Chapitre 24


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— Tout va bien ?

Azriel acquiesça sans grande conviction. Il observait avec méfiance ce nouveau monde dans lequel il avait mis les pieds, peu convaincu. La musique était assourdissante et la chaleur dans la pièce assommante. Il se tenait un peu en retrait, dans un coin de l'endroit où il lui était permis d'avoir un semblant d'espace vital. Il n'était que très peu à l'aise, oppressé par l'endroit. Les danseurs lui donnaient le tournis et leurs multiples conversations, le vertige. Le blond ne se sentait pas dans son élément, gêné par la présence de tant de personnes dans un espace confiné, angoissé par tant de changements et de nouveauté ; il aurait tout donné pour retrouver ses habitudes et sa routine désormais bien huilée à Imperium, loin de cette foule et de la cacophonie dans laquelle elle dansait. Surtout, il n'appréciait pas vraiment l'idée d'être séparé de Lyan, de son point d'ancrage.

Le véritable Prince avait rapidement cédé face à la folie du bal. Il ne lui avait pas fallu deux minutes avant de partir vagabonder partout avec Ehann. Il riait désormais à gorge déployée et faisait se retourner de nombreux regards sur sa personne. Il profitait de la soirée et découvrait tout avec appétence. Le Général des Armées se faisait une joie de lui emboiter le pas, de lui expliquer de nombreuses choses sur cette Dynastie qui, si elle ne l'avait pas vu grandir, coulait tout de même dans son sang.

Frewen se tenait non loin d'Azriel et surveillait le rouquin de loin, les bras croisés, la mâchoire serrée. L'environnement ne lui permettait pas d'être au meilleur de ses capacités : beaucoup d'êtres humains bloquaient sa vue. Lyan ne cessait de bouger d'un bout à l'autre de la pièce et ne faisait que lui rendre la tâche plus ardue. De temps à autre, un soupir s'échappait donc d'entre les lèvres du soldat, aussi Azriel lui adressait-il un petit sourire contrit, comprenant que l'escorte se serait sans doute passée de ces mondanités futiles et dénuées de sens. Il prenait néanmoins sur lui et tentait d'assurer au mieux la sécurité de tout le monde, à l'instar de Hywell.

Ce dernier se tenait à l'opposé d'eux. Au fond de la salle de bal, perché sur l'estrade où se trouvait le buffet royal et les quelques hauts-gradés en droit d'approcher le Roi Logique, Hywell attendait, stoïque. Il était tapi dans l'ombre, droit comme un piquet. Il gardait les mains dans le dos et un visage impassible. Ses yeux alternaient furtivement entre son protégé principal et Mendel, puis Lyan, Alden et Azriel. Il s'était complètement détaché de son humour habituel pour endosser à la perfection son rôle de garde rapproché : il excellait dans son domaine, Ehann ne pouvait définitivement plus le charrier. Le bleuet en fut certain, quiconque aurait tenté de toucher un cheveu du Roi Puissance n'aurait pas eu le temps de cligner des yeux avant de subir la sentence de Hywell.

Adaryn, justement, se tenait sur l'estrade, l'air las, agacé au possible. Il craquait fréquemment sa nuque, au plus grand dam de sa fleur bleue. Ses bras étaient croisés et accentuaient sa contrariété, témoignant de son envie de fuir le bal et son hôte. Mendel et le noiraud étaient parvenu à détourner l'attention du souverain Logique quelques temps plus tôt. Dives Enwyld avait compris leurs manigances mais s'était plié ; il s'était résigné à l'idée de ne pas approcher Azriel pour le moment, voyant bien qu'il lui valait mieux ne pas titiller si tôt la patience du souverain Puissance. Le fils Caelum était donc isolé au fin fond de la pièce avec la seule personne encore disponible pour l'accompagner.

— Je crois... Je vais m'y habituer.

— Prenez votre temps, je suis là si besoin. Il y a un balcon juste sur notre droite si vous voulez prendre l'air et fuir un peu tout ce boucan. Et si qui que ce soit vous importune, comptez sur moi pour lui botter le derrière.

— Merci, Alden. Sincèrement, je ne sais pas ce que je ferais sans vous...

— Ne me remerciez pas, Majesté. Je prends soin de vous par bon cœur et par envie, non pas pour obtenir de vous un quelconque remerciement.

Le rouge esquissa un sourire tendre et se tourna vers son protégé. Il recula vers lui et ils s'adossèrent tous les deux contre le mur, visiblement aussi peu à l'aise l'un que l'autre. Alden n'était pas un être de nature très sociable : il était timide, assez effacé, toujours très discret. Azriel devina aisément qu'il n'appréciait pas ce genre de fêtes pompeuses et consommatrices d'énergie. Il envisagea alors un instant la possibilité que son ainé ait fait le déplacement dans l'unique but d'accompagner Adaryn. Il reporta ses yeux ambrés sur ce dernier et parla distraitement, l'esprit un peu ailleurs, perdu entre ses songes et l'instant présent.

— Vous avez un cœur énorme, Alden. Je ne pense pas que la personnalité de quelqu'un soit définie par le sang qui coule dans ses veines, loin de là, mais je crois qu'elle est tout de même façonnée par la mentalité de la Dynastie dans laquelle elle a grandi. Vous ne... vous ne venez pas de la Puissance, je me trompe ?

Un petit sourire amusé remplaça le précédent et le rouge secoua lentement la tête, concédant de mi-voix quelque chose qu'Azriel avait deviné depuis un moment, mais qu'il refusait d'avouer par crainte des conséquences.

— Pas entièrement. Comme tous les proches d'Adaryn, je suis ce que les générations d'avant ont catégorisé de « sang-mêlé ». Je suis né dans la Sixième Dynastie, celle de ma mère, et j'y ai grandi quelques années avant que mes parents ne décident de déménager. Mon père travaillait beaucoup et loin, donc je pense que vous avez raison : c'est ma mère qui m'a élevé, avec les valeurs et mœurs de la Sensibilité.

Silencieusement, le plus jeune se mit à prier pour qu'Alden n'ait jamais eu vent du fait que le Prince de sa Dynastie se nommait Lyan et non pas Azriel. Il croisa les doigts dans son dos puis rationnalisa : s'il l'avait su, il y a longtemps qu'Adaryn les aurait chassés d'Imperium. Il tenta tout de même de se rassurer en cherchant à connaitre davantage de détails sur la vie et les souvenirs du rouge.

— Oh, je vois... Je peux vous demander de me raconter un peu votre enfance ? Vous m'avez rendu curieux, maintenant.

— Adaryn a raison lorsqu'il dit que c'est votre deuxième prénom.

Le cadet grogna, fusillant Adaryn du regard pour quelques secondes avant de bougonner dans son coin, ronchon. Alden pouffa et l'observa un instant, attendri. Il n'attendit pas plus longtemps pour céder à ses caprices, ne laissant pas sa curiosité languir davantage. Brièvement, il lui raconta ses après-midis dans les champs, les quelques bribes de souvenirs qui se cachaient dans un coin de son esprit.

— Ma mère ne m'a raconté que de belles choses de sa propre enfance dans la Sixième. C'est peut-être pour ça que je n'ai jamais imaginé que les choses puissent être aussi catastrophiques qu'elles le sont aujourd'hui... Mais je me rappelle que mes parents ont déménagé car les récoltes manquaient et que toutes les terres pourrissaient. J'avais quatre ans quand on est partis, ça remonte. Je crois que vous n'étiez même pas né. Attendez, ça nous fait neuf ans d'écart ? Oh, je ne me voyais pas si vieux !

Ils bavardèrent encore un peu et, petit à petit, l'attention du cadet s'envola. Les lustres scintillants l'attirèrent comme un papillon de nuit s'approche de la lumière. Les longues robes brillantes, les costumes brodés d'or, les accessoires luxueux ; tout retint ses yeux sans pour autant les ravir. Tout était trop pompeux, trop brillant, trop, tout simplement.

Alden l'observa en souriant, amusé par sa manie de toujours décrocher subitement d'une discussion. Il ne lui en tint pas rigueur une seule seconde, habitué mais surtout amusé. Il gloussa un temps, seulement, sa bonne humeur se dissipa lorsqu'il observa un autre point dans la salle. Il se mit à froncer les sourcils, soudain bien moins serein. Le faux Prince le remarqua et l'interrogea sans obtenir de réponse. Azriel suivit donc son regard et tomba sur Adaryn. Il craquait vivement sa nuque, une main cognant le bas de son propre dos, hochant par intermittence la tête aux dires de Dives Enwyld. Il n'avait pas l'air bien plus agacé que les minutes passées. Le blond ne comprit donc pas pourquoi le rouge semblait si inquiet. Il ne chercha tout de même pas plus loin et tenta de se distraire, de penser à autre chose. En vain. Inéluctablement, sa curiosité fut titillée et son cerveau resta bloqué sur une partie du Roi Puissance : son dos.

— Qu'est-ce qu'il a au dos ?

— Au dos ?

— Dans certaines situations on dirait que quelque chose le démange ou lui fait mal. Comme si les flammes qu'il a dans les yeux se retournaient contre lui et venaient le dévorer subitement. Qu'est-ce qu'il a au dos ?

— Votre instinct démasquerait même le meilleur des menteurs, c'est impressionnant.

— Peut-être, mais vous évitez la question.

— Bien vu, Majesté, mais je n'ai pas la permission de vous le dire. C'est l'un des nombreux secrets d'Adaryn et je m'en voudrais de le dévoiler.

— Je vois... je trouverai moi-même, dans ce cas.

— C'est vrai que votre curiosité n'a pas de limites.

— Il me le dit souvent, je l'agace beaucoup.

— Oh, non. Je crois que c'est ce qu'il aime le plus chez vous, Azriel.

Avant que le cadet ne puisse virer au rouge pivoine, Ehann et Lyan apparurent devant eux comme par magie, souriant niaisement. Le blond nota rapidement la main du Général dans celle du rouquin et fronça les sourcils. Il savait Lyan tactile avec tous ses proches, seulement, le bicolore tenait sa paume avec une telle délicatesse que cela ne lui sembla pas être un geste platonique ; il y avait autre chose. Quelque chose qui n'avait aucun droit d'exister.

— Tu veux à boire, Alden ? Majesté, il y a du cheese-cake, si vous le désirez.

— Cheese-cake ?

Arraché à ses élucubrations par ce mot, le blond écarquilla les yeux et hocha répétitivement la tête, parlant bien plus fort pour exprimer sa joie, totalement emballé par le dessert. Il agita inconsciemment ses mains dans les airs, donnant l'impression de vouloir s'envoler à tout instant. Son attitude fit rire tout le monde, et les deux danseurs du soir disparurent à nouveau pour aller attaquer le buffet. Alden remarqua rapidement l'embarras dans lequel ils se trouvèrent lorsqu'ils tentèrent de faire tenir en équilibre verres et assiettes. Il vola donc à leur secours en pouffant, laissant Azriel sous la surveillance de Frewen.

Heureux d'avoir un cheese-cake, le bleuet ignora naïvement le fait qu'il se retrouvait à présent presque seul face à une foule immense. Aussi, lorsque plusieurs personnes le dévisagèrent, il retomba avec violence dans la réalité, reculant à nouveau contre le mur le plus proche. Frewen se tenait à ses côtés, prêt à bondir. Lorsqu'un homme assez grand s'approcha du jeune Conseiller, il se redressa vivement et le fixa avec attention, prêt à bondir au moindre problème.

— Bonsoir, Majesté.

— Bonsoir...

Azriel n'osa pas croiser son regard, perplexe. Il était bien plus âgé que lui, sans doute avait-il un ou deux ans de plus qu'Alden. Il arborait de longs cheveux bruns, un teint halé et de grands yeux argentés. Ils étaient semblables à ceux du Roi Logique, à ceci près qu'ils dissimulaient mille fois moins bien ses sentiments. Si Dives Enwyld cachait ses réelles intentions derrière un masque de glace, le brun camoufla tout sous un air faussement timide, oppressant.

— Permettez-moi de me présenter, je suis le Marquis d'Audens. Je vous observe depuis tout à l'heure et je n'ose pas tenter ma chance... Mais me voilà, alors me permettriez-vous de vous voler une danse ?

— Oh... Je ne sais pas vraiment danser, à vrai dire. Vous me... me voyez navré de décliner votre offre, monsieur.

La voix mal assurée d'Azriel n'eut aucun effet. L'homme attrapa sa main sans crier gare, créant une étincelle qui s'échoua sur un tas de bois sec, prêt à ravager la pièce entière. Inconsciemment, le Marquis venait de faire s'embraser un incendie dont il ne mesurait pas la dangerosité. Les flammes coururent droit vers lui, sillonnant la salle de bal pour fondre sur le blond, se dressant autour de lui et l'enfermant en leur sein pour le préserver. Le jeune noble de la Logique ne les vit pas ; personne ne les vit en réalité. Seul Azriel se senti rassuré par ce mur de feu imaginaire, par ce pouvoir renversant qu'avait Adaryn, là, dans les yeux.

— Ne vous en faites pas, Majesté. Je suis certain que vous vous débrouillez très bien. Je peux vous apprendre si vous le souhaitez !

— Non vraiment, je ne sais pas faire. Je ne voudrais pas vous...

— Je vous dis que ce n'est pas grave, Majesté.

L'homme lui offrit un rictus amer, contrarié par le refus du plus jeune. Sans même croiser son regard, Azriel comprit rapidement qu'il n'était pas en sécurité avec lui. Il commença à sentir son cœur s'emballer, sa main le démanger. Il n'aimait pas du tout ce Marquis, et Adaryn ne semblait pas l'apprécier non plus. Le regard noir qu'il lui lança fut énonciateur, pourtant l'homme aux yeux d'argent l'ignora et poursuivit sur sa lancée, borné. Il plongea tête la première dans le brasier, ignorant qu'il ne détenait pas la clef qui lui permettrait de ne pas s'y brûler.

— Venez, profitez de cette soirée ! Faites-moi l'honneur de danser avec moi. Vous êtes jeune et beau, ce serait du gâchis. Puis, peut-être qu'ainsi je pourrais attirer l'œil du Roi Logique. Soyez gentil...

Le blond secoua vivement la tête et appela Frewen à l'aide en un coup d'œil. Le garde vint donc à sa rescousse, tentant d'écarter poliment le Marquis. Il n'eut pas même posé la main sur son épaule que l'homme se vexa davantage, commençant à s'emporter légèrement, attirant quelques regards curieux sur sa personne.

— Ne me touchez pas ! Ah ! De quel droit osez-vous poser vos sales pattes sur moi ? On demande son accord à quelqu'un de haut placé avant d'oser le toucher ! Qui êtes-vous pour faire un tel affront à un Marquis, vermine ! Ne savez-vous donc pas où se trouve votre place ?

La remarque eut l'effet d'un coup de massue sur Azriel. Il eut un instant de latence durant lequel sa vision se troubla, embuée par le poids de la réalité. Il était aussi peu imposant que Frewen dans la société : il ne possédait aucun titre de noblesse, pas de sang royal, pas même de « sang pur ». Il n'était qu'un moins que rien, une « vermine » de bas rang. Adaryn lui avait offert la possibilité d'être quelqu'un le temps d'un mensonge ; ce retour à la vie réelle fut plus violent encore qu'un coup en plein ventre.

— Si je peux me permettre et pour suivre votre remarque, monsieur le Marquis, le consentement de mon Prince, vous ne semblez pas l'attendre pour lui forcer la main. Avec tout le respect que je vous dois, si mon Prince ne veut pas danser alors vous ne pourrez pas l'y forcer.

— Mais qui diable es-tu pour me répondre ? Les gens comme toi n'ont pas le droit à la parole, encore moins pour me contredire de la sorte.

— Je ne suis qu'un soldat qui fait son travail, monsieur. Mon Prince ne veut pas danser avec vous alors il ne dansera pas. Il est de mon devoir de « vermine » de suivre ses ordres et désirs. S'il ne veut pas danser, il ne danse pas. Point.

Frewen avait durcit le ton sans pour autant se départir des politesses que son rang lui imposait. Il fit ensuite reculer Azriel avec délicatesse et lui ordonna sans un bruit de rester derrière lui. Il se tint droit, ses yeux marrons braqués droit dans ceux du Marquis. Azriel fut forcé d'avouer que ce jeune homme d'ordinaire si discret et effacé eut l'air bien imposant, téméraire et surtout stable sur ses appuis : il ne laisserait personne entraver sa mission ou mettre en jeu la sécurité de ses protégés. Par crainte, Azriel lui agrippa alors le bras, le cœur battant, le remerciant mille fois dans sa tête.

— Je vais aller me plaindre à ton Roi, j'espère que tu seras renvoyé ! Tu n'es rien de plus qu'un vulgaire personnage.

— Et vous donc.

— Mais cessez donc de me parler ainsi, bon sang ! Qui êtes-vous, encore ?

Le Marquis fit volte-face, rouge de colère. Il se prépara à crier davantage sur cette nouvelle personne qui le provoquait mais se figea net lorsque son corps entier s'embrasa, attaqué par un noiraud visiblement en colère. Il se trouvait encore à bonne distance du noble, pourtant, il semblait déjà bien trop près. Son regard fit ironiquement froid dans le dos.

— Oh... Votre Altesse Oriens, ce n'est pas ce que je voulais dire. Vous...

— Silence.

— Je suis confus, veuillez m'excuser, je ne pensais pas que vous...

Adaryn ne se répéta pas, mais son regard noir ordonna le silence à la place de ses mots. Le Marquis pinça donc les lèvres et le piège se referma sur lui. Le noiraud soupira longuement, avançant avec indolence vers cet homme aux yeux argentés. Un chemin s'était dessiné droit devant lui, personne n'osait barrer sa route. Il avala pourtant les mètres avec une lenteur presque vicieuse, insoutenable. Il marchait avec les mains dans le dos, et l'une d'elle frappait toujours contre sa propre colonne vertébrale, mécaniquement, trahissant sans doute son agacement.

— Si vous voulez user de votre salive vainement, répétez donc à voix haute ce que vous venez de dire. Je crois que tout le monde n'a pas entendu vos si tendres paroles envers ce jeune homme. Ne serait-il pas dommage que certaines personnes manquent votre spectacle ?

La foule entière cessa de danser, les musiciens stoppèrent le chant de leurs instruments. Un silence lourd et effrayant engloba la pièce, uniquement brisé par les bruits de pas de celui qui accaparait désormais toute l'attention. Tous les yeux se tournèrent vers lui, l'observant, le détaillant, l'admirant, le jalousant. Il crispa la mâchoire et son regard devint plus vif encore, ardent. Adaryn Oriens écrasa tout le monde sans un bruit, faisant se plier à lui même celles et ceux qui n'avaient rien à se reprocher. Ses yeux semblaient vouloir réduire la salle en cendres, brûler vive quiconque tenterait de se mettre en travers de son chemin. Il était terrifiant ; Azriel lui-même frissonna, pourtant conscient qu'il ne risquait rien.

— Je disais que... Je disais... Ce jeune homme m'a empoigné le bras trop fort et... Il m'a empoigné trop fort, j'ai donc eu mal et...

Adaryn ne prononça pas un seul mot. Autour d'eux, les danseurs s'étaient écartés, formant un cercle à bonne distance. L'attention changea de camp, les regards se détachèrent progressivement du souverain. La salle dévisageait désormais le Marquis, fronçant les sourcils, chuchotant quelques mots, riant d'un air moqueur. Leurs yeux furent plus angoissants que le noiraud lui-même, si bien que le brun se sentit lentement étouffer. Le regard des autres le punissait bien plus qu'un geste ou que les mots n'auraient pu le faire. Azriel comprit à cet instant l'endroit même où résidait la si grande puissance d'Adaryn.

Il n'avait pas besoin de frapper, de hurler, ni même de s'énerver réellement. Il pouvait rester parfaitement silencieux, impassible. Le poids de son immobilité et le jugement des autres suffisaient à châtier l'homme face à lui. La punition psychologique valait bien plus que n'importe quelle sanction physique, qu'elle soit claque, cri ou mots cinglants. Adaryn n'avait pas besoin de pareilles choses. Seuls ses yeux et son silence parvenaient à faire se morfondre le Marquis, seule sa présence lui faisait baisser la tête. Le Roi Puissance n'était pas le plus craint et le plus respecté pour rien : sans même crier, il avait su attirer l'attention et le respect de chaque personne présente dans la pièce. Plus aucun bruit ne se faisait entendre, même Dives Enwyld s'était tût. Tout était en suspens, à la merci du souverain de la Première Dynastie.

— Et... et peut-être que je me suis emporté...

— Excusez-vous, dans ce cas.

— M'excuser auprès d'un soldat ?

Certains hommes froncèrent vivement les sourcils, les femmes parurent indignées, les autres se contentèrent de chuchoter, encore et toujours. Bientôt, le nom du Marquis fit le tour de la salle, comme trainé dans la boue par un simple garde qui n'avait fait que son travail. Les souffles devinrent murmures, créant plus de bruit dans la pièce.

Adaryn claqua sa langue sur son palais dans un geste las et tout le monde se tût devant ce simple bruit. L'attention revint alors sur lui, et il craqua sa nuque sans pour autant croiser les bras. Ce point précis étonna Azriel, sans qu'il ne sache trop bien pourquoi. Sans comprendre ce changement de gestuelle, il l'observa faire un pas en avant, tandis que sa tête couronnée de rouge et noir se penchait sur le côté. Énervé, il était sincèrement énervé et ne s'amusait pas le moins du monde. Le Marquis d'Audens venait de commettre l'erreur la plus imprudente de sa vie : contrarier Adaryn Oriens.

— Où est le problème ? Tout humain mérite respect, quel que soit son rang dans la société. Jugez-vous que monsieur Lex est moins méritant que vous parce qu'il ne possède pas de titre, mh ? Jugez-vous qu'il ne mérite pas d'excuses parce qu'il vous est inférieur hiérarchiquement ? Je me trompe ?

— C'est que... Il n'a pas de titre... Je... Enfin... Veuillez m'excuser, votre Altesse... Je pensais que... En fait, c'est... Il m'a touché sans ma permission et...

— Faux. Il ne vous a même pas touché, vous avez bougé avant.

— Il... il aurait pu demander la permission...

— Certes, il est vrai. C'est une erreur de sa part que je n'excuserai pas. Mais de votre côté, avez-vous seulement demandé la permission au Prince pour lui tenir la main ? Avez-vous seulement ne serait-ce qu'une seule seconde respecté ses choix et envies ? Mh ?

— Je... J'ai... Il s'avère que... Oh, votre Altesse, s'il vous plait, je...

— Épargnez-moi vos jérémiades et utilisez plutôt cette bouche qui siffle des mots stupides pour quelque chose de pertinent. Dites-nous un peu : pourquoi est-ce que vous tournez autour du Prince ? Qu'est-ce que vous lui voulez réellement ? Sa jeunesse ? Son visage ? Ses richesses ? L'attention du Roi Logique ?

Les yeux des personnes présentes dans la pièce devinrent une torture pour le noble, tout comme leurs messes basses. Autour de lui, les gens parlèrent de plus en plus fort, outrés par son comportement, jugeant immondes ses intentions. Le Marquis ne résista pas plus longtemps et quitta l'endroit avec empressement, honteux, terrifié. Le Roi Puissance profita du fait que les visages se tournent vers l'homme en cavale pour s'approcher d'Azriel. Sa main gauche s'enroula autour de sa taille, venant se poser fermement sur sa hanche, légèrement crispée. Les yeux toujours aussi ardents, il observa d'un air dur et sérieux tous ceux qui se retournèrent vers eux. Pour que les choses soient fixées, il éleva ensuite la voix une dernière fois, atone.

— Ai-je été assez clair ou bien y a-t-il d'autres volontaires ?

Le public détourna le regard précipitamment, ne souhaitant pas se frotter au Roi Puissance. Ils comprirent tous qu'approcher Azriel reviendrait à se jeter dans un incendie qui les brûlerait vifs. Les yeux se détachèrent donc du Roi, l'attention se déplaça à nouveau. Le temps reprit son cours et Adaryn soupira, s'affaissant légèrement vers l'avant, fermant les paupières un instant. Azriel le détailla, curieux, puis la musique reprit son cours ; tout le monde revint à sa danse, à sa conversation. Lyan, Ehann et Alden purent alors enfin se frayer un chemin jusqu'à eux, tandis que le Roi Puissance se tournait vers Frewen, sans pour autant lâcher le bleuet qui semblait perdu dans ses pensées, perturbé par ces petites mimiques et gestes qui lui paraissaient bien inhabituels.

— J'ose espérer que tu n'as pas cru un seul de ses mots, Frewen. Tu n'es pas rien, quand bien même tu n'as pas de sang royal. Qu'importe. Ta valeur ne se calcule pas en fonction d'où tu viens, mais de là où tu vas.

— Merci, votre Altesse.

Azriel cligna lourdement des yeux, surpris, et le noiraud pivota de nouveau le visage vers lui. Il vint attraper délicatement sa paume, celle-là même que le Marquis avait saisie, puis il la porta à ses lèvres. Il y déposa un rapide baiser, comme pour effacer le passage de l'homme impoli. Le blond frissonna de tout son être, électrisé par ce geste. Il l'observa faire sans un bruit, le cœur battant, l'esprit sur pause. Il eut tout de même l'occasion de noter la fatigue sur les traits de son ainé, l'inquiétude dans ses yeux. Quelque chose clochait. Quelque chose qu'Azriel ne parvenait pas à déceler mais qui l'obnubilait, désormais.

— Ignorez-le et oubliez-le. Sa mentalité est répugnante et ses actions sont blessantes. Respect et estime sont deux choses bien différentes qu'il a confondues.

— Je... vais essayer.

— Restez avec Alden et ne le quittez plus sous aucun prétexte. Même si la plupart des gens ici ont abandonné l'idée de venir vous importuner, il reste des personnes qui n'ont peur de rien pour s'emparer d'un Prince qui n'a pas encore atteint l'âge du couronnement.

— Adaryn...

Alors que le noiraud semblait vouloir se détourner pour rejoindre à nouveau l'estrade, Azriel crispa sa main dans la sienne, refusant de le laisser filer. Une part de lui voulut crier, lui demander de ne pas le quitter : il ne voulait pas rester seul dans un endroit aussi déroutant. Toutefois, il ne trouva pas le courage de formuler sa phrase. Il ne fut pas même certain que cette demande soit polie, ni même recevable, aussi, il trouva plutôt une autre question pour tenter de retenir le Roi près de lui quelques secondes de plus.

— Pourquoi tout le monde ne me parle que de mon âge et de mon visage ?

— Parce que la Logique voit sa population vieillir sans être renouvelée. Les gens d'ici ne pensent qu'aux apparences et à l'argent. Vous êtes jeune par rapport à eux, ils vous pensent riche et... et on ne peut pas nier le fait que vous êtes magnifique, Azriel.

Après avoir rougi face au compliment soufflé plus délicatement, le bleuet sembla comprendre pourquoi le Roi Logique avait été si avenant avec lui, aussi, une grimace de dégout déforma ses traits. Il ne parvenait toujours pas à cerner le souverain Enwyld, mais il était certain d'une chose : rien de bon n'émanait de lui. Son masque d'argent cachait bien trop de choses d'une noirceur infinie.

— Majesté, j'ai enfin l'occasion de vous approcher ! Navré que cet homme absurdement grossier vous ait importuné.

Le souverain Logique fit une entrée théâtrale dans le champ de vision d'Azriel, comme invoqué par les pensées du blond. Il attrapa la main libre de ce dernier pour effectuer l'exacte même geste qu'Adaryn, à ceci près qu'ici, le bleuet fit la grimace. Il se crispa tout entier et serra plus fort encore la paume du Roi Puissance dans la sienne, voyant que ce dernier levait les yeux au ciel, exaspéré par la situation – et peut-être un poil contrarié de ne pas avoir le monopole concernant le sujet Azriel...

— Pour pardonner l'erreur de ce Marquis, j'aimerais me racheter à sa place. Que puis-je faire pour vous ? Rien n'est irréalisable dans cette Dynastie, alors n'hésitez pas.

— Oh... Rien, merci beaucoup.

— Je pense que le Prince a juste besoin de se remettre de ses émotions un instant.

Azriel remercia mille fois Alden mentalement, puis se laissa emporter vers l'un des balcons, un peu plus à l'écart. Lyan attrapa sa manche, Alden entoura ses épaules de son bras, Ehann ouvrit la marche et Frewen la referma. Azriel ne put que jeter un simple regard contrit vers Adaryn avant de disparaitre ; il aurait voulu rester avec lui un peu plus longtemps. Le Roi Puissance soupira alors une énième fois, roula des yeux, puis enfonça ses mains dans ses poches. D'un pas fortement agacé, il rejoignit Mendel à l'autre bout de la salle puis grogna à son adresse avec humeur :

— J'veux rentrer. J'me fais chier.

— Que de poésie, dis-moi.

— Oh, la ferme.

Le bouclé pouffa de rire face au vocabulaire plus que fleuri de son Roi, de son meilleur ami. Adaryn était caractériel, insolent et parfois arrogant. Parmi ses nombreux défauts se trouvaient aussi l'impatience et surtout l'impertinence. Il n'était donc pas étonnant qu'une soirée comme celle-ci l'agace fortement. Le blond pouffa et lui répondit sur le même ton, se fichant des regards outrés qu'on leur lança.

— J'avoue que je me fais chier aussi. Mais comment va Azriel ? Et toi, tout va bien ? Tu...

— Mh. Je gère plus ou moins, j'crois. Et Azriel... s'il ne s'effondre pas avant la fin de la soirée je pense qu'on pourra lui filer tous les trésors du monde.

— Pas besoin de ça pour que t'ailles les lui dénicher, je te signale.

Adaryn lança un regard noir à son Conseiller puis roula des yeux, ronchon. Il se vengea sur les chouquettes derrière lui et ricana franchement lorsque Mendel proposa un concours de celui qui en mettrait le plus dans sa bouche, l'aidant à s'occuper un peu. Ils eurent donc l'air bien idiots lorsque Dives Enwyld revint vers eux.

— Nan mais ch'peux pas parler, là, merde...

— 'Ourquoi il revient p'tain...

— Ch'ai pas mais bouffe, on va pach'er pour des gros cons là...

— Ch'est pas ch'qu'on est, un peu ?

— Ch'i, totalement, mais faut pas l'dire.

Adaryn pouffa plus sincèrement et parvint à faire disparaitre la dernière pâtisserie au moment où le Roi Logique les rejoignit. Il se tint droit subitement, comme si la seconde passée il n'avait pas été en train de faire un concours d'idiotie avec son meilleur ami.

— Le Prince a vraiment l'air d'être un être fragile et délicat, c'est magnifique. Il est intéressant, il m'intrigue énormément. Son fonctionnement et son raisonnement logique ont l'air d'être des plus fascinants.

— Attendez... « fragile et délicat » ?

— Vous ne trouvez pas, Oriens ? Il me fait un peu penser à ce mythe des enfants de la déesse Luna, vous savez ? Les enfants de la lune. On raconte qu'un Dieu d'antan était si jaloux de leur beauté qu'il les a transformés en poupées de porcelaine, les rendant ironiquement plus magnifiques encore et ce pour l'éternité. Le Prince Orbis doit avoir un franc succès auprès de ces demoiselles et messieurs les nobles de la Sixième.

— Le Prince n'est ni enfant, ni un objet, ni une poupée, Enwyld.

— C'était une métaphore, Adaryn. Détendez-vous un peu, mon ami. Pourquoi donc vous énervez-vous autant chaque fois que l'on mentionne le Prince ? Respirez, c'est la fête, ce soir ! Oh, au fait, la Reine Courage ne devrait plus tarder.

— Elandore Aarzam vient à un bal ? Étonnant.

— Peut-être qu'un Azriel l'a trainée là aussi...

— Mendel, si tu tiens à la vie, ferme ce qui te sert de bouche.

Dives Enwyld n'entendit pas leur petit débat, occupé à discuter avec d'autres personnes. Adaryn en profita pour avaler une poignée de chouquettes, faisant rire son Conseiller qui tenta de l'imiter discrètement. S'instaura alors un jeu dans lequel ils s'amusèrent à manger le plus de pâtisseries possible chaque fois que le Roi Logique se détournait.

Ils comptaient les scores lorsqu'une brune de grande taille entra dans la salle de bal, les mains dans les poches, l'air blasée au possible. Elle avait un regard dur, une mâchoire anguleuse et la peau noire, typique de la Troisième Dynastie. Une cicatrice barrait sa joue gauche et courrait jusque sur son cou, disparaissant sous ses vêtements. Ses cheveux étaient rasés sur les deux côtés de son crâne, et sur le dessus prenait racine une épaisse et longue tresse. Sa tenue était proche du corps pour faciliter les mouvements, simple et pourtant raffinée. Sa cape était retenue par une broche à l'effigie du blason du Courage : un lion noir sur fond orange. Les trois soldats qui la suivaient arboraient les mêmes couleurs. En un souffle, sans doute aurait-elle pu faire s'agenouiller la salle entière ; Adaryn tenait peut-être là sa seule rivale dans ce monde.

— Ah ! La Reine Aarzam ! Elandore, par ici !

— Vingt-six !

— Tricheur, t'en as pris quand je parlais.

— N'importe quoi...

— Adaryn, fais attention à Azriel.

Le noiraud fit volte-face pour observer le blond, de retour dans la salle. Il mangeait tranquillement son cheese-cake, assis sur une chaise toute proche d'Alden et de Frewen, visiblement en sécurité. Pourtant, il ne fallut pas une seconde au Roi Puissance pour voir le regard qu'Elandore Aarzam posa sur le visage harmonieux du joli blond.

— Mais c'est pas possible qu'est-ce qu'ils ont tous avec lui, c'soir ?

— Premièrement, c'est un Prince. Deuxièmement, c'est sans doute la première fois que la Sixième se tient à un bal. Troisièmement, je te ferais dire qu'il est quand même réellement beau, ton Azriel. C'est logique qu'il attire le regard. Au cas où tu l'aurais oublié, t'as pas le monopole. Enfin, pas encore...

— Oh, ta gueule.

— J'adore quand tu me parles avec des mots doux, Ryn.

— La ferme... Putain, mais je vais devoir le surveiller toute la soirée ? J'suis pas sa nounou et c'est pas mon gosse, merde.

— Ose dire que ça te dérange de passer pour le héros aux yeux d'Azriel.

— D'une : figure-toi que oui, ça me dérange. J'ai pas envie qu'on s'enfonce dans le cliché de la demoiselle en détresse qui va toujours se faire sauver par le Prince charmant. Il est pas plus con ou plus faible que moi, j'suis pas plus malin ou plus fort que lui. De deux : ramène-toi là, j'vais t'étouffer avec des chouquettes.

— Tu vas rien faire du tout.

Adaryn allait attraper avec humeur le plat de pâtisseries lorsque la Reine Courage arriva enfin à leur niveau. Il lança donc un simple regard noir à son Conseiller, prévoyant sa revanche pour plus tard, puis endossa de nouveau son rôle de monarque froid, désinvolte mais silencieux. Il observa un instant la jeune femme face à lui, curieux. Bien qu'il lui voua plus de respect qu'au Roi Logique, il ne prit tout de même pas la peine de s'incliner pour la saluer, passant encore une fois outre les politesses.

Il se contenta plutôt de l'observer alors qu'elle posait ses deux poings sur son torse, penchant la tête vers l'avant afin de montrer son respect aux dirigeants des deux plus grandes puissances d'Alasia. Son aura écrasait d'une autre manière que celle d'Adaryn, mais elle forçait tout de même presque autant le respect par sa simple présence et la nonchalance de ses traits. Les salutations passées, elle vint d'ailleurs droit au but, sans fioritures, exactement comme le noiraud l'avait prédit.

— On m'a dit que le Prince de la Sixième se trouve ici. C'est le blond là-bas, hm ?

— Oui, exactement ! Il est magnifique, n'est-ce pas ? Son Conseiller est tout aussi joli, d'ailleurs. Les habitants de la Sixième ont un charme incroyable.

La remarque de Dives Enwyld irrita fortement Adaryn. Il s'appuya contre le buffet et croisa les bras, bougonnant dans son coin des mots que lui seul fut en mesure de comprendre. Pour ne pas se faire entendre, il attrapa une chouquette et la fourra avec véhémence dans sa bouche, ravalant ses remarques sarcastiques avec.

— Oui, peut-être. Vous savez s'il est déjà engagé ou promis à quelqu'un ?

Sous le regard franchement hilare de Mendel, Adaryn s'étouffa avec sa pâtisserie et ses propres commentaires refoulés, toussant davantage pour s'empêcher de rétorquer brutalement que pour tenter de respirer. Il appuya avec humeur ses paumes contre la table, jetant son dévolu sur un nouveau plateau de chouquettes, grommelant dans son coin, excédé. Son Conseiller chuchota ironiquement :

— Il y en a qui noient leurs chagrins d'amour dans l'alcool. Puis y a toi, tu noies tout ça dans les chouquettes. Ça envoie du lourd comme description.

— J'vais vraiment te fourrer le plateau entier dans le cul si tu continues.

— Que de poésie, j'en suis flatté, Adaryn.

— Je sais, j'ai fait poète dans une autre vie. File-moi les fraises, j'vais aller les noyer dramatiquement dans la fontaine de chocolat, ça passera mes nerfs.

— Adaryn Oriens, la crainte de tout Alasia, noie sa jalousie dans une fontaine de chocolat. Ça fait froid dans le dos, oh, dites donc, qu'est-ce que j'ai peur.

— Mendel Frater. Les putains de fraises. J'ai la dalle.

Mendel retint à peine son rire en lui tendant l'assiette en question, puis l'observa lever les yeux au ciel lorsque Dives Enwyld trouva un nouveau sujet de conversation. Dans un même temps, Elandore Aarzam s'éclipsa discrètement sans que personne ne la remarque. S'écoulèrent alors quelques minutes durant lesquelles Adaryn s'amusa à imaginer que les fraises qu'il noyait sans aucune pitié dans le chocolat représentait le souverain Enwyld et toutes ses remarques insupportables. Face à une nouvelle phrase complimentant le visage d'Azriel, le Roi Puissance allait marmonner quelque chose – un énième commentaire sarcastique, Mendel ne les comptait plus – lorsqu'il remarqua enfin l'absence de la souveraine Courage. Il se tourna précipitamment, manquant de faire valser des fruits, surprenant son Conseiller en demandant :

— Où est Frewen ?

— Avec Azriel et Alden, toujours à son poste.

— Aarzam ?

— Avec Azriel, en face de lui...

— Lyan.

— Avec Ehann, sur le balcon.

— Et merde. Putain.

Au même instant, les deux amis observèrent la chaise vide sur laquelle Azriel s'était tenu assis quelques secondes auparavant. Ils déplacèrent leurs yeux pour trouver Elandore Aarzam, Frewen, Alden et le blond dans un coin reculé de la pièce. Ils ne faisaient que parler mais le faux Prince n'avait pas l'air des plus à l'aise. Aux yeux de Mendel, il eut simplement l'air nerveux. Pour le noiraud qui connaissait sa gestuelle désormais, ce fut bien pire. Ses jambes tremblaient, sa respiration semblait difficile. Plus que tout, il tentait de couvrir ses oreilles pour échapper au brouhaha de la salle, tapant nerveusement contre ses tempes au passage. Adaryn le détailla encore quelques secondes avant de murmurer :

— On oublie tous les trésors du monde, Mendel. Il est en train de se noyer.

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officiellement élu : « le-chapitre-sur-lequel-j'ai-passé-le-plus-de-temps-de-toute-l'histoire » ptdr aled-

bref, quoi qu'il en soit j'espère que ce chapitre vous aura plus ! il fait un peu plus de 6000 mots maintenant, il n'en faisait « que » 4000 avant. Avec la réécriture j'ai tendance à beaucoup rallonger certains passage pour glisser davantage de choses, ou au contraire en raccourcir d'autres, aussi j'espère que c'est pas trop. Si c'est le cas, n'hésitez pas à me le dire. J'ai encore pas demandé un quelconque retour sur cette nouvelle version, mais j'avoue que plus on avance vers les chapitres complexes, moins j'suis sûre de ce que je fais :'))

bref, à mercredi ! <3

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