Chapitre 34
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Lorsqu'Azriel s'éveilla après une bonne nuit de sommeil, il fut touché de voir que sa peluche se trouvait sur son cœur. Il sentit ses joues chauffer alors qu'il souriait niaisement, simplement comblé par toutes les petites attentions d'Adaryn, par ce soin qu'il lui portait, cette douceur ; ce respect qu'il n'avait encore jamais pu avoir de personne excepté Lyan et Sohal, son père. Il se questionna quelques secondes, se demandant si son cœur battant n'était pas aveuglé par cette nouveauté, s'il ne s'était pas habitué à cette faveur que le Roi lui offrait. Peut-être que le bleuet n'avait-il fait que tomber amoureux des actions du magnolia, et non pas de l'être humain en lui-même ? Peut-être s'était-il enivré de l'attention reçue, et non pas de celui qui la lui offrait...
Une brûlure familière sur ses lippes vint répondre à sa question avant qu'il ne puisse aller plus loin dans ses élucubrations : non. Non, même s'il était tombé amoureux des gestes du noiraud, son être entier le passionnait bien plus. Sa singularité, son regard, ses yeux, son insolence. Il l'aimait réellement et non pas simplement pour la manière dont il le traitait. Évidemment, ses actions et sa manière d'agir jouaient un rôle dans le développement des sentiments du plus jeune. Seulement, s'il n'y avait eu que cela, Azriel n'aurait sans doute pas abandonné son cœur : la preuve était facilement discernable avec Alden. Le rouge lui accordait attention, soin et tendresse infinie. Pour autant, le blond ne lui portait pas les mêmes sentiments. Quelque chose d'autre était entré en jeu, sans quoi, il n'aurait pas mis en jeu sa propre vie, pas risqué de se briser lui-même. Pas accepté de chuter avec Adaryn...
— Oh...
Un frisson parcourut tout son corps alors qu'il réalisait pleinement la situation. Il était amoureux. Pour de vrai. Ce n'était plus un rêve d'enfance, plus un chapitre de conte de fée. Ce n'était pas un mensonge, pas une mission destinée à briser le Roi. Non, ses sentiments étaient réels, tangibles, bien intentionnés. Ils n'avaient même pas été anticipés, pas même imaginés. Comment aurait-il pu prévoir que son être entier accepterait de laisser passer le Roi Puissance au-delà de ses barrières ? Plus encore : comment aurait-il pu imaginer que sa propre personne puisse plaire, puisse attirer et faire chavirer un homme pourtant réputé inflexible, inébranlable ?
Il aimait, il était aimé. C'était insensé, presque irréel.
Il aimait, il était aimé. Surprenant, renversant.
Azriel Caelum aimait Adaryn Oriens.
Azriel Caelum était aimé par Adaryn Oriens.
Impensable, inimaginable. Déstabilisant.
— Adaryn Oriens...
Son cœur s'emballa vivement dans sa poitrine et ses lèvres s'étirèrent plus encore. Il fut surpris de se voir si heureux, si joyeux alors qu'il n'avait fait que prononcer un nom qu'il affectionnait énormément, désormais. Puis il déchanta légèrement en se rendant compte de l'égoïsme dont il faisait preuve : il s'était engagé dans cette relation en toute connaissance de cause pour assouvir ses propres envies, pour donner à ses sentiments le droit d'exister. Il avait volontairement ignoré le poids de ses actions, délibérément choisi de ne pas penser au fait qu'accepter l'amour d'Adaryn revenait à le précipiter un peu plus vite vers sa chute. À l'aide d'un dahlia et d'un bleuet, il avait signé l'arrêt de mort du Roi Puissance à l'encre violette.
Il se sentit coupable. Coupable d'agir ainsi, coupable d'avoir fait passer ses envies avant la sécurité d'Adaryn. La mission et le père de Lyan n'y étaient pour rien : il avait décidé d'accepter les avances du noiraud de son propre chef. Il avait décidé lui-même de lui répondre avec le langage des fleurs, il avait choisi sans y être contraint de l'embrasser encore et encore. La mission n'impliquait rien de plus que faire tomber Adaryn dans un piège, elle ne stipulait pas de l'anéantir en broyant chaque parcelle de son cœur trop naïf. Azriel apprenait tout de lui, entrait dans son monde et parlait son langage ; rien ne l'y obligeait, rien ne l'y forçait. Il avançait toujours plus loin au sein du brasier, le mettant toujours plus en danger.
Il aurait pu se contenter de rester à l'extérieur, de le charmer autrement et de gagner son estime sans obtenir la clef de sa plus profonde confiance, de ses plus sincères sentiments. Ainsi, Adaryn se serait trouvé moins blessé. Mais Azriel avait fait le choix de ne pas écouter sa raison. Il avait été égoïste : il s'était lancé droit vers le brasier, lui, la rivière déchainée. Maintenant qu'il progressait toujours plus vers le centre des flammes, vers le cœur et l'essence même de l'incendie, il était trop tard pour faire marche arrière. Il risquait à tout instant d'éteindre Adaryn, de noyer son brasier sous des déferlantes d'eau qu'il ne pourrait pas stopper.
— Qu'est-ce que j'ai encore fait...
Livide, il avala difficilement sa salive. Il ferma les yeux et s'enferma à nouveau dans la dénégation, décidant de ne plus penser aux conséquences de ses actions. Il ne resta pas plus longtemps dans son lit et lâcha plutôt un juron en voyant l'heure, affolé. Il ne disposait que de quelques minutes pour se préparer, sans quoi, il raterait le déjeuner. Il fila donc dans la salle de bain en courant, se doucha sans se laisser rêvasser puis enfila à la va-vite la première tenue qui lui passa sous la main.
Il ne prit pas le temps d'attacher ses cheveux, passant simplement un coup de peigne dedans avant de sortir précipitamment de sa chambre. Il s'offrit tout de même quelques secondes pour sourire lorsqu'un coquelicot tomba de la poignée de la porte ; il le posa dans un vase puis trottina jusqu'à la salle à manger. Fidèle à son poste, Frewen le suivit. Cependant, avant que le blond ne puisse entrer dans la grande pièce, le soldat attrapa doucement son bras, l'arrêtant dans sa lancée pour murmurer :
— Faites attention à vous, Azriel. Il y a un invité, ce midi...
— Un invité ? Qui ?
Le brun pinça les lèvres, baissant les yeux. Azriel frissonna, apeuré, puis il relativisa : si Dives Enwyld avait été présent, son corps aurait déjà réagi. Or, il se sentait parfaitement calme, il ne risquait visiblement rien. Son sixième sens n'avait pas activé un quelconque mécanisme d'alerte. Il ouvrit donc doucement les portes, le pas tout de même timide. Il balaya la salle du regard, se voyant paniquer davantage lorsqu'il sentit l'angoisse qui envahissait Lyan. Son regard remonta alors lentement, s'arrêtant un peu trop longtemps sur Adaryn pour, finalement, tomber sur un grand jeune homme aux cheveux aussi blancs que la neige.
Il possédait un visage fin, des yeux perçants, un nez retroussé. Ses expressions faciales furent difficiles à déchiffrer, si bien qu'Azriel avala sa salive de travers, intimidé. Il détailla le corps frêle du jeune homme qui disparaissait dans des vêtements amples, confortables, mais visiblement très onéreux. Aussi onéreux que ceux d'un monarque ; il n'y avait qu'une différence entre eux : la broche qui retenait sa cape, et l'emblème qui y figurait. L'emblème de l'Ordre.
— Ah, la marmotte est levée.
Alden vola au secours de son petit protégé, passant un bras autour de ses épaules. Azriel ne mit que quelques secondes pour comprendre que son ainé avait vu et compris son trouble, sa panique, aussi il le remercia tout bas. Le rouge ébouriffa ses cheveux avant de parler plus fort pour tout le monde.
— Azriel, voici le Gardien Sophos. Il représente la Justice au sein de l'Ordre. Nawfall, voici Azriel Orbis, le Prince de la Sixième Dynastie.
Le Conseiller avala sa salive de travers lorsque le Gardien posa ses yeux presque entièrement blancs sur lui. Ils ne furent pas si déstabilisants que ceux du Roi Enwyld, car bien plus expressifs, cependant leur couleur fut surprenante, indéchiffrable. Azriel s'inclina donc maladroitement, puis Nawfall Sophos pouffa, le rassurant d'un sourire étonnamment chaleureux.
— Ne vous embêtez pas avec ça. J'suis pas là pour faire le Gardien, je viens juste voir l'imbécile qui me sert de meilleur pote.
— L'imbécile t'entend, Naw.
— Ah ? Au temps pour moi, alors. J'ai cru que tu devenais sourd, avec l'âge.
— T'es plus vieux que moi abruti, qu'est-ce que tu baves ?
Adaryn grogna dans son coin lorsque son ainé ricana, laissant Azriel se faire happer par ses pensées. Il n'avait encore jamais entendu le Roi parler si familièrement. Étonnamment, cela ne le surprit pas énormément. Au contraire, un langage moins soutenu collait mieux avec le personnage authentique et singulier qu'il était.
— Viens t'assoir, Azriel. J'ai préparé un truc qui devrait te plaire, pour le dessert.
— Oh, oh ! T'as fait un cheese-cake à la myrtille ?
— Tu verras bien...
Le sourire malicieux d'Alden le fit trépigner d'impatience et agiter les bras par automatisme, si bien qu'il en oublia momentanément que la personne qu'il devait à tout prix éviter se trouvait assise à la même table que lui. Information primordiale qui, subitement, devint bien moins importante que l'optique de déguster un cheese-cake à la myrtille. Azriel et le sens des priorités, en somme...
— Riel...
— Hein ?
Lyan attrapa doucement sa main sous la table, le ramenant brutalement à la réalité. Il perdit toute sa bonne humeur et fixa son rouquin préféré, l'air grave. La surprise de la pâtisserie passée, il réalisa qu'ils se trouvaient désormais pris au piège. Comment allaient-ils s'en sortir ? Nawfall Sophos les avait vus déguisés, comment pourraient-ils se justifier ? Comment faire croire qu'Adaryn avait lui-même décidé de les faire inverser de rôles ? Comment expliquer que le Roi s'était délibérément engagé dans une relation interdite ?
Puis, il était un Gardien. Même s'il ne dirigeait pas la Sensibilité au sein de l'Ordre, il n'était pas impossible qu'il connaisse les noms et prénoms de la famille royale. Plus que tout, s'il venait à parler d'eux à Erynn Dulcis, la Gardienne de la Sixième Dynastie, alors ils seraient faits comme des rats. Elle connaissait sur le bout des doigts les identités de tous les héritiers du trône, et était sans doute même en mesure de différencier les deux amis en un simple coup d'œil. Si Nawfall Sophos abordait le sujet avec elle, leur mission tomberait à l'eau définitivement.
— Ryn ? J'te sonne, abru... Oh, attends, j'interromps un truc, là ?
Adaryn leva les yeux au ciel, coupé dans sa contemplation par son meilleur ami. Il décrocha donc son regard d'Azriel et reporta avec humeur son attention sur son assiette, ronchon. Le jeune homme aux cheveux blancs gagna un sourire taquin et vint titiller ses nerfs vivement.
— T'as perdu, hein ?
— La ferme.
— C'est pas pour dire que j'te l'avais dit, mais j'te l'avais dit.
— J'vais t'étouffer avec le cheese-cake du dessert.
— Cheese-cake ?
Azriel fit rire tout le monde, virant au rouge pivoine lorsqu'il réalisa qu'il avait attiré l'attention de la pièce entière. Il se ratatina sur lui-même, se maudissant intérieurement avant de se laisser tomber dans les bras d'un Lyan légèrement plus détendu par ses bourdes. Pour autant, ils n'en oublièrent pas la situation délicate dans laquelle ils se trouvaient. Ils paniquèrent même davantage lorsque le Gardien posa ses coudes sur la table, appuyant sa tête sur ses paumes pour les détailler en silence.
Si le véritable Prince ne parut pas gêné d'être à ce point dévisagé, il n'en fut pas de même pour Azriel, qui, angoissé, commença à mordiller nerveusement sa lèvre inférieure. Son genou tressauta de lui-même sans qu'il ne s'en rende compte, tandis que ses yeux fixaient son assiette. Il aurait voulu disparaitre ou s'être réveillé trop tard pour le déjeuner. Le Gardien ne lui inspirait rien de foncièrement mauvais, mais dégageait un petit quelque chose effrayant, imposant.
Nawfall Sophos avait tous des traits de la noble Dynastie de la Justice. Le blanc était la couleur de leur Royaume, symbolisant équité, loyauté et impartialité. Cette dernière coulait jusque dans leurs veines et dans leurs gènes. Son regard était sans doute la chose la plus déstabilisante de tout son être déjà bien renversant : ses iris se détachaient à peine du blanc de ses yeux, aussi, ses pupilles grisâtres ressortaient sur ce tableau immaculé, sondant les habitants de la Sixième, glissant sur leurs peaux, s'immisçant en eux, remontant jusqu'à leur esprit pour tenter de le lire. Impressionnant.
Le jeune homme était le deuxième né de la famille royale de la Quatrième Dynastie. Son nom était aussi connu que celui d'Adaryn, et pour cause : il était né de l'union d'une Reine et d'un Gardien. Ce genre de mariages étaient défendus, mais pas interdits. Toutefois, seule la Justice possédait le pouvoir de tenir ces alliances sans jamais que leurs sentiments n'influencent leurs devoirs. Seuls les héritiers de la Quatrième Dynastie savaient se montrer assez impartiaux, justes et objectifs, pour que leurs familles n'entrent jamais en jeu dans les décisions politiques. L'ancien Gardien n'avait possédé sur le Royaume aucun droit autre que ceux octroyés par ses fonctions, et la précédente Reine n'avait eu aucunement le droit d'utiliser le titre de son mari à son avantage. Cet exercice était ardu, aussi, peu d'êtres humains s'y étaient risqués.
Inévitablement, le mariage des époux Sophos avait donc fait du bruit, et la naissance de leurs deux enfants plus encore. Nawfall était principalement connu dans tout Alasia pour la décision de ses parents quant à son titre : il était le premier héritier à obtenir le titre de Gardien alors même que la coutume aurait voulu qu'il soit Roi. En effet, et pour des raisons tenues sous silence, sa sœur ainée s'était vue refusé l'entrée à Concordia. Elle avait obtenu la couronne de la Justice sur ordre de leur père, précédent membre de l'Ordre qui, sans jamais s'expliquer publiquement, avait refusé de laisser sa femme céder le trône à son fils. Aujourd'hui, Nawfall portait donc noblement le diadème de l'Ordre et son simple nom, à l'instar de celui d'Adaryn, suffisait à effrayer et faire taire, à tétaniser Azriel qui, angoissé au possible, se sentit manquer d'air.
— Naw.
La voix grave et sèche d'Adaryn fit tourner la tête du Gardien. Curieux, il questionna son cadet du regard et comprit ce qu'il voulait lui dire sans bruit. Il lâcha donc les deux plus jeune des yeux, se concentrant sur son repas, les laissant tranquille. Seules les chamailleries d'Ehann et Hywell se firent alors entendre, comblant le silence. Mendel était absent, sûrement occupé dans son bureau, tandis qu'Alden s'était éclipsé pour s'occuper de la petite surprise de son caneton préféré. Frewen ne parlait pas, Lyan non plus, et Nawfall semblait trop absorbé dans ses réflexions.
Ne restait donc plus qu'Azriel qui maltraitait toujours sa lèvre, laissant son genou trahir sa nervosité sous la table. Depuis la place d'Adaryn, rien n'était réellement visible. Pourtant, le mouvement régulier qui soulevait légèrement les épaules de son bleuet ne lui échappa pas. Il fixa alors la chaise vide de son Conseiller, se demandant si en y faisant assoir Azriel, il pourrait l'aider à se calmer. Toutefois, il oublia bien vite cette idée. S'il était angoissé par Nawfall, le rapprocher de lui n'était certainement pas la bonne solution. Il tenta alors autre chose.
— Je vais voir si Mendel a besoin de quelque chose, il n'a pas déjeuné ce matin. Il a peut-être faim. Ne m'attendez pas pour le dessert.
— Fais gaffe, quand tu vas revenir, les deux zigotos vont s'être entre-tués.
Ehann et Hywell se stoppèrent dans leurs piques pour protester, laissant le Gardien pouffer de rire. Adaryn n'y prêta pas attention et se leva sans bruit, passant derrière son blond favori. Azriel sentit son corps se mettre à trembler davantage, pensant qu'il allait finir enterré vivant : comment pourrait-il rester dans la même pièce que le Gardien Sophos sans Alden et Adaryn ? Il n'était pas comme Lyan, il ne savait pas gérer ses émotions. Par-dessus tout, il était tout sauf extraverti, enclin à la discussion. Le Roi, son point d'ancrage, ne pouvait tout simplement pas partir sans quoi, le faux Prince ne donnait pas cher de sa peau. Il allait mourir sur place et Lyan, bien qu'étant son soutient numéro un, ne pourrait rien y faire. Il était aussi nerveux et déboussolé que lui.
Pourtant, rapidement, ses pensées noires furent balayées quand des doigts fins effleurèrent sa nuque discrètement, attirant son attention. Il redressa donc la tête pour fixer Adaryn. Ce dernier continua sa route jusqu'aux portes et, avant de disparaitre, se retourna. Le contact visuel qui se noua entre eux fut lourd de sens, faisant disparaitre le monde autour d'eux pour un instant. Azriel ne vit plus que son magnolia, les flammes dans ses yeux et, surtout, son minuscule geste du menton. Il désignait l'extérieur. Il lui demandait de sortir. Le blond voulut se lever mais il craignit d'attirer le regard de Nawfall Sophos. Il ne voulait pas paraitre impoli ou trop suspect. Il pinça alors les lèvres, jetant un coup d'œil anxieux vers le Gardien. Adaryn sembla le comprendre dans la seconde puisqu'il lança :
— Majesté, vous devriez aller voir en cuisine. Je crois qu'il y a un dessert intéressant, si vous n'avez pas envie de manger salé dès le réveil.
Après ces mots, l'intéressé se leva précipitamment, lâchant la main de Lyan sans réfléchir. Il le regarda tout de même une seconde, inquiet. Il ne pouvait pas le laisser tout seul ici, il aurait été le pire des meilleurs amis. Il n'avait pas le droit de l'abandonner dans un endroit où il n'était pas à l'aise. Dans un endroit... comme le bal. Lyan l'avait bien trainé là-bas pour s'amuser, pour son propre bien. Il n'avait pas pensé à celui du blond. Azriel pouvait donc bien sortir d'ici quelques minutes pour sa propre santé. De toute façon, Ehann était là. Ce serait suffisant.
Le blond pinça donc les lèvres avant de faire un pas vers Adaryn. Le rouquin paniqua quelques secondes et fixa le noiraud, puis son cadet. En les observant, il comprit rapidement la situation mais ne sembla pas plus résigné à laisser Azriel quitter la pièce. Angoissé à l'idée d'être seul, le Prince se tourna et croisa comme par miracle le regard d'Ehann. Subitement, le Général s'était tût, laissant Hywell grogner seul. Il lui décocha un petit sourire auquel Lyan répondit. Face à ce geste, Azriel lâcha prise et s'empressa alors de filer vers le couloir.
Les portes furent à peine fermées qu'il se retrouva attiré tout contre un torse chaud, enfermé entre des bras qui le soulevèrent doucement du sol. Sans comprendre, il enroula ses jambes autour d'Adaryn et se laissa porter sans rien dire. Il entoura simplement son cou de ses bras, le serrant contre lui fortement alors que le reste de son corps continuait de trembler. Il se détendit quand la main du noiraud gagna ses cheveux. Il ferma les yeux, et ne les rouvrit que quelques minutes plus tard, lorsqu'Adaryn le déposa doucement sur le garde-fou du balcon. Ses bras glissèrent autour de sa taille pour le maintenir fermement, empêchant toute chute, tandis que son visage s'écartait légèrement pour tenter de croiser son regard ambré. Azriel en profita pour murmurer :
— Désolé...
— Pour quoi ?
— Parce que... parce que j'suis qu'un trouillard qui passe son temps à pleurer, qui panique sitôt que quelque chose d'inhabituel arrive, et qui ne parvient toujours pas à ne plus craindre l'imprévisible et l'inconnu... J'essaie, mais c'est... c'est plus fort que moi...
Adaryn fronça les sourcils, visiblement contrarié. Azriel craignit un instant de l'avoir vexé, d'avoir dit quelque chose de mal. Contre toute attente, le noiraud vint caresser sa joue d'une main douce, délicate. Le cadet comprit alors qu'il n'était pas la raison de la colère du Roi, aussi il se détendit et osa croiser son regard timidement.
— Qui vous a laissé croire ça, mh ? Qui peut être assez idiot pour vous laisser accepter l'idée qu'une peur doit forcément être liée à une faiblesse ? Qui vous a fait croire que votre manière de fonctionner fait de vous un « trouillard » ?
— Ça... ne l'est pas ?
— Non. Une peur, une phobie, un handicap ou ce genre de choses, ce n'est pas ce qui devrait définir quelqu'un.
— Pourtant, c'est la réalité et ce qu'on m'a appris... Les gens qui ont peur, les gens qui se dégonflent, les gens qui ne sont pas tout à fait « normaux », alors ils sont étiquetés de faibles, ou de défaillants. Tous ces gens qui ne sont pas assez forts pour survivre dans ce monde sont jugés « bizarres », « incompétents », « idiots » et j'en passe...
— Si c'était vrai, pensez-vous réellement que je serais toujours Roi ? Pensez-vous seulement que j'aurais pu monter sur le trône ?
— Non... non ?
Le blond pinça les lèvres. Adaryn avait dû souffrir pour se hisser sur le trône, là, sous les yeux de milliers de personnes. Il souffrait aujourd'hui encore de ces regards, de tout ce qu'ils sifflaient, chuchotaient, criaient, brûlaient. Il avait bâti un Royaume selon ses propres règles, il avait redressé un pays selon ses propres codes moraux, à la seule force de son esprit. Il ne suivait ni la norme, ni les aprioris. Pourtant, il portait la couronne de la Puissance mieux que personne, malgré ses peurs, ses craintes, ses angoisses et ses particularités. Il était la preuve vivante qu'être différent et singulier n'était pas incompatible avec la royauté, avec la réussite. Mais Azriel n'était pas si courageux que lui, pas si stable sur ses appuis, pas si tenace et robuste.
Il se pencha en avant, réprimant difficilement un sanglot. Il n'était qu'une brindille, une plante maigrichonne qui pliait face au vent, qui ne résistait à rien. Rien. Il se lova tout contre son ainé, essayant de ne rien laisser échapper. Il ne voulait pas pleurer dans ses bras, pas encore. Pas pour si peu. Il ne s'était rien passé dans cette salle. Nawfall Sophos l'avait simplement observé, rien de plus. Et pourtant tout ce que son regard impliquait était déjà bien trop.
— Qu'est-ce que les gens vous ont dit, Azriel ?
— Ils... ils disent toujours que j'suis juste « trop », et « pas assez » à la fois. J'ai des... j'ai des réactions excessives pour tout, mais j'suis pas assez pour le monde entier. Pas assez solide, pas assez compétent, pas assez courageux, pas assez bien... Ils ont toujours dit que j'étais un poids, Ils ont toujours critiqué ma manière de fonctionner, ils m'ont toujours dit que j'avais... que j'avais un problème, et que j'étais toujours en retard. En retard sur Lyan, en retard sur tout le monde. Ils ont essayé de me corriger, mais ça n'a jamais marché...
— Ils ont tenté de vous « corriger » ?
— Ils ont essayé... Ils ont toujours dit que si on avait eu plus d'argent, j'aurais pu... j'aurais pu être mieux éduqué, qu'ils auraient pu me coller entre les mains d'un médecin ou d'un éducateur qui m'aurait appris à être « moins » bizarre, et à être « assez » pour eux...
Adaryn se raidit. Il cligna plusieurs fois des yeux lourdement, totalement absent. Azriel le sentit crisper tous les muscles de son dos, fuyant encore une brûlure invisible, le fantôme de quelque chose qui semblait vouloir l'enchainer à de lourds souvenirs. Sans trop bien savoir pourquoi, le blond glissa instinctivement sa main jusqu'à cet endroit si sensible. Avant que ses doigts n'entrent en contact avec le tissu, il se stoppa et songea plus en profondeur à son geste, inquiet. Peut-être était-ce trop osé ? Adaryn refusait qu'on s'approche de lui, qu'on le touche sans y être autorisé. Son dos était un secret à lui seul et Azriel ne fut pas certain d'être en mesure d'en détenir la clef.
Il chassa tout de même ses pensées et posa ses doigts sur la chemise en velours du noiraud, suivant son intuition, certain que ce geste était le bon. Il était une rivière dans leurs métaphores, alors peut-être pourrait-il apaiser tout ce qui semblait lui brûler la peau. Il surveilla tout de même la moindre de ses réactions, inquiet, peu sûr de lui.
— Azriel...
Le blond écarta ses doigts dans la seconde, prêt à s'excuser des centaines de milliers de fois s'il le fallait. Le noiraud attrapa son poignet en vol, stoppant sa course à quelques centimètres de son dos. Sa respiration saccadée inquiéta le cadet, seulement il ne put rien dire ; Adaryn ferma les yeux et reposa la main délicate qu'il tenait contre sa chemise, sans un mot. Azriel le sentit se relâcher doucement, ses muscles se décrispèrent un à un. Le cadet eut alors une vague réminiscence du bal, de ce court instant où, sans réfléchir, sans savoir, il avait appuyé sa tête contre ce dos brûlant.
Adaryn ne l'en avait pas chassé. Même mieux, il avait retrouvé force et fougue. Il s'était détendu, il avait trouvé à nouveau l'énergie de répondre au Roi Logique. Azriel avait inconsciemment soigné ces brûlures contre sa peau, sans même le comprendre. L'exacte même magie venait d'opérer. Il s'en voulut tout de même de ne pas avoir demandé, d'avoir agi sans même chercher son accord, aussi, il chuchota :
— Désolé. Sincèrement. Je... je sais pas pourquoi j'ai fait ça. Intuition.
— J'emmerde tous ceux qui ont osé vous dire vous n'étiez « pas assez », et encore plus ceux qui vous ont dit que vous auriez dû être « moins ». Moins vous. Qu'ils aillent tous se faire voir.
— Les choses ne marchent pas toujours comme ça, Adaryn... Je ne sais pas faire comme vous, je ne sais pas faire face à la critique, j'ai peur quand on me dit que j'suis de « trop », quand on me dit que j'énerve et que j'agace. J'ai pas... j'ai pas votre courage ni votre force. Si j'avais pu avoir la « bonne » éducation alors peut-être que ça m'aurait épargné bien des maux...
— Mais vous n'auriez pas pu faire ce que vous venez de faire.
— Que... Qu'est-ce que j'ai fait ?
Le plus grand ne répondit pas, capturant ses lèvres à la place. Sa main gauche se resserra sur le poignet du plus jeune et Azriel appuya alors davantage sa propre paume contre le dos du plus grand, sentant le pouvoir de son geste dans le baiser qu'Adaryn lui offrit. Du bien. Il lui avait fait du bien, l'avait apaisé, calmé. La rivière avait éteint les flammes qui brûlaient sa peau.
— Personne n'aurait jamais pu vous changer, vous êtes vous, Azriel. Qu'importe les punitions, votre vraie nature n'aurait pas disparu. Peut-être aurait-elle été dissimulée par le masque du parfait petit soldat qu'ils voulaient vous coller, mais elle serait restée en vous.
— Mais peut-être que je me serais senti moins... moins différent de tout le monde. Moins étrange. Personne n'est aussi bizarre que moi, à Olearia, même pas Lyan. Il sait se contenir, lui, il sait comment ça marche et il n'explose jamais en public. Lui, il a l'air normal au milieu des autres, on ne le met jamais à l'écart parce qu'il pleure, jamais de côté parce qu'il est particulier. On ne le force jamais à devenir quelqu'un d'autre : il sait être comme tout le monde.
— Parce que lui n'a pas eu la chance de grandir librement. Il a dû écouter ces professeurs barbants qui lui disaient que la magie n'existe pas, que les gens ne savent pas voler, pas user de leurs pouvoirs. Il a dû grandir trop vite et apprendre à taire son vrai lui. Vous, non.
— J'aurais dû, vous croyez ?
— Absolument pas, Azriel. Qu'est-ce que ça peut leur faire, aux autres, que vous ne fonctionniez pas comme tout le monde ? Qu'est-ce que ça peut leur faire que votre esprit soit différent ? Vous avez votre manière de fonctionner et elle n'est pas moins légitime que celle des autres. Elle est plus surprenante, elle est plus singulière, c'est vrai, mais elle n'est pas moins jolie pour autant.
— Mais elle est plus... étrange. Elle dérange...
— Elle n'est pas plus étrange, elle est vous. Elle ne dérange que ceux qui n'ont pas l'esprit assez ouvert pour accepter la diversité. Vous êtes vous, avec votre aversion pour le bruit, votre peur des foules et votre crainte de l'inconnu, de l'imprévisible. Vous êtes vous, avec vos étourderies, votre timidité et vos émotions, qu'importe leur intensité. Vous êtes même vous lorsque les tâches les plus « basiques » ne semblent pas faire sens à vos yeux, parce que vous ne raisonnez pas comme tous les autres. Mais qu'est-ce que ça peut leur faire si vous n'êtes pas comme tout le monde, hein ?
— Je... je l'ignore...
— Rien. Ils n'ont rien à dire là-dessus parce que c'est vous, Azriel. Tout ça, toutes ces petites choses qui composent tout votre être, c'est vous. Et sans doute que ce sont des difficultés, sans doute même qu'au quotidien ce sont des choses handicapantes. Mais c'est vous. Une partie de vous, du moins.
— Une partie ?
Adaryn esquissa un tendre sourire avant de rabattre une mèche blonde derrière l'oreille de son cadet. Il eut du mal à formuler sa phrase, emporté par ses mots, par la colère qui grondait en lui vis-à-vis de toutes ces personnes qui haïssaient et dénigraient la singularité de chacun. Il dû s'y prendre à deux fois pour réussir à commencer sa tirade sans bafouiller, sans mélanger les mots ou les syllabes. Azriel ne lui en tint pas rigueur une seule seconde, se concentrant plutôt sur ce qu'il parvint enfin à dire quelques secondes plus tard :
— Ils ne savent pas. Ces gens qui dénigrent toujours ce qui est différent, ils ne savent jamais ce qui se cache derrière les apparences. Ils ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas, de ce qui ne fonctionne pas comme ils le voudraient, comme les lois de la « normalité » le souhaitent. Alors ils ne vont pas plus loin, ils ne cherchent pas à voir que derrière le bleuet timide et parfois paniqué pour quelque chose qui semble n'être qu'un « rien », il y a une fleur farouche, capricieuse et bornée. Derrière vos larmes il y a des centaines de sourires, derrière vos peurs il y a des milliers de rires. Derrière vos silences il y a des milliards de questions, derrière vos étourderies il y a une infinité de réflexions toutes plus passionnantes les unes que les autres.
Adaryn marqua une pause, reprenant son souffle un court instant. Azriel resta sans voix, bouche-bée. Il n'eut même pas la présence d'esprit de répondre, de trouver quoi dire. Le noiraud reprit donc son monologue dans la seconde qui suivit, toujours plus emporté par ses propres mots et par ses valeurs, son éthique et sa manière de voir le monde.
— Ils s'arrêtent tous à cette image extérieure, à l'étiquette « bizarre ». Ils la collent sur quiconque n'agit pas comme tout le monde, sur quiconque ose ou est contraint de ne pas suivre les normes. Ils veulent que tout le monde se conforme à ce qu'ils jugent « typique », à ce qui n'effraie pas parce que c'est connu, répertorié dans les livres ou dans les lois. Mais ils se fourrent le doigt dans l'œil. Derrière le masque de la normalité, il y a un humain singulier, légitime d'exister comme il l'entend, comme il le souhaite et comme il est.
— Adaryn...
— Votre sensibilité et votre fonctionnement, aussi « atypique » soit-il, ce n'est pas ce qui vous définit. Une particularité, une pathologie, une peur, une maladie, un handicap ; ce genre de chose ce n'est pas une définition de votre vie tout entière. Ce n'est pas votre personnalité, pas votre personne. Ce n'est qu'une particularité, qu'une partie de vous devant laquelle les gens s'arrêtent bêtement. Ils ne veulent pas aller plus loin et se contentent de vous définir par ce qui porte un nom : « bizarre », « trop », « pas assez », « asocial », « lourd », « retardé » et j'en passe. Au-delà, tout ce qui ne peut pas être nommé, toutes ces petites choses qui vous composent, ils les ignorent, car trop complexe de tout comprendre, de tout chérir.
Azriel crut un instant qu'il allait pleurer tant les mots du noiraud touchèrent son cœur. Il se retint, cependant, conscient que s'il libérait ses larmes maintenant, il ne pourrait plus les arrêter. Il voulait entendre ce que le Roi allait ajouter, puisque, visiblement, il n'avait pas fini son discours. Ce sujet semblait lui tenir à cœur plus que tout.
— Je crois que ce qu'ils ratent de plus beau ce sont sans doute vos yeux. S'ils ne prennent pas le temps de vous attendre, de trouver votre confiance, alors tout ce qu'ils verront c'est un type effrayé qui pleure vite et qui a du mal à s'accommoder au monde extérieur. Ils ne verront jamais l'aube. Et ça, c'est leur problème, pas le vôtre. S'ils choisissent de vous trouver « bizarre » et de s'arrêter à ce qui peut porter un nom, c'est leur problème. S'ils choisissent de vous mettre à l'écart, c'est leur problème. S'ils ne veulent pas voir plus loin que ce que vous montrez en premier lieu, plus loin que cette chose qui possède déjà une définition toute prête et qui ne les oblige pas à creuser plus loin, alors tant pis pour eux.
Il se laissa sourire tendrement en essuyant la première larme qui roula sur la joue de son cadet. Il pouffa sans méchanceté, lui-même déstabilisé par ses propres émotions, par ses propres phrases. Il vint ensuite claquer un rapide baiser sur sa joue puis, après avoir posé une main sur son menton pour l'inciter délicatement à maintenir le contact visuel entre eux, il chuchota quelques derniers mots.
— S'ils ratent un tel spectacle parce qu'ils sont trop fermés d'esprit, c'est leur problème, pas le vôtre. S'ils sont trop idiots pour aller au-delà du connu, alors tant pis pour eux. Ignorez-les. Je vous promets que vous valez bien plus que ce qu'ils essaient de vous faire croire, Azriel. Je veux que vous sachiez que tout ça, tout ce qui se cache derrière les étiquettes que les autres vous ont collé sur le front, je le chérirai plus que tout.
— Ada... Adaryn...
— S'ils ne veulent pas vous accepter comme vous êtes, alors je le ferais. S'ils ne veulent pas avouer toutes les qualités que vous possédez, alors je vous les citerais. Et s'ils refusent de vous aimer dans votre entièreté, alors je vous aimerais, et je vous le crierais jusqu'à ce que vous puissiez vous aimer autant.
Le blond manqua de s'étouffer avec un sanglot plus violent que les autres, renversé par tout ce qu'il venait d'entende. Il fut incapable de répondre quoi que ce soit, noyé sous ses larmes, écrasé par toute la gratitude qui voulut s'échapper de son être. Adaryn vint alors l'enlacer plus fermement, déposant un baiser contre son cou et y nichant sa tête quelques secondes plus tard. Il caressa doucement ses cheveux, le laissant pleurer sans plus rien dire. Il en avait déjà dit assez puis, il se trouvait plus éloquent avec les gestes qu'avec les mots.
— Pourquoi j'ai... j'ai jamais rencontré quelqu'un comme vous avant, hein ? Pourquoi personne n'a... jamais voulu comprendre ? La Sixième c'est nul. J'veux vivre ici pour toujours.
— Je ne comptais pas vous laisser repartir, de toute façon.
Azriel gagna un fin sourire entre ses larmes et resserra son éteinte autour de son magnolia, laissant ses jambes s'agripper à sa taille davantage tandis que ses deux bras fins revenaient s'accrocher à son cou. Son cœur battait vite dans sa poitrine et les quelques pensées qui l'avaient envahi au réveil revinrent, plus fortes encore. Il était amoureux. Il aimait. Il était aimé. Pour de vrai. Il était amoureux, fou du Roi Puissance. Il était aimé aussi fortement par Adaryn. Pour de vrai. Égoïstement.
— Je... Adaryn...
Azriel s'écarta doucement, bredouillant. Il voulait mettre des mots sur ce qu'il pensait, exprimer tout ce qui traversait sa tête, expliquer à voix haute combien son cœur battait vite, fort. Pourtant, rien ne vint. Il ne trouvait pas de mot assez puissant, pas de phrase capable de retranscrire ses sentiments. Rien n'en était capable.
— Si les mots n'étaient pas si compliqués et vides de sens, peut-être qu'ils auraient pu vous dire tout ce que je pense. Tout ce que je ressens.
Il porta jusqu'à son torse la main du Roi, toujours dans la sienne. Il la déposa sur son cœur et le fixa, les yeux brillants, encore humides. Ses sanglots se turent lorsqu'il observa le sourire rassurant d'Adaryn, ses larmes séchèrent lorsque la distance entre eux fut effacée. Ses craintes s'envolèrent quand leurs lippes se touchèrent, ses problèmes disparurent lorsque leurs deux mondes se lièrent à nouveau, lorsque leurs corps frissonnèrent à l'unisson. Lorsque leurs organes vitaux gagnèrent le même rythme.
— Si les fleurs n'étaient pas si étriquées dans leurs définitions, peut-être qu'elles auraient pu vous dire combien vous êtes précieux, Azriel. Combien vous êtes précieux à mes yeux, et que ceux des autres, on s'en fiche.
— Les milliers d'yeux pourris.
Adaryn pouffa une nouvelle fois, amusé par le dégout dans la voix du plus jeune. Il l'admira quelques secondes avant de reprendre la parole en murmurant, plus calme que les minutes passées, plus apaisé surtout. Sa colère retomba lentement, et le blond fut surpris de constater qu'elle s'évapora aussi vite qu'elle était arrivée.
— Je pense que tout le monde a dû comprendre que vous n'êtes pas en cuisine et que je ne suis pas parti voir Mendel. On a donc deux options.
— Lesquelles ?
— Vous vous sentez d'y retourner ?
— Ah... c'est quoi la deuxième possibilité ?
— Kiosque.
Un sourire taquin prit possession des lippes du cadet. Il se pencha quelques secondes vers l'arrière pour observer le ciel gris, et les orages qui approchaient, par-delà les gorges de la rivière Niren. Il fixa l'averse qui tombait déjà sur la vallée, puis tourna la tête vers son ainé. Ses yeux brillants répondirent avant sa bouche, plus vifs, plus vibrants.
— C'est votre jeu préféré de disparaitre soudainement. Vous m'apprenez ?
L'ainé afficha son célèbre rictus malicieux puis, doucement, fit descendre son protégé du garde-fou. Il ne lâcha pas sa main et se rapprocha même à nouveau de lui pour souffler quelques mots un poil moqueurs à l'oreille.
— Bleuet réfractaire, à ce que je vois.
— J'vous imite bien, hein ?
— Insolent.
— Capricieux.
Ils se fixèrent quelques secondes, des expression espiègles et dégoulinantes de joie plaquées au visage. Adaryn fut cependant le premier à rompre le contact visuel pour ouvrir la porte, rentrant dans le château. Sans se départir de son petit air narquois – peut-être un poil niais, aussi – il entraina sa précieuse fleur derrière lui, passant par de nombreuses portes dérobées pour, finalement, se retrouver dans les jardins en passant inaperçu.
Ils gagnèrent la grille de la forêt en silence, les doigts toujours entrelacés, puis passèrent la barrière d'orties dans les minutes qui suivirent. Ils se glissèrent derrière le lierre au moment où les premières gouttes de pluie tombèrent et, alors qu'ils s'asseyaient tous les deux dans les bras l'un de l'autre sur la balancelle, Adaryn chuchota tendrement :
— Bon retour à la maison, mon Prince.
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hello ! petite info : je vais continuer de poster uniquement le dimanche jusqu'en septembre. à partir de là j'aurai davantage le temps de corriger et de poster, je pourrai donc augmenter la fréquence de publication et passer à 2 chaps / semaines :3
des bisous <3
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