♱ - 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐓𝐄𝐑 𝟒.



Ruisselante, brûlante, rassurante. Eau, maîtresse de vie, origine de mort, nécessité, maintenait son existence en la noyant. Joli paradoxe, la vapeur sur le miroir était celle de son esprit. Plus rien avait de sens, elle tanguait.

Ou se noyait. Zut, elle ne savait plus.

Un poing frappant durement le battant de la porte, pourtant, la ramena à elle.

- Temari, je voudrais me doucher aussi. N'abuse pas avec l'eau chaude.

C'est vrai. Le bain. Voilà où elle était.

En se redressant, elle baissa comme par réflexe les yeux vers son entrecuisse. Serrant automatiquement les jambes, elle fit de même avec ses paupières, tentant d'échappée à la salve de souvenirs l'assaillant. Ce n'était clairement pas le moment. Elle tenta de réguler son souffle, de résister à l'angoisse. Mais encore une fois, elle sombra. Sa tête lui tournait, et dans son crâne, tout s'emmelait. Le dégoût se prélassait sur son palais, la peur lui nouait le ventre. Son cœur battait plus vite, des larmes venant noyer ses joues. Elle ramena ses genoux à elle, ignorant le niveau de l'eau dangereusement élevé, se roulant presque en boule dans l'eau brûlante. Ses ongles s'enfoncaient dans la chair de ses mollets, mais elle ne ressentait la douleur. Perdue, elle ne faisait que sangloter en tremblottant. Un filet d'eau coula le long de la céramique composant la baignoire, rencontrant le sol.

Sale, sale, sale. Elle se sentait sale.


⋆ ੈ.‧₊ 💧


Au loin, ses orbes nacarat se perdaient. Elle aurait préféré courir dans la forêt plutôt que jouer les Cendrillon chez elle. Mais elle n'avait pas le choix.

Une serpillière dans les mains, elle tentait de nettoyer les dégâts qu'avait semé sa mère, désormais endormie sur le canapé. L'odeur de l'alcool empestait dans tout l'appartement, et les fenêtres toutes ouvertes en grand n'y changeait rien.

La flaque de ricard tâchant précédemment le sol du salon désormais effacée, elle s'en alla jeter l'amas de bouteilles qu'elle avait plus tôt amassé dans la cuisine. Lorsqu'elle remonta chez elle, elle trouva sa mère réveillée, retournant le placard à pharmacie à la recherche de cachets contre les maux de tête. Dans un soupir, elle lui fit remarquer qu'elle avait elle-même décidé de les laisser traîner dans la cuisine pour les rendre plus facile d'accès avant de tourner les talons, ignorant l'énième remarque dirigée vers sa tignasse feu.

Si elle croyait que lui en vanter les désagréments parviendrait à la convaincre de se couper les cheveux...

Enfermée à double-tour dans sa chambre, elle tenta de se plonger dans ses devoirs, sans réelle volonté. Le programme de première n'avait rien de plaisant. Éreintée, ce fut sur son bureau qu'elle s'endormit au bout de deux heures, le ventre vide et pas un quart de son travail terminé.

Lorsqu'elle de réveilla, minuit moins le quart sonnait. Elle se massa le bras si douloureux qu'elle soupçonna une crampe, avant de se redresser. Voir un manuel de SES de première sur le bureau la perturba, mais elle ne tint compte de ce détail. Elle avait d'autres projets en tête. Ouvrant en grand son armoire, elle grimaça en ne trouvant rien de conformes à ses désirs. Cette Karin l'épuisait, et son goût pour les tenues larges et simples allaient, un jour sûrement, la mener à sa perte. Au final, elle se contenta d'une robe pas aussi courte qu'elle aurait voulu, mais tout de même passable. Rapidement, elle se maquilla, et coiffa avant d'aller à la recherche d'une paire de talons haut, qu'elle trouva tant bien que mal dans une des pièces de la maison, et n'appartenant sans doute pas à la jeune rouquine, mais quel importance ?

Ce soir, elle allait s'amuser.

Ailleurs, nue, et surtout, pas seule. Elle voulut pleurer lorsqu'elle se réveilla, encore une fois, dans le lit d'un parfait inconnu, parfait inconnu qui d'ailleurs semblait pressé de profiter de ce second jour de week-end pour reprendre leurs activités de la veille. Le repoussant, paniquée, tandis qu'il laissa promener l'une de ses mains sur son corps tremblant, elle récupéra avec peine ses habits, ignorant cette migraine lui donnant le tournis, et les remarques sur cette sois disant superbe nuit. Elle voulait vomir. L'entendant prononcé le nom de Korori à son égard, elle laissa un peu trop violemment son poing rencontré le mur, faisant enfin taire le jeune homme. Elle la haïssait. Même si en soit, c'était elle. Enfin, pas complètement, juste une facette. Mais, même si ce n'était qu'un fragment de sa personnalité, il la dégoûtait. En courant, elle fuit de cette appartement, parvenant tant bien que mal à se situer malgré les vertiges l'assaillant pour s'en aller se réfugier dans son lit. Son cocon atteint, elle s'en alla aux sanglots, épuisée du monde et d'elle. De rage, elle arracha quelques un des post-it dévorant les murs de sa chambre, avant d'en repérer un nouveau, vert, près de la porte. Mais elle n'avait l'énergie, ni le courage, de quitter son lit pour lire un énième message de Isao. Au lieu de quoi elle finit par s'endormir comme une masse, desséchée.


⋆ ੈ.‧₊💧 


- Range tes chaussures !

- Un jour peut être !

- Saleté de démon ! Tu ne pourrais pas faire ne serait-ce qu'un effort pour ton tuteur ? Je comprends pourquoi tu te retrouves brinqueballer de maisons en maisons ainsi !

Face à l'insulte, il se contenta de lever avec insolence son majeur avant de rejoindre la chambre qui lui était réservé. Ce nouveau responsable l'épuisait, et il n'avait qu'une hâte : être rejeté, et prit par un nouveau tuteur. Mais d'un côté, il se disait que peut-être, il se retrouverait hors de la ville, ce qui lui causerait de sacrés soucis. Entre autre, avec le Mask Game. Il ne pouvait laisser Temari tout gérer seule. Enfin, il l'en savait capable, mais il ne trouvait pas cela sympathique. Et puis, il lui tardait de faire connaissance avec les nouvelles recrues. Truie et Cerf lui restaient tout de même inconnus...

Affalé sur sa chaise de bureau, il piochait multiples bonbons dans un sacher acheté plus tôt, ne sachant vraiment quoi faire. En ce moment, il trouvait son moral particulièrement bas. Plus que d'habitude, ce qui relevait du miracle. Il soupira, décidant finalement de se laisser aller, pour une soirée au moins. Un casque couvrant ses oreilles, il mit aussi haut que possible le volume, avant de partir dans une bulle de peine, hors du temps.

Et enfin, seul dans une chambre qui ne sera jamais complètement la sienne, il se laissa assaillir par les pleurs, retenus depuis une bonne poignée de jours déjà. Les larmes coulaient le long de ses joues striées de ses étranges cicatrices, son cœur serré. Las de la vie, et encore plus de son existence qu'il qualifiait de particulièrement pourrie, il ignora le déferlement de coups de poings qui assailli sa porte, ainsi que le sermon qu'il lui adressa à travers le battant de bois, et que de toute manière il percevait à peine à travers le rideau que formait les notes de musique autour de son crâne.

Au fond du trou, il n'avait le courage de remonter la pente. Mais point positif : il n'avait non plus l'énergie de creuser encore.

Sentant ses tympans se faire douloureux, il consentit au bout d'une bonne heure à réduire le son, les larmes ne coulant plus. Il avait l'impression d'être totalement vide, désormais. Il ne saurait dire pourtant si c'était mieux qu'auparavant. Passant une main dans ses cheveux blond en bataille, il se redressa lentement, à la recherche d'une bouteille d'eau, totalement desséché. Ses jambes semblaient être fait de coton, manquant de lâcher à chacun des pas qu'il faisait hors de la pièce. Il fit comme si son tuteur n'était pas là, et parti s'abreuver dans la cuisine. Une assiette devant s'en doute lui faire office de dîner l'attendait là-bas, pourtant, il n'y toucha pas. Il n'avait pas vraiment faim.

Retournant s'enfermer dans sa chambre une bouteille de plastique emplie dans la main, il s'efforça d'au moins jeter un coup d'œil à ses devoirs, mais sans succès. La perspective des punitions et de l'échec scolaire lui semblait plus plaisante qu'autre chose, s'en était désolant...

Machinalement, son regard se dirigea vers l'écran de son téléphone, affichant en larges chiffres blanchâtres l'heure, qui lui arracha un mince sourire. Bonne nouvelle, la prochaine réunion du groupe débutait dans moins d'une heure. Par contre, il ne savait pas s'il réussirait à réaliser un nouveau saut de l'ange depuis le rebord de sa fenêtre pour pouvoir s'enfuir vers les bois -car évidemment son tuteur ne l'autoriserait à sortir ainsi la nuit tombée. Ses jambes étaient horriblement douloureuses, sûrement à cause du cours de sport de la matinée. Et puis, tant pis. Il préférait la douleur à la solitude.


⋆ ੈ.‧₊ 💧 


Elle soupira, le regard rivé sur le carrelage. Les chuchotements n'étaient pas ce qui manquaient tandis qu'elle faisait ses premiers pas dans le hall du lycée, Temari à ses côtés, cette dernière ne lésignant pas sur les regards noirs qu'elles lançaient à la pelle vers la foule se dégageant sur leur passage. Mais évidemment, ce n'était pas une solution. Elle savait qu'elle n'aurait pas du revenir au lycée.

- Lève les yeux, Tenten ! s'exclama sa meilleure amie tandis qu'elles s'arrêtaient près de leurs casiers, côte à côte. C'est sûr qu'avec cette tête là, ils vont pas arrêter leurs remarques à la con !

- Temari, je te signale que si tu ne m'avais pas forcé à revenir, je n'aurais jamais eu à les supporter, ces remarques ! rétorqua-t-elle, acerbe.

Elle n'était d'humeur à rien, et surtout pas aux remontrances de la blonde à l'origine de ce bourbier dans lequel elle se noyait.

- Tu devais retourner au lycée, tu le sais autant que moi. On a le bac, t'as oublié ?

- J'en ai rien à faire, du bac, et de cette bande de con qui me dévisage comme une bête de foire. J'étais bien, chez moi.

- À te droguer aux médocs en manquant de frôler l'overdose, peut-être ?

Elles se soutenaient du regard, une rage commune les consumant de l'intérieur. Brutalement, Temari claqua la porte métallique de son casier, hissant son sac à dos sur son épaule avant de tourner les talons :

- J'voulais juste t'aider, mais visiblement, tu préfères foutre en l'air ta scolarité et te laisser crever sous ta couette... Libre à toi de faire ce qui te plaît. Je ne vais pas décider à ta place de ton avenir.

- Et bien figure toi que tu as juste sur toute la ligne ! Et que je compte bien y retourner !

Vivement, son amie fit volte-face, une lueur inquiète scintillant dans ses yeux bleu-vert à l'entente de son ton bien trop franc. Elle ne fit pourtant rien pour l'arrêter, la sonnerie retentissant tandis qu'elle rejoignait sa salle de cours au pas de course.

Elle eut un sourire amusé, presque effrayant, avant de tourner les talons, et de prendre la direction opposée. Soit celle de la sortie de ce bâtiments des Enfers. Si elle croyait qu'elle allait se priver...


⋆ ੈ.‧₊💧


Sa tête lui tournait et ses membres étaient parcourus de spasmes. Il pariait que son front devait être brûlant, mais il ne s'arrêta pas. Dans sa bouche, sa langue semblait gonflée, lourde. Il se demandait combien de temps il tiendrait. Il savait aussi que sa sœur devait être à sa poursuite, vu l'heure. Mais il ne voulait pas. Non non non, il était hors de question qu'il...

Les larmes picotaient au coin de ses paupières, chancelantes, menaçaient de tomber au moindre battement de cils. Mais heureusement pour lui, il le repéra enfin. "Son" coin.

Laissant un soupir lui échapper, il se laissa tomber à genoux dans l'herbe folle, les poumons en feu. Il pria intérieurement pour avoir laissé de l'eau à l'intérieur lors de son dernier passage. Impossible pour l'instant de faire fonctionner ses neurones ou de faire appel à sa mémoire, plus rien ne répondait. Il devait reprendre son souffle, croiser les doigts, et partir vérifier par lui-même.

A l'intérieur, le Tartare. Hadès régnait en maître dans ses ruines où à chaque pas des cendres étaient foulées, où les toiles d'araignée venaient se loger dans vos cheveux et leur propriétaire chatouiller vos pieds. Il éternua, la poussière envahissant ses narines et lui arrachant une quinte de toux achevant de lui inflammer la gorge. Dans la pénombre tout juste troublé par un carreau brisé remplaçant vitre noirci de poussières par rayon de soleil, il avança, traversant sans encombre le rez-de-chaussée de la maison abandonnée. Gravissant les marches grinçantes le menant aux étages supérieurs, il passa la main sur son front couvert de sueur, en décollant les mèches feu s'y étant fixées. Le tatouage ornant le haut de son visage fit alors surface, avant d'être encore une fois couvert par ses cheveux qu'il prenait soin de ne pas couper pour cacher l'horreur.

Qui aurait cru qu'une soirée un peu trop arrosée et de l'argent en trop dans les poches puissent mené à cela ? Il regrettait parfois son acte, et parfois, il le trouvait justifier. Tout dépendait de l'angle que l'on prenait pour observer les choses, au final.

Dans un soupir, il atteignit enfin le dernier étage. Son refuge. Encore plus délabré que le reste de la maison, des noirceurs ornant ici et là les murs accompagnés de cette odeur de brûlé, il se laissa tomber sur le fauteuil rongé par les mites qui faisait office d'unique mobilier de la pièce, en réalité grenier. Parcourant les lieux du regard, ses orbes vert eau accrochèrent soudain au sac à dos rouge sang -qui paraissait plus brun-noir suite au manque de luminosité- qu'il avait oublié lors de sa dernière venue, la veille.

Se jetant dessus, il en extirpa sa précieuse gourde, qu'il huma pour vérifier l'état de son contenu avant de vider d'une traite. Le liquide pas frais, mais pourtant si apprécié coula entre ses lèvres, courant le long de sa trachée et l'hydratant. Depuis le temps qu'il mourrait de soif...

Repu, il rangea la gourde dans son sac, le repoussant tandis qu'il restait jambes croisées sur le parquet gelé sans trop savoir quoi faire désormais. Il était parti précipitamment, n'avait pas le moindre billet sur lui, et sa sœur risquait sûrement de le retrouver d'ici une demi-heure. Mais au moins, il aura pu retarder l'échéance. Elle ne le forcerait tout de même pas à aller aux urgences la nuit tombée, n'est-ce pas ?

Le dernier souvenir du lieu l'envahit, l'entrainant dans un gouffre sans fond de tourmente. Des larmes coulèrent tandis qu'il se croyait noyer dans abîme noirâtre de cauchemars, son cœur battant à la chamade. Se recroquevillant sur lui-même, il tenta de contrôler sa respiration, sans résultat. L'angoisse le rongeait jusqu'à la moelle, et lui retourner les trippes. Les sanglots secouant son corps et les souvenirs meurtrissant son âme, il lâcha tout, s'abandonnant à cette terreur lui coupant le souffle.

Il sentit tout juste sa sœur le serrer contre elle dans l'espoir de le voir s'appaiser...



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