𝐄𝐢𝐠𝐡𝐭𝐡
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- Jupiter, la plus grosse des planètes gazeuses, mais également la plus grosse planète de notre système solaire…
Soobin ouvrit les yeux sur un plafond blanc. Comme il ressemblait étrangement à celui de son salon, il se demanda tout d’abord qui y avait apporté un lit, avant de tourner la tête et de se rendre compte qu’il n’était absolument pas chez lui.
Sa dernière visite à l’ hôpital remontait à plusieurs mois, mais force était de constater que peu de choses avaient changé. Le sol était encore sale, les rideaux autour de son lit sentaient la poussière et comme pour le confirmer, lorsqu’un infirmière les frôla pour s’approcher de lui, comme poussés par une brise, mille points de poussière s’envolèrent et s’épanouirent dans les rayons du crépuscule.
- Attention à ne pas faire de gestes brusques, prévint la femme, en blanc aussi. Vous avez à peine cicatrisé.
- Cicatrisé ?
Ses derniers souvenirs étaient ceux de la télé, il ne se rappelait plus les images, mais il se souvenait du faisceau lumineux qui venait frapper son visage engourdi par la tristesse.
- Vous vous êtes ouvert le ventre. Expliqua son interlocutrice.
Ainsi donc il avait été assez courageux, ou idiot, pour se mutiler. Personne n’aurait dû le trouver, qui l’avait donc amené aux urgences ? Taehyun passait son temps à l’extérieur, Kai était loin, derrière les barreaux d’une cellule, Beo…
- T’es réveillé.
Le brun releva juste assez la tête pour faire face à Yeonjun.
- Tu m’as fait peur, quand je suis arrivé, tu flottais dans une mare de sang. J’ai cru que t’allais jamais sortir de ton coma.
- C’est toi qui m’a amené ?
- Qui d’autre ? Dit-il en haussant les épaules.
Cela faisait longtemps que Yeonjun ne lui avait pas sourit comme ça. Ni qu’il n’avait été aussi attentionné. Malgré la douleur qu’il avait éprouvé à cause de son aîné, il ne pouvait s’empêcher d’avoir ces papillons acides dans le ventre. Il était complètement con d’espérer, complètement con de lui sourire en retour, et plus stupide encore de ressentir ce frisson si dangereux, pour lui plus que quiconque. Il était déjà tombé une fois, c’était normalement suffisant pour ne pas retenter l’expérience, mais l’amour donne des ailes, du moins jusqu’à ce que le soleil ne les brûle à nouveau.
- Excusez-moi, madame ? (Le blond intercepta une autre femme en blouse) Vous savez quand il pourra sortir ?
- Après des examens et le remplacement de ses points de suture.
- Merci !
Si l’échange ne l’avait pas concerné, l’intéressé aurait été jaloux du regard de Yeonjun sur la femme. Sauf qu’une seconde plus tard, c’était à son tour d’être regardé ainsi. Il ne se souvenait même pas de la dernière fois où on l’avait observé comme ça. Comme un être humain un peu cassé, et pourtant toujours désirable. Mais ses pensées dérivaient, et il sentait toujours les yeux brûlants de Yeonjun sur son visage pâli par la souffrance. D’ordinaire il n’avait droit qu’à un demi-regard, rien de plus qu’une grimace, durant une milliseconde, imperceptible, déchirant. Là, il se sentait enfin vu, il n’était plus le fantôme, mais plus l’être humain non plus. Un mélange des deux, peut-être. Une sorte d’errant solitaire à la poursuite de rêves inachevés. Des rêves dans lesquels le garçon en face de lui avait une place importante, si ce n’est tout un univers.
- Tu as encore mal ?
Sa voix était remplie d’un je ne sais quoi qui aurait pu faire pleurer Soobin, dans le bon sens du terme. Il y ressentait l’inquiétude, l’espérance… la compassion. Et pourtant ils s’étaient jurés de ne plus jamais se sourire, de ne plus jamais se penser, de ne plus jamais s’aimer. Une promesse qui leur avait brisé le cœur, à l’un comme à l’autre. Seulement être ensemble était trop dangereux, ils en avaient fait la douloureuse expérience. Plus jamais ils ne prendraient le risque, plus jamais ils ne se regarderaient, plus jamais ils ne s’aimeraient.
Ce fut cette réalisation qui ternit l’étincelle dans ses yeux. En même temps que le soleil disparaissait derrière l’horizon des gratte-ciel, il se félicita d’avoir déjà pleuré toutes les larmes de son corps. Il n’aurait fallu que d’une de ces gouttes de tristesse pour faire basculer leur monde.
Il secoua seulement la tête, ferma les yeux et se laissa aller contre ses oreillers. C’est alors que la voix résonna.
- Yeonjun-hyung ? Oh mon dieu tu es là ?
Il rouvrit brusquement les paupières, alarmé, il connaissait cette voix. Et comme il s’en doutait, se tenait à quelques mètres de là la dernière fille en date que son connard d’ancien petit ami avait ramené ; Hye-min, juste un coup d’un soir mais qui semblait s’être attachée à son aîné. Il espérait que la réciproque n’était pas vraie.
- C’est parfait dans tous les cas, poursuit-elle plus rapidement, en s’accrochant au bras du blond. Chéri… je suis enceinte.
Le monde pouvait donc s’écrouler sans larmes et sans bombes. Jamais des mots ne lui avaient fait autant de mal. Jamais il n’avait eu autant de tristesse sur l’âme qu’en cet instant précis. Il releva ses couvertures comme dans un songe, pas en pleine mesure de ses actions, mais assistant à toute la scène. Il ne leur jeta pas un regard, même s’il espérait de toutes ses forces que Yeonjun allait esquisser un geste dans sa direction, qu’il allait le retenir… Il n’en fit rien, ils n’avaient jamais eu le temps de se dire les choses, jamais eu le bon timing, c’était toujours trop tard, de toute façon.
Personne dans les couloirs, personne pour lui dire que c’était une mauvaise idée. Il prit l’ascenseur, flottant dans ses habits blancs, les poings serrés ramenés le long du corps.
Le toit était silencieux, mais la ville en bas bourdonnait. Ou alors était-ce une illusion, car Taehyun disait toujours que leur monde était mort et insipide. Quand est-ce que tout cela avait commencé ? Quand leurs rêves s’étaient-ils effondrés ainsi, entre les immeubles et les guerres, sur leurs doigts entrelacés, au-dessus de leurs têtes pleines de mirages ?
Il grimpa sur le rebord de béton, les yeux plongés dans la noirceur de la nuit. Plus d’étoiles à contempler, plus de souvenirs à se remémorer. Il n’avait plus que sa bouche pour crier des choses que personne n’entendrait. Mais y avait-il jamais eu quelqu’un pour l’écouter ?
- Si je suis là, c’est de votre faute !
Oui il se disait que c’était un bon début. Même si c’était un mensonge et qu’il le savait très bien.
- Si je suis là, aujourd’hui , avec ma voix enrouée pour gueuler et mon cœur en sang, c’est pour vous dire que vous êtes tous cons ! Le bonheur, l’amour et les jours heureux n’existent pas. C’est des conneries, c’est des mensonges, de toute façon y a toujours eu que des mensonges !
Il n’y avait pas de pas dans l’escalier, la cabine de l’ascenseur n’était pas redescendue, il l’aurait entendue. Il n’y avait définitivement personne.
- Vous avez cru me tuer avec vos mensonges, avec vos putains de promesses sans fond, mais je vais vous dire, on est tous faits d’abysses, tous fait de vides, de trous noirs, alors un de plus ou de moins… Je veux vous dire que c’est pas pour ça que j’abandonne ! J’abandonne parce que je l’ai décidé, parce que c’est mon moment, là tout de suite, y a pas de filtre, vous pourrez pas m’ignorer ! Tu pourras pas m’effacer comme à chaque fois, Yeonjie…
Des larmes dévalaient ses joues mais il s’en fichait. Ses cheveux lui fouettaient le visage sous la contrainte du vent, il sentait le bord l’appeler.
- Tu pourras pas m’effacer quand je tomberai. Tu pourras pas m’effacer quand je te crierai une fois encore, une toute dernière promis, que je t’aime ! Ce sera mon grand instant à moi, la seule fois où, putain, il faudra que tu me regardes avec ton cœur ! Oublie les, oublie les roses fanées, oublie tout et ose me dire que tu ne ressens rien ! Oublie et pour finir, une fois que j’aurais disparu, oublie moi. Oublie moi pour toutes les fois où tu ne l’as pas fait, où je ne l’ai pas fait non plus.
Il avança d’un pas. C’était haut, trop haut pour voir la fin. Parfait pour ne pas avoir peur. Il aurait l’impression de ne plus rien ressentir. Il ne ressentait déjà plus rien. Seule sa voix tremblait, hachée par l’émotion qui disparaissait petit à petit, aspirée par ce précipice juste devant.
- Une dernière fois et je te laisse tranquille… Une dernière danse, on se sourira, je tomberai et tu m’oublieras. Je rejoindrais l’abysse. Comme prévu, comme on doit le faire.
Il tenta de se donner du courage, rassembla ses forces et se pencha un peu plus.
- Sauf que tu n’es pas d’abysses.
Sous le coup de la surprise, il dérapa et tomba lourdement sur le dos.
- Tu n’es pas d’abysses, répéta la voix.
- Et je suis de quoi ?
- Tu pleures comme les saules, au bord des marais. Tu pleures comme les saules et tu t’enfonces doucement dans l’eau.
- Qu’est-ce que t’en sais ?
- On a tous été saule un jour où l’autre. Sauf ce garçon, Yeonjun. Il n’a pas les yeux qui pleurent, il a les yeux en colère. Que s’est-il passé ? Pourquoi tant de secrets entre vous ? Pourquoi vos derniers baisers avaient un goût d’eau salée ?
Il se releva péniblement, juste assez pour apercevoir une fille, debout derrière lui. Aux cheveux plus noirs que les ombres, dans lesquelles elle semblait se fondre.
- Pourquoi te le je te le dirais ?
- Tu n’es définitivement pas d’abysses. Pas comme Taehyun. Lui me l’aurait dit.
- Je ne suis pas comme lui. Et je ne fais pas que pleurer. Ajouta-t-il sur la défensive, en la voyant esquisser un faible sourire.
- Les saules ne pleurent pas toujours, parfois ils fleurissent aussi.
- Je ne fleuris pas, je suis un homme, pas une plante.
Elle se rapprocha et plongea ses yeux dans les siens, elle avait des iris comme des miroirs, dans lesquels se reflétaient les lumières des gratte-ciels.
- Tu fleurissais avec lui.
- Lui ?
- Tu sais très bien de qui je parle, tu le sais mais tu ne veux pas l’admettre. Parce que c’est ton monstre et ton gardien. Parce que trop de sentiments contraires se battent en toi. Comme l’arbre lutte contre le givre qui l’asphyxie, alors même que tous les deux sont naturels.
- Je ne suis pas un putain d’arbre !
Pour la première fois depuis un certain temps, il sentit s’évanouir sa langoureuse tristesse. Ne restait plus que la colère. Elle se détourna de lui et s’accouda au bord duquel il avait failli se laisser tomber. Cette idée lui semblait ridicule à présent, il fuyait en permanence, et s’endormait.
- Je vais te ramener chez toi, Soobin. Mais il faudra me promettre de ne pas recommencer. Arrête de te bercer au rythme des pleurs du monde, vis pour toi, du moins jusqu’à la fin qui arrive.
- Mais comment sais-tu qui je suis ? D’où tu connais Taehyun ?
- Tu as des questions, j’y répondrais peut-être, mais en attendant, suis-moi.
- Qui es-tu ?
Elle prit un moment, sembla sérieusement y réfléchir et finit par répondre, la voix légèrement plus grave.
- Je ne suis rien, moi, rien de plus qu’un autre mensonge, qu’un autre secret.
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Yip Yip youpla les zamis !!
J'avais vraiment oublié à quel point ce chapitre était minable, c'est très sérieux. Vivement que je poste le 25 (un de mes préférés), là je pourrais prétendre être un tant soit peu douée.
Pour vous donner un ordre d'idée, je trouve que ça s'améliore passé le chap 10...
Mais en même temps tout devient plus flou (parce que mes pensées divaguent plus pendant les vacances).
Alors bonne chance pour comprendre !!
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