Chapitre 13

La patrouille s'était déployée face aux intrus, menaçants, dans l'attente d'un réponse. Mais rien ne vint. Les deux matous restaient figés, fixant les guerriers d'un air surpris plus qu'apeuré. Ils ne venaient pas de clans, ils étaient sûrement errants. Cœur d'Amande n'avait jamais vu de chat errant, ni de solitaire ou de domestique en fait. Il ne fut pas surpris de voir leurs pelages négligés et de longues balafres couvrir le mâle. Ce dernier avait un pelage brun et gris tigré, ras, hirsute. Il avait quelques touffes en moins près d'une oreille et d'un œil, et sa queue ne ressemblait plus à grand chose. Typique du cliché d'un chat errant, il en imposait, massif et énorme. 
La chatte, quand à elle, ressemblait plus à une chatonne. Petite, fine et gracile, son pelage noir et court étaient parsemé de pollen. Contrairement à celui du mâle, le sien était lisse, presque propre mais terne. Ses yeux bleu abysse avait cette lueur de jeunesse, pourtant, il était évident qu'elle était déjà très mature. Son museau aplati donnait un air étrange à la jeune femelle, qui était tout en courbe fines. Calme, elle finit tout de même par montrer les crocs. 

- Ce que l'on fait ici ne vous concerne pas, chats galeux ! gronda le matou tigré.

Il sorti les griffes, prêt à en découdre. Patte de Criquet rétorqua :

- Chat galeux toi même ! Tu n'as aucun honneur d'appeler ainsi tes supérieurs !

- Supérieurs de mon derrière, oui ! 

Patte de Criquet gronda et ignora l'avertissement que lui dicta Museau de Brume. Il sauta à la gorge de l'intrus, qui fut vite aidé par sa camarde. Cœur d'Amande fut surpris de la force de cette dernière, et tout autant de la capacité à se battre des deux chats errants. Très vite, Patte de Criquet fut dépassé tandis que ses adversaires le malmenait. Bien fait, se dit le jeune guerrier.
Museau de Brume, qui tentait de calmer la bagarre, s'interposa alors entre le batailleurs. Patte de Criquet s'arrêta net, ne voulant blesser son lieutenant. Les chats errants stoppèrent eux aussi leur mouvement. 

- Ça suffit ! tonna le vétéran gris. Patte de Criquet, prépare toi à une lourde sanction pour, je cite ; désobéissance, frappe inutile, et manque de respect d'autrui. 

- Mais... protesta l'humilié. Ils m'ont provoqués ! Ils ont été non respectueux, eux aussi ! 

- Tu n'est pas leur supérieur, et tu n'avais pas à répliquer. Si ils avaient sauté dans la rivière glacée, l'aurais-tu fait ? Non. Alors c'est exactement pareil. Retourne au camp.

Patte de Criquet ne se fit pas prier et se détourna vivement avant de détaler. La sagesse de Museau de Brume dépassait apparemment le guerrier. Le lieutenant fit face aux intrus, qui avaient l'air de se sentir bien moins menacés.

- Bon alors, reprit-il. Que nous vaut votre visite ?

La chatte noire cracha, et le matou musculeux découvrit une nouvelle fois les crocs.

- Ça ne te concerne pas, vieillard. 

L'insulté se raidit mais fit preuve de passiveté. 

- Vraiment ? Je n'en suis pas si sûr. Qui voulez-vous recruter ? demanda t-il, rappelant au matou qu'il avait entendu sa conversation.

Il laissa un silence planer avant de reprendre :

- Et pour quelle raison ? 

- Ça n'a rien à voir avec votre territoire, se défendit le chat errant. 

- Stone, accusa le lieutenant d'une voix réprobatrice. Tu croyais vraiment que je t'avais oublié ? après tout ce que tu nous as fait ? L'attaque des chats errants est encore fraiche dans ma mémoire de vétéran, et sache que, même après toutes ces lunes, nous ne nous feront plus avoir. 

- Certes, rétorqua le dénommée Stone, feignant ne pas être dérangé par cette nouvelle. Mais tes apprentis ne sont-ils pas naïfs ? Eux, peut-être, accepterait de rejoindre notre camp sous un certain prétexte, tu ne crois pas ?

- Écoute, Stone. Ce ne sont pas tes affaires, et tu n'a pas intérêt à toucher un seul poil de nos apprentis. Maintenant va t'en, parce que, connaissant ce bagarreur idiot de Patte de Criquet, il est allé chercher des renforts en prétextant une attaque de chats errants venus par dizaine. 

- Et tu crois me faire peur avec tes menaces en l'air ? Je te rappelle que je suis chef des chats errants, et que, au moindre pépin, je peux les appeler. 

Des pas se firent entendre, et soudain, la moitié du Clan de la Rivière se trouvait près de la frontière. Stone, surpris, commença à paniquer, puis se reprit, conscient qu'il n'avait aucune chance face à un clan entier. Museau de Brume, exaspéré et dans une colère sans pareille, se retourna vivement et alla hâtivement à la rencontre de Patte de Criquet.

- Cervelle de souris et crotte de renard ! feula t-il. Mais par le Clan des Etoiles, pourquoi as-tu donc ameuté la moitié du clan ici ? 

Il criait si fort que toutes le proies du coin devaient s'être dispersées. Il continua de gronder le guerrier tandis que le Clan de la Rivière se mettait à se poser des questions. Chuchotements par-ci et par-là, Cœur d'Amande se demanda quoi faire. Il se décida alors à agir en guerrier et se planta devant Stone et la chatte noire.

- Partez, leur ordonna t-il. Votre place n'est pas ici, et un demi clan est prêt à vous attaquer. 

- Prêts à nous attaquez ? ricana la femelle. Ils ne comprennent même pas ce qu'ils font là, et ils n'ont aucun plan de bataille, à voir la vitesse avec laquelle ils ont rappliqué.

- Ah, je reconnais bien là ma fille, la félicita Stone. L'intelligence de son père !

Il sourit à la jeune chatte qui ne quitta pas Cœur d'Amande du regard, le visage de marbre. 

- Revenons-en à nos souris, trancha le guerrier. Vous n'êtes que deux, et si Museau de Brume ou Étoile Enneigée donnait l'ordre de vous attaquer, vous ne pourriez rien contre nous, même si nous n'avons aucun plan. Le votre, par contre, vous feriez mieux de le laisser tomber. 

- Je croyais que tu étais un clan-mêlé ? chercha la noiraude.

- Et alors ? 

Cœur d'Amande tenta d'ignorer la remarque, mais elle avait touché un point sensible. Souffle de Grêle reparut.

- Comment se fait-il, chatte errante, que tu connaisse aussi bien mon cher compagnon ? demanda t-elle en accentuant bien le dernier mot, pour faire comprendre à la chatte qu'elle n'avait aucune chance, même si ce n'était peut-être pas ce qu'elle désirait. 

- Il faut croire que votre camp n'est pas aussi bien gardé que vous ne le pensez. 

À ce moment, Étoile Enneigée arriva, sauvant la situation qui, Cœur d'Amande le sentait, allait dégénérer. 

- Ça suffit !

Le meneuse allait dire quelque chose mais se ravisa et fixa le gros chat errant. 

- Stone ? fit-elle, aussi surprise de le voir là que le jour où, apprentie, elle était tombée en plein hiver dans la rivière glacée. 

- En personne, rétorqua, vantard, le concerné. 

La face de la chef se mit alors à se tordre de colère, une colère encore plus noire que celle que Museau de Brume avait après Patte de Criquet. Elle serra les dents pour réussir à garder son calme en lui ordonnant d'une voix blanche :

- Pars d'ici immédiatement.

Son ton était sans appel. Elle avait parlé lentement, détachant chaque syllabes, accentuant les doubles "m" du dernier mot. 

- Ne perdons pas plus de temps avec eux, ils ne le méritent pas, cracha le matou à sa fille.

Il se retourna, fouetta l'air de sa queue puis s'en alla d'un pas rageur. 
Le femelle, elle, ne bougea pas, fixant toujours Cœur d'Amande. 

- Capucine ! tonna Stone, se retournant. Allez, viens bon sang ! 

Avec un dernier regard envers le guerrier tigré, elle s'en alla à la suite de son père. Bientôt ils disparurent sur le territoire du Vent. 

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