chapitre 41
| 14 janvier 2006
☆
Au cours des deux jours qui s'écoulèrent suite à la révélation de ce qui opposait Mei à Asuga, cette dernière ne mentionna rien de son altercation avec Ran et ne parla plus de Daiki non plus. Avec Noa, elle agit comme si rien ne s'était passé, lui fit à manger ce qu'elle voulait, la laissa piquer ses vêtements et lui parla des affaires du Shirohebi - leur quotidien habituel, donc. Noa n'osa pas tenter d'en savoir plus. Certes, elles étaient amies et Asuga se livrait toujours plus facilement auprès d'elle que de n'importe qui, mais Noa jugea que si elle souhaitait en parler, elle le ferait d'elle-même. Ce qui n'arriva pas en ces deux jours complets qu'Asuga passa à surveiller son vieux téléphone plein de stickers, l'air d'attendre quelque chose sans pour autant avoir la moindre idée de ce qu'elle aurait fait s'il s'était subitement mis à sonner.
L'éventualité ne se présenta qu'au beau milieu de la nuit du treize au quatorze janvier, alors que la jeune femme se retournait pour la énième fois entre ses draps sans trouver le sommeil. La moitié du visage enfoui dans son oreiller et les paupières closes uniquement par principe, elle extirpa une main de sous sa couette pour la tendre en direction de sa table de chevet avant même de comprendre que son téléphone vibrait. Ce ne fut que lorsqu'elle ouvrit un œil confus sur le minuscule écran illuminé d'un nom familier qu'elle saisit la situation et se redressa aussitôt, une moue contrariée déformant ces traits fatigués. Au moins, il ne plaisantait pas en affirmant qu'il ne la laisserait pas se débarrasser de lui si facilement.
Pour Asuga, la curiosité se fit presque aussi forte que l'envie de fuir pour toujours. Elle n'était pas égoïste au point de ne pas être capable d'avouer ses torts ; ses nerfs avaient lâché deux jours plus tôt et Ran en avait payé les frais sans trop de raison, elle le savait. Peu importe combien d'éléments elle trouvait à lui reprocher, elle avait plus fauté que lui, et pourtant il l'appelait. Elle était incompréhensible et il lui courait après sans aucune honte, s'assurait lui-même qu'elle ne sabote pas la seule chose qu'elle voulait vraiment. Cette pensée fit naître un sourire idiot sur les lèvres de la jeune femme, qu'elle chassa tout aussi vite en se rappelant qu'ils étaient aussi associés, tous deux reliés au Tenjiku. Peut-être l'appelait-il seulement par devoir. Ou bien il avait un problème.
Exaspérée par son propre comportement, Asuga se dépêcha de décrocher avant de se voir céder à des angoisses qui ne lui ressemblaient pas et juste à temps pour ne pas manquer l'appel.
Stupides, voilà ce qu'ils étaient. Aucun autre mot ne lui vint à l'esprit lorsqu'elle perçut un très léger soupir soulagé de l'autre côté de l'appareil. De sa main libre, elle cacha son visage comme s'il avait été là pour la voir et ferma les yeux en secouant la tête comme s'il se trouvait face à elle. Elle ne pouvait pas le blâmer d'avoir envisagé l'idée qu'elle ne réponde pas, il la connaissait assez pour savoir qu'elle en aurait été capable - ce qui l'aurait certainement poussé à venir toquer directement à sa porte. L'idée la fit sourire à nouveau.
— Je te réveille ? tenta Ran.
Le regard d'Asuga trouva le réveil posé sur sa table de chevet. Trois heures du matin.
— Oui, répondit-elle par réflexe avant de se corriger. Non, j'ai menti. Je dormais pas.
— Je me disais aussi.
— Il y a un problème ?
L'absence de réponse immédiate chassa de ses traits toute trace d'espoir. Elle oublia pourtant de ressentir le malaise qui aurait dû l'atteindre en imaginant qu'il la contactait par profit et non pour arranger les choses, trop concentrée sur le besoin de savoir ce qui avait pu arriver pour penser à sa propre fierté.
— Ran, insista-t-elle. Il y a un problème ?
— Bien sûr qu'il y a un problème, tu crois que je veille aussi tard pour le plaisir ? Il y a un gros problème, même.
— Lequel ? pressa Asuga sans aucune patience. S'il t'est arrivé un truc et que tu fais de l'humour au lieu de cracher le morceau, je te jure que-
— Non, non, plus grave que ça, affirma Ran. J'ai le cœur en miettes, tu comprends ? Ma copine me manque terriblement et ça, c'est un gros problème. Mais elle a l'air de s'inquiéter pour moi, ça me rassure. C'est une fille tellement adorable et attentionnée, je sais pas ce que je ferais sans elle.
— Tu te fous de ma gueule ?
— J'oserais pas.
Sceptique, Asuga attendit qu'il reprenne la parole de lui-même tout en se demandant ce qu'il pouvait bien faire pour être si éveillé à une heure pareille. À moins d'avoir à gérer un règlement de compte tardif, il s'assurait généralement de bénéficier d'un maximum d'heures de sommeil ; du moins, c'était ainsi qu'il fonctionnait depuis qu'il ne fréquentait personne d'autre qu'elle. L'idée d'être à l'origine d'une insomnie de sa part ne plut pas tellement à Asuga.
— Je veux juste discuter, continua-t-il avec plus de sérieux. C'est possible ?
— J'ai décroché, non ? On discute.
— Non, pas comme ça. Je veux te voir.
— À trois heures du matin...?
— Je suis possiblement devant chez toi à l'heure où on parle. Si t'es d'accord, t'as juste à descendre.
L'aveu ne la surprit qu'à moitié ; s'ils avaient bien quelque chose en commun, c'était la détermination. S'il avait décidé de lui parler, elle ne doutait pas un seul instant qu'il ferait tout pour que cette conversation ait bien lieu - et elle ne pouvait pas non plus dire qu'elle ne souhaitait pas arranger les choses entre eux. Un soupir fatigué échappa à la jeune femme lorsqu'elle acquiesça, debout au milieu de sa chambre avant même d'avoir ordonné à son corps de quitter la chaleur du lit.
— Laisse-moi enfiler un truc et j'arrive. Pas de vanne déplacée sur la nudité, commanda-t-elle dès qu'il rouvrit la bouche à l'autre bout du fil.
— J'ai rien dit.
— Bien, continue comme ça.
Elle eut le temps de l'entendre rire avant de raccrocher et de jeter son téléphone sur sa couette. En vitesse, Asuga attrapa un bas de jogging abandonné au pied de son lit et un sweat à capuche qu'elle récupéra dans l'entrée - sans oublier sa paire de lunettes de soleil préférée afin de cacher sa mauvaise mine. Noa, qui était censée dormir sur le canapé mais qui ne trouvait pas le sommeil non plus, l'observa quitter l'appartement dans cet accoutrement étrange sans oser donner un signe de vie et risquer de l'arrêter dans son élan. Ce ne fut que lorsque la porte se referma qu'elle se laissa le droit de se lever, emmitouflée dans sa couverture qu'elle traîna derrière elle en direction de la fenêtre. Un seul coup d'œil sur la rue en contrebas lui permit de voir son amie monter dans une voiture familière, alors l'adolescente esquissa un sourire satisfait et retourna s'allonger.
Le conducteur de ladite voiture dut contenir son amusement lorsque la leader du Shirohebi en personne se glissa à la place passager sans même le regarder. Quelques mèches roses de ses cheveux qui étaient de toute évidence très décoiffés dépassaient de sa capuche, et sa tentative de cacher ses pensées derrière ses gros carreaux en forme de cœurs ne fit que trahir son état de vulnérabilité. La vision de ses pantoufles à l'effigie de deux lapins rose bonbon qu'elle posa sur son siège en ramenant ses genoux à sa poitrine acheva de faire fuir les inquiétudes que Ran avait eues en venant jusqu'ici. Il s'efforça néanmoins de ne pas avoir l'air trop heureux, loin d'avoir oublié leur dernier échange et les insinuations injustes d'Asuga.
— Pourquoi t'as dit ça ? commença-t-il sans préambule.
— Quelle partie ?
— Tu sais laquelle.
Puisqu'elle semblait déterminée à ne regarder que le pare-choc de la voiture garée juste devant eux, il ne put qu'observer son profil tandis qu'elle pinçait les lèvres d'un air contrarié.
— J'étais sur les nerfs, avoua-t-elle. C'était pas le bon moment pour parler de l'histoire de Mei, c'est tout.
— Donc tu le pensais pas ?
— Bien sûr que non.
La seule idée qu'il l'eût considérée comme une simple passe rien qu'un seul instant la fit grimacer. Comme s'il avait le temps de s'impliquer autant dans un mensonge, jusqu'à la convaincre par ses gestes les plus anodins et inconscients qu'il était tombé aussi bas qu'elle. Non, Ran avait toujours été sincère, elle ne pouvait pas lui retirer ceci alors que l'honnêteté n'était pas un trait que beaucoup avaient le pouvoir de réveiller chez lui. Il le lui avait bien dit ; il n'était qu'à un pas de ce stade de folie dans lequel il poserait un genou à terre ici et maintenant, et elle savait qu'elle laisserait même tomber tout son dégoût envers ces traditions conservatives pour accepter n'importe quelle promesse de sa part. Il n'y avait rien de temporaire dans cette histoire, pas après tout ça.
— C'est juste que... j'ai pas l'impression que ce soit équitable et ça me met mal à l'aise parfois, reprit Asuga en secouant la tête.
— Équitable ?
— T'as toujours le droit de tout savoir sur moi. T'as le droit d'être prêt à tuer mon frère juste pour me rendre service, de me courir après juste parce que tu sais comment je fonctionne, énuméra-t-elle. Alors que te concernant, je sais pas vraiment ce que tu crains, ni d'où tu viens exactement et contre quoi je devrais te protéger. Ça me paraît pas juste. Je suis pas là pour être celle qu'on plaint toujours.
L'aveu laissa Ran à court de mots pour un moment. Il s'était bien préparé à toutes les éventualités en osant venir jusqu'ici, mais pas celle-là. Le protéger ? Ce terme lui parut d'abord ridicule. Il était le grand frère, le plus responsable de la situation, celui qui offrait des solutions - parfois radicales - et veillait sur ce qui lui importait, pas l'inverse. Personne n'avait jamais émis la volonté de le préserver, de se soucier réellement de lui. Il supposa ensuite que ce devait être logique ; s'il ressentait cette envie de tout savoir d'Asuga et de faire en sorte qu'il ne lui arrive plus aucun mal, qu'elle puisse ressentir la même chose pour lui était plutôt cohérent. Alors Ran hocha la tête en signe de compréhension, puis il répondit de la seule manière qui lui vint : par l'humour.
— Tu veux des infos pour te venger et les raconter à quelqu'un d'autre ?
— Non, fit Asuga dans un demi-sourire qu'il entendit plus qu'il ne le vit.
— Qu'est-ce que tu veux savoir ? s'enquit-il plus sérieusement. J'ai pas une vie aussi mouvementée que la tienne mais je peux te raconter ce que tu veux.
Curieuse, la jeune femme tourna enfin la tête vers lui et fit l'effort de croiser son regard en relevant ses lunettes de soleil sur le haut de sa tête. Elle détailla son visage rien qu'un instant - ou du moins ce qu'elle pouvait en discerner avec comme seules sources de lumière les phares des voitures passantes, les feux de signalisation au loin et les devantures néon encore allumées - puis elle se lança.
— Comment t'en es arrivé à devoir tenir ce rôle ? À protéger Rin' comme si c'était vous deux contre le monde ?
— Je suis juste né avant. Je blague, renchérit-il en la voyant soupirer. Je sais pas trop, en fait... On a toujours été livrés à nous-mêmes et je suis l'aîné alors j'allais pas le laisser se démerder.
Un faible sourire ironique passa sur le visage d'Asuga. Ces mots étaient si évidents pour lui qu'elle se demanda un instant ce qu'un aîné pouvait bien ressentir et si Tadashi avait un jour été lui aussi concerné par ce sens de responsabilité envers elle, ou bien s'il l'avait bel et bien toujours détestée au point de vouloir sa mort.
— Mais je crois que je me rappelle le moment où j'ai eu le déclic, reprit Ran tout en réfléchissant. Quand on était gamins, ils ont tout essayé pour nous mettre sur le droit chemin mais il fallait toujours qu'on foute la merde partout. Je me souviens qu'ils ont essayé de nous séparer pour nous mettre dans des foyers différents, comme une solution de dernier recours. Là, je l'ai vu et il était complètement paniqué... C'est rare qu'il ait vraiment l'air de demander mon aide, tu vois ce que je veux dire ? Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai compris que c'était vraiment mon rôle de veiller sur Rin', au moins jusqu'à ce qu'il puisse le faire lui-même. Lui dis pas que j'ai raconté ça, hein.
— C'est plutôt drôle de l'imaginer paniquer mais je vais m'abstenir, t'en fais pas, plaisanta Asuga. Il a de la chance de t'avoir.
Le scepticisme que ce dernier commentaire fit naître sur ses traits la surprit.
— Tu en doutes ?
— Forcément, c'est mieux que s'il était seul, répondit Ran. Mais si j'étais vraiment un grand frère modèle, on n'aurait pas fini dans ce milieu. Pas vrai ? Non pas que je ressente des regrets, chacun ses manières de survivre, mais tu m'as compris.
La jeune femme retrouva son sérieux dès qu'elle constata qu'il attendait vraiment une réponse. Ce simple doute lui rappela qu'il n'était pas seulement un frère aîné, que lui aussi avait été livré à lui-même et n'avait eu personne au-dessus de lui pour le guider. Asuga savait déjà qu'il ne ressentait pas de remords pour l'homicide qui lui avait valu un séjour derrière les barreaux, mais elle comprit la culpabilité qu'il ressentait à l'idée de ne pas avoir offert une meilleure vie à son frère. C'était idiot, pourtant ; ils n'avaient qu'un an d'écart et dans un monde juste et équitable, jamais il n'aurait eu à prendre toutes ces responsabilité sur le dos à un si jeune âge.
Sans réfléchir, elle récupéra la main de Ran et entremêla ses doigts aux siens sous ses yeux attentifs.
— Avec le type de vie qu'on mène, on peut pas tellement se blâmer de mal tourner. Tu fais avec les moyens du bord pour gérer des responsabilités qui devraient pas être les tiennes, c'est déjà bien.
Asuga fronça les sourcils à ses propres mots. Une fratrie livrée à elle-même, un aîné aux épaules lourdes d'un fardeau qu'il n'était pas censé porter... Le schéma était si familier et pourtant si différent de celui qu'elle avait connu avec Tadashi. S'était-il un jour lui aussi blâmé pour la vie qu'il lui avait offerte ? Avait-il eu besoin de l'exprimer sans jamais trouver quelqu'un pour l'écouter ? Non, ses derniers mots avaient été clairs : la personne qu'il avait un jour blâmée pour tout ce fiasco, c'était elle. Il l'avait toujours détestée, depuis le berceau et jusqu'au port de Tokyo où il l'avait presque tuée ce soir-là. À ses yeux, elle avait causé l'abandon de leurs parents, puis elle avait mérité tout ce qui en avait découlé.
Pourtant... Il l'avait bien emmenée avec lui lorsqu'il avait quitté leur famille d'accueil, alors qu'il avait enfin la possibilité de l'abandonner à son tour. Et là aussi ses derniers mots avaient été clairs. Cette famille était plus louche qu'elle ne voulait l'admettre, plus mauvaise que ce que sa mémoire voulait lui faire croire.
Capable de voir le changement d'attitude de sa moitié, Ran serra sa main dans la sienne, juste une fois et avec juste assez de force pour l'extirper de ses pensées. Elle avait beau prétendre ne pas vouloir parler de Daiki, il savait quelles interrogations l'empêchaient vraiment de s'ouvrir à ce sujet et n'hésita pas à retenter sa chance. S'il existait bien quelqu'un capable de la faire parler, c'était lui.
— Tadashi était complètement fêlé et tu trouveras personne qui se réjouit plus que moi de savoir qu'il est mort, commença-t-il. Mais j'arrive pas à concevoir qu'un frère aîné puisse vraiment ne jamais ressentir le besoin de tenir son rôle, alors ça me surprendrait pas d'apprendre qu'il a déjà essayé de te protéger, même dans ton dos.
— Je sais pas si c'était vraiment pour me protéger, mais je sais qu'il a tué Daiki à cause de moi, avoua Asuga. Peut-être que c'était juste parce qu'il était proche de moi et qu'il a cru pouvoir me faire du mal comme ça, ou...
— Si c'était ça, il s'en serait pris à Mei. C'était elle ton amie, pas l'adulte qui te manipulait et t'encourageait à te droguer avec lui.
L'amertume que renfermaient ces mots n'échappa pas à la jeune femme qui choisit de n'en faire aucune remarque. Elle n'était pas idiote, prendre conscience du comportement de Daiki n'avait pas été difficile, au fil des années passées à grandir pour finalement arriver à l'âge auquel il avait fait le choix de profiter d'elle. Pourtant, elle ne l'avait jamais dit, jamais exprimé de cette façon. Mei était persuadée de l'innocence de son frère, elle l'idéalisait même dans la mort et si une partie d'elle ressentait un quelconque doute quant aux raisons qui auraient pu pousser Tadashi à l'abattre, elle n'en avait jamais fait part à Asuga. Mei la haïssait, elle le savait, mais elle comprenait aussi ce déni et cette incapacité à envisager un seul instant qu'elle s'était trompée d'antagoniste. Même après tous les différends qui les opposaient, elle ne s'imaginait pas briser ses désillusions en révélant quel genre d'homme Daiki avait vraiment été.
— Peu importe, soupira-t-elle avant de secouer la tête. Je veux plus parler de Mei, je la vois déjà assez tous les jours.
— D'accord, acquiesça Ran. Tu veux rentrer chez toi, du coup ?
Asuga hésita un moment, partiellement à cause de l'accoutrement dans lequel elle était sortie sans trop réfléchir. Elle n'avait aucune envie de retourner se battre contre le sommeil toute seule, mais s'aventurer dans la capitale nippone de nuit vêtue ainsi ne figurait pas non plus bien haut dans la liste de ses objectifs de vie. D'un autre côté, il se passait des choses bien plus étranges dans cette grande ville qu'une jeune femme en pantoufles dans la rue.
— Tu as quelque chose de prévu ? contra-t-elle l'air de rien.
— Ça dépend, t'as des plans qui me regardent ?
— L'hôtel de la dernière fois... On pourrait y retourner ? J'aime bien que personne ne sache où on est, c'est rare.
— Tu me coutes cher, décidément, plaisanta-t-il alors qu'il tournait déjà la clé dans le contact pour démarrer.
— J'ai de l'argent aussi.
— Dis pas de bêtises. Je vais pas demander à la leader du Shirohebi et reine de Roppongi de payer quoique ce soit.
Elle chassa son ironie d'une claque sur l'épaule mais il l'entendit distinctement rire tandis qu'elle extirpait son téléphone de sa poche. Il n'eut pas besoin de regarder l'écran pour savoir à qui elle adressait des messages en tapant si joyeusement sur son clavier bruyant.
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" Noaaa "
" Suis sortie, je reviens demain matin "
" T'inquiète pas <3 "
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Tout juste quelques secondes plus tard, une réponse arriva. Asuga fit les gros yeux, pourtant certaine d'avoir bien vu son amie dormir paisiblement sur le canapé avant de passer la porte, puis fit de plus gros yeux encore devant les messages affichés sur son minuscule écran.
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" Je sais "
" Bonne nuit ;) "
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" C'est quoi ce clin d'œil "
" Va dormir, sale gosse !!! "
" Je vais épuiser tout mon forfait à cause de toi "
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" Je pique ton lit pour la peine "
" <3 "
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Ces deux derniers messages firent sourire Asuga juste avant qu'elle ne range son téléphone, ravie de pouvoir l'oublier un moment. Si Noa dormait paisiblement dans son lit et que Ran se trouvait juste à côté d'elle, tout allait bien.
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| 27 janvier 2006
☆
Une adolescente de seize ans aurait dû être plus simple à pister que cela - d'autant plus une adolescente aussi grande. Mais une cible qui n'allait ni à l'école, ni chez elle et n'avait aucune routine fixe rendait les choses un peu plus compliquées. Cela n'empêcha pas Asuga de la repérer au bout d'un certain temps et de la suivre à distance, dans l'attente du bon moment. Il fallait aussi qu'elle s'assure que personne d'autre ne rôdait autour d'elle - cette mission était déjà assez dure comme ça.
Aux abords d'une supérette, elle la perdit à nouveau de vue. La tête couverte d'une capuche et les mains enfoncées dans les poches d'une veste qui n'était pas la sienne, Asuga laissa un juron lui échapper. Combien de temps allait-elle devoir traîner dans ce quartier qui ne lui appartenait pas ? Le Shirohebi avait déjà assez de problèmes comme ça et l'objectif du jour n'était pas de se mettre le Toman à dos. Prête à faire demi-tour dans un soupir las, Asuga réprima de justesse une plainte surprise lorsqu'on la tira en arrière par les épaules jusqu'à la plaquer contre le mur le plus proche.
La responsable de ce geste planta un regard orageux dans le sien, une main parée de cinq bagues serrée sur son col, et Asuga ne put s'empêcher de sourire. Bingo.
— Tu croyais pouvoir me suivre pendant combien de temps sans que je le remarque ? cracha Daitan.
— Au contraire, plaisanta Asuga, je suis contente que tu aies remarqué. Ça m'évite de faire le premier pas et de chercher le bon moyen de commencer la conversation.
— Et pourquoi je voudrais discuter avec toi ?
— Du calme, petit courant d'air - ou peu importe comment ils t'appellent. C'était soit moi, soit l'un des fous du Tenjiku. Crois-moi quand je dis que tu ne veux pas les croiser.
— Arrête de monologuer et crache le morceau, pressa Daitan. Me fais pas croire que tu veux juste discuter alors que tu me suis depuis dix minutes. Et puis depuis quand une leader s'occupe de ce genre de boulot ?
— J'aurais bien envoyé ma numéro deux mais je doute qu'elle veuille te voir, honnêtement.
La confusion passa dans les yeux gris de l'adolescente. Dans un moment d'inattention, elle desserra sa prise sur Asuga qui, contre toute attente, ne fit rien pour l'attaquer malgré l'opportunité. Noa, bras droit d'une leader comme Asuga au commandement du Shirohebi... Elle non plus ne l'aurait pas cru si on le lui avait prédit lorsqu'elle l'avait rencontrée pour la première fois. Daitan en fut assez déroutée pour oublier sa méfiance un instant et écouter malgré elle ce que son interlocutrice avait à dire.
— Je suis là pour parler de Kisaki, révéla-t-elle. Il prépare des trucs mauvais et j'ai l'impression qu'il pourrait bien aller très loin dans ces plans cette fois-ci. Et puisque c'est après ton copain qu'il en a, je préfère te dire de te méfier. Il est sûrement prêt à s'en prendre à toi personnellement pour lui faire du mal.
Toujours plus de confusion - et celle-ci amusa grandement Asuga. Peu de gens devaient s'imaginer qu'une simple adolescente très amoureuse se cachait derrière le surnom de la Tornade du Toman, et pourtant, c'était exactement ce qu'elle était.
— T'as pourtant bien vu Toshiko le soir du nouvel an, lui fit remarquer la leader. Ça t'a pas empêchée d'embrasser ton copain aux douze coups de minuit. Tu peux pas lui reprocher de m'avoir rapporté cette information plutôt adorable et très intéressante.
— D'accord, peu importe. C'est bien beau tout ça mais t'es censée être avec Kisaki, contra Daitan. Quel intérêt tu as à me prévenir ?
— J'étais censée être de son côté, ouais, et c'était censé m'aider, pas me nuire. C'était avant de récupérer Noa, tout ça. Crois-le ou non, je souhaite même plus de mal au Toman, peu importe à quel point vous devenez forts.
Ce discours était de bonne augure pour Daitan ; une confirmation qu'elle était sur la bonne voie. Il fallait qu'Asuga soit proche de Noa, qu'elles œuvrent dans le même but mais sans qu'elle ne s'en mêle de trop près. Et surtout, le Shirohebi ne devait pas être un ennemi pour le Toman. C'était comme Takemichi l'avait dit, elles ne créeraient un futur viable que de cette manière.
— Je te mets en garde parce que je sais ce que c'est d'être une fille dans ce milieu, reprit Asuga. Et parce que je sais que tu mens quand tu dis que tu ne te soucies plus de Noa, comme elle ment en prétendant que ça ne lui fait plus rien. Je sais pas pourquoi tu l'as rejetée mais je sais que c'était un mensonge.
— Tu sais rien de moi, rétorqua Daitan.
— Tu crois que je vois pas ton collier ?
Les mots restèrent un instant bloqués dans la gorge de l'adolescente. Sans avoir besoin de baisser les yeux vers l'objet en question, elle porta une main jusqu'à la bague de Noa qui pendait à son cou et la rentra dans son col, là où elle aurait dû se trouver. Asuga esquissa un sourire un brin trop sincère pour une personne censée être sa rivale, mais Daitan fit le choix de l'ignorer pour se reconcentrer sur l'essentiel. Noa était la responsabilité d'Asuga désormais - elle, elle n'avait qu'à se soucier du Toman.
— T'as parlé du Tenjiku, rappela-t-elle pour changer de sujet. C'est qui ?
— Un gang de fous si tu veux mon avis. C'est ceux de la génération S62 qui le dirigent et je crois que Kisaki a réussi à les relier à sa cause d'une manière ou d'une autre. Ils veulent dominer la capitale et ils en ont après le Toman, c'est tout ce que je peux te dire.
— La génération S62 ? Je suis censée te prendre au sérieux alors que tu te tapes l'un de ces fous dont tu parles ?
— C'est peut-être un peu tôt pour parler de ma vie privée, quand même, s'indigna Asuga. Pour ma défense, il est moins fou que le reste, d'accord ?
— Juste un meurtrier banal.
— On a tous nos tares.
— Et on paye tous un jour, fit Daitan. Moins fou que les autres ou pas, il aura le même traitement que le reste s'il vient toucher au Toman. Et pourquoi tu viens me dire tout ça, puisque t'es de toute évidence liée au Tenjiku ?
— J'aime pas cette organisation, confia la jeune leader. J'ai un plan pour le Shirohebi s'ils arrivent à vous dégommer et s'emparer de la capitale mais ça m'arrangerait plus de vous voir gagner. Considère que le Shirohebi n'est pas une menace, s'il-te-plait. Et dis-le aux grosses têtes du Toman.
Fatiguée par ce trop plein d'informations, Daitan relâcha enfin son interlocutrice et la jaugea d'un air perplexe. C'était comme Takemichi l'avait décrit, une collaboration distante se créait entre elles autour du bien être de Noa. Cette collaboration devait être la clé, c'était ce qu'ils en avaient conclu. Si elle n'était plus associée à Kisaki, tout se passerait bien. Pourtant, un mauvais pressentiment la gagna peu à peu et elle ressentit le soudain besoin de parler à Takemichi, de s'assurer qu'il était bien le lui du passé, que son lui futur n'était pas revenu pour lui annoncer une nouvelle tragédie.
Daitan conclut la conversation d'un remerciement très sobre, la tête pleine de questions. Si le Shirohebi était relié au Tenjiku et que Noa en était la numéro deux... Côtoyait-elle vraiment tous ces malades ? La délinquante chassa cette interrogation de ses pensées avant de trop s'y attarder. Ce n'étaient pas ses affaires. Si elle avait été nommée numéro deux, elle devait être compétente - peu importe à quel point cela pouvait lui paraître invraisemblable. Noa allait bien, c'était tout ce qui devait compter.
Lorsqu'elle fut à nouveau seule près de la supérette, son téléphone émit une brève sonnerie dans sa poche. Le nom de Mikey affiché sur le petit écran rayé suffit à égayer un peu son moral, bien qu'elle reconnut Draken à travers les mots qu'elle lut dans la conversation. Cet idiot était trop flemmard même pour lui écrire.
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" Pas à la maison avant vingt heures. "
" Papi t'ouvrira. "
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Comme il s'agissait de leur ami derrière l'écran, Daitan lui répondit sur le même ton.
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" Ça marche, merci. "
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La soirée ne lui donnerait pas tant envie de sourire puisqu'elle devrait y aborder le sujet de ce qu'il venait de se passer mais pour le moment, alors que le Tenjiku commençait à s'activer sur le territoire du Toman sans qu'elle n'en sache rien, Daitan s'octroya le droit de repartir paisiblement acheter les pâtisseries préférées de Mikey sans ne plus penser ni à Noa, ni à Asuga.
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。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
j'ai que 5 mois et 10 jours de retard franchement ça passe
force à ran et asuga qui sont restés fâchés tout ce temps juste parce que je procrastinais d'écrire leur réconciliation 😭
et sinon c'est quand même historique ce qu'il se passe, daitan et asuga intéragissent rendez vous compte !!!
voilà voilà..
à bientôt pour la suite (hopefully)
bisous 😃
- dae
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