Parfois, on se retrouve perdus dans notre propre vie.

C'est ce qui m'est arrivé. Et c'est peut-être ce qui t'arrive aussi.

Ma ville natale n'aime pas les gens perdus. Tout le monde a une place, tout le monde a un rôle. Tout le monde a un but, un chemin tout tracé. Tout le monde a une place dans la hiérarchie de son travail, et rentre le soir s'occuper de sa petite famille. Si tu es une femme, ils disent que c'est plus facile : tu te trouves un gars, tu fondes une famille, et tu t'occupes de la maison pour le restant de tes jours.

On dit que les mentalités changent. Ce n'est pas vraiment le cas dans le trou paumé qu'est Miyagi. Si tu n'es pas marié avant 28 ans, on se demande si tu n'as pas un problème. Tu dois être brillant à l'école aussi, pour avoir un bon salaire pour que ton épouse le prenne et répartisse les dépenses du foyer familial.

Malheureusement pour les anciennes générations, nous ne rentrons pas tous dans ces cases. Certains adolescents fuient leurs foyers pour traîner dans les rues. Ils fuient la pression, le chemin que leurs familles ont tout tracé pour eux. Ils veulent vivre autre chose.

Et puis, à force de traîner dans les rues, tu apprends à te débrouiller seul. Tu cherches à te faire de l'argent à tout prix. Tu peux vendre ton corps. Tu peux faire semblant de sortir avec quelqu'un de plus âgé pour récupérer une liasse de billet à la fin. Tu peux prendre un dîner avec eux en échange d'un gros chèque. Il y a beaucoup de clients dans cette ville où les citoyens se sentent seuls.

À force de s'ébruiter, ce business est parvenu aux oreilles des Yakuza. Un gang lui aussi composé de gens perdus, pour la plupart.

Voilà ce qui arrive à des tas de jeunes japonais, encore de nos jours. C'est leurs histoires. Mais, aujourd'hui, c'est surtout la mienne : celle de Yachi Hitoka.