𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝗡𝗲𝘂𝗳
Mai 2012
Poireautant sous un ciel couvert à l'entrée de la cour, j'ai toutes les raisons du monde d'être énervée. D'une, penser à Minori cette nuit m'a encore rendu triste, de deux Ryuji est en retard. Comme d'habitude. La prochaine fois que j'accepte d'enquêter aux côtés de ce crétin, j'y réfléchis à deux fois. On est lundi, il est sept heures, et si ça ne tenait qu'à moi je serais déjà entrée sans lui. Mais bon, c'est pas aimable, paraît-il.
« Eh psst ! »
Je me tourne ; derrière un arbre, un crétin me fait signe. Je soupire en le rejoignant.
« Ça fait cinq minutes que je t'appelle, se plaint-il, tu pourrais répondre ! »
« J'étais sensée deviner que je te trouverais derrière un chêne ? »
« C'est un érable, en fait. »
« Cool, on s'en fout. »
Je dévisage Ryuji de la tête aux pieds. Tout de noir vêtu, il porte une casquette bleu nuit et des lunettes de soleil pendent de sa main.
« C'est quoi cet accoutrement ? »
« Qu'est-ce qu'il a mon accoutrement ? »
« A ce que je sache les funérailles de Minori c'était y'a deux mois. »
« Idiote, souffle-t-il en agitant la main comme s'il chassait une mouche, c'est un déguisement ! »
« Un déguisement ? Répétai-je en haussant un sourcil. Et en quelle honneur ? »
« C'est pour la mission, idiote ! »
« Traite-moi encore une fois d'idiote et je te fais manger ta casquette. »
Je me retourne vers le portail de la cour ; un surveillant s'y avance, clefs en main, alors que les retardataires accélèrent le pas au loin.
« Bon, les cours vont commencer, viens. »
« Bien, commandante. »
Il enfile ses lunettes noires et je retiens un soupir. A défaut d'être discret, Ryuji s'attire tous les regards lorsque l'on traverse la cour. En même temps, mettre des lunettes de soleil et une casquette lorsque le ciel est nuageux, faut le faire. Quel abruti, franchement.
Heureusement, nous rejoignons sans peine notre salle de classe pour commencer les cours. Personne n'ose demander à Ryuji pourquoi il s'est habillé en Men In Black. Il n'y a que Yusaku qui lui a demandé s'il avait par hasard une conjonctivite, Ami qui lui a dit qu'elle adorait son "nouveau style", et Koji qui a voulu vérifier la théorie de Yusaku en essayant de lui chiper ses lunettes.
A la pause, Ryuji me rejoint dans le fond de la salle.
« Pas trop discret, ton nouveau style. »
« Oh, ferme-là, souffle Ryuji en retirant ses lunettes, encore un sourire niais d'Ami et je m'enterre sous terre. »
Je le regarde un peu étonnée. Tiens ? C'est la première fois qu'un garçon ne se vante pas d'avoir reçu des avances d'Ami. Les élèves sortent peu à peu de la classe pour prendre l'air sans faire attention à nous. Je vais en profiter pour confirmer mes suppositions.
« Alors, Ami ne t'intéresse pas ? »
« Quoi ? Il rit un court instant avant de continuer. Tellement pas ! Elle arrête pas de me coller et de me poser des tas de questions ! C'en est presque gênant, des fois. »
Je souris ; dans ta face, Ami ! Mais si elle insiste autant, ne serait-ce pas parce que Ryuji est justement le premier garçon à ne pas s'intéresser à elle ? Je secoue la tête en croisant mes bras.
« Pauvre Ami. Ça va faire mal à son égo. »
« De quoi tu parles ? »
« Ouvre les yeux, idiot, tu lui plais ! Dis-je sur les nerfs soudain. Ça se voit quand même, non ? »
Il cligne des yeux puis semble enfin assimiler les choses. J'expire un bon coup ; pourquoi cette situation m'énerve autant ? Sûrement parce qu'Ami et Ryuji sont des crétins. Oui, voilà, ce sont de parfaits crétins !
« Bon, peu importe, on a une enquête à mener, dis-je en balayant l'air de la main et me tournant vers la classe désormais vide. Je fouille, tu fais le guet. »
« Je fais le gay ? »
« Le guet, imbécile ! »
« Humour Taiga, humour, sourit-il en remettant ses lunettes. Ça t'arrive jamais de rire ? »
« Non, et c'est pas avec toi que ça va commencer, dis-je en dégainant un bloc note et un stylo. Go ! »
Je m'accroupis à chaque bureau pendant que Ryuji se poste à la porte pour zieuter le couloir. Pendant que lui vérifie que personne ne vienne, je me charge de récupérer la carte d'identité scolaire de chaque élève. Je prends en note les noms de ceux qui sont nés en août. Après avoir pensé aux détails du soir du crime comme l'a suggéré Ryuji, je me suis souvenue que nous étions la seule classe encore présente dans l'établissement, et de plus à avoir accès au gymnase à cette heure-là. On en a conclu que le coupable ne pouvait être qu'un élève de la classe. Cela me terrifie, mais je veux connaître la vérité. Minori, je jure de faire souffrir celui qui a mis fin à tes jours.
« Qu'est-ce que vous faites ? »
Je sursaute énormément, presque à en faire tomber mes notes. Je me retourne pour tomber face à Asako penchée vers moi, étonnée et curieuse.
« Asako, tu m'as fait peur ! Ryuji ! »
Je me tourne vers la porte sourcils froncés. Mais il semble aussi étonné que moi en voyant Asako.
« Je l'ai pas vu rentrer ! »
« J'étais pas sortie, sourit Asako. Mais qu'est-ce que vous manigancez, tous les deux ? »
Je la regarde, hésitante. Ryuji derrière elle me fait signe de ne rien dire. Mais Asako est comme devenue ma meilleure amie depuis que Minori n'est plus là. Je n'ai plus envie d'avoir de secrets.
« Bon, écoute, tu vas nous prendre pour des fous, mais on pense que quelqu'un est responsable de la mort de Minori et qu'il fait partie de la classe. »
« Quoi ?! Il y aurait un assassin dans... dans notre propre classe ? »
Elle a porté ses mains à son visage, effarée, et alternant son regard entre moi et le MIB dehors.
« C'est qu'une supposition... Tu promets de ne rien dire ? »
« Bien sûr, bien sûr, répond Asako en semblant reprendre ses esprits. Mais... Laissez-moi vous aider ! »
Je la regarde, surprise, alors qu'elle se met à genoux pour être à ma hauteur.
« Nous aider ? Tu es sûre ? »
« Oui ! Répond-t-elle. J'aimais beaucoup Minori, moi aussi. Depuis qu'elle est partie, c'est plus pareil... Celui qui a commis un crime pareil doit être retrouvé ! »
Elle me lance un regard déterminé. J'échange un regard avec Ryuji ; il hoche la tête. Je rends donc un sourire à Asako.
« Alors, bienvenue à bord. On cherche quelqu'un né en août. Je t'expliquerai. »
« Euh, d'accord ! » répond Asako d'un air ingénu avant de commencer elle aussi à fouiller les sacs.
Je la regarde alors qu'elle me fait dos ; non, c'est impossible de soupçonner Asako. Elle est toujours gentille, un peu bête, mais elle s'est immédiatement bien entendu avec Minori. De plus, elle n'est pas née en août. Je me souviens, on a fêté son anniversaire quelques jours avant le nouvel an.
Je reprends ma recherche, dans mes pensées. En fait, il faudrait prendre l'affaire dans ce sens. Qui pouvait en vouloir à Minori à ce point ? Tout le monde l'aimait. Ryuji en est tombée amoureux à la rentrée, c'est pour dire. A mon avis, il l'aime encore. Voilà pourquoi il n'est pas intéressé par...
Je me fige soudain. Avec précipitation, je laisse tomber mon bloc note et mon stylo pour courir à quatre pattes entre les rangées.
« Les gens reviennent, il faut que... Taiga, qu'est-ce que tu fais ?! »
Je n'écoute pas Ryuji, fouillant dans un sac à main tendance et parfait, trop parfait. Asako, à ma gauche, se rapproche l'air inquiète de mon expression. Mais je ne sais pas quelle tête j'arbore lorsque je trouve enfin une carte d'identité que je brandis face à moi.
Je la lis en vitesse. Non, je ne peux pas y croire...
NOM : Kawashima
Prénom : Ami
Date de naissance : 7 août 1994
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