chapitre 2
⠀| 29 juin 2005
☆
- Asuga Yano, hein ?
La concernée ouvrit les yeux au moment où son nom s'échappa de cette bouche inconnue. Une douleur lancinante prit aussitôt le côté gauche de son visage, là où Tadashi y était allé le plus fort. Sa vue était assez trouble pour qu'elle imagine les dégâts sans avoir besoin d'un miroir, et le col de son haut était rêche contre sa peau en raison de la quantité de sang qui y avait séché. Tout en grimaçant, Asuga se redressa alors et tenta d'identifier l'endroit où elle se trouvait, en vain. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'on lui avait enlevé sa veste, qu'on l'avait installée sur un canapé lui-même situé dans un appartement qu'elle ne connaissait pas, et que deux inconnus se trouvaient dans la pièce.
- Euh... Ouais, confirma-t-elle avec confusion. Et...
De justesse, Asuga se retint de les questionner quant à leur identité. Elle ferma les yeux une seconde et se traita mentalement d'idiote pour la fatigue qui la rendait lente d'esprit. À l'autre bout de la pièce, le plus grand des deux délinquants eut l'air satisfait d'apprendre que leur réputation les précédait tant qu'elle était capable de les reconnaître sans jamais les avoir rencontrés. Jusque-là adossé au mur, il s'approcha jusqu'à prendre place dans le fauteuil posté face à la jeune femme, sans oublier de poser le bâton de ferraille qui lui servait d'arme à côté de lui, comme s'il s'agissait d'un simple objet de décoration mais surtout - elle en était certaine - pour lui faire comprendre que le calme dont il faisait preuve ne voulait pas dire qu'il était là en ami. Asuga l'observa attentivement retirer ses gants blancs pour tendre la main vers elle de manière plus arrogante que polie. Une main si lisse et aux doigts si longs qu'elle se fit bêtement la réflexion qu'il aurait mieux fait de jouer du piano plutôt que de tabasser des ados sur son temps libre.
- Ran Haitani, se présenta-t-il comme si elle ne l'avait pas déjà deviné. Et lui, c'est Rindo.
Alors que les yeux couleur lilas de Ran suivaient chacun de ses mouvements, Asuga jeta un coup d'œil au plus jeune. Installé sur une chaise qu'il avait retournée pour poser ses coudes sur le dossier, Rindo se contenta d'ajuster ses lunettes sur son nez avant de lui adresser un geste de la main et un sourire espiègle. Rien qu'en se trouvant dans la même pièce qu'eux pendant quelques maigres minutes, Asuga comprenait pourquoi ces deux-là n'avaient jamais eu besoin d'un gang assigné pour régner sur Roppongi. Aucun des jeunes qu'elle avait croisés avant de perdre connaissance ne leur arrivait à la cheville, et elle n'avait pas besoin de les voir se battre pour le savoir. Ils avaient beau partager une attitude des plus nonchalantes, l'aura menaçante qui émanait d'eux n'en était pas moins imposante.
Et si cette découverte la fit sourire, ce fut le geste qu'eut ensuite Ran qui la surprit vraiment. Alors qu'elle s'apprêtait à relâcher sa main après la lui avoir serrée, la prise qu'il avait sur la sienne se fit plus ferme et elle vit à son regard naturellement intimidant qu'il n'était pas non plus aussi dupe que tous ces autres voyous. Eux s'étaient peut-être laissés convaincre par quelques larmes versées par une jolie fille, mais ce ne serait pas si facile avec ces deux-là, dont le niveau d'empathie semblait frôler le néant. Même se tenir si près d'un visage aussi abîmé que celui d'Asuga n'était pas assez pour lui arracher une quelconque réaction.
- Tu t'es juste présentée comme la sœur du leader, mais tu occupes quelle place dans le Shirohebi pour avoir eu le droit à un si joli tatouage ? questionna le jeune homme en faisant mine d'admirer le serpent blanc incrusté dans la peau de son poignet, tant penché vers ce dernier que l'une de ses tresses bicolores vint l'effleurer.
- Tous les membres l'ont. Je suis pas au-dessus de qui que ce soit, et on m'a pas vraiment demandé mon avis avant de me mettre là-dedans.
Ran acquiesça d'un air faussement pensif, comme pour la convaincre qu'il réfléchissait à ses mots alors qu'il n'en avait rien à faire. Ce n'était pas avec des paroles simples à apprendre et réciter qu'Asuga allait les avoir, elle le savait.
Quand il la lâcha enfin, ce fut au tour de son cadet de poser les questions, désignant ses blessures d'un geste ennuyé de la main.
- Pourquoi est-ce qu'il t'a tabassée ?
- Parce que j'ai exprimé un avis contraire à ses décisions, répondit Asuga en un vague haussement d'épaules. Et Tadashi est pas du genre à faire les choses qu'à moitié.
- Ton frangin est un enfoiré, acquiesça Rindo. On va bien s'entendre.
- Je vais faire comme si j'avais rien entendu pour cette fois, reprit Ran sans prendre la peine de se retourner vers le concerné. Pourquoi tu serais contre les décisions de ton frère au point de venir jusqu'ici pour nous prévenir ?
- Je refuse qu'il ait plus de pouvoir que ce qu'il a déjà.
Pour la première fois, la sincérité de la jeune femme fut visible dans son regard azuré. Malgré le nombre évident de mensonges qu'elle pouvait débiter à la minute, cette réponse-ci ne pouvait qu'être la vérité. Perplexe, Ran se redressa donc et se remit à sourire en constatant qu'elle n'avait aucunement l'intention de le quitter des yeux. Elle était consciente que sa survie ne dépendait plus que de ses décisions à lui, et de sa capacité à le convaincre qu'elle était du côté de Roppongi. Prendre conscience du pouvoir qu'il possédait l'amusa, alors il décida de jouer un moment avec la patience de son invitée en gardant le silence, la tête penchée sur le côté comme pour peser le pour et le contre.
Contre toute attente, Asuga ne montra aucun signe de nervosité - parce qu'elle n'en ressentait pas. Il était clair que la décision de Ran était déjà prise et, après tout juste quelques minutes passées en sa compagnie, elle pouvait déjà affirmer avec certitude qu'il était seulement trop arrogant pour son propre bien, pas déraisonnable au point de refuser une informatrice potentielle.
- Alors, tu comptes me dire ce que je vais devoir faire pour vous prouver ma bonne volonté ? questionna-t-elle avec un calme qui plut à son interlocuteur.
- Tu le sauras bientôt, répondit-il en se relevant. C'est bon, donne-lui, Rindo.
Toujours aussi blasé, l'intéressé quitta sa chaise pour aller déposer devant Asuga ce qu'elle identifia comme étant une trousse de premiers soins. Les sourcils de la jeune femme se froncèrent, mais aucun des deux frères ne lui laissa le temps de reprendre la parole.
- De rien, ironisa le plus jeune.
- T'as l'air d'être plutôt mignonne derrière tout ce sang, je serais curieux de voir à quoi tu ressembles vraiment. La salle de bain est au fond du couloir. Tu devrais te dépêcher avant que je change d'avis, signala Ran tout en s'éloignant en direction de la cuisine ouverte.
Bien que très confuse, Asuga ne se fit pas prier et s'empara de la petite trousse avant de se déplacer tant bien que mal jusqu'à la salle de bain. Fermer le verrou derrière elle fut l'une de ses priorités. Aucun d'eux ne l'avait véritablement menacée, mais elle savait ce qu'ils étaient capables de faire et la naïveté n'avait jamais été l'un de ses traits de personnalité. Si un mot caractérisait bien Asuga, c'était survivante. Et elle comptait bien continuer à survivre, peu importe le nombre de rôles qu'elle devrait jouer ou de mensonges qu'elle aurait à inventer. Cette partie de sa vie l'amusait d'ailleurs plus qu'autre chose ; berner ceux qui ne pensaient qu'à travers leur force brute, observer et apprendre de leurs vaines tentatives de monter et de rester au pouvoir pour mieux briller lorsque son propre jour de gloire arriverait.
Parce qu'elle finirait par briller à son tour, et que ce jour-là, Asuga Yano impressionnerait même les plus grands et les plus forts.
- Plutôt mignonne, répéta-t-elle face à son propre reflet avant de pouffer de rire sans pouvoir s'en empêcher. C'est insultant.
Elle secoua la tête tandis que ses mains s'affairaient à ouvrir la trousse pour en extirper de quoi panser ses blessures. L'alcool brûla son menton fendu, mais moins que l'aiguille qu'elle dut y passer après avoir tout de même avalé quelques antalgiques au hasard. Petit à petit, l'image d'elle-même qui s'affichait dans le miroir face à elle se modifia jusqu'à lui ressembler un peu plus. Elle balaya le sang de sa peau, désinfecta les petites plaies qui ne mettraient pas bien longtemps à se refermer, puis retira son haut afin de badigeonner ses bleus déjà formés d'une pommade à cet effet. Celui qui entourait son œil ne l'embêtait pas tant que ça puisqu'elle était presque sûre d'avoir plus longtemps connu son visage ainsi plutôt qu'intact.
Tout en terminant d'inspecter les séquelles physiques qu'elle gardait de sa dernière rencontre avec son frère, Asuga détailla rapidement la pièce dans laquelle elle se trouvait. Des bouteilles de shampoing pour cheveux colorés se trouvaient dans la large cabine de douche, quelques briquets et pièces de monnaie avaient été abandonnés sur une étagère au-dessus du lavabo. Le flacon de parfum qu'elle découvrit sur le bord de ce dernier acheva de lui confirmer qu'elle se trouvait bien chez eux et non pas dans une quelconque planque ; elle était certaine d'avoir senti la même odeur émaner de Ran lorsqu'il l'avait tirée en avant pour observer son tatouage.
Quoiqu'il en soit, Asuga n'eut qu'à faire un pas dans le salon pour prouver que « plutôt mignonne » n'étaient pas des mots avec lesquels il était légitime de la décrire. Mignonne était un adjectif de collégienne, adapté à une fille délicate et discrète. Asuga n'était rien de tout ça, bien qu'il faudrait encore bien des mois avant que le monde s'en rende véritablement compte. Le visage plus propre et le haut du corps seulement couvert par une brassière de sport, elle afficha un sourire bien trop poli pour la démarche confiante avec laquelle elle se déplaçait.
- Vous auriez pas une clope à me passer, par hasard ? J'en aurais bien besoin.
Sceptique quant à cette jeune femme dont il comprenait de moins en moins le comportement, Ran lui en jeta un paquet entier qu'elle rattrapa habilement. C'était étrange de la voir si détendue en présence de deux délinquants qu'elle savait être dangereux et couverte de marques toutes plus violentes les unes que les autres. Aussi malsain cela puisse-t-il sonner, on aurait pu croire qu'elle était née abîmée et que son corps n'avait toujours connu que les bleus et les plaies. Ses épaules, larges et bien droites, laissaient imaginer le poids de cette force évidente qu'elles soutenaient. Asuga avait peut-être prétendu ne pas valoir plus qu'un quelconque membre du Shirohebi, mais tout chez elle criait le contraire. De son charisme naturel à sa carrure en passant par sa taille - qu'elle exagérait en portant d'énormes bottes surélevées - il n'était pas difficile de se rendre compte qu'Asuga Yano était quelqu'un ou qu'elle le deviendrait vite.
- Elle est où est ma veste, d'ailleurs ? demanda-t-elle une fois sa cigarette allumée.
- Dans l'entrée. Il fallait bien qu'on vérifie que t'étais pas armée et juste là pour essayer de nous attaquer, sourit Ran. Ça me ferait chier de perdre mon frère si bêtement.
- Huh ? Pourquoi moi ? Elle aurait probablement réussi à te tuer, toi.
- Il a pas tort. Si ça avait été mon objectif, c'est pas le petit que j'aurais visé.
- Le quoi ?
- Alors tu serais vite repartie d'où tu viens, affirma l'aîné de la fratrie sans se départir de son arrogance.
Amusée, Asuga prit le temps de recracher la fumée ayant envahi ses poumons et lui rendit son sourire. De l'autre côté du comptoir de la cuisine ouverte, Rindo - toujours très vexé - dévisagea son frère et la nouvelle venue avec dédain. Ces idiots se toisaient l'un et l'autre comme un fou de casse-tête trouvant sa nouvelle énigme favorite aurait toisé sa découverte.
- Heureusement que je suis pas là pour ça, alors.
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。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
j'ai écrit ça y'a un an et je sue toujours autant bordel que je les aime
thats it thats the nda
- daeremagon
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