chapitre 1

Novembre 1941,

Walburga retient sa respiration alors que Lisbeth, la servante, resserre son corset et la jeune fille pose une main sur son ventre, essayant de ne pas défaillir sous toute cette oppression. Elle déteste ce genre d'événements qui servent à s'exposer. La brune reste bien droite comme on le lui a appris, mais son visage n'est ni de glace ni de pierre. Ses yeux expriment ce qu'elle ressent ce qui a tendance à énerver ses parents qui ne se privent pas de lui faire savoir, mais Walburga n'y peut rien, son cœur pur n'est ici que pour voir le monde et sa beauté.

Avoir grandi dans cette famille aurait dû la briser depuis longtemps, la rendre aussi glaciale et cruelle que ses pairs, mais sa pureté a toujours réussi à survivre au milieu des ténèbres. Elle cache bien des choses parce qu'elle n'est pas folle, elle sait qu'elle doit quand même faire en sorte que sa famille l'accepte. Prunella, l'elfe de maison, entre dans la chambre avant de se baisser dans une révérence si basse que la pointe de son nez se plie sur le sol et Walburga retient un sourire. Lisbeth lui enfile la robe noire et bouffante avant de la serrer elle aussi. Walburga serre les dents et reste bien droite.


— Miss Black, dit Lisbeth, je suis désolée, j'ai oublié de prendre les épingles pour la resserrer au niveau de la taille.


— Ce n'est pas un souci, répond la brune. Mes parents ne vont pas plonger le nez dans ma robe.


Lisbeth est une esclave, voilà comment Walburga la voit, parce que ses parents la traitent tout comme, mais elle fait en sorte de lui faire comprendre que le sang ne compte pas, c'est le cœur qui est important.


— Prunella, allonge-toi, je vais t'appliquer la pâte.


— Maîtresse Walburga doit se préparer pour son anniversaire.


— Regarde, réplique la brune. Je suis déjà prête. Tu as besoin de soins alors pas de discussion et allonge-toi.


L'elfe obéit. Elle a été fouettée le matin même par le père de la jeune fille et elle s'en veut parce qu'elle n'a pas bougé pour l'aider. Elle remercie Lisbeth qui quitte la chambre et elle attrape le mélange avant de s'agenouiller par terre. Le dos de la créature est horrible et elle réprime un haut-le-cœur.


— Kreattur est un imbécile, marmonne-t-elle. Je suis désolée que par sa faute, tu aies dû subir les foudres de mon père.


— Maîtresse Walburga est bien trop gentille, dit la petite elfe.


Walburga déteste Kreattur, elle est certaine qu'il a fait exprès de pousser Prunella pour qu'elle renverse la vaisselle. Il essaie d'être le seul elfe de la maison et la jeune fille passe son temps à le foudroyer de ses yeux profonds et sombres. Elle applique la pâte verte et l'étale sur la peau lacérée de la créature avant de masser un peu. Elle espère que ça la soulagera pour la soirée parce que ce genre d'événements est plutôt rude pour les elfes.


— Voilà, dit-elle, normalement, tu devrais ressentir les effets dès maintenant, Prunella.


La créature se relève et elle n'arrête pas de remercier tout en se courbant, mais Walburga chasse tout ce protocole d'un mouvement de la main. Elle ne veut pas de remerciements, elle veut juste que l'elfe ne souffre plus. Lisbeth frappe alors à la porte et sa voix s'élève dans le silence de la pièce.


— Miss Walburga, dit-elle, les invités sont tous arrivés, il est temps de faire votre entrée.


La brune inspire profondément, fêter ses seize ans ne l'enchante pas, elle va devoir parcourir la centaine d'invités, tenir une discussion, ne pas pouvoir refuser d'invitation à la danse et entendre tous ces gens dire à quel point le sang pur est ce qu'il y a de mieux.


— Je suis prête Lisbeth, lance-t-elle.


La jeune fille inspire de nouveau, s'être baissée pour s'occuper de Prunella dans cette robe lui a coupé le souffle pourtant, elle reste bien droite et ouvre la porte, laissant l'elfe s'éclipser. Elle suit la servante dans les longs couloirs puis elle s'arrête en haut de l'escalier, dissimulée tandis que Lisbeth redescend murmurer à son père que Walburga est prête.

Pollux Black réclame alors le silence en laissant une cuillère résonner contre son verre rempli d'un alcool d'un rouge sang et un sourire de fierté éclaire son visage. En ce moment, personne ne pourrait se douter qu'il frappe parfois sa fille parce qu'elle n'a pas les mêmes opinions et qu'elle laisse échapper des remarques.

— Mes chers amis, dit-il. Aujourd'hui est un jour particulier, ma chère fille fête seize années d'existence et elle est désormais en âge de faire partie de notre société. Le sang pur coule dans cette famille et continuera de couler longtemps encore.

Walburga lève les yeux au ciel, peu importe le discours, son père ramène toujours tout au sang pur et elle se pince les lèvres alors qu'elle entend des pas derrière elle et elle se crispe. Elle reconnaît ce pas lourd et Alphard, son frère, se place à côté d'elle.


— Tiens-toi plus droite, dit-il, tu vas finir bossue.


La jeune fille serre les dents, elle est déjà aussi droite qu'il est possible de l'être et pourtant, son dos s'étire encore tandis qu'elle laisse son frère lui prendre le bras. Le silence des invités lui noue le ventre et quand son père l'annonce, elle garde la tête bien haute et s'avance alors, descendant les escaliers sous les regards approbateurs.


«Elle est magnifique», «Un peu trop grosse à mon goût», «Elle n'est pas assez pâle», «Elle aura de beaux enfants.»


La brune tente de faire abstraction de tous ces murmures qui défilent à ses oreilles, comment cette soirée peut-elle être sienne alors que les commentaires négatifs sur le fait qu'elle ne ressemble pas encore totalement à une parfaite Black, fusent de tous les côtés? Pollux s'approche d'elle et Alphard la laisse à lui comme on échangerait une balle ou un cigare. L'homme sourit, mais elle voit ses yeux qui la mettent en garde.

Ce soir, elle doit se comporter à la perfection sinon elle sera punie et elle fait un léger signe de tête. Elle le laisse la présenter, elle laisse la bave des lèvres s'échouer sur sa main quand les hommes se penchent afin de lui embrasser et elle évite de montrer son dégoût bien que l'envie de courir se couper la main est de plus en plus tentante.

Alors que les serveurs passent entre les invités, proposant de petits fours qui semblent délicieux, Walburga croise le regard de sa mère. La jeune fille déglutit avec peine, comprenant le message, ne mange pas ça, tu es déjà bien en chair. Elle laisse passer le serveur, l'eau à la bouche. Irma Black fait une fixation sur l'apparence. Mieux vaut être trop maigre qu'à un poids normal pour sa taille et la brune a bien essayé de lui faire comprendre, mais elle a fini enfermée dans sa chambre durant trois longs jours.


— Walburga?


Elle se retourne vers Orion, son cousin et le salue d'une révérence parfaite avant de le laisser parler. Il faut toujours laisser l'homme parler le premier et ne répondre qu'à ses questions sans en poser.


— Bon anniversaire, dit-il, je vois que vous portez le collier que je vous ai offert.


La jeune fille porte la main à son cou, sa mère l'a forcé à le mettre pour une raison qui lui échappe parce qu'il ne se marie pas vraiment avec la robe. Elle offre un sourire au jeune homme et hoche la tête.


— C'est là, un très beau collier, répond-elle. Il faut bien l'exposer aux yeux pour en montrer la beauté.


— Vous avez parfaitement raison, j'espère pouvoir avoir droit à une danse plus tard.


Bien que formulé comme une gentille demande, elle sait qu'elle est obligée d'accepter. Ce n'est pas une requête qu'il demande, mais un ordre et elle hoche la tête avant de le voir tourner les talons. Elle n'a jamais eu d'affinité avec Orion, trop imbus de sa personne, il se prend pour la septième merveille du monde. Walburga passe sa soirée entre les petits groupes, faisant semblant de rire, d'apprécier la conversation, d'en comprendre parfois le sens et elle commence à avoir mal aux genoux et meurt de faim.

Profitant d'un moment d'inattention de la part des invités à son encontre, elle s'échappe par la porte-fenêtre et inspire profondément l'air frais.


— Je trouve ça grotesque, dit une voix. C'est dommage qu'une si jolie fille fasse partie d'une famille pareille. Il paraît qu'ils se nourrissent du sang de Moldus.


— Il paraît aussi que nous nous amusons avec de la merde de cheval, lâche la brune en s'approchant.


Les deux jeunes hommes s'étouffent tandis qu'elle les observe. Celui qui a parlé attire son regard, elle l'a déjà vu à de nombreuses soirées, mais ne se souvient pas de son prénom. Il se baisse alors pour la saluer.


— Il me semble que nous ne sommes plus à une révérence près, lâche-t-elle.


— Pas plus qu'aux bonnes paroles, réplique-t-il, il me semble qu'une jeune fille ne devrait pas employer des vulgarités de ce genre.


— Oui, eh bien, vous ne devriez pas non plus tenir ce genre de propos sur ma famille, dit Walburga.


L'autre jeune homme prend la fuite et le blond qui reste dévisage la brune, ne sachant pas vraiment comment se comporter. Il en a entendu des choses sur les Black et son regard se pose sur le plateau de nourriture qu'il a volé.


— Un voleur qui plus est, enchérit-elle. Comme c'est charmant. Est-ce que vous comptez partager ou bien dois-je vous dénoncer?


— Excusez-moi, finit-il par dire. Je n'aurais pas dû parler ainsi de ...


— Oh taisez-vous donc, le coupe-t-elle, je me moque bien de ce que vous pensez. Aidez-moi avec ma robe.


Le jeune homme s'empourpre alors qu'elle lui tourne le dos, balayant ses cheveux sur le côté. Il hésite, regarde autour d'eux puis finit par dégrafer quelques liens et Walburga pousse un soupir de bien-être. Respirer de nouveau est un vrai cadeau. La brune se laisse alors tomber par terre et attrape de quoi manger.


— Asseyez-vous, vous n'allez pas rester planté comme un idiot comme ça, dit-elle.


Elle sait qu'elle ne doit ni parler, ni se comporter comme ça, mais la pression de la soirée est trop forte et puis, c'est lui qui est en tort, il a tenu des propos qui pourraient le conduire à la mort. Elle le regarde s'asseoir et lui tend un petit four.


— Alors, reprend-elle, vais-je au moins avoir le droit de connaître votre nom ou bien êtes-vous bien trop peureux pour me le dire?


— Sachez que j'aime les défis, dit-il en plantant ses yeux verts dans les siens. D'ailleurs, votre collier est horrible.


Il s'arrête et la fixe, il n'aurait pas dû dire ça, il parle toujours trop sans réfléchir et se met en danger et Walburga le dévisage, impressionnée par sa stupidité ou son courage et un rire s'échappe de ses lèvres.


— Je trouve aussi, et il fait mal au cou, soupire la brune. La bonne nouvelle, c'est que je vais faire en sorte de le perdre pour ne plus avoir à le mettre.


— Pourquoi l'avoir mis alors? demande-t-il.


— Je viens d'une famille puissante et pure, dit-elle. Nous obéissons, écoutons et faisons ce qu'on nous dit de faire.


— Ce n'est pas une vie.


— Non.


— Vous devriez vous enfuir, dit-il.


— J'y pense beaucoup, confesse la brune.


— Qu'est-ce qui vous en empêche?


— Vous ne connaissez pas ma famille, on ne s'enfuit pas comme ça, dit Walburga.


— Dites-moi un secret et je vous offrirais mon nom, dit alors le blond.


Walburga le regarde, la bouche pleine. C'est très risqué ce qu'il fait, jouer avec le feu comme ça, mais elle aussi pourrait avoir des ennuis. La jeune fille retient sa respiration lorsqu'il approche sa main de ses lèvres et il les caresse doucement.


— Vous ne savez pas manger, dit-il.


La brune rougit et essuie sa bouche alors qu'elle l'entend rire doucement. Elle déglutit avec peine, la bouche pâteuse et elle regarde le ciel étoilé. Peut-elle jouer avec le danger? Confier un secret peut conduire à une sanction terrifiante.


— J'aimerais appartenir à une autre famille, murmure la brune. Une famille de sorciers qui n'a pas de préjugés sur d'autres sorciers.


— Sirius, dit-il alors. Sirius Freylior.

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