08:00

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La grande horloge de la salle à manger sonna minuit lorsque Théo glissa ses mains autour des hanches du plus jeune, l'attirant subtilement contre lui, le laissant plaquer son corps entier contre le sien, se délectant de ses mains baladeuses qui se promenaient entre ses épaules et ses cheveux. Là, dans le noir de la nuit, ils se sourirent malicieusement entre deux baisers fiévreux, entre leurs lourds soupirs et les quelques perles de sueur qui pointaient le bout de leurs nez sur leurs fronts.

— J'me serais jamais douté qu'un type comme toi préférerait faire les choses dans ce sens-là. Tu m'attires encore plus, Théo-tout-court.

— J'aurais jamais soupçonné qu'un mec comme toi accepterait de le faire dans l'autre sens. J'te veux encore plus, Enver.

Le bleuté pouffa en glissant sa tête dans le cou de son aîné. À son tour, il marqua sa peau sans aucune retenue, frissonnant chaque fois qu'il sentit Théo souffler plus lourdement, chaque fois que sous ses doigts, son corps brûlant se cambra davantage vers l'arrière.

— J'crois qu'on va déranger ton meilleur ami Chris, si on va là-haut.

— Je doute qu'il nous en veuille, Théo.

— Alors qu'est-ce que t'attends, putain ?

— Tiens, c'est qui l'impatient, maintenant ?

Le noiraud roula des yeux avant que le plus petit en taille ne glisse subitement ses mains sous son t-shirt. Il caressa sa peau avec une lenteur extrême, comme pour lui renvoyer à la figure son propre jeu ; il titilla sa patience avec dextérité, s'amusa avec ses nerfs sans commettre la moindre erreur. Théo ferma les yeux et relâcha sa tête, la laissant se poser contre l'épaule de Héloan alors que ce dernier s'amusait avec les différents points sensibles auxquels il avait déjà accès.

— Dis-le. J'ai gagné, alors dis-le.

L'aîné se redressa subitement et le fixa un moment, arquant un sourcil. Un sourire narquois vint étirer ses lippes alors qu'il acquiesçait doucement, comprenant que s'il ne donnait pas de réponse, alors le bleuté le planterait là, ici et maintenant. Il ricana donc quelques secondes, plus emballé que gêné, plus excité que dérangé. Non, bien au contraire, les mots que Héloan voulait entendre, il rêvait de les prononcer depuis le début.

— T'as gagné. T'as gagné ce jeu à la con et j'suis à toi. J'suis à toi pour cette putain de nuit, juste pour cette nuit, Héloan Enver.

Le bleuté s'écarta légèrement pour le fixer. Il se défit quelques secondes de toute la tension de ce moment, de toutes les étincelles qui crépitaient en lui pour observer son vis-à-vis avec attention. Dans ses yeux, Théo ne vit qu'un sérieux rassurant, une question silencieuse, un respect immense. Quelques mots qu'ils ne dirent pas mais qui suffirent à les rassurer aussi bien l'un que l'autre : au-delà de leurs mots crus, ils ne voyaient certainement pas leur partenaire comme un vulgaire objet sexuel, quelque chose avec lequel ils n'allaient faire que se soulager.

Non, au travers du regard qu'ils se lancèrent, ils purent comprendre qu'ils n'étaient que deux inconnus. Deux inconnus bien décidés à profiter du corps de l'autre dans le respect le plus strict des limites des envies de leur partenaire. Ils jouaient certes un jeu pressé par le temps depuis quelques jours, cependant, là, alors qu'ils étaient sur le point de marquer le point final de leur aventure, ils ne pressèrent rien, surtout pas le confort de l'autre.

Pour cette raison, leurs lippes se lièrent avec plus de douceur, comme pour valider, accepter pleinement la suite des choses. Ils effacèrent les quelques petits doutes qui auraient pu subsister, bien qu'ils aient conscience de leurs envies respectives. Ils préférèrent tous les deux perdre quelques minutes, dans la salle à manger, à s'assurer de posséder l'accord complet de l'autre avant de grimper les escaliers.

— On va dans ta chambre, Théo-tout-court, elle est plus loin de celle de Chris par rapport à la mienne.

— Ça tombe bien, je voulais te voir dans mon plumard.

Héloan pouffa, brisant un peu le calme et la discrétion de leurs murmures. Il s'écarta ensuite, puis attrapa la main de son aîné pour le tirer vers l'étage. Ils marchèrent dans le couloir sans faire trop de bruit, passèrent devant la chambre du bouclé le plus discrètement possible et entrèrent dans celle du noiraud. La pièce était la plus excentrée de la maison et, même si l'Australien risquait de les entendre tout de même, ils seraient déjà plus discrets qu'en étant dans la chambre du cadet.

— Il va nous maudire demain matin.

— Comment j'en ai rien à foutre.

Le langage fleuri de Théo n'étonna même pas Héloan. Il se contenta de sourire et de refermer la porte à clef derrière eux, n'allumant même pas la lumière. Il se tourna ensuite pour jeter un petit coup d'œil à cette pièce qu'il ne connaissait pas, cependant le noiraud ne semblait pas disposé à patienter davantage. Il revint enlacer sa taille, embrasser ses joues, son cou, et le bleuté gloussa.

Il n'aurait su dire pourquoi il adorait l'aspect si particulier de leurs échanges. Théo paraissait être le plus avenant, être celui qui remplissait tous les critères d'un caractère jugé plus « fort », de quelqu'un qui aurait plutôt tendance à ne pas prendre les rôles comme ils comptaient les endosser ce soir. Il n'était pas effrayé par l'idée d'initier des gestes lui-même, et il y prenait un grand plaisir. Héloan, lui, donnait plutôt l'impression d'être timide et facilement docile. Il aimait quand son homologue jouait avec ses nerfs, dévorait son cou, ses lèvres. Il avait l'air de pouvoir cocher toutes les cases nécessaires pour endosser le rôle du jeune homme plus « faible », de celui qui, par défaut, se positionnait en dessous pour laisser les plus grands, les plus costauds au-dessus.

Pourtant, lorsqu'ils tombèrent sur le lit, il s'allongea sur Théo. Il prit place sur son bassin et lui retira son t-shirt d'un geste vif. Le noiraud se laissa faire, les mains de part et d'autre de son visage. Il lui décocha un petit sourire malin avant que leurs lippes ne se rejoignent, ne se séparant que pour mieux se retrouver, ou bien pour laisser passer le haut du bleuté que le plus grand retira dans des gestes doux, tendres, lents.

Et puis tout s'inversa. Le noiraud roula sur le côté et surplomba le plus jeune, embrassant son cou, ses épaules, et descendant le long de son torse. Héloan caressa tendrement ses cheveux, fermant les yeux, profitant de l'instant. Puis sa patience vint le titiller et il se redressa d'un geste vif pour capturer subitement la bouche de son aîné. Il le fit basculer vers l'arrière avant de tirer sur son pantalon, le faisant descendre à l'instar du sien.

Théo se retrouva donc de nouveau sous le bleuté, ses hanches fermement coincées entre ses mains. Ils se fixèrent un instant, déjà essoufflés, transpirants ; brûlants. Ils semblèrent se rendre compte au même moment de la singularité de leur échange, de cette petite chose qui inversait tous les a priori sans pour autant les contraindre à se plier à tel ou tel code instauré par les positions qu'ils s'étaient choisies. Ils virent qu'en dépit du pseudo rôle attribué par la société, ils n'étaient pas forcés de jouer au plus petit, au plus grand.

Si l'aîné voulait initier des gestes et paraître alors soi-disant « plus fort », il le ferait. S'il désirait se laisser faire, entrer dans ces pseudos définitions de « plus faible », alors il le faisait. Les choses n'étaient guère plus différentes chez Héloan : il se détachait avec aisance de son image de « pauvre petit être fragile », il s'amusait volontiers à jouer le premier, à dévorer la peau, les lippes de son aîné, tout en lui laissant le temps de le faire aussi, tout en se laissant l'occasion de profiter sans bouger le premier.

Leurs positions ne définissaient pas leurs comportements et n'entravaient pas leurs envies. Chaque geste qu'ils firent fut exécuté délibérément, reçu avec plaisir. Ils furent équitables, noyant l'autre sous des dizaines d'attentions, des centaines de baisers, de caresses. Ils ne se soucièrent pas de quelconques règles à suivre, de comportements à adopter. Théo resta fidèle à lui-même et ne devint pas un être timide, tremblant et frêle. Héloan ne changea pas non plus, il resta un jeune homme réservé, assez fermé et doux.

Non, cette nuit-là, ils s'aimèrent. Ils s'aimèrent eux-mêmes avant tout, retenant des milliers de leçons de cette aventure avec l'autre, de cette euphorie qui saisissait leurs cœurs, de cette chaleur qui faisait brûler leurs corps. Ils comprirent bien des choses qui se gravèrent pour toujours dans leurs esprits.

— Héloan...

— Mh ?

Le bleuté laissa poindre un petit sourire satisfait lorsqu'il vit que le noiraud respirait vite, avec un désordre propre à la situation. Il l'embrassa alors encore une fois puis leurs derniers vêtements tombèrent, les laissant soupirer tous les deux alors que leurs corps se retrouvaient, que leurs êtres s'enlaçaient, se découvrant pour mieux s'embrasser.

— J'ai chaud, putain.

— On n'a même pas commencé, t'abuses.

Théo pouffa et tendit le bras vers sa table de nuit. Il tira sur la poignée du tiroir et fouilla dedans à l'aveuglette, se munissant de ce dont ils avaient besoin pour préserver leurs santés. Héloan l'observa faire sans un bruit, sans un mot, souriant malicieusement. Une fois que plus rien ne put les retenir, les arrêter, il le fixa sérieusement une toute dernière fois. Il ignora la chaleur grimpante dans la pièce, le bruit du tonnerre à l'extérieur et même son ventre, tordu par l'envie. Il ne se concentra que sur les yeux de son aîné, que sur cette conversation silencieuse qui s'était engagée au rez-de-chaussée et qui se poursuivit là, sous les éclairs, sous une pluie battante et violente comme elle ne l'avait jamais été.

— C'est ok, Enver.

— Certain ?

— Certain si tu l'es.

— J'ai l'droit de prier pour que tu puisses plus marcher demain ? Juste histoire que ça te laisse des souvenirs, hein. Pas du tout pour faire gonfler mon égo.

Théo leva les yeux au ciel sans masquer son rire. Il hocha doucement la tête avant de se redresser pour l'embrasser avec fougue, perdant une main dans ses cheveux bleus alors que leurs corps s'unissaient enfin, que leurs êtres s'enlaçaient, se complétant entièrement, laissant derrière eux gémissements et sueur. Ils sourirent tous les deux au même moment, là, lovés dans les bras l'un de l'autre.

Héloan attendit un moment, immobile, le front posé sur l'épaule gauche de Théo, sa main droite traçant des formes abstraites sur son torse. Le noiraud garda les yeux clos, profitant de ce petit temps pour s'habituer sagement aux vagues de chaleurs qui lui montaient à la tête, aux gestes tendres du bleuté qui le rendaient fou. Finalement, il bougea le bassin de lui-même et le plus jeune ricana avant de se redresser légèrement.

— Si un truc va pas, tu le dis, mh ?

— Mh. Toi aussi, Enver.

Il hocha la tête et tout leur échappa. Le noir de la pièce masqua leurs expressions faciales mais n'étouffa pas une seule seconde les sons qui quittèrent leurs lèvres, au contraire. Il leur sembla que ne rien voir augmentait leur perception du son, si bien qu'ils eurent l'impression de se noyer sous tous les souffles, gémissements, et grognements qu'ils lâchèrent.

Héloan crut un instant qu'ils s'étaient transformés en quelque chose de plus poétique que deux corps nus et brûlants. Il eut la sensation qu'ils étaient aussi houleux que les vagues, aussi électriques que les éclairs, aussi bruyants que l'orage. Il lui sembla soudainement que la chaleur, la canicule de ce mois de juin n'était rien en comparaison à celle présente dans la chambre.

— Héloan...

Le bleuté sentit son aîné enfoncer sa tête dans les oreillers, tandis que ses mains se crispaient, crochetaient la peau de son dos. Il se laissa sourire dans la nuit avant de glisser sa tête dans son cou, le décorant encore et encore jusqu'à ce que Théo ne vienne attraper son menton. Il l'embrassa ensuite, étouffant tous les bruits qui le quittaient contre ses lèvres, lui envoyant tout son plaisir, tout le bonheur qu'il prenait à l'instant. Il sembla le remercier au travers de ce geste, aussi et pour cette raison, Héloan ne se retint plus et ses coups de reins gagnèrent en intensité.

Le noiraud n'était plus que sueur et gémissements à la plus grande joie du bleuté qui, doucement, s'accoutumait au noir. Il discernait mieux le visage de son homologue et pouvait profiter des quelques flash lumineux produits par les éclairs pour l'admirer davantage. Il glissa une main dans ses cheveux puis sur sa joue. Il nicha finalement sa tête dans son cou, laissant son corps prendre le dessus sur son esprit.

Ils rivalisèrent avec le bruit du tonnerre et de la pluie encore de longues minutes avant que Théo ne se crispe, cambrant son dos et faisant ainsi comprendre à Héloan qu'ils touchaient bientôt la fin de ce joli spectacle, de cette pièce dans laquelle ils n'étaient que figurants. Les rôles principaux appartenaient à leurs envies, à leurs désirs, à ce qui ne portait pas de nom mais qui les avait réunis là, dans cette maison d'hôtes perdue au milieu de nulle part, au bord de la mer.

— Putain...

Ils sourirent une dernière fois avant que leurs corps ne cèdent. Héloan s'écroula sur le plus grand, poussant un long râle tandis que ce dernier laissait éclater une dernière fois sa voix dans la pièce. Bientôt, l'orage regagna son trône et fut le seul ennemi du silence ; la pluie se calma, les deux jeunes hommes gardèrent la bouche ouverte en quête d'air mais n'osèrent rien prononcer, encore trop chamboulés, encore trop secoués.

Théo fut le premier à bouger alors que les nuages électriques disparaissaient enfin au loin. Il entoura le plus jeune de ses bras et lui déposa un simple baiser sur la tempe, soufflant quelques mots qui eurent le don de faire imploser le cœur du bleuté. Quelques mots qui restèrent à jamais gravés dans son esprit :

— Merci, Héloan. Sincèrement.

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faites genre on est dimanche et j'ai pas oublié de poster hier ok- ? :')

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