16 - Un tout dans un rien.
── Certains soirs il y a sur mes joues
du sel que la mer n'a pas déposé.
Pdv interne :
- On est quel jour déjà ? Demande un élève lambda en passant le portail du lycée, prêt à rentrer chez lui.
- Jeudi quinze. Répond son pote après avoir jeté un rapide coup d'œil à sa montre connectée.
- Aaah mais c'est pas demain matin que le mec du Blue Lock repart ?
- Hein ? Fait l'autre, n'ayant pas compris au premier abord les mots de son ami. Ah oui lui ! Il se reprend, ayant enfin percuté. J'en sais foutre rien, peut-être bien oui.
Leur conversation continue, mais je n'entends pas la fin puisqu'ils s'éloignent de moi, marchant au loin. Tandis que je fais du surplace, attendant justement la star du lycée qui est censée me rejoindre.
C'est notre dernier moment ensemble avant probablement ce qui résultera d'une éternité. J'arrive pas à croire que ce soit déjà fini alors que tout a commencé il n'y a qu'un peu plus d'une semaine... Au moins dans le bahut tout le monde pense qu'on sort ensemble, même Taiyo. Et après tout c'était ça le but premier. Mais bon, j'aurais préféré que ça continue plus. Au final c'était cool de prétendre qu'on sortait ensemble, à toujours aller se parler, à se tenir la main et à passer du temps juste à deux.
- Salut !
- Ah enfin ! Qu'est-ce qui t'a pris autant de temps ? Je le questionne, impatiente.
- Vu que je repars dès demain, mon prof a voulu voir avec moi comment on allait faire pour les cours à ma reprise.
- Aaah d'accord.
- On y va ?
- Yep ! Je lui confirme en souriant.
Encore une fois, on sort à deux. On a décidé d'aller un peu plus au calme, en campagne. Même si c'est bien compliqué de trouver un endroit idyllique rempli de verdure ici dans cette zone surpeuplée. C'est pour ça qu'on prend le bus, pour se rendre en dehors de la population, dans un lieu plus prospère. Et la vérité, c'est que ce soir j'aimerais beaucoup le peindre. J'ai discrètement emmené mon matériel de peinture. Sinon on va clairement s'ennuyer.
✩ ✩ ✩
- Au revoir, bonne journée ! Nous saluons la chauffeuse en chœur, sortant du bus quasiment vide.
Je saute des marches et atterit à pied joints sur la terre ferme, encore bien loin de cette campagne.
- Bon, maintenant faut marcher. Il conclut en soupirant.
- Comment va-on rentrer chez nous d'ailleurs ?
- Ah- Il lâche, observant le bus s'en aller.
- Non parce que si je demande à mes parents de venir nous chercher ils vont me brûler dès que je rentrerai chez moi. Je lui dis en riant.
- Je demanderai aux miens, t'en fais pas. Me rassure Chigiri en commençant à marcher.
Ainsi donc, nous avançons vers la partie rurale de la capitale. Heureusement il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. Ce qui rend notre aventure bien meilleure encore, entre silence et rires. Ça nous prend quand même une belle trentaine de minutes pour atteindre un espace vert, mais le spectacle est de mise.
- Aah enfin. Je souffle, épuisée.
- On devrait venir dans ce genre d'endroit plus souvent.
- Oui, quand tu rentreras du Blue Lock. Je rajoute en le regardant.
- Ouais. Il acquiesce, et on s'enfonce un peu plus dans le champ apparent.
Les hautes herbes et brindilles frétillent contre ma peau, caressant mes chevilles dénudées. Le soleil quant à lui tape fort, bien qu'il ne fasse pas assez chaud pour se balader sans veste. J'inspire l'air frival de la nature et prend du plaisir à observer cet espace rempli de vie.
- On fait quoi ? Me demande alors Chigiri une fois bien avancés dans le champ.
Alors que de nombreuses idées farfelues ou coquines traversent mon esprit, je me recentre sur mon idée principale : la peinture.
- Je peux te peindre ? Je l'interroge simplement.
- Hein ?
- Je n'ai pas forcément le talent pour dessiner le Beau, je ne pratique aucune forme d'art spécifique, ni réalisme ni cubisme. Mais ce qui compte, c'est que ça touche les gens. Au diable les beaux dessins, moi ce que je veux c'est que le monde puisse entendre leur cœur battre un peu plus vite face à mes traits d'acrylique.
Il paraît très surpris face à ma demande, et balbutie un peu.
- Mais euh t'as pris ton matériel avec toi ?
- Oui. J'avoue timidement.
- Donc je vais être ta muse ?
- Si tu le veux bien. J'affirme, légèrement stressée.
Il hésite quelques instants, et finit par céder. On s'installe donc tous les deux dans l'herbe, calmement. Je sors tout ce qui traînait dans mon sac, peintures, huile, et toile. Malheureusement j'avais pas la place pour un chevalet donc je vais devoir faire ça n'importe comment.
- Me rate pas hein. Il me dit en pouffant.
- Aïe on verra. Si ça te ressemble un minimum c'est déjà pas mal, vu que les détails c'est pas mon fort je vais faire dans l'abstrait. Comme ça même si c'est pas ressemblant ben je pourrai dire que c'est fait exprès. Je réplique en me marrant.
Après quelques douces paroles échangées, je m'y mets. D'un coup de pinceaux, puis deux, puis trois, je trace les contours de son visage. J'essaie aussi de retranscrire son apaisement combiné à une impatience infaillible, mais c'est bien difficile. Plus j'avance dans le projet, plus je me dis que ça va vraiment être un tableau d'art abstrait.
Minutes après minutes, le dessin de son âme prend forme sous mon plumeau. Le fuschia ressort, ainsi que le sauge et le beige de sa peau. Le temps s'écoule bien vite à mes yeux, mais pour lui qui attend bêtement c'est tout le contraire.
- T'as bientôt fini ? Ça doit faire au moins trente minutes !
- Déjà ? Zut j'ai dit que j'allais me dépêcher. Bon je termine alors, j'en ai pour cinq minutes !
Je rajoute quelques couleurs, quelques détails, et tente de me concentrer sur sa silhouette, maître du tableau. Et je signe maladroitement.
- Ok c'est bon ! Je m'exclame ravie, tout en riant à gorge déployée.
Il fronce les sourcils, se demandant sûrement pourquoi je ris aux éclats comme ça, mais en fait fi et se précipite à mes côtés pour observer le résultat.
- Personnellement je trouve ça bien raté, on te reconnait à peine. Je rajoute, le sourire aux lèvres.
Au final réussir cette peinture n'était pas mon but, mais le peindre oui, et ça je l'ai réussi.
- C'est hyper beau... Il murmure impressionné, ce qui me surprend.
- Quoi ?
- Peut-être que ce n'est pas parfait niveau dessin, mais ça me touche quand même. Comme quoi ton amour pour l'art me contamine.
Ses mots m'émeuent, à tel point qu'une envie de chialer mes grands morts me vient. Et pour éviter ça, je préfère réagir directement et me lancer sur le terrain de la rigolade : de mon pinceau, j'entache ses joues.
- AH ! Il crie de stupeur. Tu viens de me peindre là ???
- Haha t'es plus beau comme ça !
- Ah ouais ? Peut-être qu'on devrait faire des sessions peintures plus souvent alors, comme ça ma beauté ne fera que grandir ! S'exclame Chigiri sarcastiquement.
- C'est dommage que tu partes alors hein. Je lui rappelle sur le même ton de raillerie.
- Ouais, c'est dommage. Répond-il plus sérieusement, cassant définitivement l'ambiance joviale.
Je me calme un peu, et reprends mon souffle perturbé, le sourire s'effaçant peu à peu de ma bouille.
- Reste alors. Je lâche gravement.
- Haha, comme si je pouvais.
- Tu ne le peux même pas pour moi ? Je le questionne en lui faisant mes yeux de chiens battus.
- Malheureusement, non. Il rétorque en soupirant, ce qui me fait froncer les sourcils et grincer des dents.
- Et si je te vole tes affaires pour te forcer à rester ??
- Quoi ? T'es kleptomane c'est ça ?! Renchérit le rose en riant.
- Pour le peu que tu saches, je pourrais l'être !
- J'ai récupéré ma bague, je m'en fous du reste. Il affirme sûr de lui.
Tout bêtement, je prends ça comme un défi.
- Ok, on verra si ça te gêne de plus avoir ton téléphone alors. Je lui dis en vitesse avant de m'emparer de ce dernier et de partir en courant.
Très vite, je me souviens qu'au niveau de la course je risque de perdre. Mais c'est pas grave, je tente le tout pour le tout en faisant du chantage de nouveau. Au bout du compte, ce n'est qu'une énième tentative désespérée de ma part.
L'herbe si délicate devient âpre, et griffe mes mollets découverts. Néanmoins, ce contact m'importe peu. Car la bêtise que je fais par badinerie fait grimper mon adrenaline en flèche, et étire mes lèvres jusqu'à mes oreilles. Je ne pense qu'à courir le plus vite possible, en espérant ne jamais me faire rattraper, serrant un peu plus fort ma poigne sur son mobile.
Malheureusement cette attente part en fumée, puisqu'au bout d'une vingtaine de secondes, j'ai une masse énorme qui vient me rentrer dedans et qui plaque mon corps contre terre. Le guignol est parti à ma poursuite, sans surprise. On tombe tous les deux sur le sol, l'un sur l'autre, les rires fusant, perçant les oreilles de chacun par leur volume outrageant. J'en ai des larmes qui perlent au coin de mes mirettes.
Et quand enfin on arrive à soulager notre fou rire, je prends conscience de notre position et de la proximité qu'on a. Il est allongé sur l'herbe jaunâtre, et moi je suis affalée sur lui n'importe comment. Ma tête est en face de la sienne, et une de mes mains est posée sur son torse tandis que l'autre est à côté, agrippant les pousses vertes.
- Ah... Il lâche, prenant probablement lui aussi conscience de la situation.
Mon attention se reporte sur lui, et je le regarde, tout simplement. Lui et ses lèvres qui paraissent si fines et pourtant si pulpeuses, son torse solide et friable à la fois, ses yeux à moitié fermés et pourtant bien béants quand on s'y plonge, ses cheveux rêches et doux en même temps. Un tout dans un rien. Un tout qui m'échappe et un rien qui me rejoint. L'entièreté de son être au creux de ma main, et le néant de mon cœur qui le détruit en chemin.
Tout se mélange en moi, et finit par se perdre. L'indécision prend le pas sur la confusion qui elle-même régnait sur la frustration. Je suis complètement perdue, à la rue. L'envie m'attire vers le désir charnel que représentent ses lips, mais quand il s'agit des miennes elles sont incapables de bouger. Je voudrais faire tellement de choses en cet instant et en dire tout autant. Toutefois, je ne fais que le regarder, les yeux dans les yeux, nos souffles se rencontrant avec ardeur, sans que rien ne se passe.
Mon cœur ne peut s'empêcher de se faire tout un tas d'idées.
Je veux tellement l'embrasser. Faire un avancement de quelques pauvres centimètres et savourer le goût de sa bouche si attirante. Ressentir de nouvelles sensations, et retrouver la joie qu'est de mouvoir ses lèvres en symbiose.
- Eu- Je n'ai pas le temps de placer ne serait-ce qu'une syllabe, qu'il fait ce que je rêvais de faire.
Sa bouche vient sceller la mienne, me privant de parole. Un simple baiser d'une seconde, qui pourtant réveille toutes les sensations que j'avais perdues avec Taiyo.
Je le regarde de nouveau, mais cette fois-ci c'est moi qui fais le premier pas. Je dépose mes lèvres sur les siennes, pendant un peu plus longtemps, et les retire en riant. On se parsème mutuellement de baisers un peu partout sur le visage. C'est l'extase dans tout mon corps, j'ai du mal à croire que ce moment arrive réellement. Nos deux peintures se mélangent pour n'en former plus qu'une, c'est l'apothéose dans mon cœur.
- AH ! Je crie en lui tapant violemment la joue.
- Aïe !
- Pardon ! Je m'excuse immédiatement. T'avais un insecte dans ton cou, j'ai pris peur... À mes mots, il pouffe.
- C'est pas grave, au moins ça t'a évité de manger un insecte. Il murmure mielleusement.
- Haha t'as bien deviné, ma prochaine étape était ton cou.
- Était ? Il lâche l'air déçu.
Je me rapproche alors de lui de nouveau, effleurant son cou, mais la sonnerie de son téléphone me coupe. Un râle d'ennui s'échappe de sa bouche.
- Oui ? Aah oui. Euh non j'avais pas fait gaffe, je t'envoie l'adresse. Oui oui. À toute à l'heure. Dit-il en raccrochant.
- C'était qui ? Je l'interroge, curieuse.
- Mon père, il m'a dit qu'il venait me chercher pour pas que je ne rentre trop tard. Pour être en forme demain, vu qu'on s'en va assez tôt. Il m'explique en tapant sur son clavier.
- Ah oui, c'est logique... Je réponds faiblement.
Et ce serait mentir de dire que ça n'a pas coupé notre moment romantique, puisque directement après on a dû marcher pour rejoindre une route plus passante, afin que son père nous récupère.
Puis le trajet s'est fait en silence, et obligatoirement, nos au-revoir aussi. La présence de son paternel n'aidait en rien, puisque je n'allais pas déblatérer un monologue alors qu'il était là, juste devant nous. Alors, avec juste un "merci" et un "salut" je suis sortie de la bagnole.
Si j'avais su, je lui aurais fait mes adieux avant, surtout en sachant qu'il n'aura pas de téléphone au Blue Lock et que son retour est très flou. J'ai le sensation de me noyer dans les non-dits, ce qui me met extrêmement mal, à en pleurer dans ma chambre. Mais les larmes ont beau couler, ça ne change rien au fait que je suis impuissante, et que inévitablement, demain, il s'en ira.
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Mon chapitre préféré je crois <3
Et sûrement le plus long, 2200 mots !
J'espère qu'il vous a plus aussi, il en reste encore 5 avant la fin 🫂
ET MERCI POUR LES 4K VUES ❤️ Puis bientôt ce sera 1k vote, c'est énorme merci beaucoup de lire cette histoire <333
~ Maë ♡ ~
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