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           Aussi loin que je me rappelle, j'ai toujours été la fille sage et gentille. Celle dont les parents pouvaient être fiers. J'avais six ans, lorsque nous avons décelé cette maladie chez ma petite sœur. Une maladie dégénérescente à terme. Nous avons trois ans d'écart.

Les parents pensent nous épargner et nous protéger de toute source d'inquiétude, alors que leur silence face au malheur, ne fait que créer l'angoisse chez nous, petit être que nous sommes. Angoisse que l'on n'arrive pas à gérer, car aucun adulte ne veut y mettre des mots et donc on ne peut être rassuré. Résultat, un sentiment d'insécurité grandit petit à petit. Puis un jour, on panique, on part en vrille et si personne ne nous arrête, on devient un danger pour soi-même.

J'ai grandi avec l'idée que je ne devais pas être un fardeau pour ma famille. Pourquoi ? Parce que, je n'étais pas malade, j'avais la chance d'être en bonne santé. Je n'avais pourtant que six ans et je me martyrisais déjà l'esprit.

Encore une fois, pourquoi ? A cause de....

La culpabilité ! Pourquoi elle et pas moi ?

La peur ! Que se passera-t-il, si elle meurt ?

La colère ! Mais qu'est-ce qu'elle a fait pour mériter ça ? Qu'avons-nous fait au ciel ?

La tristesse ! Je t'aime, je ne veux pas te perdre !

C'est dingue, toutes ces émotions vives qui nous transpercent, bien que tout jeune. Parfois, nous vivons des expériences traumatisantes. Ce n'est qu'une fois adulte, l'enfant au fond de nous s'effondre et demande à l'aide.

Au fait, je m'appelle ATSUKO. Il signifie enfant gentil ou encore émotion profonde. En gros, la gentillesse incarnée. Quelle bêtise. Ne dit-on pas « trop bon, trop con ! » ?

Je partageais souvent mon goûter à l'école, mais personne ne pensait à moi quand je n'en avais pas.

J'ai pleuré quand j'ai eu mon premier C et au lieu que ma « meilleure amie » (on va l'appeler Jessica) me console, elle avait préféré le raconter à toutes les copines des autres classes.

Je me rappelle ces fois, où j'invitais des amis à la maison le vendredi soir. Pourtant, personne ne pensait à m'inviter lorsque la bande organisait des sorties.

J'ai toujours été le bouche-trou de service. Parce que je ne suis pas une personne compliquée, je ne cherche pas l'embrouille et que je dis oui à tout. Dire oui à tout pour faire plaisir aux autres ! Quelle bêtise. Si jeune, je m'oubliais déjà. Je m'effaçais. De toute façon, il y avait-il au moins quelqu'un pour me demander ce que je pensais ? Non. Ni ma mère, ni mon père. Est-ce que je leur en veux ? Comment le pourrais-je ?

Être une enfant gentille, c'est ce que je devais être pour ma famille. Pour les soulager.

J'étais effacée. Je n'allais pas rouspéter pour la simple raison que je me sentais mise de côté.

Je n'avais jamais posé de problème à personnes, que ce soit à l'école, à la maison. Tous ces moments où j'ai voulu crier ma colère, je l'ai contenu. Pourquoi crier ? Alors, que j'ai tout pour moi ? J'ai préféré sauter l'étape crise d'adolescence, ne voulant causer aucun problème inutile à mes parents.

Quoique, je me rappelle ce jour, où j'ai gueulé après mon père. J'ai reçu une gifle monumentale par ma mère. J'étais collégienne. Ma petite sœur avait cassé ma voiture téléguidée. Oui, parce que tous mes jouets, elle les voulait pour elle. Et cette voiture, bah, j'y tenais. Alors, j'ai craqué. Comment ai-je pu oublier ? Sept jours sans télévision en prime. Je n'ai plus jamais élevé le ton sur un de mes géniteurs.

Je devais être gentille avec tout le monde, sauf avec moi-même.

Sans que je le sache, une graine de mauvais goût à germer dans mon cœur, celle de l'autodestruction.

J'ai commencé à montrer des signes au lycée. J'étais noyé par la solitude et par d'autres idées similaires. Pourtant, je n'avais aucune raison. J'avais ma bande de potes. Je ne mangeais jamais à l'écart. Je n'avais aucun problème. Je bossais bien en cours. J'avais une famille normale. Je n'étais pas proche de mes parents, mais nous avions de bonnes relations. Hélas, je me sentais extrêmement seule. Personne pour comprendre mes pensées, mes émotions, mon fonctionnement, juste qui je suis. Même moi, j'avais du mal à me déchiffrer. J'étais l'introvertie et la timide du groupe. Aussi loin que je me rappelle, je ne me suis jamais confiée à quelqu'un. J'étais la suiveuse. En gros, le mouton. Pourquoi ? Je pense que vous avez la réponse, je le répète encore et encore : parce que je suis gentille et je rajoute naïve.

À l'école, je montrais une facette de moi. À la maison, une autre. Mais toujours, une image lisse, alors que des pensées sombres prenaient racine dans mon cœur.

Je me vexe très vite.

Je boude souvent.

Je prends à cœur ce que l'on pense de moi.

Comme si faire preuve de bonté ferait de moi une personne aimée de tous.

Je suis extrêmement naïve.

J'ai donné de ma personne à tant de gens, pourtant aujourd'hui, je me retrouve sans rien.

Pourquoi tout devrait-il tourner que sur moi ?

Les gens n'ont-ils pas leur vie aussi ?

On dirait que je donne pour recevoir.

Recevoir quoi ?

Des cadeaux ? Un goûter ?

Non, un semblant d'amour et d'affection. Avoir le sentiment de compter pour quelqu'un. De me sentir en sécurité. Même si en soi, je ne suis pas fragile, car je ne souffre pas d'une maladie qui finira par me tuer.

Aujourd'hui encore, j'erre dans ce couloir du désespoir, menant à une mort lente et douloureuse de mon cœur.

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