu'il vivait chez nous...


"Et la façon dont tu as agi après ce qui s'est passé ? Que veux-tu que je dise aux juges ?" Son regard est ferme. "Tu as non seulement été dans la voiture mais aussi participé au délit de fuite, Taehyung. Arrête de réagir comme un enfant gâté, ça ne te va plus."

Le silence s’installant entre nous est lourd de réminiscences. Je pense à ces années où Namjoon vivait sous mon toit, où j’étais encore cet enfant espiègle, insouciant, ignorant le monde extérieur. Mes parents l'avaient accueilli, lui offrant une chance qu’il n’aurait jamais eue autrement. Mais j'étais un enfant gâté, que je regardais à travers le prisme de mes petites misères et mes craintes.

"Les gens pensent que je mérite tout ça, n'est-ce pas ?" je dis enfin, ma voix un peu plus humble. "Je suis un gamin pourri gâté, comme tu m'as toujours dit, n'est-ce pas ?"

Namjoon relâche enfin la tension de son corps, et je vois qu’il fait un effort pour me comprendre. "Disons que tu n’as pas été facile à vivre. Je ne te porte pas trop dans mon cœur non plus,  mais tu as toujours été un peu plus gentil que ta sœur," il admet, avec un soupçon de malice.

Je sens mes joues brûler à l'évocation de ces souvenirs, de ma cruauté enfantine. Pourquoi ai-je agi de cette manière ? C’était avant que j’aie conscience de la douleur. Avant que madame Seo ne mettent les mains sur moi. J'étais insupportable. Mais maintenant, cette douleur me rattrape et me coince dans ce coin étroit de la réalité que je m’efforce d’éviter.

Namjoon semble lire mes pensées. "Regarde, Taehyung, je ne suis pas ici pour te juger, mais je veux que tu comprennes. Ce qui s'est passé, ça touche tout le monde. Ce n'est pas juste toi et tes amis ; cela a des répercussions sur des vies, y compris la tienne."

"Je sais, je sais," je lâche, me sentant à la fois indignant et accablé. "Je suis conscient que c'est ma vie, mais je… je suis plus qu'un simple visage dans les tabloïds !"

Il me fixe, attendant que je reprenne mes esprits. "Alors prouve-le," dit-il calmement, son ton d'avocat prenant le pas sur le reste. "Sois responsable, dégage cette arrogance et comprends que cela a des conséquences. Nous devons préparer ta défense. L’accusation va tenter de te dresser contre ton groupe; ils vont utiliser tout ce qu’ils ont."

Je laisse couler un soupir. "Et si je ne veux pas les trahir ? Mes camarades de galère. "


Et si je ne veux pas parler de la véritable raison qui nous a poussé à en arriver là ?

La réponse de Namjoon est rapide, presque tranchante. "Parfois, choisir la meilleure issue n'est pas un signe de faiblesse. C'est une stratégie que tu es obligé d'adopter. Parfois, les seuls chemins vers la liberté passent par des choix difficiles."

Je ne réponds pas. Cela ne fait qu’approfondir toutes mes insécurités. Je suis pris dans la tempête de mes propres responsables, et c'est la peur de ne pas savoir qui je suis qui me fait trembler au fond.

Les mots de Namjoon flottent dans l’air, et j’essaie de les digérer. Quand je pense à cela, je sens une autre facette de moi. Un reflet véridique, un ado qui a perdu son chemin, et je me rends compte que je suis traversé par une bataille, une lutte interne entre ce que je devrais être et ce que je suis devenu.


"Je… je vais essayer," je lâche finalement, ma voix s'atténuant.

"Ce n'est pas suffisant, Taehyung. Essaie de comprendre que c'est ta vie. Que tu as encore le pouvoir d'en décider. Cesse d'être ce gamin arrogant, et montre-moi à quel point tu es capable de te relever."

Pour la première fois, je sens une petite lueur de compréhension émaner de lui comme un phare dans cette obscurité. Au fond, je le sais. Les combats que je mène en moi-même ne seront pas d’un simple claquement de doigt. Cela prendra du temps, des efforts, de la coopération.

Je regarde Kim Namjoon dans les yeux, et je sens que l'avocat, qui semble dédaigneux au premier abord, pourrait être cette main tendue que j'espérais.



°




La réalité de la vie en détention provisoire s’installe doucement autour de moi. Les murs gris, parfois jalonnés de marques d’usure, semblent absorber tous les sons, créant un écho suffocant. Ici, dans cet endroit transitoire où l'avenir de chacun pend comme une épée de Damoclès, je deviens de plus en plus conscient de la fragilité de ma situation.

Comme l’a expliqué mon avocat, Kim Namjoon, le centre de détention provisoire est un espace intermédiaire, une espèce de purgatoire entre la vie libre et la prison ferme. Avant même que le juge ne se penche sur ma situation, je suis déjà classé dans un système que je ne comprends que trop peu. La suite de ma vie semble suspendue, accrochée à la décision d’un étranger dont je ne connais que les contours.

Il n’y a pas beaucoup de détenus ici, et cette quasi-solitude tisse une ambiance étrange. La plupart des autres prisonniers ne font qu’un tour de quelques pieds carrés, regardant le sol, perdus dans leurs pensées, attendant le moment de leur comparution. Je respire cette atmosphère lourde, où le temps n’a pas de véritable signification ; chaque minute qui passe est une répétition du vide existentiel.

Je repense à ce que Namjoon a dit à propos des délais interminables qui séparent l'arrestation du procès. L'angoisse m’envahit à l'idée que je pourrais passer des mois, voire des années, en attente d'une sentence. Comment est-ce possible de vivre ainsi, d'être suspendu à une décision magistrale ? C'est comme si j'étais passé d'une vie vibrante à une existence morne en un instant, un instant qui résonne encore comme une blague cruelle.

Les rumeurs circulent rapidement entre les détenus. Tout le monde ici sait qui nous sommes ; après tout, nous étions des figures publiques, des célébrités, et lorsque l’arrestation d'une personne connue se produit, les gardiens s'assurent vite d'en faire part au reste des prisonniers. Dans les salles de repos, notre histoire est retransmise en boucle à la télévision, notre image stigmatisée, déformée par les interprétations et les jugements.

Je ne peux pas m’empêcher de ressentir ce regard des autres sur moi, cette curiosité mêlée de mépris. Les gens nous montrent du doigt, non pas avec des mots, mais simplement avec des expressions, des grimaces de désapprobation ou des rictus de dégoût. Ce sont des regards qui semblent me traverser, mettant à jour des parties de mon âme que je croyais cachées.


Je ferme les yeux, ressenti une boule de frustration se former dans ma gorge. J'ignore combien de temps je vais rester ici. Chaque instant qui passe semble graver des chaînes plus lourdes autour de mes poignets, me faisant sentir encore plus prisonnier.

Ma solitude est le reflet des pensées de ceux qui m'entourent, une vraie perte de contact avec le monde extérieur. Dans cet endroit, chacun vit dans son propre enfer, et je crains que mon propre tourment ne se mêle à celui des autres.


Il y a deux types de prisons pour ceux qui sont arrêtés. La première est le centre de détention provisoire, une sorte de zone de transit entre la vie libre et la réalité carcérale. C'est ici que nous sommes, moi et mes camarades, attendant que le juge prenne connaissance de nos dossiers. L’idée de la transition me semble d'une cruauté sournoise. Comment passer d'une existence où je rêvais encore, à cet endroit triste et sinistre ?


Dès qu’on a été emmenés ici, tout a eu lieu rapidement. Le juge doit fixer une date pour la première comparution, où ils décideront si nous devons passer par un procès et si nous avons le droit de payer une caution qui nous permettra d'attendre le procès non pas en détention mais en liberté provisoire ou pas. Cela peut prendre des jours, des semaines, voire des mois. Parfois, je me demande si je ne suis pas en train de vivre un cauchemar sans fin. Les minutes deviennent des heures, et les heures se transforment en éternité.


Je rejoins rapidement Yoongi et Joon-Woo dans la cantine, le bruit des chaises grinçant sur le sol froid me tirant un peu plus de mes pensées. Le contraste entre la vie que nous avions et celle qui nous entoure ici est accablant. Nous étions habitués au luxe, et maintenant, même le simple acte de manger est devenu un supplice. Ça fait trois jours que nous sommes ici, et à ce rythme, je pourrais perdre une vingtaine de kilos avant même que le juge n'ait lu mon dossier.

Je prends place à la table usée, et j'observe le plateau devant moi. Mon bol est rempli de riz aux haricots, une sorte de mélange insipide qui me donne presque envie de gerber. Je touille les grains, et la texture pâteuse me révulse.

À cet instant, une avalanche de souvenirs me submerge. L'odeur des Teokkbokki que je partageais avec Jungkook à Busan, le goût savoureux de la sauce épicée. Je soupire. Dire que je me plaignais de ne pas avoir le bon goût de la vie. Qu'est-ce qui s'est passé ? Je me demande ce que Jungkook fait en ce moment. Est-ce qu'il pense à moi ?

Nous avons droit à un appel par jour, mais je ne sais même pas qui appeler. J'ai déjà appelé chez moi et parlé à ma mère, Seokjin, et à Jisoo, qui est revenue en Corée hier soir. Mon père, lui, a refusé d'échanger quelques mots. Cet abandon m'atteint, surtout quand j'imagine son visage déçu. Je cache toutes ces émotions, comme un poids que je ne peux pas me permettre de laisser échapper.

"Tu as vu ton avocat hier, de quoi vous avez parlé ?" me demande Yoongi, rattrapant mon esprit qui vagabonde. Il prend une gorgée de son verre d'eau, essayant d'hydrater son énergie diminuée.

"De rien de nouveau en tout cas. Mais nous nous reverrons demain pour discuter de ce qui s'est passé," je réponds, démoralisé par la nourriture fade devant moi. "Et vous deux?"

Yoongi hausse les épaules, un soupir échappé de ses lèvres alors que je remarque son teint, plus pâle que d'habitude et les cernes creusant ses yeux.

"Je suis censé le voir après le repas. Joon-Woo a eu son avocat ce matin. Mais ce que je veux vraiment savoir, c'est si vous avez parlé de pourquoi on a foncé sur elle. Parce que je dois vous prévenir que je suis prêt à nier en bloc les abus. Et vous passerez pour des menteurs," répond Yoongi, déterminé dans son refus.

Je hoche la tête, soulagé, mais inquiet. Comme Yoongi, je n'ai pas l’intention d’évoquer les abus que nous avons subis. Si je parle, le monde entier le saura. Ça, c’est impensable.

"Je préfère encore mourir que d'expliquer tout ça," marmonne Joon-Woo, son regard fuyant et noirci par la douleur. "Nous devons juste espérer que Selena n'en parle pas et que Somi, si elle se réveille, n'en parle pas non plus."

Selena… Je me demande comment elle se sent dans le centre pour femmes. Elle doit se sentir incroyablement seule, tout comme nous.

Soudain, une agitation attire mon attention. Un groupe de détenus, leur attitude relâchée mais provocante, s’approche de notre table. Je les observe, inquiet, alors que leurs sourires moqueurs, teintés de mépris, se dirigent vers nous.

"Regardez ces putes de célébrité !" crie l'un d'eux en souriant, satisfait de son propre commentaire. "Vous êtes où, les étoiles ? Vous vous croyez toujours au-dessus des autres ?"

Leurs rires résonnent dans la cantine, et je sens mon cœur s'emballer. Le rire acerbe d’un des détenus résonne comme un gong dans ma tête. Je détourne le regard, évitant de croiser leur observance.

Joon-Woo, cependant, ne peut pas se contenir. "Fermes-la !" répond-il, le ton agressif. Il se lève brusquement, sa colère palpable. "On n'a pas besoin de vos conneries ici !"

"Calme-toi, Joon-Woo," murmure Yoongi, plaquant une main sur son bras pour le retenir. Mais la fureur de Joon-Woo est déjà déclenchée, et il s’avance vers le groupe de provocateurs, défiant quiconque de se mettre en travers de son chemin.

Un des détenus avance, un sourire sardoniques aux lèvres. "Qu'est-ce qui se passe, le petit prince ? Prends ton vœu et va-t-en pleurer dans ta chambre !" Le regard méprisant qu'il lui lance amplifie l'adrénaline qui bouillonne en moi.

Je redoute les conséquences. Carnage et sueur, dans cet endroit où chaque coup peut résonner comme le début d’une guerre dont nous ne sortons pas vainqueurs. Mes jambes sont lourdes de peur, et je me redresse dans ma chaise, mes mains tremblant alors que j'essaie de garder mon calme.

"Ne fais pas ça, Joon-Woo!" je crie, ma voix tremblante. "Ne laisse pas ça dégénérer !"

Mais il n’entend pas, se tenant fermement devant le groupe avec cette fureur qui ne demande qu'à exploser. Chaque pulsation dans ma poitrine m’incite à agir, à me lever, mais le reste de mon corps est paralysé par l'angoisse.

Et alors qu'il s'apprête à frapper, je tend la main pour l'attraper par le bras. "Ne fais pas ça !" je supprime, la sueur perlant sur mon front. Chaque soupir que je prends me semble lourd, chaque seconde s’étire et devient un combat avec mes peurs.

La cantine devient alors un champ de bataille potentiel, l'angoisse palpable tandis que deux mondes se percutent. Je sais que ça ne peut pas finir bien. Les gardiens sont en train de nous surveiller, et si ça dégénère…

Le regard de Joon-Woo s'adoucit lentement, surprise par ma prise sur lui, se débridant peu à peu de cette rage aveugle. "Laisse-moi faire ! Ils ne respectent rien !"

"Calme-toi, s'il te plaît," je murmure, la peur dans ma voix à peine masquée. "Nous avons besoin de rester soudés. Une bagarre ne va rien arranger..."

Le groupe de détenus ricane alors, mais quelque chose dans ma voix resserre leur emprise, ce qui m'effraie davantage. Soudain, je réalise que notre fragile unité pourrait être arrachée en un instant, et toutes ces signaux de détresse m'emportent encore plus.

Silence. Une tension maladive. Les rires cessent, et Joon-Woo finit par se détourner, le regard encore enflammé, mais lentement apaisé, et me fait signe qu'il comprend. Dans ce silence pesant, je comprends la fragilité de notre situation, et ce que cela signifie d'être ensemble ici, combattant avec nos démons.

Mais quelque chose me disait que ça ne sera pas la dernière fois que nous serons en contact avec ce groupe...


Jungkook... Que fais-tu pendant ce temps ?

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