Ses doigts se baladent dans son dos, se délectant des frissons qu'ils provoquent sur sa peau nue. Une peau qu'il a appris à connaître par cœur, et qui, pourtant, continue à l'émerveiller. Une peau hâlée, si rare au sein des murs, marquée de trop nombreuses cicatrices pour son jeune âge. Une peau à la saveur si particulière, si fascinante qu'il ne peut s'empêcher de la goûter à chaque nuit passée à ses côtés.

Avides, ses lèvres s'y posent, poursuivant le sillon auparavant dessiné par ses caresses. Elles s'égarent sur sa chute de reins, délicieusement tentante. Là, incapable de résister plus longuement, il mordille doucement sa peau, lui arrachant un gémissement de plaisir à peine camouflé.

« Je savais bien que tu ne dormais pas. »

Une tête échevelée émerge de l'un des oreillers. Elle se tourne vers lui, un air grognon inscrit sur son visage aux traits tirés par la fatigue.

Il n'y croit pas un seul instant.

Tara n'est jamais en colère contre lui. Quelle que soit l'idiotie prononcée ou faite, son air grognon ne dure jamais longtemps, bien au contraire. En quelques secondes à peine, son magnifique sourire revient orner son visage bien plus noblement qu'une parure de pierre précieuse.

« Comment ? »

« Quand tu dors, tu te blottis contre moi au moindre mouvement de ma part. Là, tu es restée immobile. »

Constater les rougeurs provoquées par sa remarque, et qui recouvrent à présent ses joues, est un spectacle des plus charmants. Pourtant, il ne prend pas le temps de les contempler autant qu'il aurait voulu le faire.

« Tu ne l'as pas fait depuis deux nuits, Tara. »

La soldate baisse les yeux, coupable. Qui croyait-elle pouvoir berner ainsi ? Mike la connait mieux que quiconque. Il a toujours sur déceler, sans le moindre mal, ses états d'âmes les plus secrets. Alors maintenant qu'il partage autant ses nuits que ses journées, elle aurait dû se douter que ses insomnies ne passeraient pas inaperçues.

« Dis-moi ce qui ne va pas. »

Il sait parfaitement que la brune lui cache la vérité sur cette semaine de repos loin du quartier général. En vingt ans dans le Bataillon d'Exploration, jamais il n'a pu s'éloigner aussi longtemps. Que Tara ait réussi à obtenir une telle chose de la part d'Erwin le rend méfiant.

« Je ne peux pas. »

« Il est essentiel que Mike ne soit au courant de rien. Tant qu'il ne sera pas totalement remis de ses blessures, on ne peut pas prendre de risque. Je compte sur toi, Tara. »

Au diable Erwin et ses ordres. Jamais elle ne l'a autant haï qu'en cet instant où Mike la dévisage avec inquiétude. Lui mentir est une torture. Elle déteste ça. En dix ans, leur relation s'est construite autour d'une absolue sincérité. Devoir lui cacher la vérité la ronge.

« Erwin ? »

Tara hoche la tête, les traits de son amant se crispent. Si la jeune femme accepte d'obéir à un ordre du Major sans même le consulter avant, cela ne présage rien de bon pour la suite. Songeur, Mike laisse sa main en suspens, la privant de ses caresses apaisantes.

« Tu m'en veux ? »

« Non. Je sais que tu fais ça pour me protéger. »

Il n'est pas idiot. Erwin et Tara l'éloignent du commandement dans un but précis. Dans son état, il est incapable de se défendre seul. C'est à peine s'il parvient à marcher sans aide. N'importe qui pourrait se servir de lui contre le Bataillon.

Frustré, son poing se ferme.

Pourquoi est-il si faible ?

« Mike. Arrête. »

Le ton de la jeune femme s'est durci. Visiblement, elle sait parfaitement quel chemin arpentent ses pensées.

« Tu as protégé tous ceux qui t'entourent pendant des années, laisse-nous te rendre la pareille. Ça ne fera pas de toi quelqu'un de faible. »

Elle tend la main jusqu'à son visage, et balaye avec douceur les mèches blondes voilant son regard. Elle aimerait pouvoir faire de même avec cette douleur qui se reflète dans ses pupilles attristées.

« Laisse-moi prendre soin de toi. »

« Tu le fais depuis déjà dix ans, Tara. »

« Et ça n'a pas suffi. »

Son regard s'assombrit, alertant le soldat. Le traumatisme provoqué par la dernière expédition la ronge lentement. Les stigmates de sa prétendue culpabilité lui apparaissent aux grands jours. Malgré les semaines passées depuis son réveil, elle ne semble pas réussir à se relever de cette épreuve, bien trop occupée à se soucier de lui.

Il remarque ses yeux toujours plus cernés, toujours plus désemparés. Il remarque ses joues toujours plus creusées alors même qu'il veille quotidiennement à son alimentation. Mais surtout, il remarque ces changements infimes dans son comportement, qu'il est sûrement le seul à pouvoir distinguer. Ses mains qui tremblent, Ses sursauts aux moindres bruits, ses insomnies, rien de tout cela ne lui échappe.

Mais ce qu'il remarque le plus souvent, c'est son sourire terni, pâle reflet de ce qu'il a pu être dans leur passé. Ce sourire qu'elle accroche à ses lèvres dès qu'elle tente de faire bonne figure devant lui.

Pense-t-elle vraiment pouvoir le berner si facilement ?

« Tu n'es pas responsable de ce qui est arrivé, la Bleue. »

« Si. »

Souhaitant couper court à cette conversation, la soldate brise leur étreinte, s'enfuyant du cocon rassurant de ses bras pour enfiler prestement son uniforme.

« Je vais prendre l'air. »

Il ne la rejoint que bien plus tard, alors que le soleil est déjà haut dans le ciel. Assise à même le sol, elle parait minuscule au milieu de cette immensité verdoyante. Le domaine, dans lequel ils ont élu domicile depuis quelques jours, leur offre tant d'espace qu'ils leur rappellent l'extérieur des murs, là où aucun Mur ne vient briser l'horizon.

« On se croirait presque libre. »

« L'extérieur me manque. »

Depuis la chute du Mur Maria, cinq ans plus tôt, aucun d'eux n'a pas pu revoir ces terres inexplorées. Parfois, Mike se surprend à en rêver, lorsque ses cauchemars cessent de le harceler. Il rêve de ces forêts grandioses, de ces étendues désertiques et de ces lacs infinis qu'il a autrefois aperçu dans des livres désormais interdits. Des gravures reflétant une réalité si sublime qu'il se demande encore si cela est possible.

Si un tel monde existe, pourquoi doivent-ils vivre et périr emprisonnés ?

Il se laisse tomber aux côtés de la jeune femme, un léger grognement s'échappant de ses lèvres alors que son corps heurte trop durement le sol.

« On finira par y retourner, ensemble. »

Cette promesse, il la scelle en entrelaçant leurs doigts. Un jour, leurs pas les mèneront loin du Bataillon, loin de l'Humanité, loin des Titans. Loin de la mort et du désespoir qui les guettent depuis trop longtemps déjà.

Il en est persuadé.

Mike sait que c'est l'unique façon d'accrocher définitivement un sourire sur les lèvres de sa subordonnée.

« Un jour, on laissera ses foutus Murs loin derrière nous. On ne s'arrêtera pas avant d'avoir atteint le bout du monde, et crois-moi, même à ce moment-là, on n'aura pas encore exploré un quart de ce que l'univers nous réserve. »

« T'es idiot, le bout du monde, ça n'existe pas. »

« Alors on ne s'arrêtera jamais. On avancera sans aucun autre but que de profiter de notre liberté. »

Tara ne peut s'empêcher de l'admirer alors qu'il se laisse emporter par ses rêves. Comme à chaque instant où il s'égare dans des songes qui lui paraissent pourtant utopiques, elle n'a qu'une envie : le suivre.

Elle donnerait tout pour découvrir l'extérieur à ses côtés.

Elle se damnerait pour rejoindre ce bout du monde qui n'existe pas, pour parcourir ces terres qui n'ont jamais été foulées.

Pour pouvoir contempler un horizon sans frontières.

« On quitterait le Bataillon ? »

« Le Bataillon n'aurait plus de raison d'exister si l'on parvient à percer le secret des Titans. »

« Encore faut-il que l'on y arrive. »

« Ne perds pas espoir. »

Son regard résolu conforte Tara dans son impression première : Mike vient de lui donner un ordre. Elle ne doit pas abandonner. Jamais.

Ils ont un rêve à vivre à deux.

Elle n'a pas le droit de sombrer. Pas alors qu'il se relève à peine des épreuves que lui a imposé la vie.

« Je... »

Sa phrase reste en suspens alors qu'elle se redresse, inquiète. Son amant s'agite lui aussi, alerter par son flair hors du commun. Leurs regards se croisent, se comprennent.

Bientôt, leur refuge sera violé par des intrus.

Bientôt, ils ne seront plus seuls.

La soldate se relève avec vivacité, et aide Mike à faire de même.

« Tu penses pouvoir courir ? »

Il hoche la tête. Il n'a pas réellement le choix après tout. Ce n'est pas le moment pour que son corps l'abandonne. Ils ne perdent pas de temps : la bâtisse n'est pas très loin, mais chaque minute compte. Ses foulées sont désordonnées, son souffle est court, mais il tient bon.

« Tara, ton instinct... »

La jeune femme se stoppe immédiatement dans sa course, comprenant l'air terrifié de son chef d'escouade. Il sait mieux que quiconque comment fonctionne son instinct. Si celui se manifeste, ça ne peut vouloir dire qu'une seule chose...

« Pas nous, eux. »

S'ils restent ainsi, à la merci de leurs ennemies, un sort funeste attend les envahisseurs. Si Mike se retrouve en danger, elle sait qu'elle n'hésitera pas une seule seconde à exécuter cette basse besogne.

« Je ne veux pas avoir à tuer des humains, Mike. »

Son esprit ne le supporterait pas. Déjà, elle fixe ses mains, terrorisé à l'idée qu'elles soient recouvertes du sang de l'humanité.

« Tara ne doit pas savoir. Si jamais elle apprend que les Titans que l'on exécute depuis des années ont été autrefois humains, elle s'effondrera. On ne peut pas prendre ce risque ! »

Pourquoi faut-il qu'Erwin ait si souvent raison ?

Le blond attrape le menton de sa subordonnée. Il ne peut rien faire pour apaiser son instinct, si ce n'est de la soutenir dans chacun de ses décisions.

« Calme-toi. Tu ne tueras personne, compris ? Fais le vide dans ta tête et concentre-toi. »

Parce qu'elle trouve toujours le moyen d'épargner le plus de vie possible, il lui voue une entière confiance. Ce n'est pas pour rien qu'il lui confiait si fréquemment le commandement de l'escouade et la mise en place de stratégie. Nanaba lui reprochait à de nombreuses occasions d'ailleurs. Cela allait contre tous les principes de la hiérarchie.

« Ça ne va pas te plaire... »

Il déteste quand ses explications commencent de cette manière. Il sait pertinemment ce qui va suivre. Tara va encore courir des risques inconsidérés, simplement dans le but de le protéger.

« Non. »

Pas cette fois. Il ne veut plus être séparé d'elle. Pas après les épreuves qu'ils peinent encore à traverser. Pas après avoir déjà perdu tant des leurs. Il refuse de prendre ce risque.

Tara lui est bien trop essentielle.

« Mike, je ne risque rien, je te le promets. Je ne mourrai pas. »

Ses pupilles déterminées ont capturé le regard du plus âgé. La soldate a toujours su trouver les mots justes pour le faire plier. Il aura beau tenter de la retenir, de la raisonner ou même de l'arrêter, elle parviendra à le faire lâcher prise. C'était déjà le cas avant la dernière expédition, et c'est encore plus vrai maintenant qu'ils se sont dévoilés leurs sentiments.

« Cette maison appartient à Erwin, il m'avait affirmé que c'était un endroit sûr pour ta convalescence, sauf qu'une fois de plus, cet enfoiré a eu tort.

Mais voyons le bon côté des choses : elle possède sa propre entrée vers les bas-fonds. Tu vas t'y rendre et tu tomberas sur la taverne d'une femme nommée Judith. Elle est rousse, passe son temps à boire et a un caractère encore pire que celui de Livaï. Tu ne pourras pas la louper. Elle te mettra à l'abri le temps que la situation à la surface s'apaise. »

« Viens avec moi. »

La jeune femme ferme les yeux, déjà peinée par les paroles qu'elle doit prononcer. Elle n'a malheureusement pas le temps de ménager la susceptibilité du blond.

« Tu es encore trop faible et trop lent Mike, si l'on fuit ensemble, on se fera rattraper à coup sûr. Je vais éloigner nos assaillants de la maison et faire en sort de te laisser le plus de temps possible pour fuir. »

Ses mots sont durs, mais bien trop vrais. Ils n'ont d'autre choix que celui de se séparer s'ils veulent survivre à cette nouvelle épreuve. Le chef d'escouade en a parfaitement conscience.

Alors pourquoi a-t-il si peur ?

« Le passage est dissimulé dans le bureau, dans la bibliothèque, tu trouveras un livre rouge dédié à la monarchie au sein des Murs. Retire-le et la voie s'ouvrira. »

Réalisant qu'il ne leur reste que quelques secondes de répit, Mike se précipite sur les lèvres de sa subordonnée, lui offrant un baiser au goût d'adieu.

« Sois prudente, la Bleue. »

« Toi aussi, Chef. »

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Il aura tardé à sortir ce chapitre, toutes mes excuses pour ça !

On entre enfin dans la seconde partie de cette histoire et autant vous dire que ça représente un sacré challenge pour moi...

J'en profite aussi pour dévoiler la nouvelle couverture de cette fanfic, sur laquelle j'ai passé un temps monstrueux pour arriver à un résultat que j'apprécie.

Voilà donc nos chers tourtereaux, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez :) 

Et pour finir, le personnage de Judith, mentionné dans ce chapitre, appartient à CaporalNellas et apparait dans sa fic  ♦Là où on emporte les flammes♦. C'est un Livaï x Oc juste sublime, allez le lire ! 

Nayruh