03:00

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Le lendemain, Héloan s'éveilla à cause du bruit d'une moto. Il grogna en se levant péniblement, puis esquissa un grand sourire niais lorsqu'il se souvint subitement de l'avancée qu'il avait faite hier soir. « Te voir dans mon lit, Héloan Enver »

Le bleuté ignorait toujours comment Théo connaissait son nom complet ; sans doute l'avait-il entendu lorsque le vieux monsieur l'appelait parfois pour lui annoncer le petit déjeuner. Ou bien l'avait-il perçu lorsque le vieillard l'avait incité à se mettre à l'abri pour se préserver de l'orage... Il n'en avait aucune idée, mais cela ne le perturba pas davantage.

Il se leva en frottant ses yeux, cachant son t-shirt floqué Minecraft sous un énorme pull trop grand pour lui. Il rabattit sa capuche sur sa tête puis descendit les escaliers, les paupières à peine ouvertes. Dans la salle à manger, il ne trouva que Chris. Aussi, il déjeuna tranquillement avec lui, ne parlant que très peu.

— Théo n'est pas avec toi ?

— Pourquoi est-ce qu'il serait avec moi ?

— J'sais pas, je vous ai vus rentrer tous les deux, hier soir, j'me suis dit que... Enfin, tu vois quoi...

Héloan pouffa. Il aurait aimé qu'il se passe quelque chose entre eux, la veille. Seulement, après sa phrase brûlante, Théo n'avait fait que se redresser pour fuir agilement. Il avait dit vouloir se lever tôt le lendemain, aussi, ils avaient gagné la maison sans rien ajouter d'autre, sans même revenir sur leurs mots échangés.

— Oh, non. On a juste discuté sur la plage, rien de plus. Il m'a dit qu'il se levait tôt, aujourd'hui.

— Alors ce doit être lui qui est parti à moto.

— Ah ? Je me demande où est-ce qu'il est allé.

— Tu ne sais toujours pas pourquoi il est là ?

— Non, il ne dit pas grand-chose... Mais j'vais bien finir par lui faire cracher le morceau.

— J'ai cru entendre son nom de famille, au fait, si ça t'intéresse. Clifford. Théodore Clifford.

— Théo-tout-court Clifford...

Héloan se laissa sourire en chuchotant, puis ils terminèrent leur repas. Chris fila en ville pour se promener et le bleuté décida de lire quelque chose dans la véranda. En réalité, il ne parvint pas à se concentrer assez pour passer les deux premières pages, aussi, rapidement, son regard dériva sur l'océan. Il ne vit pas le temps passer, perdu dans ses pensées.

Il mangea sur le pouce à midi, avant d'aller faire une petite promenade aux alentours de la maison. Il trouva un petit muret fleurit sur lequel il posa son derrière pour finalement sortir un vieux carnet à dessins. Il resta là une bonne heure avec ses crayons, ses feuilles et sa gomme ; il reproduisit la mer, le ciel chargé, les nuages noirs et menaçants. Il ne faisait presque jamais réellement beau, ici. La chaleur était étouffante mais le soleil persistait à rester caché, peu désireux à l'idée de venir partager ses rayons.

Héloan aurait souhaité travailler dans le métier de l'art. Écrire des bandes dessinées, réaliser des portraits, illustrer des livres... Cependant, la vie ne lui avait pas laissé le choix et il avait été contraint de rentrer dans une entreprise de comptabilité dirigée par sa mère, et que la famille Enver avait érigée il y a des dizaines et dizaines d'années. Il occupait un poste conséquent, possédait un salaire plus que suffisant, mais son métier ne lui plaisait pas le moins du monde.

De plus, avoir sa mère pour patronne et son frère aîné comme manager était insupportable. Son grand-frère était le fils parfait, celui qui aimait son métier, qui avait fondé une famille stable, qui attendait son deuxième enfant et qui, donc, possédait le droit d'avoir un poste supérieur à celui de son cadet.

— Tu dessines, Enver ?

L'intéressé sursauta, pivotant pour observer Théo, penché par-dessus son épaule. Son souffle s'échoua sur la joue du plus jeune avant que ses yeux sombres ne viennent sonder les siens avec une intensité telle que Héloan eut envie de se terrer dans un trou pour ne plus jamais en sortir. Il tint tout de même bon et ne détourna pas le regard. Il hocha plutôt doucement la tête et le noiraud vint s'asseoir sagement à ses côtés, son casque de moto sous le bras. Ils furent alors si près que la définition même d'espace vital sembla être rayée de leur vocabulaire.

— Fais pas genre ça t'intéresse, Théo, j'sais que tu t'en branles, en vrai.

— Pas faux, te voir dans mon plumard ça m'intéresse vachement plus.

Héloan pouffa, à peine surpris. Théo murmura tout de même un léger : « c'est quand même joli ». Sa phrase s'envola avec la brise et le bleuté douta un instant de ses oreilles, se demandant s'il avait rêvé son compliment. Le noiraud ne lui laissa cependant pas le temps de réfléchir et embraya sur autre chose.

— Tu veux faire un tour ?

— Un tour ?

Théo lui désigna sa moto du menton, garée un peu plus loin. Héloan ne l'avait même pas entendu rentrer, trop absorbé par son dessin. Il hocha donc la tête avant de le suivre jusqu'à la bécane. Là, le plus grand lui posa son casque sur la tête et lui donna sa veste de protection.

— Il fait déjà chaud, t'es fou ?

— La ferme et mets ça.

— Et toi ? T'as pas de deuxième casque ?

Le noiraud secoua la tête. Il grimpa le premier avant de sourire lorsqu'il sentit Héloan s'accrocher à lui, s'installant à l'arrière comme il le put. Théo esquissa un fin rictus puis démarra son engin sans rien ajouter d'autre, conscient d'être en infraction mais n'y prêtant pas la moindre attention.

Il s'engagea sur la première route qui bordait la maison et Héloan enroula timidement ses bras autour de lui pour se tenir. La bâtisse était isolée, loin de la ville et des villages alentours, aussi, il put admirer la côte qui les bordait, les vagues qui s'échouaient violemment en contrebas. Le vent les poussait, le ciel les menaçait de ses nuages noirs ; ils n'y firent pas attention le moins du monde et continuèrent de filer, libres, détachés de tout ce qui les avait poussés à venir ici.

Le bleuté osa lâcher Théo pour tendre les bras de chaque côté, respirant à plein poumons, se laissant rire. Il ne s'était jamais senti si léger qu'à cet instant, jamais vu si apaisé qu'à ce moment. Il aurait voulu parcourir le pays complet à moto, sentir l'air se fendre devant eux, entendre le moteur vrombir sous lui. Puis la pluie tomba sur eux petit à petit.

Un énième orage déchira les cieux et Théo accéléra, dépassant les limites de vitesse autorisées pour s'engager sur une petite route à peine passagère. Il fila à toute allure sur la ligne droite, attrapant le bras de Héloan pour le contraindre à se cramponner à lui. Il agrippa ensuite fermement sa bécane pour ne pas en perdre le contrôle, puis songea à ralentir lorsqu'un virage se présenta.

Ils débouchèrent entre des champs de lavande et eurent l'impression de voir une mer violette sous un ciel gris. Le plus petit en taille tendit sa main pour caresser les plantes, avant de pouffer quand le noiraud devant lui prit soin de décélérer pour lui laisser le temps de profiter. Il reprit de nouveau de la vitesse lorsqu'une nouvelle ligne droite se présenta. Il fonça à toute allure, fuyant l'orage, le dépassant, revenant longer la côte. La mer semblait vouloir les engloutir mais ils allaient si vite que rien ni personne n'avait l'air d'être capable de les attraper, de les rattraper. Ils ne virent plus les minutes passer, ni l'heure qui s'écoula. Ils vibraient, libres comme l'air, détachés de tout et même de leurs identités.

Ils n'étaient plus que ce type aux yeux sombres et ce gamin aux joues rebondies, ces deux inconnus qui, pour une raison qu'ils ignoraient eux-mêmes, n'aspiraient qu'à goûter le corps de l'autre, rien que pour une nuit. Ils se fichaient de leurs soucis, de leur passé, de leur avenir, de tout ; rester deux étrangers l'un pour l'autre était tout ce qui leur importait, tout ce qui faisait vibrer leurs êtres, aussi éclatants que le tonnerre.

— Enver ?

— Ouais ?

— Si jamais on s'fait chopper par les flics, on parle pas la langue, ok ?

Héloan pouffa avant de repérer une voiture de la gendarmerie, au loin. Théo tenta de prendre un virage serré à gauche, juste avant que les agents de l'ordre ne puissent voir qu'il ne portait pas de protection de sécurité. Le bleuté gloussa donc en sentant le danger, l'infraction, le risque ; une dose d'adrénaline afflua en lui et il se sentit capable des plus grandes folies. Pour cette raison, il enroula de nouveau ses bras autour de Théo puis, alors qu'il accélérait de nouveau sur une ligne droite, il osa crier par-dessus le vent :

— J'crois que je veux jamais te connaître, ça gâcherait tout. C'est beaucoup mieux si on ne sait jamais rien sur l'autre, Théo.

— J'comptais pas te déballer ma vie, ça tombe bien que tu le dises. J'veux juste baiser.

— J't'attends, j'te signale.

— Nan, ce serait trop simple, comme ça.

Son célèbre sourire en coin vint orner ses lippes alors qu'il tournait enfin dans la cour de la maison d'hôte, ramenant son compagnon sur la terre ferme, en lieu sûr. Il lui ôta son casque, sa veste, puis captura de nouveau son menton entre ses doigts, rapprochant leurs visages.

— Si je cède si vite, ce ne seront que des souvenirs dans le vent. Si tu veux te rappeler pour toujours de ces deux semaines, de cet inconnu avec qui tu t'es envoyé en l'air, on doit faire ça bien.

— Faire ça bien ?

— Baiser pour baiser c'est ennuyant. Coucher ensemble parce qu'on se cherche, parce qu'on parvient à se rendre fou l'un l'autre, qu'on parvient à toucher ce qui lui plaît, rien que pour une nuit : c'est ça qui fait naître la magie et qui va te laisser des souvenirs pour toujours.

— Alors rends-moi fou, Théo Clifford.

Théo pouffa avant d'effleurer ses lippes avec les siennes, titillant sa patience. Héloan fonça sur ses lèvres sans réfléchir, ne voulant pas attendre. Le plus grand ne fit que sourire dans le baiser, glissant ses mains sur sa taille puis sur son postérieur. Le bleuté l'embrassa comme si sa vie était menacée, comme si tout pouvait disparaître subitement dans la seconde. Le noiraud lui rendit sa fougue avec plus de lenteur mais pas moins d'envie : il le poussa bientôt contre le mur de la maison, le fixant intensément, comme s'il était sur le point de le dévorer tout entier. Finalement, Héloan resta bouche-bée lorsque Théo le planta là, sans rien faire d'autre que lâcher quelques petits mots aussi renversants que frustrants :

— Et pourquoi pas l'inverse, Héloan Enver ?

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des fois j'me dit quand même que si mes parents tombaient sur cette histoire ils me déshériteraient ptdr. maman j'te jure que j'écris pas juste pour le cul, y a un message derrière, promis promis- T.T

à mercredi :'))

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