Chapitre 12

Cœur d'Amande, couché contre Souffle de Grêle, rêvait encore des clameurs qu'avaient hurlé leurs camardes à leur égard. C'était si... magique. Oui, c'était magique. Le souffle chaud de sa compagne lui caressait doucement le cou. Que c'était agréable... 
Le guerrier se surpris à rêver de se couler dans un nid aussi chaud que la respiration de Souffle de Grêle. 
Il s'imagina ensuite allongé sur les Rochers du Soleil, bien qu'ils appartiennent au Clan du Tonnerre. Le soleil réchauffant son pelage, c'est ce qu'il préférait. 
Mais soudain, un courant d'air glacial lui rappela que la saison des feuilles mortes était là, et que... Non. Non. Il ne pouvait pas y penser. Il se raidit. 
Partir chez les bipèdes... Impensable, maintenant que Souffle de Grêle et lui étaient officiellement compagnons et guerriers, et qu'il avait reçu un message de la part d'Étoile d'Écorce. D'ailleurs... Le message oublié lui revint d'un coup, comme un coud de tonnerre. 
Mais c'est bien sûr ! s'écria t-il intérieurement. Aide-les à t'aimer. Aide tes camardes à t'aimer. 

Pourtant, il ne comprenait pas... Il avait reçu cette phrase, mais Étoile d'Écorce lui avait dit aussi de "vaincre"... 
Énervé, Cœur d'Amande se retourna vivement, bousculant légèrement sa compagne. Celle-ci, encore endormie, gigota un peu avant de marmonner :

- Cœur d'Amande ? Que se passe t-il ? 

Elle se frotta les yeux d'une patte, mais le guerrier tigré la caressa de la queue. 

- Ce n'est rien, dit -il d'une voix plus mielleuse et basse que ce qu'il espérait. Rendors-toi. 

Encore trop fatiguée pour riposter, la toute jeune guerrière obtempéra, et peu après, Cœur d'Amande l'entendit ronfler doucement. Comment vais-je lui annoncer que je souhaite partir ? Cœur d'Amande s'inquiétait pour Souffle de Grêle. Comment le prendrait-elle ? Approuverait-elle la décision du jeune guerrier ? 
Le tigré se raidit, frissonnant malgré la chaleur de la tanière. 
Il faut que je sorte, désolé Souffle de Grêle...


Un soleil frais typique de la saison des feuilles mortes se reflétait sur le lac criblé de vaguelettes. La brise apportait toutes les senteurs de cette saison aux milles couleurs, cette saison que Cœur d'Amande aimait tant. 
Des pas légers se firent entendre, pas très discrets. 

– Tu ne devrais pas profiter de cet endroit seul.

La voix de Souffle de Grêle résonna tout proche de lui. Apparemment, il avait dû la réveiller en partant, sinon elle ne serait pas déjà levée. Le guerrier au poil mi-long ne dit rien tandis que la chatte gris clair et blanche s'assoyait à son côté. Elle ne parla pas non plus et se contenta d'observer la surface de l'eau, l'air préoccupé. 

- Tu me caches quelque chose, Cœur d'Amande, affirma t-elle en plantant ses yeux bleu glacier dans ceux, verts pomme, du guerrier tigré. 

Le matou hésita, conscient qu'une opportunité d'avouer à sa compagne son départ prochain s'ouvrait. 

- C'est que... en fait...

Il ne savait pas comment continuer. 

- Allez, dis-moi, l'encouragea gentiment Souffle de Grêle.

Cœur d'Amande inspira profondément avent de regarder sa compagne droit dans les yeux.

- Je compte partir bientôt pour le territoire bipède, avoua t-il d'une traite. 

Souffle de Grêle s'immobilisa d'un coup, et ses pupilles s'élargirent de surprise. Cœur d'Amande, soucieux, plissa le front, sans oser prendre la parole. 
La femelle gris clair et blanche ne bougeait toujours pas, comme perdue dans ses pensées. Après ce qui parut fort longtemps au félin tigré, la belle chatte ouvrit la gueule.
Elle parut hésiter, puis se décida, penchant la tête sur le côté.

- Je crois que c'est une bonne chose.

Surpris, Cœur d'Amande ne comprit pas.

- Quoi ?

- C'est une bonne chose que tu t'en aille un moment. 

Souffle de Grêle plissa les yeux, soudainement inquiète.

- Tu comptes revenir, n'est-ce pas ?

- Oui, oui bien sûr ! s'écria le guerrier.

Il détailla sa compagne puis se colla contre son flan. Il enroula sa queue dans la sienne et tous deux restèrent silencieux, à observer le soleil sur le lac en mouvement. 


- Cœur d'Amande, Souffle de Grêle !

Museau de Brume approcha des deux guerriers en train de prendre leur repas.
Le soleil était à son zénith et il faisait bon dans le camp. Le lieutenant, qui se faisais vieux, souffla un bon coup avant d'expliquer aux jeunes guerriers :

- Je souhaite que vous partiez en patrouille avec Patte de Criquet et moi-même. Nous irons à la frontière avec le Vent.

Cœur d'Amande se releva d'un bond, en même temps que sa compagne. Ils se jetèrent un coup d'œil complice, même si tous deux savaient qu'être en compagnie de Patte de Criquet ne serait pas simple. Souffle de Grêle remercia le lieutenant de les avoir choisi eux et entraina son compagnon vers la sortie, où Patte de Criquet les attendait. 

- Oh non, s'écria t-il. J'avais demandé à Museau de Brume de ne pas me mettre avec des clans-mêlés, dans la patrouille... Cœur d'Amande, je crois qu'il faut que tu ailles patrouiller seul, désolé, finit-il d'un air faussement peiné.  

- C'est plutôt toi qui iras patrouiller seul, si tu n'es pas content, rétorqua brutalement le matou au poil mi-long. 

- Cœur d'Amande, vraiment, tu es agressif, ajouta Patte de criquet d'une voix emplie de dédain. 

Sans plus attendre, il se détourna et rejoignit son lieutenant qui attendait près de l'entrée du camp. Furieux, Cœur d'Amande cracha et le suivit rapidement, sa compagne à ses côtés.


Le vent faisait frémir les hautes herbes de la lande toute proche. Ma première patrouille en temps que guerrier ! s'extasia Cœur d'Amande. Le temps était splendide et la température fraîche, propice à se promener à découvert. 
Museau de Brume s'arrêta et fit signe à ses camardes de faire de même d'un signe de la queue. Ils se tapirent en imitant le lieutenant, et écoutèrent en silence les voix qui ne se cachaient même pas, alors qu'elles étaient en territoire adverse. 

- Allons allons, n'en fais pas tout un foin. Je ne te demande pas grand chose, si ?

La voix grave et froide, presque perfide, avait résonnée, faisant frissonner les guerriers. Ce fut une chatte qui poursuivit, devina Cœur d'Amande à l'intonation du timbre suivant.

- Si. C'est bien trop, et tu le sais toi même. Ou peut-être que pas, de toute façon, tu t'en fiches. Mais il doit bien y avoir une raison du pourquoi tu n'y vas pas toi même ?

La chatte était résignée, ça s'entendait clairement. Résignée et pleine de haine. 

 - La raison, elle n'a pas d'importance pour toi. 

Le mâle cracha et feula, mais aucun combat ne s'ensuivit. La patrouille guerrière prit un malin plaisir à espionner ces chats inconnus, mais tous savaient qu'il leur faudrait intervenir. 

- Tu n'y vas pas car tu es un trouillard, murmura la femelle. Car tu as peur qu'ils te reconnaissent, eux qui ont vu ton visage tant de fois. Alors tu m'envoies moi les recruter. Tu es un lâche !

Sur la dernière phrase, la chatte avait hurlé. Puis les guerriers entendirent des pas cavaler droit sur le maigre buisson où ils étaient cachés. Au signal de Museau de Brume, ils en sortirent, interceptant la chatte et par la même occasion, le matou qui la poursuivait. 

- Halte, intrus, tonna le lieutenant dans toute sa splendeur et sa royauté. Que faites-vous sur le territoire du Clan de la Rivière ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top